Le Russia-Gate est en train d’imploser

février 2nd, 2018 by Justin Raimondo

La fin du jeu approche : l’arnaque du Russia-Gate est sur le point d’être mise à nu, enfin. Même si le mémorandum dont on parle tant – et les informations sous-jacentes – compilé par les dirigeants de la Commission du renseignement de la Chambre des communes, sous la présidence de Devin Nunes (R-CA), n’a pas encore été publié, les députés qui l’ont lu en ont suffisamment parlé pour nous donner les éléments de base de ce qu’il contient. Préparez-vous donc à être choqués par ce que je considère comme l’aspect le plus scandaleux de cette affaire.

Tout d’abord, il est clair que le « dossier » payé par les néoconservateurs, par l’intermédiaire du Free Beacon, puis repris par Hillary Clinton, a été soumis par le FBI au tribunal de la FISA comme base factuelle pour permettre une surveillance secrète du bureau de campagne de Trump, peut-être même Donald Trump lui-même. Le juge de la FISA n’aurait pas été informé de qui avait payé le dossier.

Dans une interview avec le Daily Caller, Joseph DiGenova, un ancien policier chevronné des forces de l’ordre, cite comme preuve d’un coup monté les détails d’une opinion du tribunal de la FISA (27 avril 2017) qui accusait l’administration Obama de mentir à la Cour et d’utiliser illégalement du matériel obtenu par ses campagnes d’espionnage. La cour a déclaré que les actions du gouvernement étaient « abusives » parce que le matériel volé avait été remis à des « entreprises ».  Elle ne dit pas qui sont ces entreprises. À mon avis, comme celui de DiGenova, c’est Fusion GPS, la firme engagée pour salir Trump, et CrowdStrike, la firme de cybersécurité responsable du système de courriel de la DNC, que le FBI n’a jamais été autorisé à examiner.

Les comploteurs anti Trump ont construit une fiction très élaborée pour être soumise au tribunal de la FISA, l’ont présentée à celui-ci comme étant factuelle et l’ont utilisée comme base pour obtenir un mandat pour que l’administration Obama, en réalité pour le compte du bureau de campagne de Clinton, non seulement espionne le bureau de campagne Trump mais cherche aussi activement à le perturber.

Deuxièmement, et c’est pour cela, je pense, que le mémo et les renseignements sous-jacents sont si hautement classifiés, le facteur FBI / CIA dans cette opération n’est qu’une partie de l’ensemble. L’implication de « l’ancien » agent du MI6, Christopher Steele, plaide en faveur d’une implication britannique. Et bien sûr, ce n’est peut-être qu’une simple coïncidence si le chef du GCHQ, l’équipe d’espionnage britannique, a démissionné peu après que l’affaire Steele a été révélée. Il me semble pourtant que cela n’en soit pas une.

Et il n’y a pas que les Britanniques qui mènent leur propre guerre froide contre la Russie, déjà depuis bien avant que le Russia-Gate n’apparaisse dans ce pays. Un certain nombre d’autres services de renseignement étrangers auraient joué un rôle dans tout cela, y compris les Ukrainiens et les Estoniens, dont la haine virulente à l’égard de la Russie et la crainte des intentions pacifiques de Trump envers Moscou les motivaient suffisamment.

C’est la raison du différend entre les républicains au sujet de la publication du mémo : les « internationalistes » (qui ne sont pas particulièrement amicaux envers Trump) craignent que les relations avec nos « alliés » en prennent un coup. Ceux qui veulent le publier réalisent qu’avec des « alliés » comme cela, nous n’avons plus besoin d’ennemis.

Nunes, le député Trey Gowdy et Bob Goodlatte, président du Comité judiciaire, essaient maintenant de trouver comment lancer une « procédure jamais utilisée auparavant » pour libérer les preuves les plus juteuses, ainsi que les informations sous-jacentes qui épinglent ces criminels pour avoir abusé du système FISA, espionné des Américains, détourné le processus électoral et, oui, s’être allié avec des puissances étrangères pour renverser et détruire la présidence Trump. [Un cas typique de haute trahison, NdT].

Si notre système fonctionne encore comme il se doit, beaucoup de ces gens iront en prison. Ce sont de crimes dont nous parlons. La Loi sur la surveillance du renseignement étranger, récemment renouvelée et dotée de pouvoirs encore plus étendus pour nous espionner, érige en crime le fait de présenter de fausses preuves au tribunal de la FISA : en vertu de l’article 1809, la FISA érige en crime le fait pour quiconque de s’engager dans une surveillance électronique sous le signe de la « légalité » en présentant de fausses preuves. Pénalité : cinq ans d’emprisonnement et / ou une amende de 10 000 dollars.

Maintenant, les comploteurs essayent de détruire les preuves aussi vite que possible : le FBI vient d’informer le Congrès que les textos envoyés par les enquêteurs de Robert Mueller, Peter Strzok et Lisa Page, son amie avocat au FBI, remplis de discours anti-Trump et détaillant peut-être la fameuse « police d’assurance » dont Strzok parlait pour empêcher Trump d’entrer en fonction ou de fonctionner en tant que président, ont été détruits « par erreur ».

Mon sujet habituel est la manière dont les agences gouvernementales américaines cherchent à dominer, contraindre ou sinon changer illégalement des gouvernements étrangers par la force. Aujourd’hui, cependant, en période de décadence de l’Empire américain, je suis en train d’écrire au sujet d’une opération de changement de régime qui dépasse toutes les opérations de changement de régime,  celle menée par des hauts fonctionnaires du gouvernement américain contre leur propre pays.

Mais qui ? Comment ? Pourquoi ?

Le « comment » est en train d’émerger, et je suis convaincu que des gens comme James Comey, Andrew McCabe et John Brennan font partie de l’histoire. L’autre partie concerne des ressortissants étrangers qui, je crois, sont profondément impliqués dans la genèse et la mise en œuvre de cette opération de démolition. Les discours de Trump sur une sortie de l’OTAN, une réduction des interventions militaires américaines à l’étranger, ainsi que son opposition à une nouvelle guerre froide avec la Russie, cette dernière en particulier provoquant la colère des Britanniques et des Européens de l’Est, menaçaient leur précieux « ordre international », sans parler de l’agenda politique de la clique de Davos.

Les Américains vont être choqués par la nature et l’ampleur de l’ingérence du FBI / CIA dans notre politique intérieure, mais ils seront également surpris de la façon dont nos espions dominent (pas influencer, dominer) ce qui passe pour du journalisme aujourd’hui. Ma main à couper qu’il n’y a pas un seul média « grand public » qui ne leur est pas redevable. La raison pour laquelle je dis cela avec tant de force, c’est que « l’opération Descendre Trump » n’aurait pas pu avoir lieu sans le genre de totale partisanerie dont nous sommes témoins depuis l’arrivée de Trump au pouvoir. Nous avons déjà vu ce genre de choses auparavant, mais pas dans ce pays. Nous l’avons vu en Ukraine, où la CIA et ses alliés pro-européens ont renversé un président élu, Ianoukovitch. Nous l’avons vu au Chili, quand ils ont renversé Salvador Allende, nous l’avons vu au Guatemala quand ils se sont débarrassés du président Jacobo Arbenz – bon sang, je pourrais passer le reste de la semaine à simplement énumérer leurs crimes.

Il était inévitable qu’ils essayent de faire la même chose en Amérique. Quelle ironie du sort ! Nous avons considéré nos alliés comme s’ils étaient nos satellites, mais qui tourne autour de qui ? La simple menace que les largesses américaines puissent être retirées, que nos « alliés » doivent commencer à payer leurs propres frais, et que nous voulions déchirer les nombreux liens qui pourraient nous plonger dans une guerre sur la moitié du globe, sans raison valable ; c’est ce qui a mobilisé le Parti de la guerre pour déclarer la guerre contre… son propre pays. Nous sommes devenus prisonniers de notre propre empire.

Quand tout cela sera terminé – si jamais c’est le cas – le Congrès devra rassembler son courage et examiner exactement ce qui s’est passé ici. Nous avons besoin d’une nouvelle Commission Church pour contrôler le FBI et la CIA – et les 16 autres agences de renseignement dont nous aurions inexplicablement besoin.

Tout cela, bien sûr, après que les coupables aient été jetés en prison.

Et pour la dernière fois : il ne s’agit pas de Trump. Il s’agit de préserver la république des États-Unis contre les agences de renseignement voyous et le FBI – une force de police nationale dont nous n’avons pas besoin, que les Fondateurs n’ont jamais imaginé, et qui s’avère être un danger mortel pour le système américain.

Justin Raimondo

Article original en anglais : Russsia-Gate Implodes. The real “collusion” is the alliance of foreign actors and the Democrats. Anti War, le 22 janvier 2018.

Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone.

« En tant que citoyens de pays d’Afrique, nous refusons votre racisme.  Nous rejetons votre ignorance, votre volonté de diviser et le manque de respect que vous affichez à l’égard des peuples de notre continent.   Nous nous opposons à votre désir de diviser le monde entre ceux qui vous ressemblent et les autres. Nous vous rappelons que votre pays a été construit par des gens du monde entier qui ont fait des États-Unis ce qu’ils sont aujourd’hui.  Nous nous opposons à votre tentative de nous dresser les uns contre les autres. Nous rejetons votre colère. Nous sommes du côté de l’humanité, de l’espoir et de la bienveillance pour toutes et tous. »  Les citoyens des pays d’Afrique

Il y a quelques jours le monde a fait le point sur une année de convulsions mondiales de sueurs froides de peur du feu et de la furie comme promesse du président américain au président coréen Un journal américain a quantifié de tweet du président Trump, elle se monterait à plusieurs centaines une moyenne de deux à trois tweet/jour. Pourquoi cette propension à régenter le monde et donner son avis sur tout , Pourquoi prendre le risque de se marginaliser ? Apparemment cela n’inquiète pas le président Trump qui détricote minutieusement les rares accords et avancées sociales de son prédécesseur à l’image de l’obamacare. Cette tentation d’empire omnipotent omniscient plongeant ses racines dans l’american way of war. On dit que depuis que les Etats-Unis ont été fondés en 1776, ils ont été en guerre 214 ans sur les 235 ans de leur existence (NdT: texte de 2011, une mise à jour a été faire en fin d’article donnant le chiffre avancé). En d’autres termes, il n’y a que 21 années de calendrier durant lesquelles les Etats-Unis n’ont mené aucune guerre.

La contribution suivante parue sur le journal l’Expression fait un point pratiquement sur le parcours de Trump qui a pu en tout cas à l’extérieur – exception d’Israël- l’unanimité contre lui Nous lisons :

« Il est arrivé à la Maison-Blanche avec la promesse de «l’Amérique d’abord». Un an et plusieurs décisions spectaculaires plus tard, Donald Trump a confirmé sa volonté de tourner le dos au multilatéralisme sur la scène internationale. Au terme de la première année du mandat du président américain, son image dans le monde est plus mauvaise que ne l’a jamais été celle de ses deux prédécesseurs, Barack Obama et George W. Bush, selon un sondage Gallup publié jeudi. Seuls 30% des personnes interrogées dans 134 pays approuvent l’action du milliardaire républicain. Pour James Lindsay, du Council on Foreign Relations, certains des plus proches alliés de l’Amérique «craignent la fin de l’époque où les Etats-Unis exerçaient un leadership mondial».   «On a un problème avec les Européens, mais le reste du monde n’est pas bouleversé», relativise Jim Jeffrey,   «Trump n’a pas fait beaucoup de dégâts à l’ordre international jusqu’ici», assure-t-il, saluant sa stratégie sur la Corée du Nord, l’Iran et la Syrie » (1).

Les Etats-Unis ont annoncé en juin leur retrait de l’accord de Paris sur le climat, contraire selon Donald Trump aux intérêts économiques américains, même si concrètement cela ne sera possible qu’en fin de son mandat. Washington a aussi claqué la porte à d’autres accords ou organisations multilatéraux: traité de libre-échange Asie-Pacifique, Unesco, Pacte mondial sur la migration… Le président Trump menace aussi de se retirer de l’accord de 2015 Il vient de donner jusqu’au printemps aux Européens pour l’aider à combattre les «activités déstabilisatrices» de sa bête noire, Donald Trump a reconnu début décembre El Qods comme capitale d’Israël. Si Israël applaudit, les Palestiniens ne décolèrent pas Face aux ambitions nucléaires nord-coréennes, principal défi international aux yeux de Washington, la stratégie est tout autre: convaincre le monde de pousser Pyongyang au dialogue par des sanctions draconiennes ».  (1)

L’Etat profond

Un dénominateur commun à toutes les stratégies des présidents américains est que la stratégie d’empire déclinée de différentes façons n e souffre d’aucune remise en cause et à regarder de près ll y a l’écume des évènements que les présidents républicains ou démocrates gèrent mais s’agissant de la puissance américaine , elle est gérée ailleurs dans ce que d’aucun appellent l’Etat profond, le complexe militaro-industriel, Wall Street l’oligarchie financière internationale Pour Thierry Meyssa, la tentation d’empire est toujours aussi vivace et les Etats Unis feront tout pour maintenir le statut quo ante. Il écrit :

« (…) le président Bachar el-Assad est la seule personnalité à s’être adaptée à la nouvelle « grande stratégie états-unienne »  Depuis 70 ans, l’obsession des stratèges états-uniens n’aura pas été de défendre leur peuple, mais de maintenir leur supériorité militaire sur le reste du monde. Durant la décennie allant de la dissolution de l’URSS aux attentats du 11 septembre 2001,développait l’idée de terroriser les populations en leur assénant un formidable coup sur la tête (Shock and awe, le choc et la stupeur)  C’était idéalement l’usage de la bombe atomique contre les Japonais, dans la pratique, le bombardement de Bagdad par une pluie de missiles de croisière ». (2)

Meyssan s’en refère au gourou Leo Strauss qui a formaté l’imaginaire des va-t-en guerre des néo-conservateurs. Il poursuit :

« Les Straussiens (c’est-à-dire les disciples du philosophe Léo Strauss) rêvaient de mener et de gagner plusieurs guerres à la fois (Full-spectrum dominance, la domination tous azimuts). Ce furent donc les guerres d’Afghanistan et d’Irak, placées sous un commandement commun. Parlant de la tentation de l’hyper-puissance à tout prix dans le sillage du PNAC ( Project for New American Century) « Projet pour un Nouveau Siècle Américain, il écrit : « Ces idées et ces phantasmes ont d’abord conduit le président Bush et la Navy à organiser le plus vaste système d’enlèvement international et de torture, qui a fait 80 000 victimes. Puis, le président Obama à mettre sur pied un système d’assassinat, principalement par drones mais aussi par commandos, qui opère dans 80 pays et dispose d’un budget annuel de 14 milliards de dollars À partir du 11-Septembre, l’assistant de l’amiral Cebrowski, Thomas P. M. Barnett, a dispensé de nombreuses conférences au Pentagone et dans les académies militaires pour annoncer ce que serait la nouvelle carte du monde selon le Pentagone . « Barnett affirmait que pour maintenir leur hégémonie sur le monde, les États-Unis devaient « faire la part du feu », c’est-à-dire le diviser en deux. D’un côté, des États stables (les membres du G8 et leurs alliés), de l’autre le reste du monde considéré comme un simple réservoir de ressources naturelles. À la différence de ses prédécesseurs, il ne considérait plus l’accès à ces ressources comme vital pour Washington, mais prétendait qu’elles ne seraient accessibles aux États stables qu’en passant par les services des armées états-uniennes. Dès lors, il convenait de détruire systématiquement toutes les structures étatiques dans ce réservoir de ressources, de sorte que personne ne puisse un jour ni s’opposer à la volonté de Washington, ni traiter directement avec des États stables ».

Le fiasco diplomatique de la reconnaissance de Jerusalem

D’une façon illégale et contre toutes les conventions accords et relations internationales, bafouant des résolutions onusiennes notamment la 242 qui place Jerusalem avec un statut spécial pour les deux nations, Trump décide d’appliquer une promesse de compagne , il reconnait que Jerusalem est la capitale d’Israël   Pour René Backmann en reconnaissant les faits accomplis de la colonisation israélienne de la Palestine, en prétendant transférer l’ambassade des Etats-Unis à Jérusalem, « Donald Trump viole le droit international et menace la région d’embrasement. Cette situation renforce les responsabilités politiques de l’Europe. Il est temps que l’UE prenne ses responsabilités, impose le droit, condition incontournable de la paix. Il a mis en difficulté ses principaux alliés arabes, condamné son rôle dans les pourparlers et subi aux Nations unies deux fiascos retentissants. Depuis son entrée à la Maison Blanche, il se révèle un piètre géopoliticien et, surtout, un désastreux diplomate. Ce premier faux pas diplomatique a été suivi, en deux semaines, de deux épisodes qui ont confirmé l’isolement des États-Unis dans le dossier israélo-palestinien. Le 18 décembre, Washington a dû recourir au veto, devant le Conseil de sécurité des Nations unies, pour s’opposer au vote d’une résolution proposée par l’Égypte, au nom de la Ligue des États arabes. Ce texte réaffirmait clairement le consensus international sur Jérusalem et indiquait que :

« toute décision ou action qui visent à modifier le caractère, le statut, ou la composition démographique de la ville sainte de Jérusalem n’ont aucun effet juridique et sont nulles et non avenues ».

Le problème, pour Washington, c’est que les quatorze autres membres du Conseil – dont des alliés fidèles comme la France, le Royaume-Uni, le Japon, l’Italie et des pays amis comme la Suède, l’Éthiopie, l’Ukraine, l’Uruguay, le Sénégal, avaient approuvé cette résolution. Trois jours plus tard, une nouvelle épreuve attendait la diplomatie américaine aux Nations unies. la Turquie et le Yémen avançaient un nouveau projet de résolution, devant l’Assemblée générale, cette fois. Reprenant l’essentiel du texte égyptien, le nouveau document rappelait que :

« Jérusalem est une question qui relève du statut final et qui doit être réglée par la voie de la négociation, comme le prévoient les résolutions pertinentes de l’Organisation des Nations unies. » « que toute décision ou action qui visent à modifier le caractère, le statut ou la composition démographique de la Ville sainte de Jérusalem sont nulles et doivent être rapportées en application des résolutions sur la question adoptées par le Conseil de sécurité et, à cet égard, » demandait « à tous les États de s’abstenir d’établir des missions diplomatiques dans la Ville sainte de Jérusalem […] ». (2)

Last but not least le président Trump promet de couper les vivres à l’autorité palestinienne et comme l’écrit Norman Finkelstein : l’aide US aux Palestiniens coûte moins qu’un yacht saoudien

Vers la partition de la Syrie ?

Avec l’appel à renverser le pouvoir iranien , et à ne pas reconnaitre l’accord de 2015, Trump montre qu’il fait ce qu’il dit . Le plus dangereux est que le problème syrien qu’on croyait en voie d’être réglé va connaitre une troisième mi-temps. Apparemment les Américains renforcent leurs présences et de facto occupent une partie de la Syrie du côté du Golan comme tampon avec Israël.

«  Si jusqu’à présent liton sur la contribution suivante la position officielle US était qu’ils étaient venus en Syrie pour battre Daesch, puis feraient demi-tour dès leur mission accomplie, maintenant nous voilà désabusés. Les Américains ne vont s’en aller nulle part, ils vont rester là pour toujours, ou jusqu’à ce qu’on les mette à la porte ; et ils occuperont un autre morceau de la Syrie, à côté des hauteurs du Golan.  « Les US vont garder une présence militaire en Syrie… Nous n’allons pas refaire l’erreur de 2011, quand  nous nous sommes retirés d’Irak. Nous allons tout faire pour réduire l’influence iranienne, l’arc [chiite] au nord leur sera retiré, et les voisins de la Syrie [comprenez l’Israël] seront en sécurité. [Nous resterons jusqu’à ce que la Syrie soit] … débarrassée de ses armes de destruction massive…. Les US ne vont pas se retirer tant que Assad ne sera pas parti. »

Par conséquent, l’affirmation de Sergueï Lavrov la semaine dernière, selon laquelle les US cherchent à démembrer la Syrie, se trouve confirmée. Un processus de partition de la Syrie s’engage, disait le ministre des Affaires étrangères russe. Et cette prédiction est en cours de réalisation. Les Américains ne s’en vont jamais de leur plein gré. Partout où ils débarquent, c’est pour tenter de s’installer définitivement. Ils ont débarqué aux Philippines en 1898, et ils y sont toujours, malgré tous ceux qui ont réclamé leur départ. Ils ont débarqué à Cuba en 1898, et ils y sont toujours, malgré moult promesses de lâcher Guantanamo, En 1945, ils ont occupé l’Allemagne et le Japon, et ils y sont toujours, seuls leurs marionnettes changent(…) » (4)

De quoi Trump est-il le nom ?

Dans un article percutant, Renel Exentus, et Ricard Gustave nous expliquent l’hubris de Trump par sa conviction qu’il appartient à la race des élus ; Celle d la « Destinée Manifeste » qui permet de traiter comme quantité négligeable tout ce qui n’est pas blanc. Nous lisons :

« Un fait actuellement nous semble indéniable : Trump est le porte-parole, la figure emblématique du mouvement international de la suprématie blanche. Le personnage est certainement adulé, comme Hitler d’ailleurs, par les tenants du fascisme, du néonazisme et de l’idéologie de la supériorité de l’homme blanc. D’après certains analystes, 60 millions de personnes ont voté pour Trump lors des dernières élections. Des hommes, des femmes, des évangélistes, qui ne jurent que par la race et par la religion (….) Trump prête sa voix à ces gens que le système a abandonnés. Il leur explique que le chômage, les crimes, la crise du logement, de l’éducation, etc. sont causés par cette multitude qui vient d’ailleurs, ces immigrants d’une autre humanité, venus de « pays de merde » et qui viennent foutre « la merde » dans son « beau pays civilisé ». (5)

Dans sa rhétorique raciste, Trump ne fait pas de nuance. Il n’en a cure. Pour lui, un Haïtien reste un Haïtien, c’est-à-dire un « nègre », et cela, quels que soient son éducation, son savoir, Haïti, pour lui, est une « latrine », quels que soient son histoire, son passé glorieux ou sa signification dans l’histoire de l’humanité. C’est cela Trump, son idéologie, celle de ses disciples, de ce courant néofasciste qui se ramifie un peu partout en Occident. (…) Déconstruisons ce mythe : l’idée de faire passer sous le compte de la maladie mentale et de l’ignorance les propos racistes de Trump ne fait, au fond, qu’occulter un fait qu’on aimerait bien nous faire oublier : cette idéologie, le racisme, (y compris le sexisme et le machisme) est l’un des éléments constitutifs de la nation étasunienne. Aujourd’hui encore, dans la culture dominante, la figure de l’autochtone continue à être assimilée à la sauvagerie, à la barbarie » (5).

De plus, si l’extermination d’un grand nombre d’Amérindiens a créé l’espace nécessaire à la fondation du pays, l’esclavage des Noirs en a fait la richesse. Pendant près de trois cents ans, le système esclavagiste a permis d’accumuler une richesse colossale contribuant d’abord au développement industriel de l’Angleterre et par la suite à lancer le capitalisme étasunien.

Ces deux facteurs, le génocide et l’esclavagisme, sont pour ainsi dire la face cachée de la fondation et du développement des États-Unis comme nation. Le racisme, comme idéologie, est consubstantiel, organique à une telle nation, car il est le seul qui, de par sa « rationalité », peut justifier son existence » (5).
Le discours sur l’Etat de l’Union

Curieusement la rhétorique guerrière est passée au second plan , pas plus que l’affirmation du fond rocheux blanc évangélique- sioniste compatible. Par contre il déclare la guerre à la Palestine en lui coupant les vivres- l’Organisation des Nations Unies qui s’occupe des réfugiés ne pourra pas financer les camps palestiniens en Jordanie, Liban. Tout ceci parce que les Palestiniens ont osé protesté comme l’immense majorité de la communauté internationale – conseil de sécurité compris- contre le déplacement de l’ambassade de son pays vers Jérusalem. Il déclare la guerre aux migrants et demande 25 milliards de dollars au Congrès pour construire le mur ; Il coupe les vivres aussi à l’Unesco coupable d’avoir accueilli la Palestine et son patrimoine archéologique en son sein

De plus le protectionnisme a de beaux jours devant lui. Détricotant lui-même ce que son pays a imposé aux autres, la mondialisation laminoir pour les faibles, l’OMC, il s’en prend à ses deux rivaux d’abord la Russie qu’il accuse de tous les maux en Syrie et de vouloir connaitre ses intérêts notamment en Ukraine du fait qu’elle est entourée de base américaines, mais surtout à la Chine qu’il n’ose pas attaquer frontalement.

« Ainsi et comme lu sur la contribution suivante les manœuvres diverses se font jour Cette semaine, des responsables du Conseil national de sécurité des Etats-Unis ont appelé le gouvernement du président américain Donald Trump à centraliser les réseaux de téléphonie mobile 5G afin de « contrer la menace des écoutes téléphoniques chinoises.. D’autres pays occidentaux, tels que l’Allemagne, la France et l’Italie, surveillent également de près les investissements de la Chine. Or, plutôt que de chercher constamment à « déceler des menaces chinoises », le monde occidental ferait mieux de remédier à son sentiment de défaite dans une communauté mondiale plus interdépendante que jamais. Pendant des décennies, les élites occidentales ont considéré que leur modèle de démocratie combinée à une économie de marché libérale devait être la forme de gouvernance ultime à laquelle toute l’humanité devait aspirer. L’ordre mondial libéral prôné par les Etats-Unis, que le pays tient pour acquis depuis la fin de la Guerre froide, a régné dans tous les domaines, sans que sa supériorité ne soit remise en question » (6).

Que devrait un nouvel ordre mondial apaisé ?

Le Monde continuera-t-il à se tenir le ventre chaque fois que des tensions apparaissent ? Les Occidentaux et à leur tête les Etats unis, n’ont toujours pas accepté que le barycentre du monde leur échappe. Le monde n’est plus unipolaire avec l’Empire et les vassaux européens prêts à rentrer dans le rang à la moindre remontrance de l’Empire. Ce qui explique ce faisant le décrochage en terme d’influence de la « vieille Europe » selon le mot de Donald Rumsfeld, liant son destin à un pays qui a perdu son magister moral, ce n’est plus celui de l’American way of life, celle d’Armstrong foulant le sol de la lune, mais une Amérique de l’American way of war. Celle de Apocaplyse now en permanence

« Pour Fiodor Loukianov, éditeur en chef de la revue d’analyse des relations internationales Russia in Global Affairs, les Etats-Unis sont retournés dans l’ inertie qui les caractérisait pendant la Guerre froide », considérant que le monde présente de multiples menaces, plutôt que des opportunités. A présent, l’ordre mondial occidental, qui existe depuis plus de 200 ans et compte de nombreux défauts, a besoin d’être repensé. L’émergence de la Chine, dont les systèmes politique, économique et idéologique sont différents de l’Occident, dérange. Nombreux sont ceux qui redoutent qu’elle prendra leur place et remplacera leurs règles du jeu par les siennes. La Chine veut simplement assumer sa part de responsabilité en tant que grande puissance et œuvrer avec les autres pays à l’établissement d’un système de gouvernance mondial qui servira tous les pays du monde, et non les seules puissances occidentales. Il y a plus de 200 ans, le monde occidental est parvenu à se hisser au sommet de l’ordre mondial en exploitant les changements intervenus à la suite de la révolution industrielle. L’histoire suit son cours. Le monde progresse avec le temps. L’Occident doit cesser de considérer la Chine avec ses préjugés idéologiques et embrasser une mentalité de jeu à somme positive et un esprit d’ouverture. » (6)

Rien à ajouter personne n’a intérêt à une conflagration mondiale, même Kim Jong Un  diabolisé par l’Occident –  notamment avec un documentaire honteux sur la  chaîne française 2 le jeudi 1er février  à 20h50, la Corée du Nord a été présentée comme étant le nouveau goulag –  a présenté des vœux au monde, d’une façon responsable. A partir du moment où l’oligarchie  nucléaire (Conseil de Sécurité) qui dicte la norme a compris que la Corée du Nord est bien un Etat nucléaire qui s’assume. De ce fait, n’ayant plus à craindre une invasion de fire and fury, le leader nord coréen  peut maintenant penser d’une façon plus soutenue  à savoir le développement de son pays et il n’est pas interdit de penser qu’il y ait un modus vivendi avec la Corée du Sud s’il n’y a pas d’interférence de l’oncle Sam. Rien n’est moins sûr ! A moins d’un miracle …Ainsi va le monde

Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique Alger

Photo : Capture d’écran « USA: Donald J.Trump l’ennemi du nouvel ordre mondial! »

Notes

1.http://www.lexpressiondz.com/internationale/284352-un-an-de-politique-etrangere-de-trump.html

2.https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/une-guerre-sans-fin-en-afghanistan-196452#forum4991023

3.René Backmann Israël-Palestine: le fiasco diplomatique de Donald Trump Mediapart 24 12 2017

4.http://reseauinternational.net/vous-penetrez-dans-le-secteur-americain/#gZPkqSJsQDkgEET8.99

5.Renel Exentus, Ricard Gustave https://www.legrandsoir.info/de-quoi-trump-est-il-le-nom.html

6.http://french.xinhuanet.com/2018-02/01/c_136942376.htm

Article de référence http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur _chitour/284868-le-fond-rocheux-suprematiste-blanc-avant-tout.html

 

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L’humanité au bord de la guerre mondiale

février 2nd, 2018 by James Cogan

Le magazine The Economist, l’influent hebdomadaire londonien décrit par Karl Marx il y a plus de 150 ans comme « l’organe européen » de « l’aristocratie des finances », a consacré son dernier numéro à « The Next War » (la prochaine guerre) et « The Growing Threat of Great Power Conflit » (la menace grandissante de conflit entre grandes puissances). Son éditorial principal démarre sur un avertissement effrayant :

« Au cours des 25 dernières années, la guerre a coûté trop de vies. Pourtant, alors même que les luttes civiles et religieuses ont fait rage en Syrie, en Afrique centrale, en Afghanistan et en Irak, un affrontement dévastateur entre les grandes puissances mondiales est resté presque inimaginable. »

« Ce n’est plus le cas […] de changements puissants et à long terme de la géopolitique et la prolifération des nouvelles technologies érodent la domination militaire extraordinaire dont jouissent l’Amérique et ses alliés. Un conflit d’une ampleur et d’une intensité jamais vues depuis la Seconde Guerre mondiale est encore une fois plausible. Le monde n’est pas préparé. »

The Economist envisage un futur dystopique, violent, avec le déploiement de l’armée américaine pour intimider ou détruire les prétendus défis à sa domination partout.

Au cours des 20 prochaines années, The Economist prédit que « le changement climatique, la croissance démographique et les conflits sectaires ou ethniques » sont susceptibles de faire plonger une grande partie du monde dans des « guerres intra-étatiques ou civiles ». De tels confits se dérouleront de plus en plus dans les villes entourées de « taudis » peuplées de millions d’habitants, donnant lieu à de « combats rapprochés, quartier par quartier ». L’avenir réservé à de grandes parties de l’humanité est celui du carnage qui a été observé lors des batailles meurtrières de l’an dernier contre la ville irakienne de Mossoul et la ville syrienne d’Alep.

Mais plus effrayant encore, c’est la série de scénarios qu’il décrit comme une escalade majeure des tensions entre les Etats-Unis et la Russie et la Chine, présentés comme ses adversaires stratégiques, qui menacent à tout moment de provoquer un holocauste nucléaire.

En juillet 2016, Mehring Books a publié A Quarter Century of War(Un quart de siècle deguerre)de David North,qui notait :

« Depuis le premier conflit du golfe Persique de 1990-1991, les États-Unis sont en guerre sans interruption depuis un quart de siècle. Tout en utilisant des slogans de propagande comme la défense des droits de l’Homme et la guerre contre le terrorisme pour dissimuler les véritables objectifs de leurs interventions au Moyen-Orient, en Asie centrale et en Afrique, ainsi que leur confrontation avec la Russie et la Chine, les Etats-Unis se sont engagés dans une lutte pour l’hégémonie mondiale. Alors que les États-Unis tentent de compenser leur faiblesse économique et contrer les tensions sociales internes, leur escalade incessante des opérations militaires menace de déboucher sur une guerre mondiale à grande échelle, entre États dotés d’armes nucléaires. »

Moins de deux ans plus tard, une grande partie de cette évaluation a été reprise par l’un des organes politiques les plus importants du capitalisme anglo-américain. Mais les conclusions tirées par The Economist, s’exprimant en tant que représentant sans faille des oligarques financiers et du grand patronat dont la richesse est liée à la domination mondiale impérialiste américaine, sont exactement le contraire de l’objectif déclaré par David North, celui d’aider à la construction d’un « nouveau mouvement anti-guerre ».

Au contraire, The Economist exhorte les Etats-Unis à développer le hard power (la puissance dure) pour se défendre contre des « rivaux déterminés et capables », présentant l’argument digne d’un sociopathe selon lequel la meilleure garantie de paix est la capacité de l’Amérique à détruire complètement ses adversaires.

La prémisse de l’article spécial est que des mesures urgentes doivent être prises par les États-Unis pour endiguer le déclin de son hégémonie. Elle affirme que si les classes dirigeantes chinoise et russe sont autorisées à réaliser leur ambition d’influence dominante dans leurs propres régions, alors la conséquence « plausible » sera un « affrontement dévastateur entre les grandes puissances du monde » – une guerre mondiale avec des armes nucléaires.

La Chine et la Russie, déclare le magazine dans son éditorial du 27 janvier, « sont maintenant des États révisionnistes qui veulent remettre en cause le statu quo et considèrent leurs régions comme des sphères d’influence à dominer. Pour la Chine, cela signifie l’Asie de l’Est ; pour la Russie, l’Europe de l’Est et l’Asie centrale. »

La conclusion avancée par The Economist est que l’Amérique doit mettre fin à « 20 ans de dérive stratégique » sous les gouvernements successifs, qui auraient « fait le jeu de la Russie et de la Chine ». Dans une série d’articles, son rapport spécial préconise que les États-Unis dépensent des sommes vertigineuses sur les nouvelles armes nucléaires et conventionnelles, y compris les technologies d’intelligence artificielle (AI) robotique, pour s’assurer qu’ils conservent la supériorité militaire qui, jusqu’à présent, a inspiré « la peur chez leurs ennemis ».

Il met en garde contre : « Le danger pressant qui est la guerre dans la péninsule coréenne, peut-être cette année […] Des dizaines de milliers de personnes périraient, beaucoup plus si des armes nucléaires étaient utilisées. »

L’armée américaine est prête à lancer une telle guerre. Elle a déployé en position offensive des bombardiers nucléaires B-2 et B-52 à Guam, et des centaines d’avions de chasse et une armada de navires de guerre dans d’autres bases du Pacifique. Il y a de bonnes raisons de croire que le face à face que Washington a provoqué avec la Corée du Nord, en exigeant que Pyongyang abandonne son programme d’armes nucléaires, est une répétition générale massive pour un futur bras de fer nucléaire avec la Chine.

The Economist pense qu’une « guerre pour empêcher l’Iran d’acquérir des armes nucléaires semble être une perspective plus spéculative pour l’instant, mais pourrait devenir plus probable dans quelques années ».

Il affirme que les Etats-Unis sont menacés par la soi-disant « zone grise » dans laquelle la Chine, la Russie, l’Iran et d’autres pays cherchent à « exploiter » les « vulnérabilités » américaines dans certaines parties du monde sans provoquer un conflit ouvert. Il donne comme exemples les prétentions territoriales chinoises dans la mer de Chine méridionale, l’annexion de la Crimée par la Russie et l’influence politique de l’Iran en Irak, en Syrie et au Liban.

L’ingérence impérialiste américaine, cependant, est considérée comme entièrement légitime par The Economist. En Syrie, les États-Unis ont mené sept années d’intrigues en vue d’un changement de régime visant à renverser le gouvernement soutenu par les Russes et les Iraniens. L’annonce par Washington de son intention d’occuper de facto un tiers du pays et de rassembler une armée par procuration de 30 000 hommes des milices kurdes et islamistes a créé des conditions non seulement pour des affrontements directs avec l’Iran ou la Russie, mais aussi avec la Turquie, censée être un de ses alliés dans le cadre de l’OTAN.

Comme on pouvait s’y attendre, sur fond de mesures frénétiques aux États-Unis et internationalement visant à imposer un contrôle étatique et la censure sur Internet, le magazine accuse la Russie de chercher à « saper la confiance en les institutions occidentales et à encourager les mouvements populistes en se mêlant des élections et en utilisant des bots informatiques et des trolls sur les réseaux sociaux pour attiser des griefs et des préjugés. »

Les entreprises de technologie, insiste-il, doivent être encore plus intégrées à l’armée, tandis que les entreprises d’Internet doivent travailler avec l’appareil étatique pour supprimer l’accès aux vues oppositionnelles, sous le prétexte frauduleux de combattre les « opérations d’influence » et la « manipulation de masse de l’opinion publique ».

Il note en passant que pour le gouvernement américain, qui affiche déjà des déficits budgétaires annuels proches de 700 milliards de dollars, « trouver l’argent sera un autre problème ».

La vérité est que la subordination de tous les aspects de la société aux préparatifs de guerre sera financée par la destruction continue des niveaux de vie et conditions de vie de la classe ouvrière américaine, combinée à l’élimination de ses droits démocratiques et à la répression de l’opposition.

Dans un écho involontaire au Newspeak de George Orwell, The Economist conclut qu’« une Amérique forte » – armée jusqu’aux dents et menaçant de façon permanente ses rivaux d’anéantissement – est « le meilleur garant de la paix mondiale ».

L’aspect le plus effrayant de l’article, cependant, est qu’il est pessimiste de son propre pronostic que l’impérialisme américain peut intimider ses rivaux à la soumission. Le développement même d’une position militaire de plus en plus agressive à l’égard de la Chine et de la Russie augmente, et non diminue, la probabilité d’une guerre.

« Le plus grand danger », dit-il, « réside dans une erreur de calcul due à une incapacité à comprendre les intentions d’un adversaire, conduisant à une escalade imprévue qui échappe à tout contrôle ».

Ce dont il s’agit, c’est une escalade vers un holocauste nucléaire. L’article cite Tom Plant, analyste du groupe de réflexion RUSI : « Pour la Russie et les Etats-Unis, les armes nucléaires ont conservé leur primauté. Vous n’avez qu’à regarder comment ils dépensent leur argent. »

Les États-Unis vont moderniser tout leur arsenal nucléaire au cours des prochaines décennies pour un coût de 1200 milliards de dollars. La Russie modernise ses missiles, ses bombardiers et ses sous-marins nucléaires. La Chine augmente rapidement la taille et la capacité de ses forces nucléaires beaucoup plus petites, tout comme la Grande-Bretagne et la France. Des discussions sont en cours dans les cercles dirigeants en Allemagne, au Japon et même en Australie sur l’acquisition d’armes nucléaires afin que ces pays puissent “résister” aux États dotés d’armes nucléaires. »

La folie d’une course aux armements nucléaires au XXIᵉ siècle découle inexorablement des contradictions du système capitaliste. La lutte entre les États-nations rivaux pour la domination géostratégique et économique mondiale est le résultat inévitable de sa crise ingérable et du conflit féroce pour le contrôle des marchés et des ressources.

L’époque de la guerre mondiale, écrit le révolutionnaire marxiste Vladimir Lénine, est l’époque de la révolution mondiale. Le renversement du système capitaliste qui engendre le danger de guerre est une nécessité urgente pour la survie de la civilisation humaine.

Le Comité international de la Quatrième Internationale et ses sections se battent pour construire un mouvement ouvrier socialiste international anti-guerre. La discussion ouverte sur la perspective d’une guerre nucléaire dans les pages de journaux comme The Economist devrait motiver tous les travailleurs et jeunes sérieux à se joindre à notre lutte.

James Cogan

Humanity Teeters on the Brink of World War

Article paru en anglais, WSWS, le 30 janvier 2018

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Guerre de l’Otan au nom des femmes ….

février 2nd, 2018 by Mondialisation.ca

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Vidéo : Terrorisme et complicités politiques

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Les enjeux du Russiagate sont extrêmes

Par Dr. Paul Craig Roberts, 01 février 2018

Le retard des Républicains à publier le résumé de l’enquête Russiagate du Comité de renseignement de la Chambre donne du poids à l’affirmation de la presse aux ordres selon laquelle le rapport n’est pas publié parce que c’est une tentative de piratage de Trump qui n’est pas crédible. Seuls les Républicains sont assez stupides pour se mettre dans une telle situation.

 

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Deux développements lundi, un jour avant le premier discours de Donald Trump sur l’état de l’Union, ont signalé une forte intensification du conflit au sein de la classe dirigeante aux États-Unis.

Le directeur adjoint du FBI, Andrew McCabe, que Trump a attaqué à plusieurs reprises en le qualifiant de pion d’Hillary Clinton et du Parti démocrate, a quitté son bureau à l’improviste cinq semaines avant sa date de retraite prévue. Plus tard dans la journée, la majorité républicaine de la Commission du renseignement de la Chambre (House Intelligence Committee) a défié le département de la Justice en votant pour rendre publique une note classifiée rédigée par le personnel de son président Devin Nunes accusant le FBI d’abuser des lois de surveillance pour espionner les responsables de la campagne électorale de Trump. Le document accuse la haute direction du FBI d’être anti-Trump et de travailler pour saper son administration.

Les républicains de la Chambre ont défié les mises en garde du département de la Justice selon lesquels la publication de la note mettrait en péril les opérations de renseignement américaines. Le procureur général adjoint, Stephen Boyd, a écrit au Congrès la semaine dernière en déclarant que rendre cette note publique sans donner au Département de la Justice et au FBI l’occasion de l’examiner au préalable «serait extraordinairement imprudent».

Ces deux événements signalent l’intensification de plus en plus féroce des efforts de la Maison-Blanche et ses alliés républicains les plus proches au Congrès pour discréditer l’enquête menée par le conseiller spécial et ancien directeur du FBI, Robert Mueller, sur l’ingérence présumée de la Russie dans les élections de 2016, ainsi que sur une possible entrave à la justice par Trump et d’autres fonctionnaires de l’administration.

Le vote à la Commission du renseignement de la Chambre s’est déroulé selon les lignes strictes de parti, la majorité républicaine ayant défait la motion des démocrates pour la publication simultanée d’une note de réfutation rédigée par leur personnel. Trump a cinq jours pour revoir la note et bloquer sa publication, mais cela est très improbable que cela se fasse. Par l’intermédiaire de son chef de cabinet, le général à la retraite John Kelly, Trump a déjà averti le département de la Justice que la présidence voulait que la note contestée soit rendue publique.

Ces développements font suite à des rumeurs selon lesquelles Mueller aurait déjà interrogé James Comey, le directeur du FBI qui était à la tête de l’enquête sur l’ingérence russe et qui a été renvoyé par Trump en mai dernier, de même que le procureur général Jeff Sessions, qui s’est récusé après avoir été surpris en train de mentir au Congrès sur ses contacts avec de hauts fonctionnaires russes. Il a également été rapporté que Mueller avait l’intention d’interviewer Stephen Bannon, le conseiller de la Maison-Blanche qui a aussi été renvoyé, de même que Trump, dans les semaines à venir, ce qui laisse présager une tentative de monter une affaire d’entrave à la justice contre le président.

Tout au long de l’enquête de plus en plus amère sur l’ingérence russe – un scandale concocté de toutes pièces basé sur des allégations non prouvées – les démocrates ont assumé le rôle de défenseurs patriotiques des services de renseignement et de police, ainsi que de Mueller contre les critiques de la Maison-Blanche et des républicains. Cela est conforme à l’orientation de droite sur laquelle ils ont bâti leur opposition au président fascisant.

Les priorités des démocrates – qui n’ont rien à voir avec la défense des droits démocratiques et des conditions sociales des travailleurs, qu’ils soient immigrés ou nés au pays – ont été bien résumées en fin de semaine lorsque le chef de la majorité au Sénat, Charles Schumer, a annoncé qu’il exigerait que toute résolution du vote du budget devait comprendre l’inclusion d’une disposition protégeant Mueller contre tout renvoi par la Maison-Blanche. Cette prise de position est survenue quelques jours seulement après qu’il ait exprimé son accord pour négocier une entente budgétaire sans la moindre protection pour les immigrants du programme DACA menacés d’expulsion depuis la fin de ce programme ordonné par Trump en septembre dernier.

Dans ce conflit entre les deux camps de droite de l’impérialisme américain, les démocrates sont alliés aux sections dominantes du complexe militaire et du renseignement qui s’opposent à tout assouplissement de la posture militaire agressive adoptée depuis l’administration Obama à l’égard de la Russie. Ils sont déterminés à maintenir la pression sur Trump pour intensifier l’offensive contre Moscou, ou, si nécessaire, le démettre de ses fonctions.

La campagne maccartiste contre la Russie sert également des objectifs politiques précis pour les démocrates, soucieux de canaliser l’opposition populaire à Trump dans une direction réactionnaire et militariste. Ces objectifs sont soulignés par les efforts, menés par le Parti démocrate et ses alliés des médias tels que le New York Times et le Washington Post, pour utiliser la campagne antirusse comme justification de la censure sur Internet afin exclure tout point de vue oppositionnel et antiguerre sous la bannière frauduleuse de la lutte contre les «fausses nouvelles» qui seraient encouragées par des puissances étrangères.

Après la retraite anticipée de McCabe et le vote pour la publication de la note de Nunes, les démocrates se sont empressés de garantir l’intégrité des bureaucrates et des assassins professionnels qui espionnent le peuple américain et la population mondiale et organisent d’innombrables conspirations contre les droits démocratiques de la population.

Suite au vote à la Commission du renseignement de la Chambre, le leader démocrate Adam Schiff a annoncé que les dirigeants républicains, en plus de pousser pour la publication de la note de Nunes, avaient dit pour la première fois que la Commission enquêtait sur le FBI et le département de la Justice. Schiff a dénoncé cela comme une «grande attaque contre deux de nos institutions respectées».

Le procureur général de l’époque d’Obama, Eric Holder, a fustigé les «attaques absurdes contre le FBI et le département de la Justice pour détourner l’attention d’une enquête criminelle légitime».

Dans une interview accordée à Politico, le vice-président démocrate de la Commission du Sénat sur le renseignement Mark Warner, un PDG multimillionnaire, a déclaré: «C’est extrêmement dangereux, extraordinairement imprudent», car les Américains pourraient «perdre la foi dans l’intégrité de nos organismes d’application de la loi».

Il a lié la note de Nunes à une soi-disant subversion russe via les médias sociaux, déclarant: «Le plus grand groupe soutenant ces fausses théories est en fait des bots russes: des comptes activés par les Russes qui essaient de répandre ces histoires.»

Lors d’un point de presse lundi à la Maison-Blanche, la porte-parole Sarah Huckabee Sanders a nié que Trump ait joué un rôle dans la retraite anticipée de McCabe. Or tant Trump que les républicains au congrès ont été sur le dos de McCabe depuis la campagne électorale de 2016. Ils l’ont associé à la décision de Comey de ne pas accuser Hillary Clinton dans le cadre de l’enquête sur son utilisation d’un serveur de messagerie privé alors qu’elle était secrétaire d’État. Ils ont également souligné qu’en 2015, l’épouse de McCabe a brigué un siège au Sénat de l’État de Virginie sous la bannière démocrate et a reçu près de 500.000 $ en fonds de campagne d’un comité d’action politique contrôlé par Terry McAuliffe, un proche associé des Clinton.

En outre, la semaine dernière, le Washington Post a rapporté qu’après avoir renvoyé Comey, Trump aurait rencontré en privé McCabe, qui était alors directeur du FBI, et lui aurait demandé pour qui il avait voté lors des élections de 2016.

CNN a rapporté lundi que le procureur général Sessions avait déclaré au directeur du FBI, Christopher Wray, qu’il avait besoin de nommer une nouvelle équipe de hauts dirigeants à l’Agence et qu’il lui avait spécifiquement suggéré de se débarrasser de McCabe et du meilleur avocat du bureau, James Baker. Ce dernier a été muté à la fin de l’année dernière. Wray a par la suite informé McCabe qu’il venait avec sa propre équipe et qu’il (McCabe) n’en ferait pas partie.

Il a également été rapporté que l’inspecteur général du département de la Justice publiera bientôt un rapport sur la façon dont le FBI a traité l’enquête sur le courrier électronique de Clinton qui éclaboussera McCabe ainsi que d’autres fonctionnaires du département de la Justice.

La note de Nunes est basée sur des allégations selon lesquelles le FBI aurait induit en erreur le tribunal de la Foreign Intelligence Surveillance Act (FISA) – la loi sur la surveillance et les renseignements étrangers – en demandant un mandat à la fin de l’été ou à l’automne 2016 pour espionner Carter Page, un ancien banquier d’investissement auparavant basé à Moscou et devenu par la suite conseiller en politique étrangère pour la campagne Trump.

Il est largement rapporté que la violation présumée du tribunal de la FISA implique l’utilisation d’informations provenant d’un «dossier Trump» compilé par Christopher Steele, un ancien agent de renseignements britannique, afin d’obtenir un mandat pour la FISA sans toutefois informer le tribunal que l’enquête de Steele aurait été financée par la campagne Clinton et le Comité national démocrate.

Selon le New York Times, la note vise spécifiquement le sous-procureur général Rod Rosenstein, qui a nommé Mueller conseiller spécial et qui supervise maintenant l’enquête. Le quotidien affirme que Rosenstein a demandé une prolongation du mandat de la FISA pour espionner Page. Trump se serait plaint ces derniers jours du rôle de Rosenstein et l’aurait poussé à la retraite.

Il semble que le département de la Justice soit lui-même divisé à l’interne par rapport à la note de Nunes. Dans un discours prononcé vendredi en Virginie, le procureur général Sessions a pris ses distances par rapport au procureur général adjoint Boyd qui met en garde contre la publication de la note. Sessions a en effet dit qu’il ne tolérerait pas «une culture de la défensive» et ajouté que son département n’avait pas à cacher «les erreurs lorsqu’elles se produisent.»

Barry Gray

Article paru en anglais, WSWS, le 30 janvier 2018

Source de la photo A la Une : Daily Star

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  • Commentaires fermés sur Tandis que Trump et les républicains s’efforcent de faire dérailler l’enquête sur l’ingérence russe, les démocrates se lancent à la défense du FBI

Les enjeux du Russiagate sont extrêmes

février 1st, 2018 by Dr. Paul Craig Roberts

Le retard des Républicains à publier le résumé de l’enquête Russiagate du Comité de renseignement de la Chambre donne du poids à l’affirmation de la presse aux ordres selon laquelle le rapport n’est pas publié parce que c’est une tentative de piratage de Trump qui n’est pas crédible. Seuls les Républicains sont assez stupides pour se mettre dans une telle situation.

Les lecteurs me demandent pourquoi le mémo n’est pas publié s’il est réel. Il doit y avoir des raisons autres que la stupidité des Républicains. Oui, c’est vrai. Parmi les nombreuses raisons qui pourraient bloquer la publication, on trouve :

1) Les Républicains sont très soucieux de la sécurité nationale. Ils ne veulent pas fournir de précédents pour la publication d’informations classifiées.

2) De nombreuses circonscriptions électorales du Congrès républicain accueillent des installations du complexe militaire / de sécurité. Mécontenter un grand pourvoyeur d’emplois et diriger vers un autre candidat le financement d’une campagne électorale est une considération importante.

3) Le régime George W. Bush / Dick Cheney était un régime néoconservateur. Une conséquence est que les républicains sont influencés par les néoconservateurs qui exagèrent la prétendue « menace russe ».

4) Le lobby israélien peut faire perdre l’élection à n’importe quel membre de la Chambre et du Sénat. Le lobby israélien est allié aux néoconservateurs et cette alliance entend maintenir les États-Unis militairement actifs contre les menaces perçues contre l’hégémonie israélienne au Moyen-Orient, et contre la Russie, qui soutient la Syrie et l’Iran, pays perçus comme des menaces par Israël.

5) De nombreux Républicains se sont eux-mêmes investis dans de fausses allégations de type Russiagate contre Trump et voudraient le remplacer par Pence. D’autres Républicains croient que Trump mine les alliances étrangères coûteuses, achetées par Washington et, partant de là, mine la puissance américaine.

Beaucoup d’Américains ne semblent pas comprendre ce qui est en jeu. Ce à quoi l’Amérique est confrontée est un complot organisé par les hauts fonctionnaires du département de la Justice d’Obama, du FBI, de la CIA, du DNC de Hillary et des médias aux ordres pour renverser le résultat d’une élection démocratique et destituer le président. La base du coup d’État est un faux dossier acheté, qui consiste en des allégations non étayées contre Trump, et qui a été utilisé pour obtenir des mandats judiciaires, au nom de la loi FISA, pour espionner Trump et divers associés espérant trouver quelque chose qui puisse être utilisé contre Trump. Quoi qu’il en soit, les fausses allégations ont pu être livrées aux médias vendus à la CIA et utilisées pour créer un scandale nécessitant un procureur spécial pour enquêter sur le Russiagate. Une fois l’enquête en cours, les journalistes ont poursuivi le scandale en espérant convaincre assez d’Américains que Trump devait avoir fait quelque chose – « pas de fumée sans feu » qui justifierai sa destitution. La combine avait fonctionné contre Richard Nixon, mais pas contre Ronald Reagan, et Trump n’est pas Reagan.

Si les plus hauts échelons des agences policières de l’État peuvent s’en tirer après avoir tenté, ou réussi, un coup d’État contre le président des États-Unis, alors c’est la fin complète de la démocratie et de la responsabilité du gouvernement. La Chambre, le Sénat et le pouvoir judiciaire deviendront aussi impuissants que le sénat romain sous les Césars. Nous vivrons sous une dictature dirigée par des agences policières.

Beaucoup d’Américains disent qu’ils n’ont pas besoin de connaître le rapport des renseignements de la Maison blanche, parce qu’ils ne croient pas la connerie du Russiagate, pour commencer. Ils sont à côté de la plaque. Ils ont besoin du rapport, car les responsables de cette tentative de coup d’État doivent être identifiés, inculpés et poursuivis pour leur acte de haute trahison.

Ce n’est pas un problème mineur. Cela va au cœur de savoir si une forme de liberté existera encore. Nous savons tous que la capacité de la population à demander des comptes au gouvernement n’est pas garantie par la démocratie. Cependant, il n’y aura plus aucune perspective de pouvoir demander des comptes au gouvernement s’il s’agit d’un État policier, un chemin que les États-Unis empruntent depuis un certain temps. L’audacieuse tentative de coup d’État contre le président Trump est notre chance de stopper l’élan vers un État policier.

Malgré mes récentes publications, beaucoup de gens ne comprennent pas que le document judiciaire de la FISA, qui a été déclassifié, publié et commenté par moi-même, William Binney et l’ancien procureur américain Joe di Genova contient des aveux du FBI et du DOJ (ministère de la Justice) selon lesquels ils ont indûment espionné et obtenu des mandats du tribunal sous de faux prétextes. En d’autres termes, nous avons l’autorité du tribunal FISA lui-même pour dire que le FBI et le DOJ ont avoué à la cour leurs transgressions. Lorsque Stephen Boyd, attaché du ministère de la Justice (sic) au Congrès, affirme que le ministère « n’est au courant d’aucun acte répréhensible » il ment comme un arracheur de dents. Le DOJ a déjà avoué ses méfaits au tribunal de la FISA.

En savoir plus : Lendman sur la déclaration de Boyd selon laquelle la publication de la note nuirait à la sécurité nationale et aux enquêtes en cours. C’est toujours la même ficelle lorsque le gouvernement veut couvrir ses crimes.

Lorsque l’amiral Rodgers, directeur de l’Agence de sécurité nationale, a découvert que le FBI et le DOJ utilisaient abusivement le système d’espionnage pour des raisons politiques partisanes, il a fait savoir qu’il allait informer le tribunal FISA. Cela a poussé le FBI et le DOJ à se précipiter à l’avance devant le tribunal et à avouer des « erreurs » en promettant de resserrer les procédures afin de ne pas commettre d’autres erreurs à l’avenir. Ce sont ces « erreurs » et corrections que révèle le document judiciaire de la FISA.

En d’autres termes, l’information existe déjà dans le domaine public qui prouve que le Russiagate était une conspiration organisée dans le but de renverser le président élu des États-Unis.

On peut faire valoir que ce serait tout aussi bien si le coup d’État réussissait car il mettrait fin à la prétention de Washington d’être une grande démocratie pratiquant la liberté et la justice pour tous. La plupart des autres gouvernements, et on peut espérer les gouvernements russe et chinois aussi, verront certainement le coup d’État comme la dernière transition de l’Amérique vers un État policier, et abandonneront leurs idées utopiques de parvenir à un accord avec Washington. Les craintes sur la capacité de Washington à intimider le monde seraient grandement renforcées par la perception universelle que le gouvernement des États-Unis est devenu un État policier.

Paul Craig Roberts

paulcraigroberts, le 25 janvier 2018

Article original en anglais :

The Russiagate Stakes Are Extreme, 26 janvier 2018

Traduit par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone

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Maroc : Pourquoi le Rif marocain s’est-il soulevé ?

février 1st, 2018 by Reda Zaireg

Le 28 octobre 2016 à Al-Hoceïma, Mohcine Fikri décédait broyé dans une benne à ordures alors qu’il tentait de récupérer la marchandise qui lui a été confisquée par les autorités. L’homme, âgé de 31 ans, était marchand de poisson. Il s’était vu reprocher d’être en possession de près de 500 kg d’espadon, qui était interdit de pêche durant cette période. Il a trouvé la mort en s’opposant à la destruction de sa cargaison dans une benne à ordures.

Une forte identité régionale

Son décès a constitué le point de départ de la contestation au Rif. C’est une région du nord du Maroc dont l’histoire est marquée par la répression et la marginalisation dont elle a souffert durant le règne de Hassan II, père de Mohammed VI. Le Rif jouit d’une forte identité régionale et a historiquement entretenu un certain degré d’indépendance vis-à-vis du pouvoir central. En 1921, lorsque le Maroc était colonisé par la France et l’Espagne, le résistant Abdelkrim El-Khattabi y a établi une République éphémère après avoir vaincu l’armée espagnole. Bien que la « République du Rif » ait été dissoute à peine cinq ans plus tard, en 1926, elle a profondément marqué la mémoire collective locale. En 1959 et en 1984, des soulèvements ont éclaté dans le Rif, et ont été brutalement réprimés par Hassan II.

Les circonstances de la mort de Mohcine Fikri ont suscité une vague d’indignation dans la région et au-delà. Le 28 octobre au soir, des photos et des vidéos montrant sa dépouille ont commencé à circuler sur les réseaux sociaux. Des sit-in ont été organisés dans plusieurs villes du Maroc durant les jours suivants.

Plusieurs revendications

Le Hirak ( « la mouvance ») est un mouvement social né à Al-Hoceïma suite au décès de Mohcine Fikri. Il est porteur de plusieurs revendications : création d’usines, extension de la ligne ferroviaire jusqu’à Al-Hoceïma, construction d’une université pluridisciplinaire. D’autres revendications sont la création d’emplois et la résorption du chômage dans la région ; la lutte contre la corruption, notamment dans le secteur de la pêche maritime, et la mise en place d’une protection sociale en faveur des travailleurs du secteur. Le mouvement réclame également la construction d’une université pluridisciplinaire, d’un hôpital universitaire ainsi que l’équipement du centre d’oncologie d’Al Hoceima. Le Rif connait en effet une forte prévalence de cancers, et le Hirak revendique une reconnaissance officielle du lien entre l’utilisation du gaz moutarde pendant la guerre du Rif (1921-1926) par l’Espagne et le taux élevé de mortalité par cancer dans la région.

Après la passivité, la répression

Il y a eu une première phase de flottement marquée par une étonnante passivité du palais ainsi que par d’infructueuses tentatives de négociation menées par des représentants de l’État au niveau local. Puis, en mai 2017, le pouvoir marocain a choisi de réprimer le mouvement, après sept mois de contestation. Vendredi 26 mai, Nasser Zefzafi, leader charismatique du Hirak a interrompu un prêche assimilant le mouvement social à une fitna,c’est-à-dire à une lutte fratricide, voire à une guerre civile au sein de l’islam. Le pouvoir marocain y a trouvé prétexte pour réprimer le mouvement social. De nombreux activistes ont été arrêtés — une quarantaine, rien qu’entre le 26 et le 28 mai ; plus de 200 à ce jour — et les manifestations ont depuis été systématiquement dispersées. Nasser Zefzafi a été arrêté le 29 mai, après trois jours de cavale. Il est actuellement en cours de jugement à Casablanca et risque une lourde peine.

En parallèle à la vague d’arrestations qui a touché les activistes du Hirak, le roi du Maroc a commandité en juin un audit sur les retards de réalisation du programme « Al-Hoceïma, phare de la Méditerranée » (Al-Hoceïma Manarat Al-Moutawassit ) ; il en a reçu les résultats en octobre. Lancé en 2015, ce programme mobilise un budget de près de 700 millions de dollars, et vise à accompagner le développement de la province d’Al-Hoceïma ainsi qu’à consolider son positionnement économique, mais son exécution a connu d’importants retards.

Si l’audit mené par les ministères de l’intérieur et des finances a mis le doigt sur « le retard, voire la non-exécution de plusieurs composantes de ce programme de développement », elle a exclu « tout acte de malversation ou de fraude ». Le roi a néanmoins ordonné à la Cour des comptes, juridiction financière du royaume, de réaliser une deuxième enquête,

En octobre, le roi a reçu les conclusions de la deuxième enquête sur le projet Al-Hoceïma Manarat al-Moutawassit, qui a confirmé « l’existence de plusieurs dysfonctionnements enregistrés sous le précédent gouvernement », plusieurs secteurs ministériels et établissements publics n’ayant « pas honoré leurs engagements dans la mise en œuvre des projets et les explications qu’ils ont fournies ne justifient pas le retard qu’a connu l’exécution de ce programme de développement ». L’audit mené par la Cour des comptes n’a en revanche pas conclu à l’existence de malversations ni de détournements.

Le même jour, Mohammed VI a limogé quatre ministres suite au retard de réalisation du projet Al-Hoceïma Manarat al-Moutawassit. Le roi du Maroc a également exprimé sa « non-satisfaction » vis-à-vis du travail de cinq précédents ministres, à qui « aucune fonction officielle ne sera confiée dans l’avenir », selon un communiqué du cabinet royal.

Un mouvement qui dure

Le Hirak est actuellement en phase de latence suite à l’arrestation de ses leaders. Cependant, le mouvement a pu s’inscrire dans la durée en manifestant de manière plus ou moins récurrente pendant près de dix mois. Avec l’amplification de la répression et le quadrillage policier de la ville, les manifestants ont adapté leurs pratiques et leurs stratégies d’occupation de l’espace public en conséquence : aux sit-in et manifestations programmés plusieurs jours à l’avance se sont substitué des actions éclair. Des formes de protestation spontanées démarrent dès qu’un noyau de manifestants choisit un lieu — une avenue très fréquentée, un jardin ou une place publique — puis scande des slogans du Hirak. Ils sont alors vite rejoints par les activistes et les sympathisants présents dans les lieux. Une fois que les forces de l’ordre interviennent, la manifestation est dispersée, mais « un autre noyau d’activistes prend le relais, et relance la mobilisation dans un autre endroit de la ville », écrivent les chercheurs Hamza Essmili et Montasser Sakhi dans une série d’observations sur le Hirak.

Reda Zaireg

 

Reda Zaireg : Journaliste. A été en charge de la politique au journal en ligne Huffington Post Maroc, et a auparavant travaillé pour le site d’information medias24.com et la revue TelQuel. Il a également collaboré en freelance avec Middle East Eye et Associated Press.

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Vidéo : Terrorisme et complicités politiques

février 1st, 2018 by Jean-Loup Izambert

Et si les dirigeants politiques n’étaient pas vraiment comme ils s’en réclament, les ennemis du terrorisme? Incompétence, négligence, ou complicité… Malgré des lois et des mesures annoncées en grande pompe, force est de constater que nos pays sont toujours en proie aux attaques terroristes… Peut-on considérer que nos dirigeants politiques ont du sang sur les mains ? Notre invité, Jean-Loup Izambert, journaliste indépendant et auteur d’un ouvrage en deux tomes 56, (Tome I : L’Etat français complices de groupes terroristes, Tome II : Mensonges et crimes d’Etat) répond à toutes ces questions.

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VENEZUELA : L’interdiction d’un parti qui n’existe pas

février 1st, 2018 by Thierry Deronne

Photo : Le président Maduro reçoit trois des quatre gouverneurs d’Acción Democratica (parti d’opposition) qui ont prêté serment devant l’Assemblée Nationale Constituante, le 24 octobre 2017.

Même Le Média s’y est laissé prendre… Dans le cadre de l’élection présidentielle anticipée qui se déroulera dans quelques semaines au Venezuela, la Cour Suprême de Justice (TSJ) « acquise à Maduro » aurait exclu « la principale coalition d’opposition » du scrutin… sauf que cette coalition n’existe pas ! Rendons justice à @LeMediaTV ‏ pour sa volonté de rectifier rapidement. Les autres le feront-ils ?

Car comment ne pas comprendre le trouble de nombreux militants qui croient que le président du Venezuela a exclu l’opposition du scrutin ! S’il était vrai que Maduro interdit à ses adversaires de se présenter, on se trouverait évidemment face à l’intronisation d’un dictateur. Et on serait tenté, non sans raison, de “prendre ses distances”. Voire de comprendre ou de justifier les sanctions Etats-Uniennes/européennes, la guerre économique, les menaces d’invasion par Trump et les violences paramilitaires lors de l’insurrection de la droite en 2017…

Or c’est faux. L’opposition vénézuélienne peut bien sûr participer aux élections présidentielles qui se tiendront au cours du premier trimestre 2018, et peut présenter ses candidats comme dans toutes les élections précédentes. La Cour Suprême de Justice n’a exclu aucun parti mais une étiquette, celle de la coalition de droite appelée MUD (Mesa de Unidad Democratica). Cette sentence ne fait qu’appliquer la loi. Au Venezuela comme dans n’importe quel État de Droit, les inscriptions aux élections se font légalement par parti. La Constitution vénézuélienne n’autorise pas qu’un candidat soit affilié à deux partis politiques à la fois (double militantisme).

Par ailleurs un jugement de la Cour Suprême du 5 janvier 2016 et l’article 32 de la Loi sur les partis politiques interdisent qu’une coalition puisse présenter un candidat si un ou plusieurs de ses partis qui aurait boycotté les élections précédentes, ne s’est pas encore réinscrit auprès du Conseil national électoral (CNE). Les partis de droite qui ont boycotté le scrutin de décembre 2017 savent depuis cette époque qu’ils doivent se réinscrire auprès du CNE. Les partis qui ont participé à la dernière élection n’ont pas à se réinscrire et peuvent présenter leurs candidats sans refaire cette démarche.

Même si depuis quelques semaines l’opposition a reçu l’injonction de Washington de se retirer des négociations ouvertes en 2017 avec le gouvernement bolivarien et de boycotter les présidentielles pour renforcer l’image internationale d’une dictature, plusieurs de ses représentants se sont rassis ce lundi 29 janvier à la table de négociations. Un des observateurs internationaux de ces discussions, l’espagnol Rodriguez Zapatero, a critiqué les sanctions européennes parce que loin de contribuer au dialogue, elles renforcent  les secteurs radicaux de l’opposition qui préfèrent une confrontation violente.

Élections municipales de décembre 2017

Le vrai problème de la droite vénézuélienne, qui va de l’extrême droite aux centristes libéraux, c’est que depuis 9 mois, elle ne parvient pas à se mettre d’accord sur sa stratégie électorale et à désigner un candidat unique. En s’engageant dans des violences lors des manifestations de 2017 (attentats à la bombe, incendies de maternités, assassinats de passants, lynchages racistes, etc…), elle a perdu un grand nombre d’électeurs des classes moyennes qui se tournent vers l’abstention. Du coup, le seul espoir de la droite vénézuélienne, c’est de présenter un candidat unique à la présidentielle afin que ces électeurs des classes moyennes se retrouvent sur lui.

Observateurs internationaux (dont l’espagnol Rodriguez Zapatero) aux négociations entre opposition et gouvernement, qui se poursuivent en janvier/février 2018.

L’opposition et les grands médias dénoncent aujourd’hui l’anticipation des présidentielles votée par l’Assemblée Nationale Constituante. Or… cette anticipation est une vieille revendication de l’opposition et des gouvernements occidentaux : “on veut des élections générales, tout de suite !”. On mesure aujourd’hui la mauvaise foi de ces secteurs qui au lieu de s’en féliciter, en tirent prétexte pour de nouvelles sanctions…

Ce scrutin présidentiel sera le 25ème en 19 ans de révolution. L’importante victoire du chavisme aux élections municipales du 10 décembre 2017 avait déjà confirmé – comme lors des votes de juillet et d’octobre – l’abîme entre l’image martelée par les médias d’une « dictature » et une démocratie qui bat des records en matière d’élections.

Lors du scrutin de décembre, le Conseil des Experts Electoraux d’Amérique Latine(CEELA) (1) a rappelé par la voix de son président, le juriste Nicanor Moscoso, que les partis de droite comme de gauche ont déclaré être satisfaits du déroulement des 9 audits préalables au vote: « Ce processus d’audit est inédit et unique dans la région. Il permet que toutes les étapes du processus, tout ce qui est programmé et tout ce qui fait partie du processus soit contrôlé par des techniciens et par les membres des différents partis politiques délégués devant le Centre National Électoral. (..) Le 11 décembre, au lendemain du scrutin, le CEELA a donné lecture de son rapport final: « Le processus de vérification citoyenne s’est déroulé en toute normalité et avec succès. On a pu constater que « le nombre de bulletins de votes en papier introduits dans les urnes et le nombre de votes électroniques enregistrés par les machines, coïncident à 100%“. (2). C’est ce système double – vote électronique + vote papier pour vérification, qui a fait dire à l’observateur Jimmy Carter que de tous les systèmes électoraux qu’il a pu observer dans le monde, le vénézuélien est ”le meilleur” (https://venezuelanalysis.com/news/7272)

Voici par ailleurs la réponse officielle du Venezuela bolivarien au président français Mr. Macron qui depuis le sommet de Davos a réclamé de « nouvelle sanctions contre le Venezuela pour ses dérives autoritaires »:

« Le Gouvernement de la République Bolivarienne du Venezuela rejette énergiquement les déclarations inacceptables émises le vendredi 26 janvier par le Président de la République Française, Emmanuel Macron, dans lesquelles il déconsidère le gouvernement démocratique du Venezuela et demande à intensifier les sanctions de l’Union Européenne contre le Peuple vénézuélien, ce qui constitue un geste inamical de la part du leader d’une Nation avec laquelle avec laquelle le Venezuela a cultivé des liens historiques et fraternels.

La République Bolivarienne du Venezuela observe avec préoccupation que l’Etat français en appelant au délit et à l’adoption de mesures contraires au Droit International, ne fragilise pas seulement le principe de la libre détermination des Peuples et à la non-intervention dans les affaires intérieures des états souverain mais abandonne son précepte de « Liberté, Egalité, Fraternité », en prétendant se constituer en une copie fidèle du Gouvernement hégémonique des Etats-Unis qui, obstinément, cherche à faire sombrer le Peuple vénézuélien et attiser les conflits dans le pays.

Finalement, il est inacceptable pour la République Bolivarienne du Venezuela que le Président de la République Française prétende mettre en cause la légitimité, la pertinence et la transparence des Pouvoirs Publics et des institutions inscrites dans notre constitution. En ce sens, le Gouvernement Bolivarien exhorte le Gouvernement Français à poursuivre les liens bilatéraux par la voie d’un dialogue constructif et respectueux qui se traduisent par des relations mutuellement fructueuses, et éloignées des vieilles pratiques intimidatrices de la France colonialiste dépassée.

Caracas, le 27 janvier 2018 (Traduction : Jean-Michel Hureau)

Thierry Deronne, Caracas, le 29 janvier 2018

 

Merci pour leur aide rédactionnelle à Pierrick du Yeti Blog https://yetiblog.org/venezuela-linterdiction-dun-parti-qui-nexiste-pas/ et à l’infatigable et patiente réinformatrice Louise de Lannoy φ @LoudL

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Soldat soviétique brandissant le drapeau rouge sur la place centrale de Stalingrad en 1943. Source : Wiképédia.

Stalingrad, la bataille qui a changé le cours de l’histoire. Il y a 75 ans, le 2 février 1943, les troupes soviétiques ont défait la 6e armée allemande après avoir subi un siège meurtrier de plus de six mois. Yakov Rabkin, professeur d’histoire à l’Université de Montréal (et d’origine soviétique), décrit la guerre meurtrière que subissait l’URSS, « beaucoup moins civilisé » que la guerre sur le front ouest de l’Europe, et surtout la bataille de Stalingrad (aujourd’hui Volgagrad), probablement la plus sanglante et la plus meurtrière de l’histoire. Il répond aux questions sur la signification de cette bataille dans l’histoire de la guerre contre l’Allemagne nazie et dans l’histoire du 20e siècle? Sur la réécriture de l’histoire de cette bataille et sa banalisation en Europe et en Amérique du Nord? Et plus.

 

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Entretien. Questions à Fathi Chamkhi, dirigeant du Front populaire, député et animateur de RAID (ATTAC et CADTM en Tunisie).

Quelles sont les raisons immédiates des mobilisations  ?

Un nouvel embrasement social a commencé le 8 janvier et les jours suivants. Il s’agit d’une réponse aux mesures contenues dans la loi de finances 2018. Celles-ci touchent en effet de plein fouet les classes populaires.

On y trouve notamment  :
- des recettes fiscales supplémentaires espérées de 1 282 millions de dinars (MD) |1|, auxquelles viennent s’ajouter un nouvel impôt de 1% sur les salaires pour 148 MD  ;
- une réduction de 1 060 MD des dépenses de l’État.

L’ensemble des recettes supplémentaires attendues représenteront environ 7% du budget de l’État.

Les informations concernant les conséquences concrètes de cette loi de finances ont circulé, en décembre. Elles ont été confirmées début janvier par une première salve de hausse des prix |2|. Et ce sont ces hausses immédiates qui ont mis le feu au poudre  !

Après une semaine de contestation et, parfois, de heurts très violents avec les forces de l’ordre |3|, un calme précaire règne de nouveau sur l’ensemble du pays.


Quelle est la stratégie du gouvernement pour tenter d’imposer sa politique  ?

Avec ces mesures, le gouvernement Youssef Chahed (YC) sait qu’il avance en terrain miné  ! Non seulement à cause de son impopularité, mais aussi à cause de l’ampleur des critiques qui fusent de toute part contre ce gouvernement et son bilan très décevant.

Les critiques ne viennent pas seulement de l’opposition, mais aussi de l’intérieur de la coalition au pouvoir |4|, voire de Nidaa Tounes, le propre parti de YC.

C’est pourquoi le gouvernement de YC a pris soin de répartir l’application de ses mesures tout au long de l’année en cours, afin de réduire les risques d’une nouvelle explosion sociale.

Il a aussi fourni beaucoup d’efforts de communication pour tenter de les justifier  : YC et ses ministres font souvent référence au bilan négatif qu’ils ont hérité des gouvernements précédents. Ils invoquent aussi les sacrifices qu’il faudrait consentir pour sortir de la crise et réussir une relance économique qui tarde à venir.

Enfin, YC et ses ministres ne trouvent rien d’autre pour rassurer les TunisienEs, face à la dégradation spectaculaire de leurs conditions de vie, que de prédire la fin proche de leurs sacrifices. Ils prétendent que 2018 sera la dernière année de la crise, et que 2019 verra la Tunisie sortir du long tunnel de la crise et renouer avec la croissance.


Cette stratégie a-t-elle des chances de réussir  ?

C’est pour moi peine perdue  ! La gravité et la persistance de la crise économique, l’ampleur du désastre social et, surtout, la longue liste des promesses non tenues de «  lendemains qui chantent  », ont eu raison de la patience des TunisienEs, pour laisser place aux sentiments d’amertume et de colère.

La grogne sociale est constamment alimentée par les difficultés économiques et sociales croissantes, notamment l’aggravation du chômage et la baisse quasi générale du pouvoir d’achat.

En fait, YC, tout comme ses nombreux prédécesseurs, sait qu’il n’a pas bien en mains les commandes du pays. En août 2016, dans son discours devant le Parlement lors du vote de confiance à son gouvernement, YC avait évoqué les principaux indicateurs économiques et sociaux du pays. Dans un discours qu’il voulait celui de la sincérité et de la franchise, il avait peint un tableau noir  : crise des finances publiques, corruption gangrenant tout l’appareil d’État, endettement extérieur atteignant des records absolus et représentant un fardeau insoutenable pour les caisses de l’État, une énorme demande sociale aggravée par un chômage endémique et une pauvreté en extension continue, la ruine des services publics, etc.

Face à cette situation de crise globale, YC avait promis de mettre en place des réponses adéquates, en matière de politique économique et sociale, afin de redresser la barre, de rétablir les équilibres financiers et de renouer avec la croissance.

Aujourd’hui, tous s’accordent à dire que le gouvernement de YC a largement échoué dans sa mission de sauvetage, même s’il tente désespérément de s’accrocher au moindre signe pour cacher son échec patent.

Poussé par le FMI, avec lequel il a conclu un accord de réformes qui s’étale sur trois ans, YC tente le tout pour le tout et le clame haut et fort  : «  Je suis amené à prendre des mesures douloureuses  », «  les sacrifices sont nécessaires  » «  la situation du pays est grave donc nous devons accélérer le rythme des réformes  », etc.


Le gouvernement Chahed a-t-il encore un avenir  ?

La contestation sociale a fortement éprouvé un gouvernement en perte de vitesse, de plus en plus lâché par ses alliés politiques et rattrapé par son échec face à la situation dramatique du pays. Le gouvernement YC semble bel et bien en sursis et ses jours sont comptés. Les rares soutiens qui lui restent fidèles sont le parti islamiste Ennahdha et, aussi invraisemblable que cela puisse paraître, la toute puissante centrale syndicale UGTT. Son secrétaire général ne trouve rien de mieux à dire que la Tunisie en assez des changements à ­répétition de gouvernement.


Quel est la situation de l’économie tunisienne  ?

La situation économique et sociale de la Tunisie est grave. Elle connaît en effet  :
- sa plus longue crise économique. Une crise dont le début remonte à 2008 et qui s’est aggravée après la révolution de 2011  ;
- la crise des finances publiques. Le gouvernement a notamment de plus en plus de mal à mobiliser des ressources financières pour son budget. Et cela malgré la baisse importante et continue des dépenses sociales. Un recours croissant à l’endettement |5| a permis jusqu’ici de camoufler la crise grave des finances publiques. En 2010, la part de l’emprunt dans le budget de l’État était de 17%. Elle est passée à 30% en 2017  ;
- la crise de la dette est un fait avéré. Désormais l’État ne peut plus compter sur l’emprunt pour combler le fossé croissant dans son budget entre les ressources propres et ses besoins de financement. Le gouvernement actuel ou celui qui le remplacera sera de plus en plus tenté, notamment sous la pression du FMI, par des mesures antisociales. Face à cela, les classes populaires et la jeunesse, qui ont maintes fois prouvées leur grande capacité de mobilisation, ne se laisseront pas faire.


Doit-on s’attendre à une poursuite de la résistance des classes laborieuses et de la jeunesse  ?

Pour faire face aux agressions sociales multiples et continues de la part d’un régime capitaliste décadent, les classes laborieuses tunisiennes et la jeunesse ont tout expérimenté, ou presque. De la résignation à l’oppression politique, à l’insurrection révolutionnaire, puis les élections démocratiques et la manipulation par des forces rétrogrades et contre-révolutionnaires.

Mais, loin d’affaiblir leur détermination et leur combativité, ces expériences leur sont bénéfiques sur le plan de l’éducation politique et de la prise de conscience.

Rien ne semble indiquer aujourd’hui que la jeunesse révoltée et les classes laborieuse vont s’arrêter au milieu du chemin. Les semaines et les mois à venir sont pleines de promesses positives.


Propos recueillis par Dominique Lerouge

 

Notes

|1| 3 dinars = 2 euros.

|2| Augmentation des prix de l’électricité et du gaz  : 358 MD  ; du carburant  : 342 MD, de certains produits de base  : 330 MD  ; du transport scolaire  : 30 MD.

|3| 1 mort, 930 arrestations, plus d’une centaine de blessés des deux côtés (manifestants et police) et beaucoup de dégâts matériels.

|4| C’est un gouvernement d’alliance («  d’unité nationale  »), notamment entre les deux partis vainqueurs des dernières élections de 2014  : le parti Nidaa Tounes et le parti islamiste Ennahdha.

|5| Le taux d’endettement est passé de 40,5% en 2010 à 71,4% actuellement. Dans le même temps, l’encours de la dette publique s’est accru de 25,6 à 76,2 milliards de dinars.

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« La semaine dernière, le Secrétaire de la Défense James Mattis a publié le NDS (National Defense Strategy, stratégie de défense nationale) pour 2018. Demandé par le Congrès, le NDS remplace la Quadriennal Defense Review (Bilan de la défense quadriennal). Il en diffère sur un point : le NDS est classifié ; le document publié par Mattis est donc un résumé déclassifié de ce qui est sûrement un document plus complet et plus ambitieux sur les orientations stratégiques du Département de la défense des USA. » – Introduction Brookings Institution, ‘How to read the 2018 National Defense Strategy’, 21 janvier 2018.


Vendredi dernier, le Pentagone a publié un résumé non classifié du rapport de la Stratégie de défense nationale pour 2018. Le même jour, le Secrétaire de la Défense James Mattis a donné des remarques additionnelles sur le document.

Lire le résumé est éclairant, pour dire le moins, et quelque peu inquiétant, parce qu’il ne se concentre que très peu sur la défense et se préoccupe beaucoup plus d’actions militaires offensives qui pourraient être entreprises pour soutenir des intérêts nationaux discutables. De loin en loin, il tombe dans la fantasmagorie, par exemple quand il parle de consolider « les gains que nous avons obtenus en Afghanistan, en Irak, en Syrie et ailleurs ».

Parfois, les « remarques » additionnelles de Mattis relevaient de la fanfaronnade, par exemple quand il prévenait « … ceux qui menaceraient l’expérience démocratique de l’Amérique ; si vous nous défiez, vous vivrez votre jour le plus long et le pire ». Il n’a pas expliqué quelle serait la réponse militaire des USA au « hacking » des mails d’un politicien, on ne peut donc que l’imaginer. Et c’est précisément le problème.

L’un des aspects les plus bizarres de ce résumé est le ton de conviction effarante sur lequel il énonce que les « concurrents » devront faire face à de possibles réponses militaires s’il est déterminé qu’ils entrent en conflit avec les buts stratégiques du gouvernement des USA. Nous sommes très loin de l’ancien concept constitutionnel selon lequel les forces armées servent à défendre un pays contre des menaces réelles impliquant une attaque par des forces hostiles. A la place, il prône la guerre préventive, ce qui est une excuse transparente pour lancer des interventions en série à l’étranger.

Quelques-unes des remarques de Mattis ont trait à la Chine et à la Russie. Il a dit, « Nous faisons face à des menaces montantes de la part de puissances révisionnistes aussi différentes que la Chine et la Russie, des nations qui cherchent à créer un monde en accord avec leurs modèles autoritaires – en recherchant des droits de veto sur les décisions économiques, diplomatiques et sécuritaires d’autres nations. » Il n’y a toutefois aucune preuve que ces pays soient en train d’exporter « des modèles autoritaires », ni d’une quelconque volonté de veto sur ce qu’ils ne perçoivent pas comme des menaces directes et immédiates, comme celles que Washington orchestre fréquemment dans l’une ou l’autre de ses nombreuses interventions dans des querelles locales situées à des milliers de kilomètres des frontières des USA. Et à propos d’exportation de modèles, qui le fait de façon plus obstinée que Washington ?

Le résumé continue en déclarant que la Russie, la Chine et des « régimes voyous » comme l’Iran ont « développé leurs efforts non guerriers en étendant la coercition à de nouveaux fronts, violant les principes de souveraineté, exploitant l’ambiguïté, et brouillant délibérément les lignes de démarcation entre les buts civils et militaires. » Comme brouiller les lignes de démarcation entre le civil et le militaire est précisément ce que les États-Unis ont fait en Libye, en Irak et en ce moment en Syrie, l’allégation pourrait être considérée comme un pied de nez.

L’affirmation la plus effrayante du résumé est celle-ci : « La puissance nucléaire – la modernisation de la force de frappe nucléaire implique le développement d’options capables de contrer les stratégies coercitives des concurrents, fondées sur la menace de recourir à des attaques stratégiques nucléaires ou non-nucléaires. » Cela signifie que la Maison-Blanche et le Pentagone se réservent le droit d’utiliser des armes nucléaires, même en l’absence de menace imminente ou existentielle, du moment qu’il y a une raison « stratégique » de les employer. « Stratégique » serait défini par le président et Mattis, alors que de plus, la loi dite War Powers Act autorise Donald Trump à déclencher une attaque nucléaire en toute légalité.

Qu’est-ce que cela veut dire en pratique ? En 2005, le vice-président Dick Cheney réclamait une guerre contre l’Iran dans le cadre d’« un plan à employer en réponse à une autre attaque possible de type 9/11 contre les USA… [y compris] un assaut aérien de grande ampleur qui emploierait à la fois des armes conventionnelles et nucléaires… ne dépendrait pas de l’implication ou non de l’Iran dans l’acte de terrorisme dirigé contre les États-Unis. » [La seule source que nous ayons trouvée pour cette affirmation est Philip Giraldi lui-même, dont cette citation attribuée à Cheney a été reproduite dans plusieurs articles et livres, notamment Vagueness as a Political Strategy: Weasel Words in Security Council Resolutions Relating to the Second Gulf War, de Giuseppina Scotto di Carlo, Cambridge Scholars Publishing, 2013. Sur le même sujet, nous avons entre autres un article de Seymour Hersh, ‘The Iran Plans’, The New Yorker 2006, NdT]

La possibilité d’employer des armes de destruction massive (dont des armes nucléaires) répondait à des soi-disant rapports des services de renseignements selon lesquels des armes conventionnelles seraient incapables de pénétrer les sites nucléaires souterrains iraniens, selon eux. Mais il s’est avéré que l’Iran n’avait pas de programme nucléaire et que l’attaquer aurait été totalement gratuit. Quelques autres plans inspirés des néocons comprenaient aussi l’option nucléaire si l’Iran avait la témérité de résister à la volonté des USA.

Les planificateurs du Pentagone anticipent clairement une autre année à se cacher derrière le mot ‘défense’ alors que l’agression est la réalité. Un président impétueux et mal informé représente un danger pour nous tous, en particulier parce qu’il est entouré de généraux-conseillers qui voient une solution militaire à tous les problèmes. Espérons que des personnes plus sages prévaudront.

Philip Giraldi

Article original en anglais :

America’s National Defense Is Really Offense

Strategic Culture Foundation 26 janvier 2018

Traduction et source pour la version française Entelekheia

Article reproductible en citant les sources, Strategic Culture Foundation et Entelekheia.fr pour la version française

Philip Giraldi est un ex-officiel des renseignements militaires de la CIA et un expert du contre-terrorisme.

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Une discussion a commencé au cours du dernier mois dans les cercles stratégiques et militaires australiens sur la nécessité de fabriquer des armes nucléaires, ou de développer la capacité de le faire, contre la prétendue menace posée par les puissances nucléaires, surtout la Chine.

Le débat, en public au moins, est assez prudent, compte tenu de l’hostilité populaire généralisée à la guerre et donc de la possibilité que des protestations éclatent contre toute tentative de créer un arsenal nucléaire. Cependant, le fait même que la question soit activement discutée est un autre signe de l’aggravation rapide des tensions géopolitiques et de l’accélération de la course aux armements par les grandes puissances du monde entier.

La poussée renouvelée pour les armes nucléaires est liée à un débat stratégique plus large sur le danger croissant de conflit entre les États-Unis et la Chine. Pour la plupart, le gouvernement Turnbull et les partis d’opposition, ainsi que les médias et les groupes de réflexion, se sont rangés derrière la position belliqueuse de l’administration Trump envers la Chine et la Corée du Nord. Le gouvernement a soutenu la nouvelle stratégie de défense américaine qui identifie la Chine et la Russie, et non le terrorisme, comme la menace dominante.

Cependant, dans les conditions d’un danger croissant de guerre, des doutes ont été exprimés quant à la volonté et la capacité des Etats-Unis de venir en aide à l’Australie, y compris en cas d’attaque nucléaire.

Hugh White, qui encourageait auparavant les États-Unis à conclure un accord avec la Chine pour atténuer les tensions, a écrit un article dans le Quarterly Essay intitulé Without America : Australia in the New Asia (Sans l’Amérique : l’Australie dans la nouvelle Asie). Il a argué que bientôt les Etats-Unis ne seront pas en mesure de rivaliser avec la Chine militairement et l’Australie devra faire cavalier seul.

White, professeur d’études stratégiques à l’Australian National University (ANU), a déclaré sans ambages :

« La logique terrifiante stratégique suggère donc que seule une force nucléaire à nous, capable de menacer de manière crédible un adversaire de dommages majeurs, assurerait que nous pourrions dissuader [la Chine] d’une telle menace nous-mêmes. » Ayant soulevé la question, cependant, il a nuancé la remarque en écrivant qu’il ne « prédisait ni ne préconisait que l’Australie doive acquérir des armes nucléaires ».

Paul Dibb, professeur émérite d’études stratégiques à l’ANU, a fait obliquement une suggestion similaire dans un article de l’Australian en octobre dernier, intitulé « Notre position d’armement nucléaire mérite d’être revue. » Dibb a déclaré que l’Australie n’avait pas besoin d’armes nucléaires pour le moment mais que les temps changeaient et qu’« il serait prudent de revenir sur la réduction du retard technologique ».

L’Australie n’a actuellement pas de réacteurs nucléaires pour l’énergie commerciale et un seul établissement de recherche, à Lucas Heights à Sydney, géré par l’Organisation australienne des sciences et technologies nucléaires (ANSTO). Sur le papier, cette installation est consacrée à l’utilisation pacifique de la technologie nucléaire. En conséquence, l’infrastructure nécessaire pour obtenir l’ingrédient de base pour fabriquer des armes nucléaires, l’uranium enrichi ou le plutonium, est absente et prendrait des années à construire.

Ce que Dibb suggérait, c’est que l’Australie, sous prétexte de produire de l’énergie nucléaire ou sous un autre prétexte, doive acquérir la technologie essentielle pour produire les matières fissiles nécessaires à la construction d’une arme nucléaire. L’hypocrisie en est stupéfiante. Les analystes qui font de telles propositions accusent des pays comme l’Iran et la Corée du Nord de mettre ces plans en pratique, et soutiennent une attaque préventive des États-Unis pour éliminer cette menace supposée.

Dibb sait très bien que l’Australie est signataire du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP). Il a noté qu’il serait difficile d’affirmer, dans le cadre de sa clause relative aux « intérêts suprêmes », que l’Australie fait face à une menace existentielle. Toute initiative de l’Australie visant à « réduire le retard » pourrait également « préoccuper sérieusement les États-Unis et d’autres pays […] et pourrait stimuler davantage la prolifération nucléaire ».

En fait, avant de signer le TNP en 1970 et de le ratifier en 1973, le gouvernement australien a élaboré des plans pour une centrale nucléaire commerciale à Jervis Bay, au sud de Sydney, qui fournirait secrètement l’uranium enrichi nécessaire à la fabrication d’armes nucléaires. Le projet de Jervis Bay, promu par le premier ministre John Gorton, a été mis en réserve après son renversement en 1971 par Billy McMahon.

Le professeur associé Wayne Reynolds, auteur du livre Australia’s Bid for the Atomic Bomb (La tentative de l’Australie pour acquérir la bombe atomique), a dit à l’Australian que dans cette période « L’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas – tous voulaient des armes nucléaires, mais l’Australie était en tête de liste à cause de nos ressources en uranium, nos scientifiques et notre programme d’enrichissement. »

Tandis que White et Dibb, qui ont tous deux occupé des postes de responsabilité dans l’establishment australien de la défense et du renseignement, sont réticents à préconiser ouvertement des armes nucléaires, d’autres demandent que l’on discute de la question et que des mesures soient prises.

Dans un article intitulé « Lutter contre un gorille de 400 kilos bardé d’armes nucléaires », Andrew Davies, directeur du programme de défense et de stratégie de l’Institut australien de politique stratégique (ASPI), a réprimandé White et Dibb pour leur « timidité et leur manque de volonté de faire face dès maintenant à la conclusion logique de leurs arguments. »

Davies a écrit : « La question clé, que nous ne devrions pas éviter d’aborder, est de savoir si nous jugeons le risque d’une attaque de la part de la Chine suffisamment élevé et sérieux pour justifier le développement d’un système de dissuasion nucléaire indépendant. » Alors qu’il n’a pas répondu à la question, il a déclaré qu’« il y a un débat stratégique sérieuse à avoir. » ASPI reçoit des fonds du gouvernement et des entreprises d’armement.

Malcolm Davis, collègue analyste de l’ASPI, dans un article intitulé Going nuclear ? (Opter pour le nucléaire ?) du 9 janvier, a ajouté une note d’urgence : « Pour dissuader les menaces nucléaires, il faut des armes nucléaires, et une telle capacité renforcerait toute dissuasion non nucléaire future […] l’Australie n’envisagerait pas une telle mesure à la légère, mais n’attendez pas beaucoup de temps pour une réflexion approfondie si nos décideurs politiques sont contraints de faire face à cette option. »

Peter Layton, analyste de l’Institut Lowy, a proposé dans un article du 17 janvier que l’Australie envisage de « partager les armes nucléaires » plutôt que de développer un arsenal indépendant. Il a suggéré le placement des armes nucléaires américaines sur le sol australien comme c’est le cas en Allemagne, en Belgique, en Hollande, en Italie et en Turquie, ou encore le partage des coûts avec la Grande-Bretagne pour construire sa flotte de sous-marins nucléaires de type Dreadnought dotés de missiles nucléaires Trident.

Ce débat est lié à une poussée plus large pour augmenter les dépenses militaires en préparation à la guerre. Le major-général à la retraite Jim Molan, qui devrait bientôt être confirmé en tant que sénateur du Parti libéral, a soutenu le 4 janvier dans l’Australian que la capacité militaire des États-Unis avait nettement diminué. L’Australie doit « s’attaquer à nos vulnérabilités critiques en matière de sécurité du carburant et de détention d’armes haut de gamme. À défaut de le faire, nous pourrions être réduits à l’impuissance en moins d’une semaine. À moyen et long terme, nous avons besoin de garanties de sécurité plus stables. »

Dans son livre blanc sur la défense de 2016, le gouvernement prévoyait déjà une expansion militaire de plusieurs milliards de dollars, portant le budget de la défense à au moins 2 % du produit intérieur brut et achetant des systèmes d’armes avancés. Sur le même thème, le Premier ministre Malcolm Turnbull a annoncé hier une vaste expansion des industries militaires au nom d’une campagne d’exportation d’armes et pour devenir l’un des dix premiers exportateurs d’armes au monde.

Aucune de ces étapes n’a quelque chose à voir avec la « défense » ou la préservation de la paix.

Dans un monde où les tensions géopolitiques s’accélèrent, l’Australie cherche en réalité les moyens militaires de poursuivre ses propres intérêts impérialistes, soit en se liguant avec les États-Unis, comme elle le fait depuis la Seconde Guerre mondiale, soit de façon indépendante si nécessaire. L’establishment militaire et politique arrive à la conclusion que pour ce faire, il a besoin de l’ultime « arme haut de gamme » – un arsenal nucléaire.

Peter Symonds

 

Article paru en anglais, WSWS, le 30 janvier 2018

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Si vous n’avez pas encore lu Conversations entre Adultes de Yanis Varoufakis, commandez-le à votre libraire. Cela se lit comme un polar politique, il y a du suspense, des rebondissements, des trahisons… L’immense intérêt de ce livre c’est que l’auteur donne sa version d’évènements qui ont influencé et influencent encore la situation internationale, en particulier en Europe mais aussi au-delà car la déception provoquée par la capitulation du gouvernement de la gauche radicale grecque marque profondément les esprits.

La série d’articles que je consacre au livre de Varoufakis constitue un guide pour des lecteurs et des lectrices de gauche qui ne souhaitent pas se contenter de la narration dominante donnée par les grands médias et les gouvernements de la Troïka ; des lecteurs et des lectrices qui ne se satisfont pas non plus de la version donnée par l’ex-ministre des Finances. En contrepoint du récit de Varoufakis j’indique des événements qu’il passe sous silence et j’exprime un avis différent du sien sur ce qu’il aurait fallu faire et sur ce qu’il a fait. Mon récit ne se substitue pas au sien, il se lit en parallèle.

Lire les autres articles de la série :

1 – Les propositions de Varoufakis qui menaient à l’échec

2 – Le récit discutable de Varoufakis des origines de la crise grecque et ses étonnantes relations avec la classe politique

3 – Comment Tsipras, avec le concours de Varoufakis, a tourné le dos au programme de Syriza

4 – Varoufakis s’est entouré de tenants de l’ordre dominant comme conseillers

5 – Dès le début, Varoufakis-Tsipras mettent en pratique une orientation vouée à l’échec

6 – Varoufakis-Tsipras vers l’accord funeste avec l’Eurogroupe du 20 février 2015

7 – La première capitulation de Varoufakis-Tsipras fin février 2015

8 – Les négociations secrètes et les espoirs déçus de Varoufakis avec la Chine, Obama et le FMI

 

La critique de la politique qui a été suivie par le gouvernement grec en 2015 ne consiste pas principalement à déterminer les responsabilités de Tsipras ou de Varoufakis en tant qu’individus

Il est essentiel de prendre le temps d’analyser la politique mise en pratique par Varoufakis et le gouvernement Tsipras car, pour la première fois au 21e siècle, un gouvernement de gauche radicale a été élu en Europe. Comprendre les failles et tirer les leçons de la manière dont celui-ci a affronté les problèmes qu’il rencontrait sont de la plus haute importance si on veut avoir une chance de ne pas aboutir à un nouveau fiasco. Dans d’autres pays d’Europe, une majorité d’électeurs et d’électrices pourrait porter au gouvernement des forces de gauche qui promettent de rompre avec la longue nuit néolibérale. Ces pays ne sont certes pas nombreux mais ils existent. De toute façon, même là où les chances d’arriver au gouvernement sont très limitées, il est fondamental de présenter un programme cohérent de mesures qui devraient être prises par un gouvernement aussi fidèle au peuple que le sont les gouvernants actuels à l’égard du grand capital.

La critique que je fais des choix de Varoufakis est précise et elle est dure, sans concession. Il n’en demeure pas moins que Varoufakis a pris la peine de communiquer ce qu’il considère être sa part de vérité. Il a pris des risques en le faisant. S’il n’avait pas écrit ce livre, bien des faits importants seraient restés inconnus. Il ne faut pas s’attendre à ce que Tsipras livre sérieusement sa version de ce qui s’est passé. Il lui est impossible de relater son action et de la justifier. Si un jour il lui arrive de signer un récit, il aura été écrit par quelqu’un d’autre et il sera rempli de lieux communs.

Il faut aussi faire une distinction entre Tsipras et Varoufakis : l’un a signé le 3e mémorandum et l’a fait passer au parlement grec, l’autre s’y est opposé, a quitté le gouvernement le 6 juillet et, en tant que député, a voté contre le mémorandum le 15 juillet 2015.

L’enjeu est de tirer des leçons sur ce qu’un gouvernement de gauche radicale peut faire dans la zone euro

L’enjeu de la critique de la politique qui a été suivie par le gouvernement grec en 2015 ne consiste pas principalement à déterminer les responsabilités respectives de Tsipras ou de Varoufakis en tant qu’individus. Ce qui est fondamental, c’est de réaliser une analyse de l’orientation politico-économique qui a été mise en pratique afin de déterminer les causes de l’échec, de voir ce qui aurait pu être tenté à la place et d’en tirer des leçons sur ce qu’un gouvernement de gauche radicale peut faire dans un pays de la périphérie de la zone euro.

Dans cette partie, nous présentons les conseillers dont s’est entouré Varoufakis. Force est de constater que, dès l’étape de sélection de ses principaux conseillers, Yanis Varoufakis s’est entouré de personnes peu disposées à réaliser les promesses de Syriza (c’est le moins qu’on puisse dire) et à mettre en œuvre des politiques alternatives afin de sortir la Grèce de l’emprise de la Troïka.


Les conseillers de Yanis Varoufakis comme ministre

Dans son ouvrage, Varoufakis décrit l’équipe de ses conseillers directs et lointains. La manière dont l’équipe a été composée est terrible. La logique qui a présidé aux choix des personnes explique en partie l’échec qui allait suivre. Ce n’est pas l’élément déterminant mais cela a joué un rôle.

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Photo : Alekos Papadopoulos

Pour désigner un vice-ministre des Finances en charge de superviser le Trésor, un poste de la plus haute importance, Varoufakis raconte qu’il a consulté Alekos Papadopoulos, un ancien ministre des Finances des années 1990, issu du Pasok. Varoufakis explique qu’il avait collaboré avec Papadopoulos pour rédiger le programme économique que Georges Papandréou a présenté aux élections de 2004 remportées par les conservateurs de la Nouvelle démocratie. Syriza qui se présentait pour la première fois à des élections avait obtenu 6 députés avec 3,3 % des voix. Nouvelle démocratie de Karamanlis avait obtenu 45,4 % des voix et le Pasok conduit par Papandreou avait récolté 40,5 % des suffrages.

Varoufakis écrit : « Papadopoulos était dans l’opposition par rapport à Syriza, mais il était prêt à me soutenir personnellement et m’a promis de me trouver quelqu’un. (…) Le soir-même il m’a envoyé un sms en me donnant le nom de Dimitris Mardas  » |1|. Varoufakis contacte Mardas directement et lui propose le poste de vice-ministre des Finances.

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Dimítris Márdas

Il faut savoir que le 17 janvier 2015, huit jours avant la victoire de Syriza, Mardas a publié un article particulièrement agressif contre la députée de Syriza Rachel Makri sous le titre « Rachel Makri vs Kim Jong Un et Amin Dada ». L’article se concluait par la très éloquente question (soulignée par lui-même) « Sont-ce ceux-là qui vont nous gouverner ? ». Dix jours plus tard, ce même Mardas devenait, grâce à Varoufakis, ministre suppléant des Finances. Varoufakis explique dans son livre qu’après un mois comme ministre il s’est rendu compte qu’il avait fait un mauvais choix. Signalons que Mardas, qui a soutenu la capitulation en juillet 2015, a été élu député Syriza aux élections de septembre 2015. Papadopoulos a lui aussi soutenu le 3emémorandum de juillet 2015 |2|.

Varoufakis explique qu’en second lieu il devait choisir le Président du Conseil des économistes. Il se rend compte que ce poste avait été pourvu en son nom par le vice-premier ministre Dragasakis. Ce dernier avait en effet choisi George Chouliarakis, un économiste d’une trentaine d’années qui avait enseigné à l’Université de Manchester avant d’être transféré à la Banque centrale de Grèce. Chouliarakis a joué un rôle néfaste dès l’entrée en fonction de Varoufakis et pourtant celui-ci l’a gardé jusqu’à la fin. Son nom reviendra plusieurs fois dans le récit des évènements.

Ensuite Varoufakis a intégré à son équipe Elena Panaritis, parce qu’elle connaissait bien le langage et le modus operandi de la Troïka. Panaritis, en tant que députée du Pasok, avait voté en faveur du premier mémorandum de 2010. Avant cela, elle avait travaillé à Washington, surtout à la Banque mondiale, où elle s’était construit, selon Varoufakis, un excellent réseau de personnalités proches des institutions basées à Washington. Notamment l’ancien Secrétaire du Trésor, Larry Summers, à qui elle a présenté Varoufakis. Panaritis, dans les années 1990, a travaillé pour la Banque mondiale au Pérou où elle a collaboré avec le régime néolibéral, corrompu et dictatorial d’Alberto Fujimori. Varoufakis raconte : « Quand je l’ai revue avant les élections, je n’ai pas hésité une seconde à lui demander de me rejoindre. Il n’y a pas mieux pour se battre contre le diable que quelqu’un qui l’a servi et qui est devenu son pire ennemi. » |3| La suite a montré que loin d’être devenue son pire ennemi, elle a continué à collaborer avec lui.

Elena Panaritis

Sa nomination comme conseillère du ministre des Finances a provoqué dès le début des remous dans Syriza et Tsipras a essayé de convaincre Varoufakis de s’en défaire. Ensuite, il s’en est très bien accommodé. Plus tard, quand Varoufakis, en mai 2015, a fait nommer, avec l’accord de Tsipras, Panaritis représentante de la Grèce au FMI, cela a provoqué une telle levée de boucliers dans Syriza et au parlement, qu’elle a finalement dû renoncer à ce poste le 1er juin 2015 |4|.

Dans son équipe, Varoufakis a également incorporé Glenn Kim, spécialiste des marchés financiers et en particulier du marché des dettes souveraines. En 2012, il avait collaboré à la mise en œuvre de la restructuration de la dette grecque notamment comme consultant des autorités allemandes. Quand Varoufakis a pris contact avec Glenn Kim, celui-ci lui a dit qu’il travaillait comme consultant pour le gouvernement islandais, qu’il aidait à mettre fin au contrôle des capitaux en vigueur depuis 2008. Cela convenait très bien à Varoufakis qui, à tort, ne voulait surtout pas recourir à un contrôle des mouvements de capitaux, alors qu’il aurait dû prendre en compte les résultats positifs obtenus en Islande.

Varoufakis écrit : « Un cynique dirait que les experts genre Glenn travaillent exclusivement pour l’argent et pour leur carrière personnelle. Peut-être. Mais être entouré de personnes comme lui, qui connaissent toutes les arcanes du pouvoir, est un atout précieux. » Précisons que Glenn Kim a continué à conseiller Tsipras après la capitulation de juillet 2015 |5|.

Des personnalités avec lesquelles il ne fallait surtout pas s’allier si on voulait réellement promouvoir une solution favorable au peuple grec.

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Matthieu Pigasse

Varoufakis se félicite d’avoir accepté les services de la Banque Lazard et de son directeur, le Français Matthieu Pigasse |6|. La banque Lazard avait collaboré, en échange de dizaines de millions d’euros de commission, à la restructuration de la dette grecque réalisée par la Troïka en 2012. Selon Varoufakis, Matthieu Pigasse et Daniel Cohen (professeur à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm à Paris et conseiller de Lazard |7|) qui l’accompagnait « ont réussi à me convaincre en me vantant les avantages de leur complicité, en s’excusant et me proposant leurs précieux services pro bono pour remettre la Grèce debout. Avec des transfuges de cette trempe à nos côtés, notre force technique était décuplée, voire plus. » |8|

Dans l’équipe internationale dont s’est entouré Varoufakis, il faut citer James Galbraith qui lui a apporté un soutien constant et qui a fait plusieurs séjours à Athènes pendant les six premiers mois de l’année 2015. Parmi les personnes que mentionnent Varoufakis comme l’ayant aidé de très près, James Galbraith est le seul à être digne de confiance même s’il a soutenu une orientation beaucoup trop conciliatrice à l’égard des créanciers. James Galbraith est un économiste néokeynésien des États-Unis, proche du Parti démocrate, connaisseur de la politique internationale. En 2009, il avait eu des contacts étroits avec le gouvernement de Georges Papandréou. Galbraith a travaillé principalement sur le plan B et cela dans le plus grand secret. Il témoigne lui-même de cela dans l’ouvrage Crise grecque, tragédie européenne |9|. De tous les membres de l’équipe que mentionne Varoufakis, Galbraith est le seul à propos duquel on peut considérer qu’il pouvait réellement apporter une aide constructive aux autorités grecques. Il a défendu, aux côtés de Varoufakis, une orientation trop modérée qui ne correspondait pas aux défis qu’il fallait relever et il le reconnaît partiellement |10|. Daniel Munevar, un collaborateur de Galbraith, a apporté activement son soutien à Varoufakis dans la négociation avec les créanciers à partir de mars 2015 mais Varoufakis ne mentionne pas son nom |11|.

James Galbraith

Varoufakis préfère mentionner des personnalités étrangères faisant partie directement de l’establishment : « Outre Norman (Lamont), mes partisans d’outremer comprenaient Jeff Sachs, économiste à l’Université de Columbia, Thomas Mayer, de la Deutsche Bank, Larry Summers, et Jamie Galbraith » |12|. Des personnalités avec lesquelles il ne fallait surtout pas s’allier, à part Galbraith, si on voulait réellement promouvoir une solution favorable au peuple grec. En voici quelques exemples.

Larry Summers, Jeffrey Sachs et d’autres : Varoufakis continue avec des choix incompatibles avec le programme de Syriza

Le parcours de Lawrence ‘Larry’ Summers comporte un certain nombre de taches qui auraient dû être indélébiles… et empêcher toute collaboration. Varoufakis a pourtant cherché systématiquement celle-ci et en est très satisfait. Il déclare dans l’introduction de son livre : « Nous étions largement d’accord sur l’essentiel, et ce n’était pas rien d’avoir le soutien du formidable Larry Summers (…) » |13|.

Le passé de Summers mérite qu’on souligne quelques étapes importantes.

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Lawrence Summers

En décembre 1991, alors économiste en chef de la Banque mondiale, Summers écrit dans une note interne : « Les pays sous-peuplés d’Afrique sont largement sous-pollués. La qualité de l’air y est d’un niveau inutilement élevé par rapport à Los Angeles ou Mexico. Il faut encourager une migration plus importante des industries polluantes vers les pays moins avancés. Une certaine dose de pollution devrait exister dans les pays où les salaires sont les plus bas. Je pense que la logique économique qui veut que des masses de déchets toxiques soient déversées là où les salaires sont les plus faibles est imparable. […] L’inquiétude [à propos des agents toxiques] sera de toute évidence beaucoup plus élevée dans un pays où les gens vivent assez longtemps pour attraper le cancer que dans un pays où la mortalité infantile est de 200 pour 1 000 à cinq ans |14| ». Il ajoute même, toujours en 1991 : « Il n’y a pas de […] limites à la capacité d’absorption de la planète susceptibles de nous bloquer dans un avenir prévisible. Le risque d’une apocalypse due au réchauffement du climat ou à toute autre cause est inexistant. L’idée que le monde court à sa perte est profondément fausse. L’idée que nous devrions imposer des limites à la croissance à cause de limites naturelles est une erreur profonde ; c’est en outre une idée dont le coût social serait stupéfiant si jamais elle était appliquée |15| ».

Devenu vice-secrétaire au Trésor sous Clinton en 1995, Summers pèse de tout son poids avec son mentor, le secrétaire d’État, Robert Rubin, pour obtenir l’élimination en 1999 de la loi qui séparait les métiers de banque de dépôt et de banque d’investissement et la remplacer par une loi dictée par les banquiers |16|. En 1998, avec Alan Greenspan, directeur de la Réserve fédérale et Robert Rubin, Summers avait aussi réussi à convaincre l’autorité de contrôle des bourses des matières premières, la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), d’abandonner toutes les barrières qui « entravaient » le marché des dérivés de crédits vendus de gré à gré (Over The Counter – OTC). La porte est alors grande ouverte pour une accélération de la dérèglementation bancaire et financière qui a abouti à la crise de 2007-2008 aux États-Unis et qui a eu des retombées en Grèce en 2009-2010.

Ajoutons qu’en 2000, Summers fait pression, en tant que secrétaire d’État au Trésor, sur le président de la Banque mondiale, James Wolfensohn, pour que celui-ci se débarrasse de Joseph Stiglitz, qui lui a succédé au poste d’économiste en chef et qui est très critique sur les orientations néolibérales que Summers et Rubin mettent en œuvre aux quatre coins de la planète où s’allument des incendies financiers. Après l’arrivée du président républicain George W. Bush, il poursuit sa carrière en devenant président de l’université de Harvard en 2001, mais se signale particulièrement en février 2005 en se mettant à dos la communauté universitaire après une discussion au Bureau national de la recherche économique (NBER) |17|. Interrogé sur les raisons pour lesquelles on retrouve peu de femmes à un poste élevé dans le domaine scientifique, il affirme que celles-ci sont intrinsèquement moins douées que les hommes pour les sciences, en écartant comme explications possibles l’origine sociale et familiale ou une volonté de discrimination. Cela provoque une grande polémique |18| tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’université. Malgré ses excuses, les protestations d’une majorité de professeurs et d’étudiants de Harvard l’obligent à démissionner en 2006.

En 2009, Summers est devenu membre de l’équipe de transition du président élu Barack Obama et a dirigé le Conseil économique national. En septembre 2010, Summers a quitté l’équipe d’Obama et a repris sa carrière à l’université d’Harvard tout en jouant un rôle dans les coulisses de la politique notamment à Washington. Varoufakis raconte qu’il a demandé à Helena Panaritis de le mettre en contact avec Summers en 2015 afin de pouvoir avoir une influence sur Obama d’une part et sur le FMI d’autre part.

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Jeffrey Sachs

Varoufakis a demandé également à Jeffrey Sachs, spécialisé lui aussi dans les jeux d’influence dans les coulisses de Washington, de collaborer de manière rapprochée, ce que celui-ci a accepté en se rendant plusieurs fois à Athènes, à Bruxelles, à Londres, à Washington en 2015, afin de renforcer l’équipe de Varoufakis. Jeffrey Sachs, comme Lawrence Summers, est lié au parti démocrate, et est présenté dans les médias dominants comme favorable à une solution douce aux crises de la dette en tenant compte des intérêts des pauvres |19|. Pourtant, Jeffrey Sachs a été conseiller de gouvernements néolibéraux qui ont appliqué la politique de la thérapie du choc dans leur pays : Bolivie (1985), Pologne (1989), Russie (1991). Dans son livre La Stratégie du choc. Montée d’un capitalisme du désastre (2008), Naomi Klein a dressé un réquisitoire implacable contre Jeffrey Sachs et les politiques qu’il a recommandées en collaboration avec le FMI, la Banque mondiale et les classes dominantes locales.

Varoufakis mentionne également le soutien indéfectible qu’il a reçu de Lord Norman Lamontqui a été Chancelier de l’Échiquier (ministre des Finances de Grande-Bretagne) dans le gouvernement du conservateur John Major de 1990 à 1993. « Mon amitié avec Lord Lamont of Lerwick, Tory et eurosceptique pur jus, le Chancelier qui avait permis à la Grande-Bretagne d’échapper au Système monétaire européen, s’accordait mal avec mon image d’extrême-gauchiste. » Varoufakis souligne l’importance de la collaboration avec Norman Lamont : « J’ai passé 162 jours à la tête du ministère des Finances et Norman a toujours été un soutien inébranlable, notamment pour finaliser la dernière version de mes propositions de réforme de la dette et de la fiscalité à soumettre à l’UE et au FMI » |20|.

Parmi les autres experts étrangers auxquels Varoufakis a eu recours et qui ont participé à l’élaboration des propositions qu’il a faites aux créanciers : Willem Buiter, qui a rejoint la banque Citigroup en 2010 comme économiste en chef, et Thomas Mayer, ex-économiste en chef de la Deutsche Bank.

Si l’on s’en tient au récit de Varoufakis, le rôle de ces personnalités n’a pas été anodin. Se référant au énième plan qu’il a proposé en mai 2015 aux créanciers, il écrit : « Le temps que j’atterrisse, le Plan pour la Grèce était finalisé. Jeff Sachs avait brillamment rectifié la version que je lui avais envoyée deux jours plus tôt. Norman Lamont avait effectué des ajouts importants ; l’équipe de Lazard avait affiné la proposition d’échange de dettes et Larry Summers avait avalisé l’ensemble. » |21|

Spyros Sagias, un autre exemple d’un défenseur de l’ordre dominant faisant partie du cercle étroit de Tsipras et de Varoufakis

Varoufakis explique qu’il a établi une relation étroite avec Spyros Sagias qui est devenu le conseiller juridique du Premier ministre Tsipras, avec qui il a fait connaissance quelques jours avant les élections. Le choix de Sagias par Tsipras en dit également long sur les priorités de Tsipras au moment de choisir son entourage en tant que chef du gouvernement. Il voulait autant que possible s’entourer de personnages pouvant établir des ponts avec l’establishment, avec le patronat, avec les créanciers. Sagias avait conseillé le gouvernement du socialiste Simitis dans les années 1990 au moment où celui-ci entamait un important programme de privatisations.

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Spyros Sagias

Varoufakis décrit Sagias de la manière suivante : « Sagias n’était pas un homme politique mais, comme il se présenta plus ou moins en riant, un avocat systémique. (…) Pas un seul grand contrat d’affaires où étaient en jeu intérêts privés et secteur public n’échappait à sa sagacité : privatisations, vastes projets immobiliers, fusions, il dominait tout. Il avait conseillé Cosco, le conglomérat chinois qui avait acheté des parts du Pirée et rêvait d’en acquérir la totalité, une privatisation à laquelle Syriza était farouchement opposé ». Il ajoute : « Le jour où Pappas m’avait dit que Sagias serait sans doute secrétaire de cabinet, j’avais été heureusement surpris : on aurait un as du droit parmi nous, un conseiller sachant rédiger des projets de loi imparables et déterrer les secrets honteux de l’ancien régime ». « Je l’aime bien, Sagias, pensais-je. Il avait conscience de fricoter avec l’oligarchie et ne s’en cachait pas » |22|. Sagias, comme le montre Varoufakis plus loin dans son livre, a soutenu les choix successifs qui ont amené à la capitulation définitive.

Ajoutons que pendant le gouvernement Tsipras I, il a aussi aidé Cosco à acquérir les parties du Port du Pirée que l’entreprise chinoise ne possédait pas encore |23|. C’est d’ailleurs la firme de Sagias qui avait rédigé la première convention avec Cosco en 2008. Après avoir quitté ses fonctions de secrétaire du gouvernement, Sagias s’est remis encore plus activement à son cabinet d’affaires |24|. Il est redevenu le conseil attitré de grands intérêts étrangers pour favoriser de nouvelles privatisations. Il a servi les intérêts de l’Émir du Qatar en 2016 qui souhaitait acquérir une île grecque, l’île d’Oxyas à Zakinthos, appartenant à une zone Natura. Sagias a également été le conseil de Cosco en 2016-2017 dans un litige avec les travailleurs du port du Pirée, quand il s’est agi de trouver une formule de départ anticipé (ou de licenciement déguisé) pour plus d’une centaine de travailleurs proches de l’âge de la retraite.

Dans la cinquième partie nous aborderons les évènements de janvier-février 2015 : les journées qui ont précédé la victoire attendue de Syriza le 25 janvier, la création du gouvernement Tsipras, le programme de Syriza, l’entrée en fonction de Yanis Varoufakis comme ministre des Finances et les négociations qui conduisent à l’accord funeste du 20 février 2015.

Eric Toussaint

Notes

|1| Y. Varoufakis, Conversations entre adultes. Dans les coulisses secrètes de l’Europe, Les Liens Qui Libèrent, Paris, 2017, Chapitre 5, p. 127.

|2| Voir Vice, « The Former Finance Minister Who Tried to Warn Greece About the Crisis », publié le 15 juillet 2015, consulté le 12 novembre 2017

|3| Y. Varoufakis, op.cit., Chapitre 5, p. 129.

|4| Adea Guillot, « Grèce : l’ex-députée socialiste Elena Panaritis renonce au FMI », publié le 1er juin 2015, Le Monde

|5| Alors que, sous Varoufakis, il avait été défrayé de manière modeste, il a remis, en août 2015, une facture de 375 000 euros pour la période antérieure à juillet 2015. Cela a provoqué des remous et a alimenté la campagne de discrédit lancé par la presse dominante grecque contre Varoufakis. GRReporter, « A Korean adviser of Varoufakis claims a fee of €375,000 », publié le 9 août 2017, consulté le 12 novembre 2017

|6| La Banque Lazard est un groupe mondial de conseil financier et de gestion d’actifs. Entreprise franco-américaine à sa création en 1848, Lazard est aujourd’hui cotée à la bourse de New York et est présente dans 43 villes dans 27 pays. Son dirigeant le plus connu en France est Matthieu Pigasse. Sous sa conduite la banque a conseillé différents gouvernements en matière de dette ou de gestion d’actifs (entendez privatisations) : l’Équateur en 2008-2009 en ce qui concerne la dette, la Grèce en 2012 et en 2015, le Venezuela en 2012-2013. M.Pigasse a des intérêts directs dans le quotidien Le Monde, dans Huffington Post et dans le magazine Les Inrockuptibles. À la fin de l’année 2017, Matthieu Pigasse et la Banque Lazard se sont rangés aux côtés du régime corrompu et répressif du président congolais Denis Sassou-Nguesso pour l’aider dans ses relations avec les créanciers.

|7| Spécialiste de la dette souveraine, il est conseiller à la banque Lazard, avec laquelle il a conseillé le Premier ministre grec Georges Papandréou et le président équatorien Rafael Correa pour la renégociation de la dette de leurs pays. Il a participé, avec la Banque mondiale, à l’« initiative de réduction de la dette des pays pauvres très endettés » (initiative PPTE). Il est éditorialiste au quotidien Le Monde. Daniel Cohen a également été conseiller de François Fillon, Premier ministre de Nicolas Sarkozy de 2010 à 2012. Puis il a soutenu François Hollande, président de 2012 à 2017.

|8| Y. Varoufakis, op.cit., chapitre 5, p. 131.

|9| James K. Galbraith, Crise grecque, tragédie européenne, Éd. du Seuil, Paris, 2016

|10| Voir l’article de Martine Orange « L’économiste James Galbraith raconte les coulisses du plan B grec »

|11| Daniel Munevar est un économiste postkeynésien originaire de Bogotá, en Colombie. De mars à juillet 2015, il a travaillé comme assistant de Yanis Varoufakis alors qu’il était ministre des Finances ; il le conseillait en matière de politique budgétaire et de soutenabilité de la dette. Auparavant, il était conseiller au Ministère des Finances de Colombie. En 2009-2010, il a été permanent du CADTM en Belgique puis de retour en Amérique latine, il a cordonné le réseau du CADTM en Amérique latine de 2011 à 2014. C’est une des figures marquantes dans l’étude de la dette publique en Amérique latine. Il a publié de nombreux articles et études. Il a participé avec Éric Toussaint, Pierre Gottiniaux et Antonio Sanabria à la rédaction des Chiffres de la dette 2015. Il travaille depuis 2017 à Genève à la CNUCED.
Daniel Munevar fait référence à sa participation à l’équipe de Varoufakis dans cet article. Dans le livre déjà mentionné, James Galbraith souligne l’importance de l’aide que lui a apportée Daniel Munevar.

|12| Y. Varoufakis, op.cit., chapitre 5, p. 133.

|13| Y. Varoufakis, op.cit., p. 17

|14| Des extraits ont été publiés par The Economist (8 février 1992) ainsi que par The Financial Times(10 février 1992) sous le titre « Préservez la planète des économistes ».

|15| Lawrence Summers, à l’occasion de l’Assemblée annuelle de la Banque mondiale et du FMI à Bangkok en 1991, interview avec Kirsten Garrett, « Background Briefing », Australian Broadcasting Company, second programme.

|16| La loi adoptée sous la conduite de Robert Rubin et de Lawrence Summers est connue comme la loi Gramm-Leach-Bliley Act Financial Services Modernization Act de 1999. Cette loi américaine a été adoptée par le Congrès, dominé par une majorité républicaine, et promulguée par l’administration Clinton le 12 novembre 1999. Elle permet aux banques d’affaire et aux banques de dépôts de fusionner en mettant en place des services de banques universelles qui assurent aussi bien les services d’une banque de dépôt que d’une banque d’investissement et que d’une compagnie d’assurance. Le vote de cette loi a été l’objet d’un intense lobbying des banques pour permettre la fusion de Citibank avec la compagnie d’assurances Travelers Group, afin de former le conglomérat Citigroup, l’un des plus importants groupes de services financiers au monde. L’adoption de la nouvelle législation revenait à abroger la loi Glass Steagall Act, ou Banking Act, en place depuis 1933, qui a notamment déclaré incompatibles les métiers de banque de dépôt et de banque d’investissement et qui a permis d’éviter de grandes crises bancaires aux États-Unis jusqu’à celle de 2007-2008.

|17| Financial Times, 26-27 février 2005.

|18| La polémique a été également alimentée par la désapprobation de l’attaque lancée par Summers contre Cornel West, un universitaire noir et progressiste, professeur de Religion et d’études afro-américaines à l’université de Princeton. Summers, prosioniste notoire, dénonça West comme antisémite parce que celui-ci soutenait l’action des étudiants qui exigeaient un boycott d’Israël tant que son gouvernement ne respecterait pas les droits des Palestiniens. Voir Financial Times du 26-27 février 2005. Cornel West, qui a soutenu Obama avec enthousiasme, s’est étonné que celui-ci veuille s’entourer de Summers et de Rubin. Voir www.democracynow.org/2008/11…

|19| Sachs a publié en 2005 un livre intitulé La fin de la pauvreté (The End of Poverty : How We Can Make it Happen in Our Lifetime) qui a été très bien accueilli par l’establishment. En 2007-2008 le CADTM a participé à la réalisation et à la diffusion du film documentaire La fin de la pauvreté ? qui constitue la démonstration opposée à celle de Sachs. Ce film du cinéaste Philippe Diaz a été sélectionné au festival de Cannes en 2008 par la semaine de la Critique (il contient des interviews de Joseph Stiglitz, Susan George, Amartya Sen, Éric Toussaint, John Perkins). Sachs a publié un nouveau livre mainstream en 2015 sur le développement durable. Voici un exemple de commentaire promotionnel qu’on peut trouver dans la presse : « Conseiller spécial du secrétaire général de l’ONU, l’économiste Jeffrey Sachs compte parmi les personnalités les plus influentes en matière de développement durable. Inspirateur des 8 objectifs du millénaire pour le développement (OMD) qui ont couru de 2000 à 2015, Sachs sait briller et être entendu dans tous les milieux. »

|20| Y. Varoufakis, op.cit., chapitre 5, p. 132.

|21| Y. Varoufakis, op.cit., chapitre 15, p. 398

|22| Adéa Guillot et Cécile Ducourtieux du quotidien Le Monde écrivaient à propos de Sagias« Longtemps proche du PASOK, il a participé à de nombreuses négociations de contrats publics et conseille régulièrement des investisseurs étrangers souhaitant s’implanter en Grèce. »

|23| Je reviendrai plus loin sur le rôle joué par Varoufakis lui-même dans la poursuite de la privatisation du port du Pirée et sur ses relations avec Cosco.

|24| Voir le site officiel de la firme de Sagias.

Eric Toussaint docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France. Il est l’auteur des livres Bancocratie, ADEN, Bruxelles, 2014 ; Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet des livres AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège. Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015. Suite à sa dissolution annoncée le 12 novembre 2015 par le nouveau président du parlement grec, l’ex-Commission poursuit ses travaux et s’est dotée d’un statut légal d’association sans but lucratif.
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La crise des migrants africains a déclenché une réponse militaire italienne en Libye et au Niger, les deux principaux pays de transit de la route vers le pays européen en forme de botte. Cela risque d’entraîner Rome encore plus profondément dans les affaires de ce  continent alors qu’il recourt à des moyens militaires pour endiguer de manière proactive le raz-de-marée des « armes de migration de masse » qui s’écrase sur ses rivages.

La Libye était considérée comme la « Quatrième Côte » de l’Italie, mais de nos jours, la crise des migrants africains a plus ou moins transformé l’Italie en « Deuxième Côte » si l’on considère le grand nombre d’individus qui ont entrepris le voyage dangereux de l’Afrique du Nord à travers la Méditerranée vers l’Europe du Sud. Les coûts socio-économiques qui en résultent ont été énormes, en particulier pour un pays qui luttait déjà financièrement au sein de l’UE avant même le début de cette catastrophe humanitaire en 2015. Conséquence politique, les forces de droite et les forces populistes ont vu leur étoile monter ces dernières années, menaçant d’ouvrir un front euro-réaliste « méridional » aux côtés du front « oriental » en défiant l’hégémonie euro-libérale de l’Allemagne sur le continent. C’est pourquoi l’élite romaine a décidé qu’il fallait faire quelque chose plus tôt que plus tard afin d’arrêter cette tendance.

Libyan Migrants

Après une analyse coût-bénéfice minutieuse, les décideurs italiens ont estimé qu’il serait beaucoup moins coûteux à long terme de renverser cette dynamique par des moyens militaires et de ramener la Libye à son statut de « Quatrième Côte » de son pays en chargeant Rome de la crise des migrants trans-méditerranéens. Ainsi, l’Italie a non seulement commencé une mission navale pendant l’été près de sa « Quatrième Côte » pour éloigner et intercepter les bateaux de migrants potentiels destinés à aborder son rivage, mais elle envisage également le déploiement d’au moins 470 soldats, actuellement basés en Irak, au Niger, pays enclavé et de transit qui a servi de porte d’entrée pour l’Afrique de l’Ouest vers la Libye. Le symbolisme géostratégique de ses mouvements libyens et nigériens est tout à fait clair. C’est la botte impérialiste italienne qui donne un coup de pied à l’Afrique pour réprimer de manière réactive la crise migratoire africaine sans fin qui déborde en Europe, même si Rome risque de s’enfoncer encore plus profondément dans les affaires du continent à cause de cette nouvelle politique.

Bien qu’ancienne puissance militaire, l’Italie contemporaine fait pâle figure par rapport à ses prédécesseurs historiques, avec comme seule signification pertinente de nos jours, son emplacement à proximité de l’Afrique du Nord et l’énorme base aéro-navale que les États-Unis exploitent à Sigonella, en Sicile. Néanmoins, les coûts globaux croissants des centaines de milliers de migrants comme « armes de migration de masse » qui ont déboulés sur ses côtes au cours des deux dernières années l’ont contraint à prendre la tête du déploiement sans précédent d’une force militaire avancée en Afrique. Si l’Italie a joué un rôle de premier plan dans la guerre de Libye en 2011, elle l’a fait avec ses alliés de l’OTAN dans le cadre d’une coalition officielle, mais cette fois, elle le fait unilatéralement, sans doute après avoir consulté ses partenaires. Après tout, Rome ne sera pas le seul acteur étranger disposant d’une installation militaire au Niger, puisque les forces françaises et américaines y sont déjà basées et que les forces allemandes le seront bientôt aussi.

La présence actuelle (et dans le cas de l’Allemagne, prévue) des trois alliés de l’Italie au Niger les plus militairement capables soulève la question évidente de ce que Rome est censée y apporter en terme de valeur ajoutée. Officiellement, l’Italie dit qu’elle combattra le terrorisme et détruira les réseaux de contrebande, ce qui est important car ces deux menaces non étatiques transitent par le Niger en direction de la Libye et des côtes italiennes. Mais il est impossible de savoir si les forces de Rome auront un quelconque effet tangible en aidant ses alliés qui sont engagés exactement dans la même mission là-bas. Il se pourrait que ni Washington, ni Paris, ni Berlin ne veuillent assumer entièrement le fardeau financier et personnel de cette tâche et qu’ils préfèrent plutôt décharger une partie de leurs coûts sur Rome, qui est plus directement touchée par ces menaces et a un intérêt personnel à participer à cette mission, comme on le voit à l’évidence.

Italian Soldiers

Une curieuse « division du travail » se développe dans la région où les États-Unis semblent exercer deux niveau de leur politique de « Lead From Behind » en contrôlant la zone par procuration. Tout d’abord, le déploiement américain montre que le leadership peut également être direct. Parallèlement, le rôle secondaire de la France dans l’assemblage de la coalition « G5 Sahel » s’étend de la Mauritanie sur la côte atlantique africaine au Tchad dans son intérieur central. Paris, qu’elle le fasse sciemment ou pas, joue le rôle de subordonné stratégique de Washington en Afrique de l’Ouest et du Centre malgré tout ce que la France peut dire sur le fait qu’elle « rivalise » avec l’armée Américaine ou qu’elle est une « alliée sur un pied d’égalité ». Au deuxième niveau de la hiérarchie, il y a l’Allemagne et l’Italie. Berlin observe tranquillement tout ce qui se passe, bien dans son rôle de leader de l’UE, alors que ses sous-fifres à Rome seront chargés de « se salir les mains » pour rembourser leurs dettes à l’Allemagne.

Peu importe si cette « division du travail » reste la même ou change, l’un de ses traits durables sera que l’Italie sera probablement impliquée dans les affaires africaines après y avoir été aspirée de nouveau après son récent déploiement naval libyen et le prochain, terrestre, au Niger. Sur le plan géostratégique, la Libye est tout autant la « Quatrième Côte » de l’Italie que la botte italienne est la « Deuxième Côte » de l’ex-Jamahiriya. Le sort des deux est inextricablement lié et les États-Unis en profiteront certainement. Les mêmes pressions d’émigration en Afrique de l’Ouest du fait de la surpopulation, de l’appauvrissement et de la violence ne feront que s’aggraver dans un futur proche. Il est donc peu prévisible que Rome se retire de ce front asymétrique tant qu’elle sera encore menacée par les assauts de ses « armes de migration de masse ».

 

Article original en anglais : The Italian Jackboot Is Kicking Africa In The Face, Oriental Review, le 9 janvier 2018

Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone

Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie « Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime » (2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.

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Algérie, Maroc et Tunisie : l’heure des peuples

janvier 31st, 2018 by Cherif Aissat

Photo :  Il y a un an en Algérie, « Violentes protestations en Kabylie contre les mesures d’austérité« , le 3 janvier 2017

Le Maghreb nord-africain (MNA) formé de la Tunisie, l’Algérie, du Maroc, de la République Sahraouie et de la Libye est une zone de guerre. Les deux derniers États seront exclus de l’analyse. Si la reprise des mouvements populaires et non pas sociaux de cette zone est un signe de vitalité de ses peuples sous et mal informés, la faiblesse de leurs États et leurs abdications devant la technostructure internationale et les institutions supranationales, sans sagesse, augurent de sanglants affrontements

En Algérie. L’interminable application de chocs, l’intoxication informationnelle et les dangereuses diversions dont sont victimes les Algériens relèvent du psychiatrique. Elles expliquent le désarroi de l’Exécutif du pays face à la réaction du peuple et les menaces de coercition exercées par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM) contre son comportement dilatoire dans leurs mises en œuvre.

Ces variables expliquent aussi la tristesse et l’inconsistance des sujets soulevés ou discutés par les partis politiques et différentes stars inféodés aux autorités du pays que sont la présidence de la République et les services de renseignements militaires ou agissant comme lobbyistes pour les États, compagnies et organisations étrangères. Ils sont aussi caractérisés par l’absence de la dimension internationale de certains enjeux ; la disparition des mots comme la paix, les libertés, le développement de la personne humaine. L’absence des problèmes des Algériens des frontières du Sud et de l’Est qui sont soumis à des menaces réelles de conflits armés hybrides est d’une extrême gravité.

Axiome fondamental

Tout État qui accepte le dictat du FMI, BM et autres organisations supranationales est faible. Il est classé comme défaillant ou en situation d’échec (Failed State, Wrecked State). Dans l’optique de ces organisations, un tel État constitue une menace pour la stabilité et la sécurité internationales. Ces dernières sont faites des intérêts identitaires, culturels, cultuels, militaires, commerciaux et économiques des États qui les ont définies, c’est-à-dire les puissants.

Pour se prémunir contre leurs conséquences négatives, le FMI et la BM ordonnent à un tel pays de mettre en œuvre une Politique d’ajustement structurel (PAS) et un Programme de même nature. Le Consensus de Washington [1] actualisé par les nouvelles technologies financières et commerciales demeure le cadre normatif et opérationnel de ces instruments.

Au-delà des drastiques mesures socio-économiques imposées par PAS, c’est le changement dans les comportements et mentalités individuelles et collectives qui est recherché. En lui ordonnant de mettre en œuvre ces ajustements, pour se dédouaner des dégâts et les humilier, elles exigent de ses autorités politiques de déclarer que leurs décisions relèvent de la souveraineté nationale. Les engagements de cet État envers ces organisations sont contractualisés désormais dans leur constitution, quant aux lois organiques sur la monnaie et défense nationale, elles deviennent les contrats ancillaires. [2]

En élisant des pouvoirs législatifs qui votent des lois sous les contraintes d’agents externes que sont le FMI et la BM qui servent les intérêts des puissants et lesquelles organisations considèrent ces États comme faibles et en échec permanent, les peuples algérien, tunisien et marocain voient leur confiance envers leurs institutions trahie. Par transitivité, leurs États deviennent plus instables et stimulent les risques de soulèvements, de révoltes et de conflits.

Dans la suite du papier, en variant les pays de la zone MNA, quelques-uns des points des divers intérêts cités supra seront développés.

Similitudes et différences dans les constitutions des pays du MNA

La citoyenneté. Si tous les attributs du citoyen du monde occidental ou nordique sont consacrés dans les trois constitutions ; dans les faits, ils sont bafoués. Les Algériens, Marocains et Tunisiens sont relégués à un niveau inférieur, celui de sujet.

Pour être candidat à la présidence de la République, les conditions fixées par l’article 74 de la constitution tunisienne sont élémentaires ; celles de l’algérienne contenues dans l’article 87, par la conditionnalité de résidence, il en fait d’elle une xénophobe donc raciste et lui donne une forme d’eugénisme politique donc fasciste. Cet article confirme le caractère de son immondicité.

Le développement durable. Sans définition formelle ni principes conducteurs et encore moins l’univers de raisonnement (Empty World, Full World), le développement durable (Sustainable Development) est codifié dans les articles 44 et 207 de la loi fondamentale algérienne, dans la section IV de la tunisienne et dans le titre II de la marocaine. Ces articles ne sont que le rapatriement de quelques déclarations et protocoles internationaux non contraignants.

L’économique et l’économie. Si les trois États et non pas pays ou nations se valent dans le degré de soumission, la palme revient à la Tunisie qui a codifié et d’une manière explicite dans les articles 63 et 136 l’impossible : les équilibres financiers de l’État tant au niveau central que local. Aucune autorité académique y compris les Nobel en économie ne peut définir ce qu’est un équilibre et encore moins le chiffrer. Dans le flou article 78, il est dit que le gouverneur de la banque centrale tunisienne est nommé sur proposition du chef du gouvernement. L’actuel est un ancien directeur exécutif dans le Groupe BM.

Sans souffler un mot sur sa banque centrale, Bank El Maghrib, sans atténuer la prégnance de la conditionnalité de cet équilibre exprimé dans l’article 77 de sa constitution et en utilisant le mot « veillent » le Maroc est plus soft.

L’article 139 de la constitution algérienne formule la même contrainte sur les équilibres. Il est une copie à l’identique de l’article 63 de la Tunisie qui à la différence de ce pays, en Algérie, c’est l’actuel ministre des Finances qui a assumé les fonctions d’expert du Fonds monétaire international dans la république démocratique du Congo (ex Zaïre) [3].

Dans les constitutions des trois pays, aucune disposition sur le caractère régalien ou souverain de l’émission monétaire et la fonction de la monnaie dans l’identité et la paix n’est mentionnée.

L’identité des peuples

L’article 5 de la constitution du Maroc qui confirme le caractère officiel de tamazight dit : « L’arabe demeure la langue officielle de l’État. ». Le verbe « demeure » enlève l’ambiguïté sur la primauté linguistique, instaure formellement l’égalité de valeur entre l’arabe et tamazight et évite un non-sens dans la logique juridique. Cet article ouvre donc la voie aux Marocains pour utiliser tamazight dans leurs relations judiciaires et administratives [4].

L’entame de l’article 3 de la constitution algérienne dit : « L’Arabe est la langue nationale et officielle. L’Arabe demeure la langue officielle de l’État. » La première phrase contient la condition nécessaire et suffisante pour imposer la primauté de la langue arabe. La deuxième phrase est inutile excepté pour montrer le bricolage des rédacteurs [5].

Les deux articles ont en commun, le mot « demeure ». Dans le texte marocain, le nom de la langue commence par une minuscule ; dans l’algérien, par une majuscule.

Dans le préambule de la constitution tunisienne, l’expression « Ummah arabe et islamique » a fermé la reconnaissance de l’identité amazighe des Tunisiens qui s’en réclament. À la différence avec l’Algérie et le Maroc, son article 1 ne mentionne pas le caractère officiel de la langue arabe [6].

Brève synthèse

Les constitutions du MNA qui sont toutes nées après la déstabilisation de la Tunisie se ressemblent fortement. Même avec des nuances dans la formulation, il est possible d’affirmer qu’elles ont été pilotées par les mêmes équipes et qui sont étrangères aux trois pays. Ne contenant aucun article en faveur des initiatives citoyennes, elles sont verrouillées aux populations, à l’autoprotection et à la défiance.

Du théorème pionnier sur les utilités espérées de Von Newmann et Morgenstern à ceux de Gibbard, Satterthwaite et Arrow sur les impossibilités qui infirment l’existence d’élections démocratiques pures en passant par celui des équilibres de Nash et le théorème dit Médian [7], en ajoutant les pratiques d’achat-vente de voix lors des compétitions électorales qui à contre-courant de la pensée dominante sont efficaces mais au final démolissent les espoirs des peuples de la région au bien-être et au bonheur d’êtres libres, ces trois constitutions font que les trois pays continueront à s’affronter au lieu de se coaliser et pactiser.

D’un point de vue académique, la mesure et la garantie de l’équité intergénérationnelle sont extrêmement complexes à obtenir même dans les pays occidentaux. Les organisations internationales peinent et évitent de mesurer les produits intérieurs bruts ajustés par la déplétion des ressources, la détérioration de la nature et la pauvreté. Par conséquent, l’invocation du développement durable dans le MNA est une incantation.

En consacrant les équilibres financiers, autrement dit l’austérité parce que les déficits et en particulier celui des balances de paiement qui sont systémiques et non pas structurels comme il est chanté, les trois lois fondamentales sacralisent l’ultra-capitalisme et en font donc de l’intérêt privé le noyau et envoient au pilon la dignité humaine.

Dans le cas du Maroc et de l’Algérie, il devient clair que ceux qui parlent ou ne le font pas de tamazight sont répartis globalement dans les groupes suivants : 1) agitateurs de service visibles dans les médias, chauffeurs d’ambiance durant les pressions internationales, 2) désintéressés qui agissent pour la noblesse de l’objectif, 3) opportunistes qui instrumentalisent des armées de naïfs, 4) des écrivains et chanteurs en attente de retombées financières et, 5) criminels qui visent la balkanisation du MNA.

Les contradictions que contiennent les trois lois fondamentales d’une région qui a offert une révolution à l’humanité en font d’elles des textes décousus et indignes de son histoire.

À Alger, le sujet d’une diversion dangereuse est la graphie de tamazight. Au lieu de fédérer une action de dimension internationale pilotable par des Marocains et des Algériens avec la participation des populations des Sud, ses artistes et le concours de sommités internationales, une langue qui a son histoire, son alphabet se retrouve en discorde entre islamistes et laïcs, latinistes et arabistes.

Pendant que cette intoxication sur l’écriture de tamazight, les prémisses fournies dans les déclarations de responsables et rapportées dans les journaux sur les futures lois sur les hydrocarbures et la santé en Algérie sont annonciatrices d’un crime contre l’humanité. Les « législateurs » vont jouer avec l’avenir de la patrie et des Algériens. Il est intéressant de signaler que le ministre de l’Agriculture a annoncé la récupération de 250.000 hectares (2500 km carrés). Pour lever toute équivoque sur leur appartenance aux Algériens, l’État doit se prononcer sinon il pourrait être spéculé que c’est un signal envers les pieds noirs français ou les multinationales américaines de l’agriculture intensive.

Dans le cas de l’Algérie. Puisque la loi dite fondamentale est anonyme, en plus d’être bâtarde, son application est illicite au sens religieux, illégitime au sens politique et illégale au sens juridique. Elle est une forfaiture.

Interface entre les constitutions et le massacre économique du MNA

L’exigence du démantèlement des États-providence [8] (politique publique redistributive avec prise en charge des risques collectifs) est lourde à traiter dans un article. Dans cette partie qui se limitera à uniquement deux volets, les enjeux de monnaies et de défense nationale, seront esquissés les mécanismes de transmission des dispositions constitutionnelles du MNA dans leurs économies réelles.

Le premier élément de cette interface est d’ordre sémantique et communicationnel. Il est formé de deux aspects : 1) la non divulgation aux peuples du MNA du détail des accords conclus, certains sont classés comme secrets par le FMI et la BM et, 2) la perversion du contenu des mots. Actuellement et dans les trois pays, le mot ravageur est Débureaucratisation. Il est révélé par la « convertibilité progressive et contrôlée du dirham ». La débureaucratisation est le voile sur une exigence des grandes banques du monde connue en théorie sous le triptyque de « désintermédiation, décloisonnement, déréglementation ». L’État tunisien a des difficultés à avouer à l’opinion publique le même projet ; l’Algérie l’a fait autrement : son État se refuse à contrôler les banques internationales qui y sévissent. En attendant la reprise de la criminelle dévaluation du dinar et en laissant le marché parallèle des monnaies internationales se développer, il interdit aux gouverneur de la banque d’Algérie et membres du conseil du crédit et de la monnaie de communiquer. Le second mot qui est à la mode est Colocalisation. Il s’agit d’une idiotie sémantique qui cache la délocalisation et l’externalisation. Il est connu en théorie sous l’acronyme OLI (Ownership, Location, Internalization), un paradigme dit éclectique exploité par les firmes multinationales.

La combinaison de la débureaucratisation (convertibilité des monnaies) et la délocalisation (colocalisation) fera vivre au MNA une crise semblable à celle des maquiladores au Mexique [9].

En bref, à cause du fascisme du FMI et de la BM, ci-après quelques autres aspects ignorés des enjeux monétaires dans le MNA. L’absence des banques de chacun de ces pays chez les pays voisins fait que les besoins en monnaies internationales des Maghrébins nord-africains sont captés par les banques occidentales. Le plus grave est l’absence de coopération [10] entre les différentes banques centrales et de tentatives de rapprochement sur les politiques monétaires à travers les taux de change. Il n’est pas dans les souvenirs du rédacteur d’une réunion ou rencontre entre les différentes autorités monétaires comme il est constaté qu’aucun sommet des pays du MNA et ceux du Sahel, ravagés par la génocidaire monnaie française qu’est le franc CFA, n’a été organisé.

D’un point de vue juridique et dans le cas de l’Algérie pour se prémunir, de la reddition des comptes contre les effets destructeurs sur les bien-être individuel et collectif de la population, des libertés ordonnées par le FMI et la BM aux marchés financiers et monétaires, les autorités nationales chargées de les exécuter demandent la dépénalisation de l’acte de gestion qui n’est qu’un fard à joues pour l’impunité.

Illustration avec les prêts pilotés par le FMI à la Tunisie

Dans ce paragraphe, avec une simulation simplifiée et symétrique entre les trois pays du MNA, nous illustrerons la transmission des produits financiers toxiques (ou dérivés) à l’économie réelle par la constitution.

James Kenneth Galbraith :

Dans son livre Killing the Host, Michael Hudson rapporte que les États-Unis, en l’espèce le président Obama et le secrétaire au Trésor, Timothy Geithner, en 2011, ont fait pression sur les Européens pour qu’ils adoptent une ligne dure vis-à-vis de la Grèce tout en rééchelonnant ses dettes, au lieu de les annuler. La raison en était que les banques américaines avaient souscrit des CDS (credit default swap), c’est-à-dire des contrats d’assurance contre le défaut de paiement de la dette grecque ; en pratiquant la politique de l’autruche (en rééchelonnant et en faisant comme si de rien était), les joueurs de la finance américaine évitaient de rembourser une somme considérable, alors que le contribuable et le retraité grecs étaient accablés. [11]

À cause et grâce aux politiques précédentes conduites sous l’égide de la BM et du FMI, le Maroc et la Tunisie utilisent des prêts pour leurs divers projets. Le FMI n’est pas une banque, c’est une organisation qui sème l’effroi et qui se charge de trouver des créanciers pour les pays ayant, à travers la balance des paiements et les opérations qui n’y sont pas comptabilisées, des positions extérieures globales non soutenables. Considérons que le Maroc fait financer ses Lignes de précaution de liquidités [12] accordées par le FMI par l’Arabie Saoudite ou les pays du Golf. À cause de ses réserves internationales, le FMI désignera l’Algérie [13] pour mettre à sa disposition une enveloppe de 10 milliards $US pour le Mécanisme élargi de crédit qu’elle débloquera par tranches pour la Tunisie [14] en respect des articles 63 et 136 de sa constitution qui consacrent le marché et le monétarisme. Le FMI vendra une partie de ses réserves en DTS et éventuellement celle de l’or sur les marchés secondaires, celui des vautours. La Tunisie, après un délai de grâce devra payer les échéances et les intérêts. Si l’Algérie est sage, elle évitera de souscrire un contrat d’assurance, un credit default swap (CDS) sur ce prêt auprès des banques françaises ou anglo-saxonnes. Si elle est rationnelle, elle doit le faire : disons un CDS à 200 millions de &US pour un montant de 7 milliards de $US sur les 10. Si un miracle se produit, la Tunisie dégagera un excédent extérieur supérieur à 10 milliards et toutes les positions seront bouclées. Dans le cas contraire, l’Algérie perdra 10 milliards et 200 millions parce qu’elle ne pourra pas faire pression sur la banque française ou anglo-saxonne pour récupérer 6,8 milliards de $US. Durant ce temps, la France grâce au patriotisme de ses agents dans ces les institutions internationales et autres chantages, fera bénéficier ses compagnies des IDE brownfield ou greenfield.

Une fois, la Tunisie et l’Algérie dans la tourmente et cette dette/créance révélée, des déclarations enflammées entre les ministres algériens et tunisiens, des plûmes assassines dans les journaux des deux pays qui n’ont rien compris à la situation, aidées par les malintentionnées françaises mettront en conflit deux peuples qui ont arraché leur libération sans États de ce type.

Impacts des politiques du FMI et de la BM sur les défenses nationales

Dans les programmes d’ajustement structurels (PAS), aucune restriction n’est exigée dans l’acquisition de l’armement déclassé et des instruments de répression y compris les munitions interdites comme les balles explosives dont sont équipées ou font usage les polices et gendarmeries nationales. L’explication est simple : ils sont fournis par les pays servis par le FMI et la BM qui a ordre de préserver la part de ces industries dans les PIB occidentaux et les emplois qui les produisent. Le FMI et la BM encouragent le MNA à acquérir des équipements de plus en plus sophistiqués comme les satellites dont ils n’ont aucune maitrise des technologies de maintenance et encore moins du contrôle des masses d’informations qu’ils transmettent ailleurs.

Par un calcul marginaliste (taux marginal de substitution), pour garantir un armement de plus en plus cher et à obsolescence rapide, le FMI et la BM imposent des programmes démographiques de long terme axés sur la dénatalité, misent sur l’augmentation de la mortalité surtout l’infantile et exigent un dégraissement des effectifs incorporables en tant que militaires de réserves. Mal managée par l’Algérie, cette situation créé des distorsions dans la légalité des opérations de dispense, lesquelles interprétées différemment par les Algériens donnent naissance à d’autres problèmes dans la société.

Le Front arabe de fermeté est une coalition militaire initiée par la Libye. Pour éviter un remake de ce genre d’action, avec comme chef de file la France, les pays de l’OTAN et de l’Union européenne créent des ententes militaires régionales éphémères dans lesquelles le MNA paie plus qu’il n’en gagne. Par ententes militaires, il est utile de comprendre qu’il peut s’agir de « demande » d’aide comme celle du Mali à la France ou de réunions cachées sous l’ignominie des chiffres comme « 5+5 ».

Sous le contrôle du FMI, ces deux aspects à eux seuls font que les positions extérieures globales de l’Algérie, Maroc et Tunisie sont et seront toujours dans une situation systémiquement et non pas structurellement défavorable.

La philosophie du FMI et de la BM qui a porté ces ravages dans le MNA

Depuis 1980 en Algérie et à une date inconnue pour la Tunisie et le Maroc, le rationalisme et l’utilitarisme qui forme l’individualisme cher à l’économie de marché ont remplacé la sagesse qui caractérise ses peuples.[15]

Le patriotisme du FMI et sa destruction dans le MNA

Combiné à d’autres facteurs comme la faiblesse du contre-espionnage maghrébin, la faiblesse de la formation universitaire, le manque de publications académiques, la soumission des intellectuels et la corruption des dirigeants qui ont trouvé refuge en France, pendant qu’il est détruit dans le MNA, aux dirigeants du FMI, il est demandé de faire preuve de patriotisme global au profit des pays lourds qui le composent. Pour preuve, son actuelle directrice générale a écrit à son président une lettre dans laquelle elle se plie à ce devoir.

Capture d’écran. Journal Le Monde. La lettre d’allégeance de Christine Lagarde à Nicholas Sarkozy. (En rouge notre encadrement) http://www.lemonde.fr/societe/article/2013/06/17/la-lettre-d-allegeance-de-christine-lagarde-a-nicolas-sarkozy_3431248_3224.html

La majorité des experts et conseillers français du FMI, auxquels sont associés des Maghrébins, pour des raisons liées à l’histoire et à langue et à cause de la catastrophique situation de la France qui menace d’une nouvelle guerre toute l’Europe, sous la direction offensive et belliqueuse de son actuel président a pris en otage via leurs dirigeants les peuples tunisien, algérien et marocain.

L’heure des peuples de Tunisie, Algérie et Maroc.

À partir d’un élément parmi d’autres qu’est l’identité amazighe et une invitation à un hymne national bilingue pour l’Algérie, nous avons démontré que des puissances et en particulier la France veulent renvoyer la Tunisie, l’Algérie et le Maroc à 1830. Les trois peuples avec une fraternité et solidarité dans la paix entre eux pourront mettre sur l’année 2018, l’année du début de la décolonisation de l’Afrique : 954.

Cherif Aissat

 

Notes

[1] Rodrik, Dani. 2006. « Goodbye Washington Consensus, Hello Washington Confusion? A Review of the World Bank’s Economic Growth in the 1990s: Learning from a Decade of Reform. » Journal of Economic Literature, 44(4): 973-987.

[2] Sur les PAS, William Mitchell (en anglais) : The SAPs typically increased unemployment and poverty and led to greater income and wealth inequality. […] The IMF has a long history of damaging the poorest nations. […] Areas such as the military, which do little to enhance quality life, are rarely included in the IMF cuts, in part because these expenditures benefit the first world arms exporters. Second, public assets are typically privatised. Third, contractionary monetary policy forces interest rates up, and this often discriminates against women who survive by running small business. But the higher interest rates promote speculative investment (hot money) that fails to augment productive capacity. Fourth, export-led growth strategies transform rural sectors, which had traditionally provided food for subsistance consumption, into « cash for trade » crops. […] Massive environnemental damage is often created in the process. Further, the transformation undermines the viability of the subsistence sector and food poverty increases. Fifth, user-pays regimes are typically imposed which increases costs of health care, education, power, and, in some notable cases, reticulated clean water, and exclude the poorest cohorts. Sixth, trade liberalisation involves reduction in tariffs and capital controls. […] Further, in some parts of the world child labour becomes exploited so as to remain « competitive ».

William Mitchell. Eurozone Dystopia. Groupthink and Denial on a Grande Scale. Edward Elgar Publishing. Northampton, MA, USA. 2016. p. 277.

[3] Ministère des Finances. Biographie du Ministre. http://www.mf.gov.dz/article/26/Le-Ministre/5/Biographie-du-Ministre.html

[4] Royaume du Maroc. La constitution. http://www.amb-maroc.fr/constitution/Nouvelle_Constitution_%20Maroc2011.pdf

[5] Présidence de la République. Constitution. https://www.joradp.dz/trv/fcons.pdf

[6] Constitution de la République tunisienne. http://www.legislation.tn/sites/default/files/news/constitution-b-a-t.pdf

[7] Science 4all. théorèmes anti-démocratiques (et la lotocratie) | Démocratie 3. https://www.youtube.com/watch?v=VNcj7-XUhoc&index=3&list=PLtzmb84AoqRSmv5o-eFNb3i9z64IuOjdX

[8] Patrick Hassenteufel. Sociologie politique : l’action publique. Armand Colin. 2èd. Paris. 2014. p.17

[9] Jorge Carillo. Les générations d’entreprises maquiladores. Une analyse critique. http://journals.openedition.org/cal/1777

[10] AISSAT Cherif. Coopération entre les peuples d’Algérie, du Maroc et de la Tunisie. https://www.mondialisation.ca/cooperation-entre-les-peuples-dalgerie-du-maroc-et-de-la-tunisie/5615049

[11] James K. Galbraith. Crise grecque, tragédie européenne. Seuil. Paris. 2014. Note de bas de page. p.19

[12] Maroc Diplomatique. FMI : La flexibilité du Dirham permettra d’améliorer la capacité de l’économie à absorber les chocs et de préserver sa compétitivité extérieure. http://maroc-diplomatique.net/fmi-flexibilite-dirham-permettra-dameliorer-capacite-de-leconomie-a-absorber-chocs-de-preserver-competitivite-exterieure/

[13] FMI. Le Conseil d’administration du FMI achève les consultations de 2017 au titre de l’article IV avec l’Algérie. https://www.imf.org/~/media/Files/Publications/CR/…/Algeria-2017-Article-IVf.ashx

[14] BCT. Rapport Annuel 2016. https://www.bct.gov.tn/bct/siteprod/documents/RA_2016_fr.pdf.

[15] Sur la sagesse, Daniel Kahneman a écrit (en anglais): Searching for wisdom in historic events requires an act of faith – a belief in the existence of reccurent patterns waiting to be discovered. Searching for wisdom in the behavior of historical characters requires a somewhat different act of faith – confidence that our predecessors knew things we do not know. The first of these faiths is grounded in philosophy ; it distinguishes those who view history as a social science, not an ideographic study of unique events. The second of these faith is grounded in charity and modesty. It distinguishes those who hope to see further by standing on the shoulders of those who came before from those satisfied with standing on their faces. Aphorisms like « those who do not study the past are condemned to repeat it  » suggest that faith in the wisdom of our predecessors is relatively rare. Daniel Kahneman, Paul Slovic, Amos Tversky. Judgment under uncertainty: heuristics and biases. Cambridge University Press. 23rd printing. New York. 2007. p. 338.

 

« Lorsqu’un gouvernement est dépendant des banquiers pour l’argent, ce sont ces derniers, et non les dirigeants du gouvernement qui contrôlent la situation, puisque la main qui donne est au dessus de la main qui reçoit. […] L’argent n’a pas de patrie; les financiers n’ont pas de patriotisme et n’ont pas de décence; leur unique objectif est le gain ».  Citation attribuée à Napoléon  

Ça y est! les lampions de la «zerda» ( grande bouffe) pour riches de Davos se sont éteints. On peut se demander à juste titre comment un évènement aussi insignifiant en termes de retombées planétaires ai fait l’attention des médias mondiaux, notamment occidentaux. Tout ceci pour venir, comme des martiens, dans une ostentation malsaine, discuter de l’avenir du monde entre soi loin des gueux et des sans-dents et de tous les damnés de la Terre.

«Notre monde est aujourd’hui fracturé en raison de la concurrence croissante entre les nations et des profondes divisions au sein des sociétés», a déclaré le professeur Klaus Schwab, fondateur et président du Forum économique mondial. Une certitude: 3000 hommes et femmes convergent. Le ticket d’entrée est cher pour l’inscription, autour de 100.000 dollars par personne sans compter l’abonnement annuel, la vie chère jusqu’à 1000 euros la chambre… » (1)

« Beaucoup de dirigeant(e)s politiques, cette année Donald Trump, la chancelière Angela Merkel et les Premiers ministres Theresa May et Narendra Modi, le président Emmanuel Macron (France), des chefs d’entreprise Siemens, Volkswagen Renault, Total, Google, IBM, les leaders des grandes institutions internationales (ONU, FMI, BM, OMC, Ocde, etc.), des journalistes pour couvrir le tout. 400 sessions pour «créer un futur partagé dans un monde fracturé», titre officiel du 48e Forum. C’est comme un G8. Davos fait double emploi, la seule innovation c’est que les patrons d’industrie sont aussi conviés «A quoi sert Davos? Si les puissants de ce monde y viennent pour se faire voir et voir leurs pairs, ils profitent de leur séjour pour sentir l’air du temps et attraper des idées nouvelles. Rien ne se décide à Davos? En revanche, on y plante beaucoup de graines.» (1).

Qu’en est-il de la répartition de la richesse et de la pauvreté?

 Depuis que le monde est monde il y a des richesses, et il y a des pauvres. Ce à quoi on assiste est à un dépouillement de la force de travail d’hommes, de femmes et d’enfants réduits en esclavage et payés d’une façon misérable pendant que les patrons s’enrichissent d’une façon indécente avec des différences énormes. Selon le dernier rapport de l’ONG Oxfam, 82% de la richesse créée en 2017 ont été absorbés par 1% de la population mondiale. «2017 a été marquée par une accentuation des inégalités, avec une hausse record du nombre de milliardaires. La moitié de la population mondiale n’aurait reçu aucun bénéfice de la croissance mondiale annuelle. L’ONG Oxfam a publié son rapport annuel sur les inégalités économiques et sociales à travers le monde. Selon les chiffres de l’ONG, 3,7 milliards de personnes, soit l’équivalent de 50% de la population mondiale, n’ont pas reçu le moindre bénéfice de la croissance économique mondiale au cours de l’année 2017. Pendant ce temps, les 1% les plus fortunés ont récolté 82% de la richesse produite.» (2)

Les 1810 milliardaires en dollars sur la liste Forbes de 2016 possèdent 6,5 mille milliards de dollars, autant «que les 70 pour cent les plus pauvres de l’humanité». Bill Gate, Carlos Slim voient leurs revenus augmenter chaque année par des simples «manipulations» boursières sans risque, de plusieurs milliards de dollars. Ils ont alors le beau rôle pour faire les mécènes et distribuer des aumônes qui ne règlent pas le problème, celui de la redistribution.

La moitié de la nourriture produite dans le monde serait gaspillée chaque année, «Entre 30 et 50%» des 4 milliards de tonnes de nourriture produites annuellement dans le monde «n’atteindront jamais un estomac humain», «550 milliards de mètres cubes d’eau» sont ainsi utilisés en vain pour faire pousser ces aliments perdus.» «Entre 2010 et 2012, lit-on dans cette étude,860 millions de personnes à travers le monde souffraient de malnutrition, selon l’organisation de l’ONU pour l’agriculture et l’alimentation (FAO).»

«A toute les avanies que connaissent les déshérités du monde, la faim, la soif, le manque d’hygiène, le manque d’instruction, il faut y ajouter l’injustice climatique et l’autisme des grands incapables de tourner le dos aux énergies fossiles. Curieusement, le mythe de la mondialisation heureuse devenue mondialisation- laminoir pour les faibles, est défendu par la Chine. Dans le discours de Xi on sent les prémices des futurs batailles entre les Etats-Unis et la Chine La mondialisation est irréversible, a prévenu le président chinois Xi Jinping: «Personne n’émergera en vainqueur d’une guerre commerciale.» (3)

Le premier ministre indien Modi fait l’éloge de la mondialisation

Ouvrant solennellement le 48ème Forum économique mondial, le chef de la plus grande démocratie du monde, défend l’ouverture des frontières commerciales et financières. Narendra Modi a fait l’éloge du libre-échange commercial et des règles de droit internationales, pourfendant «les forces du protectionnisme qui relèvent la tête». Le Premier ministre indien, s’exprimait dans sa langue nationale, ce qui semble le critère appliqué de facto par tous les dirigeants des «grands pays» à Davos (les autres ont moins de scrupule à passer à l’anglais). Modi a ainsi peu ou prou repris la ligne défendue en janvier par Xi Jinping en inaugurant le Forum 2017. Le président chinois avait alors impressionné l’auditoire, quand il s’était fait le défenseur du libéralisme économique et des échanges internationaux. Ses propos avaient d’autant plus impressionné qu’ils contrastaient avec le programme protectionniste sur lequel Donald Trump s’était fait élire.» (4)

«Depuis 1997, Narendra Modi a rappelé qu’à l’époque, le PIB de l’Inde ne dépassait guère 400 milliards de dollars, et qu’il en représente aujourd’hui six fois plus. Entre parenthèses, en dépassant désormais la barre des 2400 milliards de dollars, et compte tenu de sa croissance annuelle de l’ordre de 7%, (…) Voilà un pays de poids et un marché prometteur, de quoi donner des arguments à son chef pour se faire écouter. Modi a pu ainsi décliner les trois «menaces» qui pèsent sur la planète et ce faisant il a totalement développé le thème directeur du Forum 2018, «créer un avenir commun dans un monde fracturé».

«Le premier défi est le changement climatique. Après avoir rappelé les faits connus de tous, Modi a souligné les efforts de son pays, notant son plan à l’horizon 2022 de créer une production d’énergie renouvelable de 170 gigawatts: «Et d’ores et déjà nous avons réalisé 60 gigawatts, plus du tiers de notre objectif», a-t-il insisté. Le deuxième défi est celui du terrorisme: «Il y a des jeunes aisés et bien éduqués qui se radicalisent et s’engagent dans le terrorisme.» Mais c’est sur le troisième défi que Narendra Modi s’est montré le plus incisif, dénonçant «le protectionnisme et le repli sur soi, comme si l’opposé de la mondialisation était en train de se réaliser». Il a regretté «que les organisations multilatérales (ONU, OMC) ne fassent pas une place suffisante aux nouvelles puissances émergentes» (4).

Le message soft mais qui ne « trompe » pas de Trump

Fidèle à lui-même, Donald Trump a fait des premières déclarations tonitruantes. D’abord en vantant son «excellente relation» avec la Première ministre britannique Theresa May, Il a par ailleurs estimé que les Palestiniens avaient «manqué de respect» en refusant de recevoir «notre excellent vice-président». Dans son discours au Forum économique mondial, le président américain a souligné que son programme «l’Amérique d’abord» ne signifiait pas un isolement des Etats-Unis. «L’Amérique espère en un monde où chacun sera prospère», a-t-il commencé. En espérant que «chaque Américain puisse trouver son chemin vers le rêve américain». Mais ensuite, il a fait ce que font tous les gouvernants à Davos: vanter les réformes qui vont attirer les investisseurs. «Il n’y a jamais eu de meilleur moment pour investir aux Etats-Unis et créer des emplois», car «l’Amérique est à nouveau compétitive», «Nous voulons un commerce ouvert bien sûr, mais aussi équitable, et réciproque». Il veut bien sûr «America first», mais il incite les dirigeants des autres pays à en faire de même avec leur nation. Dans son discours, Donald Trump a même joué la carte sociale: il ne faut pas ignorer selon lui «la voix des oubliés», «Le meilleur programme anti-pauvreté, c’est d’investir dans notre peuple», estime le président américain (5).

Angela Merkel et le rejet du protectionnisme

Alors que l’Allemagne n’a toujours pas de gouvernement, la chancelière allemande a notamment déclaré que «le protectionnisme n’est pas la bonne solution» face aux problèmes du monde. Pour elle, la poursuite de solutions nationalistes risque de créer un cercle vicieux rendant difficile la communication entre pays. «Nous savons qu’il y a des égoïsmes nationaux, nous voyons qu’il y a du populisme, nous voyons qu’il règne une atmosphère polarisante dans de nombreux pays. Beaucoup sans doute se demandent si la coopération multilatérale est véritablement en mesure de résoudre les problèmes des gens et d’inclure tout le monde, compte tenu du défi technologique de la numérisation, et des changements disruptifs qu’elle entraîne», a déclaré la chancelière qui a aussi listé les défis du futur comme le Web 5.0. (6)

Le double standard de Macron

French is back, la France première destination mondiale du tourisme, il y a en moyenne un touriste par habitant, soit près de 65 millions de touristes. Lors de son discours il a interpellé les grands patrons des multinationales pour l’attractivité de la place de Paris dans la finance faisant croire indirectement maintenant que le Royaume-Uni n’est plus dans le coup du fait du Brexit. Selon qu’il parle en français ou en anglais, les convictions de Monsieur Macron ne sont pas les mêmes:

«Des éléments de langages tels que «le devoir de partager», la «crise du capitalisme», se sont ainsi glissés dans cette partie du discours, lui donnant l’occasion d’insister sur la nécessité d’apporter une protection accrue en matière sociale et climatique. Le président a dénoncé une croissance «structurellement de moins en moins juste» et a appelé à «arrêter de détricoter le droit social». Changement de langue, changement de ton: en anglais, Emmanuel Macron a opté pour un discours aux accents bien plus libéraux, soucieux de montrer aux représentants des grandes entreprises mondiales que la France mettait tout en oeuvre pour les accueillir. Les éléments de langage ont alors pris une tournure différente, puisqu’il était désormais question de «garantir la stabilité pour les entrepreneurs et les investisseurs», de «flexibilité», ou encore de «changer de business model pour se réadapter à l’environnement». (7)

Le futur de l’emploi dans le futur : La casse

L’information la plus importante concerne l’architecture future du travail. C’est la conclusion d’un nouveau rapport, The Future of Jobs, publié aujourd’hui par le World Economic Forum:

«La quatrième révolution industrielle, qui comprend des développements dans des domaines précédemment décousus tels que l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique, la robotique, la nanotechnologie, l’impression 3D, la génétique et la biotechnologie, va bouleverser non seulement les modèles économiques, mais aussi les marchés du travail. Les cinq prochaines années, avec d’énormes changements prévus dans les compétences nécessaires pour prospérer dans le nouveau paysage.» (8)

Comment se présentera le travail?:

«Les changements dans les modes de production vont avoir un profond impact sur l’emploi dans les prochaines années. Le Forum Economique Mondial explique que dans 10 ans, peut-être même 5, la majorité des créations d’emplois se feront dans des activités ou des métiers qui n’existent pas en 2016. Et le rapport reprend l’idée que «65% des enfants qui entrent aujourd’hui à l’école primaire exerceront un travail qui n’existe pas en 2016». Dans les 15 pays les plus industrialisés (hors Chine) analysés par le rapport, l’estimation est que le solde net de pertes d’emplois sera de 5,1 millions d’emplois entre 2015 et 2020 à cause des seuls changements technologiques et d’organisation.

4,7 millions d’emplois seront perdus dans les fonctions de bureaux et d’administration, 1,6 million dans la production industrielle et manufacturière, et 497.000 dans la construction pour ne parler que des secteurs les plus importants. En revanche, il anticipe 492.000 créations d’emplois dans la finance, 416.000 dans le management, 405.000 dans l’informatique ou 339.000 dans l’architecture et l’engineering. «7,1 millions d’emplois détruits et 2 millions créés, le solde net est donc de 5,1 millions d’emplois disparus.» Cela uniquement sur les questions technologiques, en dehors de toute crise économique éventuelle. Le Forum économique note en revanche que les entreprises qui affirment que cette question d’adaptation aux nouveaux processus est hautement prioritaire pour elles, sont celles qui investissent le plus dans les changements de compétence de leurs salariés, qui embauchent le plus de femmes, de «talents des minorités» ou d’expatriés». (9)

Les «Davos des pauvres» ont disparu

Les inégalités extrêmes dégradent le vivre ensemble, Elles renforcent le pouvoir des oligarchies, limitent l’accès à l’éducation et à la santé, l’égalité homme-femme. Les riches sont des Martiens qui regardent les Terriens besogneux de loin, ils sont indifférents à la douleur et à la dignité humaine qui se déclinent notamment par un droit à l’éducation, un droit à un travail, un droit à un toit, en un mot comme en mille, un droit à vivre décemment. Même l’altermondialisme que nous avions cru, un temps porteur de valeurs à même de contrer cette machine du diable de la mondialisation laminoir et du néo-libéralisme prédateur, s’est essoufflée. Plus de Porto Alegre sonore, que j’avais en son temps, désigné comme étant le «Davos des pauvres». Est-ce pour autant qu’il faille baisser la garde? Non! Le combat continue.

Peut-être que le salut viendrait des jeunes. On apprend que du 17 au 20 octobre se tient aux Pays-Bas le 7ème One Young World. Un sommet annuel qui réunit chaque année des grands noms de la justice sociale, et des jeunes de 194 pays envoyés par leur entreprise. Objectif: revenir avec des idées pour changer le monde. Les échanges sont orchestrés autour de cinq grands thèmes (paix et réconciliation, lutte contre la pauvreté, éducation, environnement…) et sous le signe de l’optimisme. Le maître-mot: vous pouvez changer le monde. D’ailleurs, lors de la cérémonie d’ouverture digne d’un show à l’américaine, Mohammed Yunus le Bengalais a eu le très rare privilège d’être nommé à la fois pour le «Nobel» d’Économie et le Nobel de la paix…en 2006 fondateur de la première institution de microcrédit, la Grameen Bank, l’a assuré: «votre génération a quelque chose que les précédentes n’avaient pas et qui vous donne beaucoup de pouvoir: la technologie.»(10)

Davos le radicalisme et l’Algérie

Pour rappel le forum de Davos a choisi comme thème cette année : « Comment créer un avenir commun dans un monde fracturé » Il est vrai qu’en matière de terrorisme cela fait plus d’un quart de siècle que l’Algérie y est confrontée. Pendant pratiquement dix ans les appels de l’Algérie à l’échelle internationale sur la nature du terrorisme, qui n’a rien à voir avec l’islam bien comprise, étaient inaudibles. C’était l’époque du «  qui tue qui ? » de l’invitation des chefs dans les officines occidentales qui ont toujours deux fers au feu .. Il a fallu le tournant de septembre 2001 , pour que le monde occidental comprenne la réalité du terrorisme ; d’autant que graduellement à force d’exciter les extrêmes les occidentaux se virent destinataires d’un terrorisme qu’ils refusaient de comprendre, préférant utiliser la matière forte, au lieu de s’intéresser aux « territoires perdues de la république » en France, en Belgique, en Italie..

De ce fait , d’après les conclusions d’une analyse publiée récemment par le centre Carnegie pour le Moyen Orient dans une analyse et intitulée « une vie après le djihadisme« … l’expérience algérienne en matière de dé-radicalisation servira de modèle de référence pour d’autres initiatives de désengagement dans le monde. Cela a été le message du ministre algérien des Affaires étrangères à Davos : « Cette expérience qui s’ajoute à celle de la lutte anti-terroriste l’ #Algérie, est prête à la partager… »

Il est vrai que nous nous faisons connaître par notre gestion du terrorisme appréciée, . Malgré les satisfécits en trompe l’œil l’Algérie se doit d’être en garde contre ces mots doucereux visant à présenter l’Algérie comme étant une spécialiste de la gestion du terrorisme avec la position de s’en inspirer, ce dont je ne suis pas convaincu du fait des spécificités à chaque pays et des causes différentes de l’émergence du terrorisme qui sont différentes dans les pays développés et les pays en développement comme en Algérie. De plus être tout le temps en train de se battre contre le terrorisme , jusqu’à pourrait-on dire ? Cela fait vingt ans que l’on parle de terrorisme résiduel mais il est toujours là . Des jeunes algériens « égarés » selon la terminologie officielle meurent. Ils ont des parents qui doivent les pleurer et qui n’acceptent pas cet état de fait. Peut être qu’il faille s’attaquer d’une façon plus déterminée aux causes de la malvie et là l’école débarrassé des interférences de tout ordre est à reconstruire. Peut être qu’il faille lutter contre la hogra ( l’humiliation) sous toutes ses formes, le népotisme, la corruption autant de facteurs déclenchants

Par ailleurs, il aurait été souhaitable que l’Algérie se fasse connaitre aussi pour ses efforts pour sortir du sortilège de la rente, en allant vers un Développement Humain Durable qui le laisse personne sur le bord de la route. Notre participation à Davos avec une stratégie pourrait nous permettre de connaitre de rencontrer des pays capables de nous aider à faire le saut qualitatif dans ces domaines, je parle de la Chine, de l’Allemagne des Etats unis De ce fait il aurait été indiqué de faire participer des capitaines d’industrie nationaux ( sonatrach, sonelgaz,…) C’est le sens d’ailleurs de mon intervention sur Canal Algérie dans l’émission question d’Actu du 29 01 2018 , dont le thème était   la déradicalisation des terroristes mais aussi Davos et le monde fracturé . (11)

Professeur Chitour Chems Eddine

Ecole Polytechnique Alger

 

Notes

1.https://start.lesechos.fr/actu-entreprises/societe/mais-au-fait-a-quoi-ca-sert-davos-10789.php?VyeB5oVhsCk26ytD.99

2.https://francais.rt.com/economie/47498-ong-oxfam-repartition-richesse-mondiale

3.http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_ professeur_chitour/258845-l-arrogance-des-grands-devant-la-misere.html

4.http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2018/01/23/20002-20180123ARTFIG00206-le-premier-ministre-indien-narendra-modi-fait-l-eloge-de-la-mondialisation-a-davos.php

5.https://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/0301211977645-donald-trump-sapprete-a-prononcer-un-discours-offensif-a-davos-2148488.php#opO7KUcHtqfGfGPH.99

6.Merkel plaide à Davos pour le multilatéralisme Le Figaro.fr avec AFP 25 01 2018

7.https://francais.rt.com/france/47588-double-discours-davos-social-francais-devient-liberal-anglais

8.https://www.weforum.org/reports/the-future-of-jobs

9.JPG http://www.emploiparlonsnet.pole-emploi.org/prospective/davos-voudrait-anticiper-le-travail-du-futur

10.https://start.lesechos.fr/travailler-a-letranger/actu-internationales/one-young-world-le-davos-des-jeunes-qui-veut-changer-le-monde-9728.php?DBJxY9FfZQm7GBBV.99

11.Question d’actu intervention du 29 01 2018 https://www.youtube.com/watch?v=2jjg0tUfec4&feature=youtu.be

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“America First” armée au-dessus de nos têtes

janvier 30th, 2018 by Manlio Dinucci

Le président Trump a débarqué de son hélicoptère au Forum économique mondial de Davos. Là, précédé des joueurs de cuivres de l’orchestre de Fribourg, il a annoncé que “le monde est en train d’assister à la renaissance d’une Amérique forte et prospère”, grâce aux réductions d’impôts et réformes opérées par son administration sur la base du principe “America First”, c’est-à-dire celui de mettre l’Amérique au premier rang.

Trump à son arrivée à Davos

Source de la photo : https://www.washingtontimes.com/news/2018/jan/25/trumps-america-first-message-davos-gotta-love-it/

Cela “ne signifie pas l’Amérique toute seule : quand les Etats-Unis grandissent, le monde entier grandit”. Mais, a-t-il ajouté, “nous ne pouvons pas avoir un commerce libre et ouvert si certains pays exploitent le système aux dépens d’autres pays”. Référence claire surtout à la Chine et à la Russie, accusées de “déformer les marchés mondiaux” par des “subventions industrielles et une omniprésente planification économique conduite par l’état”.

Ainsi émerge le noeud de la question. Les Etats-Unis sont encore la première puissance économique du monde, surtout grâce aux capitaux avec lesquels ils dominent le marché financier mondial, grâce aux multinationales avec lesquelles ils exploitent des ressources de tous les continents, aux brevets technologiques en leur possession, et au rôle envahissant de leurs groupes multimédias qui influencent les opinions et les goûts des gens à l’échelle planétaire.

Leur suprématie économique (y compris celle du dollar) se trouve cependant de plus en plus mise en danger par l’émergence de nouveaux sujets étatiques et sociaux. Avant tout la Chine : arrivée par son revenu national brut à la seconde place mondiale après les USA, elle est l’”usine du monde” dans laquelle produisent aussi de nombreux grands groupes étasuniens. Elle est ainsi devenue le premier exportateur mondial de denrées. Elle effectue également de croissants investissements que ce soit aux USA et dans l’Eu, ou en Afrique, Asie et Amérique Latine (surtout, là, dans des infrastructures). Le projet le plus ambitieux, lancé par la Chine en 2013 et partagé avec la Russie, est celui d’une nouvelle Route de la Soie : un réseau terrestre (routier et ferroviaire) et maritime qui relie la Chine à l’Europe à travers l’Asie Centrale et Occidentale et à travers la Russie.

S’il était réalisé selon l’idée originelle, le projet, qui n’inclut pas de composantes militaires, remodèlerait l’architecture géopolitique de toute l’Eurasie, en créant un nouveau réseau de rapports économiques et politiques entre les états du continent.

Cette mondialisation que les Etats-Unis ont promue, sûrs de pouvoir la dominer, se retourne aujourd’hui contre eux. Les droits de douane allant jusqu’à 50% sur les machines à laver et les panneaux solaires, établis par l’administration Trump pour frapper les exportations de Chine et de Corée du Sud, ne sont pas une preuve de force mais de faiblesse. Perdant du terrain sur la plan de la mondialisation économique, les Etats-Unis misent sur la mondialisation militaire : “ Nous sommes en train de faire des investissements historiques dans le militaire américain -a annoncé Trump à Davos- parce que nous ne pouvons pas avoir de prospérité sans sécurité”.

Les USA ont déjà aujourd’hui des bases et autres installations militaires dans plus de 70 pays, surtout autour de la Russie et de la Chine. Les pays dans lesquels sont déployées des troupes USA sont plus de 170. Dans cette stratégie ils sont accompagnés par les puissances européennes de l’Otan, lesquelles, bien qu’ayant avec les USA des conflits d’intérêt, se placent sous le leadership étasunien quand il s’agit de défendre l’ordre économique et politique dominé par l’Occident.

Tel est le scénario dans lequel s’insère l’escalade de plus en plus dangereuse des USA/Otan en Europe contre la Russie, présentée comme l’ennemi qui nous menace à l’Est. Débattre d’Union européenne et d’euro indépendamment de tout cela, comme on le fait dans l’actuelle campagne électorale (législatives en mars, NDT), signifie jouer face aux électeurs une partie avec des cartes truquées.

Manlio Dinucci

 

Article original en italien :

«America First» armata sulle nostre teste

Edition de mardi 30 janvier 2018 de il manifesto

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

Les prophètes et les prévisionnistes ont déjà commencé à exposer leur vision mondiale de ce qui nous attend en cette nouvelle année, qui va de l’essor économique à des guerres mondiales catastrophiques.

Je vais aborder la question autrement, en mettant l’accent sur le morcellement accru des marchés, l’autonomie grandissante de l’action politique par rapport au développement économique, la menace croissante d’interventions militaires et l’augmentation des accommodements politiques. Je crois que nous allons assister à une refonte radicale de l’intégration politique et économique, à l’Est comme à l’Ouest, avec et sans l’apport des États nations. Les « droits des États » vont réapparaître comme antidote à la mondialisation. Les grands pays vont rivaliser en s’engageant de façon limitée dans des guerres régionales, tout en poursuivant des objectifs mondiaux.

Le professeur  James Petras

Des événements catastrophiques sont peu probables, mais de nombreux changements radicaux apportés de façon progressive sont à prévoir, qui auront des répercussions cumulatives.

Pour comprendre ces tendances importantes, il est important d’analyser qui sont les principaux acteurs dans ce panorama et d’en discuter, à commencer par les États-Unis.

Tendances aux USA

Aux USA, le présent et l’avenir immédiat sont à la fois liés et non liés à la présidence de Trump et à ses opposants à l’intérieur du pays.

Les luttes entre le Congrès et le président n’ont pas entraîné de changements majeurs dans la position des USA sur l’échiquier mondial. Les USA continuent d’imposer des sanctions à la Russie, à l’Iran et au Venezuela. Leurs échanges commerciaux avec la Chine augmentent. Les exercices militaires et les menaces contre la Corée du Nord font surgir le spectre d’une guerre nucléaire. Autrement dit, des mesures graduelles et inconséquentes accompagnent une rhétorique enflammée. Les politiques économiques des sociétés tirent profit de la générosité de l’état, mais elles sont dissociées de la politique ordinaire. Le point capital, c’est que les « marchés » sont fragmentés ou déconnectés. Les actions montent, mais la productivité stagne. La dette des entreprises grimpe en flèche, mais les profits explosent dans le secteur de la haute technologie. Les exportations et les importations vont en sens inverse. Le nombre d’emplois augmente, mais les salaires diminuent.

Il existe un, deux, plusieurs marchés, chacun fonctionnant sur des principes similaires, mais qui contribuent tous à accroître la concentration de la richesse et l’imbrication des directions des grandes sociétés.

Outre l’existence de plusieurs marchés, on retrouve aussi de nombreux centres de direction politique. La « présidence » multipolaire des USA en est l’illustration. Malgré tout ce qu’on dit à propos de « Trump », la politique et la stratégie sont définies, défendues et remises en cause dans de nombreux centres de décision. En règle générale, les élites des services du renseignement, des forces armées, des médias, des milieux financiers, du pouvoir législatif, du commerce et de la politique internationale rivalisent entre elles ou forment des alliances temporaires, ce qui en fait d’étranges compagnons de lit. En outre, de nouvelles configurations de pouvoir à l’échelle internationale sont apparues et ont permis à certains de s’approprier des positions de force.

Les détenteurs du pouvoir

Qui gouverne les États-Unis? Cette question devrait être reformulée pour tenir compte de la pluralité des élites autoritaires égocentriques totalement déphasées par rapport à la majorité de la population manipulée.

Le « président » de pure forme Trump change les décisions prises en matière de politique étrangère en fonction des intérêts de nombreux centres de pouvoir à l’intérieur des USA et à l’étranger. Trump se prononce contre les accords commerciaux multilatéraux et s’y oppose, tout en favorisant les pactes unilatéraux axés sur les USA. Malgré sa rhétorique, rien n’a changé. Les échanges commerciaux avec l’Asie, l’Europe et l’Amérique latine ont augmenté. La Chine, le Japon, l’Inde, l’Allemagne, la Corée, le Canada et le Mexique demeurent les principaux centres d’exportation et d’importation des USA. Les banquiers, les multinationales et les milliardaires de la Silicon Valley continuent de passer outre au programme défendu par Trump.

Trump se disait en faveur d’une réconciliation avec la Russie et a été menacé de destitution pour cela. Le Congrès, les services du renseignement, le pouvoir législatif et l’OTAN contredisent, renversent et réorientent les politiques des USA qui les rapprochent ou les éloignent selon le cas de l’éventualité d’une confrontation militaire.

Trump propose de renégocier le commerce avec l’Asie, notamment avec la Corée du Sud, le Japon et la Chine.

En réponse, le Pentagone, les médias, les néocons et l’élite militariste japonaise veulent imposer un conflit nucléaire avec la Corée du Nord et des menaces contre la Chine (le premier ministre Abe du Japon est le petit-fils du « boucher de Mandchourie » Kishi Nobusuke). L’élite commerciale, financière et technologique de la Silicon Valley s’en prend aux idéologues de « l’Amérique d’abord », au Pentagone et à l’industrie manufacturière des USA à propos de la Chine. Pendant ce temps, des milliers de navires porte-conteneurs transportent des matières premières et des marchandises entre la Chine et les USA, leurs capitaines saluant au passage la poignée de vaisseaux de guerre étasuniens patrouillant autour de quelques tas de roches en mer de Chine méridionale.

Trump profère ses menaces contre l’Union européenne et l’Organisation mondiale du commerce, puis monte à bord de son jet en direction de Davos pour socialiser avec les « champions du libre-échange » allemands, français, britanniques et étasuniens.

Les grandes décisions sont des absences de décision. La poursuite des politiques et les élites, qui ne font au mieux que donner plus de poids aux anciennes politiques favorisant les marchés financiers, déprécient les salaires et multiplient les guerres locales et les confrontations militaires. Les décisions déterminantes de 2018 n’ont pas été prises par Trump, mais par ses alliés et ses adversaires dans son pays et à l’étranger.

La marginalisation de « l’Amérique d’abord » de Trump

Parmi les décisions qui ont été prises sans tenir compte de Washington, mentionnons la conciliation entre la Corée du Nord et du Sud; l’accord russo-chinois en réponse aux sanctions étasuniennes; le coup de force manifeste d’Israël contre les Palestiniens; l’interpellation de l’Iran par l’Arabie saoudite; et l’alliance « non déclarée » entre le Pakistan et les talibans.

La marginalisation de Washington est évidente dans les milieux économiques. Les marchés boursiers des USA explosent, mais la productivité descend; les bénéfices montent en flèche, mais l’espérance de vie des travailleurs est à la baisse; l’immense concentration de la richesse va de pair avec la hausse de la mortalité maternelle et infantile; parmi l’ensemble des pays industrialisés, les jeunes Étasuniens sont ceux qui courent le plus de risques de mourir avant l’âge adulte. La mortalité a remplacé la mobilité.

Washington est au beau milieu d’une lutte intense au sujet d’enjeux sans importance.

Outre la marginalisation des USA, de nouveaux centres de pouvoir régionaux sont apparus et ont réussi à éliminer ou à neutraliser des mandataires des USA. La Turquie en est un exemple éloquent. Ankara s’est opposé et a nui aux plans du Pentagone de créer une force armée parmi ses mandataires kurdes qui contrôlent le nord de la Syrie. L’Irak a pris de court les milices kurdes soutenues par les USA et Israël sous la direction des chefs de guerre du clan Barzani à Kirkouk. Les talibans sortent de la campagne et des montagnes afghanes pour monter des insurrections dans les centres urbains et la capitale Kaboul. Le gouvernement vénézuélien a réussi à contrer les soulèvements soutenus par les USA à Caracas et dans d’autres villes. Le régime fantoche des USA à Kiev n’a pas réussi à conquérir les enclaves séparatistes russophones dans la région du Donbass, qui sont dirigées par un gouvernement de facto soutenu par la Russie.

Il faut reconnaître toutefois que la marginalisation, les reculs et les défaites n’annoncent pas la « fin de l’Empire ». Nous devons aussi admettre que les secteurs concurrentiels de l’économie (actions, obligations, technologie et profits) sont dans une phase dynamique, même s’ils se dirigent vers une correction majeure. La raison probable est que l’économie fonctionne indépendamment de système politique, de la tourmente à Washington et de la marginalisation des USA à l’étranger.

Les médias de masse enveniment des conflits nationaux partisans en criant au scandale. Leur projection de la chute et d’un effondrement imminents de la Russie de Poutine et de la Chine de Xi n’a pas la moindre influence sur la dynamique réelle des forces du marché à l’échelle mondiale. La Chine connaît une croissance de 7 % et tous les principaux acteurs économiques des USA et de l’UE, d’Airbus à Amazon, se battent pour se joindre aux marchés multipolaires de Pékin. Les marchés ignorent, lorsqu’ils n’en tirent pas profit, les paralysies gouvernementales. Les marchés font fi des dernières sorties du Pentagone, de la « nouvelle stratégie militaire » contre la Chine et la Russie. Les sociétés sud-coréennes adhèrent aux marchés étasuniens tout en cherchant à avoir accès à la main-d’œuvre spécialisée de la Corée du Nord.

Les décisions de Washington de nier la réalité que l’avenir appelle à une augmentation de la productivité au moyen d’une main-d’œuvre nationale qualifiée, saine et bien rémunérée, condamnent les USA dans une spirale descendante qui font ressortir leur marginalité politique, leur futilité militaire et leur grandiloquence creuse. Les médias, les spécialistes et l’élite politique ignorent la fragmentation du pouvoir étasunien et la séparation des forces militaires et des forces du marché, qui suivent leur propre voie. Les inégalités sociales et les taux de mortalité à la hausse dans la classe ouvrière pourraient encourager l’immigration, mais aussi miner l’influence des USA dans leurs assises mêmes. Une classe dirigeante gouverne en liant un État unifié à un marché dynamique, les producteurs aux consommateurs, les importateurs aux exportateurs et la croissance de la richesse à une augmentation des salaires.

Les singeries pro-Trump et anti-Trump sont au mieux sans rapport et au pire une question secondaire destructrice. Les fondations des USA et leurs marchés sont de taille, mais s’effritent. Ce qui importe, ce n’est pas le statu quo, mais sa direction et ses structures.

Les guerres prolongées en marge du pouvoir étatique ou les menaces de conflits mondiaux avec des puissances mondiales comme la Russie et la Chine proférées par le secrétaire à la défense Mattis, afin de « protéger le niveau de vie aux USA », vont inévitablement et inexorablement fissurer davantage l’économie et la politique militariste des USA. Les institutions politiques étasuniennes, que ce soit à la présidence ou au Congrès, échouent lamentablement à s’adapter à la dynamique économique réelle du marché mondial actuel.

Elles confondent encore la hausse des cours boursiers et des bénéfices à des facteurs de croissance et de stabilité à long terme. L’idée d’une « mort à crédit » vient en tête.

James Petras

 

Article original en anglais :

Blackouts and Flashpoints in 2018: Who Rules America, Globalization and Geopolitics, le 28 janvier 2018

Traduit par Daniel pour Mondialisation.ca

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Québec, Canada – Fake news et acceptabilité sociale.

janvier 29th, 2018 by Gérard Montpetit

En décembre dernier, dans un texte publié dans le Huffington Post, j’écrivais : « Dans un effort désespéré pour proclamer qu’elle a un simulacre d’acceptabilité sociale, l’industrie, avec la complicité du gouvernement, prétend qu’elle peut procéder si elle a l’accord de quelques élus locaux. ».[1] Nous en voyons une preuve flagrante dans l’interprétation fantaisiste que la MRC La Côte-de-Gaspé[2] fait d’un sondage de la firme Segma[3]. Parmi les constats qu’elle fait dans son communiqué, la MRC affirme que « une majorité importante de la population est favorable » à des projets d’exploitation pétrolière; dans son communiqué, la MRC « oublie » de mentionner que cet appui est conditionnel à l’absence de la technique controversée de la fracturation hydraulique!

Cet « oubli » stratégique change tout! Compte tenu de la qualité de la roche dans le sous-sol gaspésien (ce qui est vrai aussi pour l’ensemble du Québec), la presque totalité de l’extraction de pétrole et de gaz doit se faire de façon non-conventionnelle. En langage clair, cela veut dire que sans fracturation, toute exploitation des hydrocarbures est automatiquement un désastre financier pour le promoteur. Le rêve d’un pactole pétrolier n’est pas nouveau au Québec. On se rappellera que quelque 900 puits ont été forés depuis plus de 100 ans. Faute de débit intéressant, tous ont été abandonnés. N’oublions pas que la fracturation hydraulique avec forages horizontaux est une technique qui a vu le jour aux États-Unis vers 1995-98. Même si elle a un taux d’extraction de seulement 1 à 2 % de tout le pétrole présent dans les schistes, la fracturation est une « amélioration » par rapport aux anciens puits conventionnels.

Source de la carte : http://www.zipgaspesie.org/qui-sommes-nous/territoire

Même l’affirmation selon laquelle « la quasi-totalité des répondants juge essentiel que le BAPE procède à une évaluation des impacts environnementaux des projets » doit être prise avec des pincettes. Comme le soulignait M. Pascal Bergeron dans une lettre ouverte, « Le sondage que vous dévoiliez aujourd’hui dit clairement que 80 % de votre population désire un BAPE avant ou pendant la phase exploratoire des 3 projets, c’est-à-dire maintenant. ».[4] Un forage dit exploratoire est tout aussi dangereux sur le plan environnemental qu’un forage d’exploitation, peut-être même plus, car au stade exploratoire, on ne connaît pas encore la structure géologique du sous-sol.

Un BAPE pourrait pallier le manque d’information exprimé par la population.[5] L’information complète et factuelle est incompatible avec les projets pétroliers de la région gaspésienne. Lorsqu’on lit le communiqué de la MRC, on croit remarquer une nette tendance à appuyer les forages en utilisant des demi-vérités. Si elle est utilisée habilement, une demi-vérité est plus nocive et plus destructrice qu’un mensonge. Depuis des siècles, le système judiciaire a compris la différence. C’est pourquoi, dans une cour de justice, on exige que le témoin prête serment en jurant de « dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité » et ce, même quand l’avocat de la partie adverse le contre-interroge. Être pris en flagrant délit de dire autre chose que « toute la vérité » est un outrage au tribunal qui rend le témoin fautif passible d’une peine de prison.

Certes, ni la MRC La Côte-de-Gaspé dans son communiqué, ni les promoteurs (Junex, Pétrolia/Péridae) dans leurs communications n’ont prêté serment de dire la « vérité, toute la vérité, rien que la vérité ». Cependant, ce communiqué devient tendancieux en omettant de dire que de nombreux citoyens appuient le projet à la condition qu’on n’utilise pas la fracturation, d’autant plus que cet appui conditionnel exige de ne pas compromettre la qualité de l’eau. De nombreux groupes[6] et citoyens informés ne sont pas dupes. Au niveau de l’acceptabilité sociale, mensonges et demi-vérités font tous partie de l’arsenal des FAKE NEWS.

Gérard Montpetit

membre du RVHQ (regroupement vigilance hydrocarbures du Québec)

le 25 janvier 2018

 

Notes

1] http://quebec.huffingtonpost.ca/gerard-montpetit/filiere-gaziere-la-fausse-acceptabilite-sociale_a_23307283/

2] http://journallephare.org/wp-content/uploads/2018/01/Document-complémentaire.pdf

3] https://www.rvhq.ca/wp-content/uploads/2018/01/Rapport-de-sondage-de-Segma-Recherche-dans-la-MRC-La-Côte-de-Gaspé.pdf

4] http://journallephare.org/2018/01/18/lettre-ouverte-a-daniel-cote-maire-de-gaspe-et-prefet-de-la-mrc-cote-de-gaspe/

5] http://www.radiochnc.com/nouvelles/item/sondage-la-population-de-la-côte-de-gaspé-veut-plus-d-infos-sur-le-pétrole.html

6] http://cregim.org/wp-content/uploads/2018/01/Sondage-hydrocarbures.pdf

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Le 24 décembre 2017, le président péruvien, Pedro Pablo Kuczynski, a gracié l’ancien président Alberto Fujimori (1990-2000) pour raisons de santé, alors qu’il n’a encore purgé que 10 ans des 25 ans de prison auxquels il a été condamné. Ce texte et le précédent font le point sur les raisons de la grâce octroyée et sur les réactions qu’elle a provoquées. Ce texte a été publié sur Estrategia, le site du Centre latino-américain d’analyse stratégique (CLAE), le 5 janvier 2018. Mariana Álvarez Orellana est une anthropologue péruvienne. Enseignante-chercheuse, elle est associée au CLAE.


Les premiers jours de 2018 ont confirmé au Pérou une transformation radicale de la scène politique lorsque celui qui brandissait l’étendard des « valeurs démocratiques » de la bourgeoisie libérale s’est transformé en wagon de queue du fascisme fujimoriste : le président Pedro Pablo Kuczynski (PPK), qui avait assuré qu’il ne gracierait pas Alberto Fujimori, a offert pour Noël le pardon au criminel, dans un souci de « gouvernabilité ».

L’incapacité de gouverner affichée par le banquier Kuczynski semble avoir pour effet de limiter sérieusement son mandat démocratique. Contrairement à ce qu’il avait calculé, le pacte d’impunité qui a conduit à une amnistie de l’ex-dictateur accusé de corruption et de génocide l’a placé dans un isolement politique profond qui lui retire l’air dont il aurait besoin pour tenir jusqu’en 2021.

Curieusement, l’« antifujimorisme social », comme on aime appeler aujourd’hui la tendance antiautoritaire de l’électorat jeune et mobilisé, qui lui a permis de l’emporter au second tour en 2016, lui crie maintenant son refus de l’accord conclu en secret. Dans ces conditions, il ne lui reste plus qu’à gouverner en étant otage d’Alberto Fujimori, et l’on connaît déjà les manières, pas précisément policées, dont ce monsieur est coutumier, rappelle l’analyste Alberto Lynch.

La tentative de destitution présentée au Congrès a été à l’origine du pacte d’impunité et celui-ci a engendré l’isolement politique du président, au détriment de sa légitimité et de la confiance du peuple dans les institutions et, surtout, dans les gouvernants, dans les dirigeants des groupes politiques qui essaient aujourd’hui de se partager le pouvoir. L’histoire se répète encore une fois, mais pas pour le meilleur car les six gouvernements néolibéraux en place depuis 1990 ont tous trempé dans des histoires de corruption mais aussi d’impunité.

Pour plusieurs analystes, cet accord entre gens de pouvoir mijotait depuis août, au cœur de la crise des pots-de-vin versés par l’entreprise brésilienne Odebrecht, stratégie visant à réinstaller « une dictature terroriste des grands monopoles qui ont besoin pour cela du soutien des masses », aux dires de Gustavo Espinosa. C’est une façon de stopper le débordement des masses ainsi qu’à la réactivation des mouvements populaires et d’une gauche naissante. Est-ce par crainte de perdre le pouvoir et de ne plus être aux affaires ?

PPK a non seulement contrevenu à la loi en accordant la controversée « grâce humanitaire », décision qui pourrait être renversée par les tribunaux, notamment la Cour constitutionnelle, et par les organismes internationaux auxquels le pays est lié.

Malgré ce que la presse hégémonique a indiqué, Fujimori est en bonne santé (il a a quitté la clinique péruviano-japonaise Centenario le jeudi 4 janvier) ; il ne s’est pas repenti de ses crimes et autres larcins, il n’a pas demandé pardon aux victimes ou à leurs proches, il n’a pas versé un sol (monnaie péruvienne) de la caution qui lui a été imposée, et il ne souffre d’aucune maladie mortelle.

PPK a calculé qu’un accord avec le fujimorisme lui apporterait une garantie de « gouvernabilité », mais celui-ci lui fera certainement porter la responsabilité de toutes les erreurs, de la crise ainsi que des imperfections juridiques de la grâce présidentielle, pour se débarrasser de lui quand il deviendra inutile.

Certains médias ont souligné les différences insurmontables qui existent entre Keiko et Kenji Fujimori, les enfants du dictateur. Le second obéit à la vieille garde fujimoriste, la première à la nouvelle. Tous les deux espèrent que PPK nommera leur père gracié au poste de conseiller présidentiel, poste aujourd’hui vacant. S’il n’en était pas ainsi, il resterait toujours la possibilité d’une fuite au Japon.

Les révélations sur les pots-de-vin versés par l’entreprise Odebrecht ont rendu visible l’ampleur du pourrissement, parce que le vol constitue le mode de gouvernement en vigueur depuis plus de décennies. Ce défaut de crédibilité va peut-être mettre fin aux illusions sur le modèle économique, à un moment où le mythe de la croissance est fortement remis en question et où le capitalisme peine à se remettre de sa crise planétaire. La fin de l’illusion nous fait voir que l’empereur est nu et révèle sa nature, peut-on lire dans La Otra Mirada.

Pour Lynch, il faut porter le regard sur la société mobilisée. « La question est aujourd’hui de savoir si la réaction démocratique de la société sera large et durable. Si les manifestations d’aujourd’hui deviendront la représentation politique de demain, et, surtout, si cette dernière arrivera à constituer un projet alternatif à ce que l’on a connu, parce c’est cela qu’il importe et c’est la chose la plus difficile à réaliser. C’est la condition nécessaire pour qu’existe un Pérou où l’on puisse vivre et travailler, un Pérou qui soit nôtre et non aux autres. »

À cette fin, il est indispensable de bâtir une unité d’action entre les mouvements populaires, de se rassembler, de s’engager dans l’action en dépassant les petits différends, comme ceux que l’on observe quotidiennement entre les militants du Front ample (FA) et son ancienne candidate, Verónica Mendoza, de Cuzco, entre les partisans de Marco Arana – sociologue, universitaire et ancien prêtre, fondateur du mouvement Terre et liberté et du FA –, parmi la dénommée gauche caviar, les ultras, les réformistes et les radicaux. Et, surtout, entre les paysans, les Indiens, les travailleurs, les étudiants, qui constituent une part essentielle du vrai Pérou.

Mariana Álvarez Orellana


- Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3438.
- Traduction de Gilles Renaud pour Dial.
- Source (espagnol) : Estrategia, site du Centre latino-américain d’analyse stratégique (CLAE), 5 janvier 2018.

En cas de reproduction, mentionner au moins l’autrice, le traducteur, la source française (Dial – www.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.

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Le 24 décembre 2017, le président péruvien, Pedro Pablo Kuczynski, a gracié l’ancien président Alberto Fujimori (1990-2000) pour raisons de santé, alors qu’il n’a encore purgé que 10 ans des 25 ans de prison auxquels il a été condamné. Ce texte et le suivant font le point sur les raisons de la grâce octroyée et sur les réactions qu’elle a provoquées. Ce texte paru dans le quotidien mexicain La Jornada, le 26 décembre 2017, est une synthèse des faits à partir de dépêches d’agences de presse (Afp, Ap, Dpa et Reuters).

Photo : Alberto Fujimori lors de sa présidence


Kuczynski a pris cette décision après avoir survécu à une tentative de destitution

Le Pérou s’est réveillé divisé ce lundi [25 décembre 2017] après la grâce accordée pour des motifs humanitaires par le président Pedro Pablo Kuczynski à l’ancien titulaire du poste Alberto Fujimori (1990-2000), qui purgeait une peine de 25 ans de prison pour crimes contre l’humanité et corruption.

Kuczynski a annoncé cette décision controversée le dimanche veille de Noël, trois jours après avoir survécu à une tentative de destitution du Parlement dirigée par l’opposition ; cette dernière l’accusait d’avoir menti en s’abstenant de révéler les services d’expertise financière qu’il avait dispensés, pour un montant de 782 000 dollars, à l’entreprise de construction brésilienne Odebrecht. S’il a sauvé son poste, c’est grâce à des membres du Congrès en lien avec le législateur Kenji Fujimori, fils cadet du Président gracié.

Après avoir évalué son état, un conseil médical a déterminé que Fujimori souffre d’une maladie évolutive, dégénérative et incurable et que les conditions d’emprisonnement présentent un risque élevé pour sa vie, sa santé et son intégrité, selon un communiqué du gouvernement diffusé le dimanche.

Les réactions à la grâce présidentielle n’ont pas tardé. Fujimori restera hospitalisé à la clinique péruviano-japonaise Centenario, à laquelle il a été transféré le vendredi et où il se remet d’une arythmie cardiaque et d’un épisode d’hypotension. Divers secteurs ont vu dans cette décision une trahison faite à la justice et à la démocratie, et les différentes réactions ont fait apparaître un pays polarisé entre les sympathisants du fujimorisme, force politique majoritaire, et ses détracteurs, déterminés à attaquer la décision auprès de tribunaux internationaux.

Deux législateurs de la majorité, Vicente Zeballos et Alberto de Belaunde, ont démissionné du parti de Kuczynski, Peruanos por el Kambio (PPK), tandis que des sympathisants d’« el Chino » se sont rassemblés ce lundi pour manifester à l’extérieur de l’hôpital où Fujimori est interné.

Celui-ci a été déclaré coupable, avec son principal conseiller Vladimiro Montesinos, du massacre de La Cantuta, qui a fait au moins 10 victimes en 1991, et de celui de Barrios Altos, dans lequel 15 personnes ont perdu la vie en 1992.

En fin de semaine le ministre de l’intérieur, Carlos Basombrio, a présenté sa démission en signe de protestation contre les liens entre Kuczynski et l’entreprise de construction Odebrecht.

Dans la nuit de ce dimanche, quelque 5 000 manifestants ont dénoncé la libération de Fujimori au cri de « PPK, dégage ! ». Le défilé a parcouru les rues du centre de la capitale au milieu d’importantes forces de la police antiémeute. Les hommes en uniforme voulaient éviter que les manifestants se dirigent vers l’hôpital où Fujimori reçoit des soins intensifs.

Le dimanche, à peine la grâce accordée a-t-elle été connue que des centaines de personnes se sont précipitées dans la rue pour protester, avant d’être dispersées par la police à coups de gaz lacrymogène.

L’amnistie a été condamnée par des proches des 25 victimes du bataillon Colina le 17 juillet 1992, assassinats qui se sont soldés par son emprisonnement pendant une durée de plus de 10 ans, peine qui fait partie des 25 ans de prison dont il a écopé en tant que commanditaire des massacres.

« Les avocats des familles vont saisir la Cour interaméricaine des droits humains (Cour IDH). Il n’est pas possible d’octroyer une grâce pour de tels crimes », a indiqué Carlos Rivera, de l’Institut de l’assistance juridique [IDL en espagnol] et avocat des victimes.

« Monsieur le Président, vous venez de nous voler la tranquillité et notre droit à la justice en accordant à Fujimori une grâce qu’il ne méritait pas », a déclaré Gisela Ortiz, sœur d’un étudiant assassiné à La Cantuta. « Cela fait 25 ans que nous ne fêtons pas Noël et que nous pleurons des absences douloureuses. Maintenant, vous en portez aussi la responsabilité. »

« Ce pacte d’impunité conclu avec la corruption assombrit cette période de Noël », a déclaré Marco Arana, député du parti de gauche Frente Amplio.

« Gracier Fujimori alors même qu’un transfert dans un hôpital était possible me paraît être un acte politique où la remise de peine est sans proportion avec la gravité de crimes contre l’humanité », écrit Paulo Abrão, secrétaire général de la Cour IDH. « C’est faire outrage aux victimes, et non acte de réconciliation. C’est de l’impunité pure et simple. »

Kuczynski et neuf parlementaires de son parti de droite Fuerza Popular ont refusé de soutenir la destitution du président, ce qui a été décisif pour empêcher que lui soit retiré sa fonction pour incapacité morale, du fait de ses liens non déclarés avec Odebrecht : la motion n’a pas obtenu les 87 voix nécessaires mais seulement 79.

Maritza García, parlementaire du parti fujimoriste Fuerza Popular, a expliqué que, pendant la session du Congrès qui a sauvé Kuczynski, l’ex-président Fujimori a téléphoné, de la prison, à plusieurs membres du Congrès pour leur demander de voter en pensant au Pérou parce qu’une destitution serait source d’incertitude et pèserait sur l’économie du pays andin.

« C’est un leader historique qui possède de grandes connaissances politiques », a expliqué García sur la chaîne de télévision câblée Canal N. Elle a ajouté que l’autorité de Fujimori dépasse même celle de sa fille, Keiko, qui a initié la procédure de destitution.

« Plus de 10 années d’attente se sont écoulées pendant lesquelles mon père a été privé de liberté, mais finalement justice est rendue », a déclaré Keiko, en présence de deux de ses frères. « Nous remercions le président d’avoir pris cette décision et nous espérons que le pas qui vient d’être franchi se concrétisera sans attiser les haines et qu’il débouchera sur la réconciliation que tous les Péruviens attendent. »

Kenji n’était pas présent et il n’a fait aucune déclaration publique, mais il a envoyé le tweet suivant : « Dans quelques jours, mon père jouïra la liberté qu’il mérite. Il vous adresse ses meilleurs vœux de Noël. »

Si l’on en croit une vidéo de Kenji Fujimori, âgé de 37 ans, l’ex-président a reçu la nouvelle de sa grâce dans le lit où il poursuit sa convalescence. Les deux hommes lisent la nouvelle et s’embrassent, puis Kenji caresse les cheveux hirsutes de son père.

De nombreux analystes ont affirmé que la gravité des crimes de Fujimori ne permettait pas de le gracier car la Charte interaméricaine des droits humains interdit la grâce dans de tels cas. L’avocat Mario Amoretti a déclaré à Radio Programas del Perú qu’une grâce ne peut être accordée dans les cas de crime contre l’humanité et précisé que la décision de justice qui a condamné Fujimori à 25 ans de prison invoque les délits d’homicide qualifié et d’enlèvement aggravé, mais pas de crime contre l’humanité.

Amoretti a aussi affirmé qu’une éventuelle contestation auprès de Cour IDH resterait lettre morte vu que la Cour constitutionnelle péruvienne a établi que Fujimori n’a pas commis de crimes contre l’humanité.

Le docteur Elmer Huerta, spécialisé en oncologie, a expliqué que, du point de vue médical, la grâce n’était pas justifiée, et il a soutenu qu’il s’agit d’une grâce de nature politique parce que Fujimori n’est pas affecté d’une maladie grave et qu’il ne connaît pas de problème de cancer.

Fujimori a demandé le 11 décembre à être gracié pour des raisons humanitaires. Une enquête d’Ipsos Pérou a révélé que 65% de la population étaient favorables à une amnistie de l’ex-président.


- Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3437.
- Traduction de Gilles Renaud pour Dial.
- Source (espagnol) : La Jornada, 26 décembre 2017.

En cas de reproduction, mentionner au moins l’auteur, le traducteur, la source française (Dial – www.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.

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Comment Pékin espionne les dirigeants africains

janvier 29th, 2018 by Zine Cherfaoui

Quatre spécialistes algériens et des experts en cybersécurité éthiopiens ont inspecté les salles du siège de l’Union africaine et débusqué des micros placés sous les bureaux et dans les murs.

Il n’y a pas que les Occidentaux et les Israéliens qui espionnent l’Union africaine (UA) et ses dirigeants. Monde Afrique révèle, dans une enquête fouillée, publiée le 26 janvier 2018, que les services de renseignement chinois, probablement les 3e et 4e départements de l’état-major général de l’APL, ont «pompé» une masse impressionnante de données sensibles de l’organisation panafricaine, dont le siège se trouve à Addis-Abeba en Ethiopie.

Comment cela a-t-il pu se faire ? Le média français indique que Pékin a offert gracieusement à l’UA des systèmes informatiques clé en main comportant des failles volontairement laissées. Il s’agit de portes numériques dérobées (backdoors) qui donnent un accès discret à l’intégralité des échanges et des productions internes de l’organisation. Citant plusieurs sources au sein de l’institution, Monde Afrique soutient que «tous les contenus sensibles ont pu être espionnés par la Chine». «Une fuite de données spectaculaire, qui se serait étalée de janvier 2012 à janvier 2017», précise le média.

Monde Afrique mentionne que le pot aux roses a été découvert par les ingénieurs de la «petite cellule» de l’UA. «En janvier 2017, la petite cellule informatique de l’UA a découvert que ses serveurs étaient étrangement saturés entre minuit et 2h. Les bureaux étaient vides, l’activité en sommeil, mais les transferts de données atteignaient des sommets.

Un informaticien zélé s’est donc penché sur cette anomalie et s’est rendu compte que les données internes de l’UA étaient massivement détournées», raconte le quotidien français. Des sources internes à l’UA ont ainsi confié à l’auteur de l’enquête que «chaque nuit, les secrets de cette institution se sont retrouvés stockés à plus de 8000 km d’Addis-Abeba, sur des mystérieux serveurs hébergés quelque part à Shanghaï, la mégapole chinoise».

Ce n’est pas tout. Des responsables de l’UA ont révélé également à Monde Afrique qu’il a été découvert que le nouvel immeuble offert il y a six ans par Pékin à l’Union africaine et qui sert depuis de siège à l’organisation était également truffé de micros. «Quatre spécialistes venus d’Algérie, l’un des plus gros contributeurs financiers de l’institution, et des experts en cyber-sécurité éthiopiens ont inspecté les salles et débusqué des micros placés sous les bureaux et dans les murs», mentionne le journal français.

Pour stopper la saignée, la même source indique que l’UA a acquis ses propres serveurs et décliné l’offre de la Chine qui se proposait de les configurer. Désormais, toutes les communications électroniques sont également cryptées et ne passent plus par Ethio Telecom, l’opérateur public de l’Ethiopie, pays réputé pourtant pour ses capacités de cybersurveillance et d’espionnage électronique. Désormais, les plus hauts responsables de l’institution disposent de lignes téléphoniques étrangères et d’applications plus sécurisées. On ajoute qu’«une nouvelle architecture informatique, indépendante des Chinois, a également été déployée». Comme on dit, chat échaudé craint l’eau froide.

Zine Cherfaoui

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Robert Parry, rédacteur en chef et éditeur de Consortiumnews.com, est décédé paisiblement samedi soir. Dans cet hommage, son fils Nat Parry décrit l’engagement indéfectible de Robert envers le journalisme indépendant.

C’est avec une grande tristesse que nous informons les lecteurs de Consortiumnews que le rédacteur en chef Robert Parry est décédé. Comme les lecteurs habituels le savent, Robert (ou Bob, comme l’appelaient ses amis et de sa famille) a subi un accident vasculaire cérébral en Décembre, qui – contrairement à sa propre spéculation qu’il aurait pu être provoqué par le stress causé par la couverture de la politique de Washington – était le résultat d’un cancer du pancréas non diagnostiqué avec lequel il vivait sans le savoir depuis quatre ou cinq ans.

Il a malheureusement subi deux autres AVC débilitants ces dernières semaines et, après le dernier, fut transféré aux soins palliatifs mardi. Il est décédé paisiblement samedi soir. Il avait 68 ans.

Ceux d’entre nous qui sont proches de lui tiennent à remercier sincèrement les lecteurs pour les expressions de sympathie et les mots de soutien affichés dans les derniers articles portant sur les problèmes de santé de Bob. Nous lui avons lu plusieurs de ces commentaires à haute voix pendant ses derniers jours pour lui faire savoir combien son travail a été important pour tant de gens et combien ils se souciaient de sa santé.

Je suis sûr que ces gentillesses comptaient beaucoup pour lui. Ils sont aussi très importants pour nous en tant que membres de la famille, car nous savons tous à quel point il était dévoué à la mission du journalisme indépendant et à ce site Web qui publie des articles depuis les premiers jours de l’Internet et qui a été lancé en 1995.

Avec mon père, le travail professionnel a toujours été profondément une affaire personnelle et sa carrière de journaliste était intimement liée à sa vie familiale. Je me souviens des conversations autour de la table de la cuisine de ma petite enfance qui mettaient l’accent sur les guerres soutenues par les États-Unis en Amérique centrale et des plaintes au sujet de la façon dont ses rédacteurs en chef d’Associated Press [où R. Parry travaillait à l’époque – NdT] se montraient trop timides pour publier ses articles qui – aussi bien documentés soient-ils – jetaient une lumière crue sur le gouvernement de Reagan.

L’un de mes premiers souvenirs, en fait, a été celui de mon père sur le point de partir en mission au début des années 1980 dans les zones de guerre du Salvador, du Nicaragua et du Guatemala. Il nous a averti qu’il allait dans un endroit très dangereux et qu’il y avait une possibilité qu’il ne revienne pas.

Je me souviens de lui avoir demandé pourquoi il devait partir, pourquoi il ne pouvait pas rester à la maison avec nous. Il a répondu qu’il était important d’aller dans ces endroits et de dire la vérité sur ce qui s’ y passait. Il a mentionné que des enfants de mon âge étaient tués dans ces guerres et que quelqu’un devait raconter leur histoire. Je me souviens avoir demandé : « Des enfants comme moi ? » Il a répondu : « Oui, des enfants comme toi. »

Bob a été profondément marqué par les guerres sales de l’Amérique centrale dans les années 1980 et, à bien des égards, ces conflits – et l’implication des États-Unis dans ces guerres – ont défini le reste de sa vie et de sa carrière. Avec les histoires sordides qui émergeaient du Nicaragua (grâce en partie à des journalistes comme lui), le Congrès a adopté les amendements Boland de 1982 à 1984, qui limitaient l’aide militaire américaine aux contras qui tentaient de renverser le gouvernement sandiniste par diverses tactiques terroristes.

L’administration Reagan a immédiatement commencé à explorer les moyens de contourner ces restrictions légales, ce qui a conduit à un plan visant à envoyer des livraisons secrètes d’armes au gouvernement révolutionnaire et farouchement antiaméricain de l’Iran et à détourner les profits vers les contras. En 1985, Bob a écrit les premières articles décrivant cette opération, qui a été connue plus tard sous le nom d’affaire Iran-Contra.

Contra-Cocaïne et Surprise d’Octobre

Parallèlement aux expéditions illégales d’armes à destination de l’Iran à cette époque, il y a eu une opération de trafic de cocaïne menée par les contrebandiers nicaraguayens et la volonté de l’administration Reagan et de la CIA de fermer les yeux sur ces activités. Cela, malgré le fait que la cocaïne était en train d’envahir les États-Unis alors que Ronald Reagan proclamait une « guerre contre la drogue » et qu’une épidémie de crack dévastait les communautés à travers le pays.

Bob et son collègue Brian Barger ont été les premiers journalistes à rendre compte de cette affaire à la fin de 1985, qui est devenue le scandale contra-cocain et qui a fait l’objet d’une enquête du Congrès menée par le sénateur John Kerry (D-Mass.) en 1986.

Poursuivant ses recherches sur les pistes relatives à Iran-Contra à fin des années 80, alors que la majeure partie de Washington se désintéressait du scandale, Bob découvrit qu’il y avait plus de choses à raconter que ce que l’on croyait. Il a appris que l’origine des livraisons illégales d’armes à destination de l’Iran remontaient à plus loin que ce que l’on connaissait jusqu’à la campagne présidentielle de 1980.

Cette course électorale entre le président sortant Jimmy Carter et son rival Ronald Reagan était largement dominée par la crise des otages en Iran, où 52 Américains étant détenus à l’ambassade des États-Unis à Téhéran depuis la Révolution iranienne de 1979. La crise iranienne des otages, ainsi que la crise économique, ont imposé la perception d’une Amérique en déclin, alors que l’ancien acteur hollywoodien Ronald Reagan promettait un nouveau départ pour le pays, une restauration de son statut de « cité qui luit au loin sur la colline ».

Les otages furent libérés à Téhéran quelques instants après l’assermentation de Reagan comme président, à Washington le 20 janvier 1981. Malgré les soupçons depuis des années qu’il y avait une sorte de contrepartie entre l’équipe de campagne de Reagan et les Iraniens, ce n’est qu’en 1994, lorsque Bob a découvert une série de documents dans le sous-sol d’un immeuble de bureaux de la Chambre des Représentants, que les preuves sont devenues accablantes que l’équipe de campagne de Reagan avait entravé les efforts de l’administration Carter pour libérer les otages avant l’élection de 1980. Leur libération plus tôt – ce que Carter espérait être sa ’Surprise d’octobre’ – aurait pu lui donner l’élan nécessaire pour remporter l’élection.

Après avoir examiné ces documents et s’être déjà bien renseigné sur cette histoire – ayant déjà parcouru trois continents avant de poursuivre l’enquête pour un documentaire de l’émission Frontline de la chaîne PBS – Bob était de plus en plus convaincu que la campagne Reagan avait en fait saboté les négociations de Carter autour des otages, peut-être en commettant un acte de trahison dans le but de maintenir 52 citoyens américains en situation d’otages jusqu’ à ce que Reagan remporte l’élection.

Inutile de dire que c’était une histoire peu commode à une époque – au milieu des années 1990 – où les médias nationaux avaient depuis longtemps abandonné les scandales Reagan et étaient obsédés par de nouveaux scandales, principalement liés à la vie sexuelle et aux échecs immobiliers du président Bill Clinton. Washington n’était pas non plus particulièrement intéressée à remettre en question l’héritage de Reagan, qui commençait alors à se transformer en une sorte de mythologie, avec des campagnes pour nommer les édifices et les aéroports du nom de l’ancien président.

Parfois, Bob doutait de ses choix de carrière et des histoires sur lesquelles il enquêtait. Comme il l’a écrit dans Trick or Treason, un livre décrivant son enquête sur le mystère d’Octobre Surprise, cette recherche de la vérité historique pouvait être douloureuse et ingrate.

« Plusieurs fois, écrivit-il, « j’ai regretté d’avoir accepté la mission de Frontline en 1990. Je m’en suis voulu d’avoir risqué mon avenir professionnel dans le journalisme grand public. Après tout, c’est là que se trouvent les emplois décents. J’avais compromis ma capacité de subvenir aux besoins de mes quatre enfants par un sens du devoir désuet, un respect d’un code non écrit qui exige que les journalistes acceptent presque n’importe quelle affectation. »

Néanmoins, Bob a poursuivi ses efforts pour raconter toute l’histoire derrière le scandale Iran-Contra et les origines de l’ère Reagan-Bush, conduisant finalement à deux choses : le fait qu’il soit chassé des médias grand public et le lancement de Consortiumnews.com.

Je me souviens quand il a lancé le site Web, avec mon frère aîné Sam, en 1995. À l’époque, malgré les discussions, nous entendions tous parler de quelque chose qui s’appelait ’l’autoroute de l’information’ et ’le courrier électronique’, je n’avais jamais visité un site Web et je ne savais même pas comment mettre ’en ligne’. Mon père m’a téléphoné à Richmond, où j’étais en deuxième année à Virginia Commonwealth University, et m’a dit que je devrais aller voir ce nouveau ’site Internet’ que Sam et lui venaient de lancer.

Il m’a expliqué par téléphone comment ouvrir un navigateur et m’a expliqué comment taper l’URL, en commençant par ’http’, puis un deux-points et deux barres obliques, puis ’www’, puis ’point’, puis cette longue adresse avec une ou deux barres obliques en avant si je me souviens bien. Ce n’est que des années plus tard que le site a obtenu son propre nom de domaine et une adresse plus simple.

Je me suis rendu au laboratoire d’informatique de l’université et j’ai demandé de l’aide sur la façon d’accéder à Internet, j’ai tapé consciencieusement l’URL et j’ai ouvert ce site Web – le premier que j’aie jamais visité. C’était intéressant, mais un peu difficile à lire sur l’écran d’ordinateur, alors j’ai imprimé des articles pour les relire dans ma chambre.

Je suis rapidement devenu un fan de ’The Consortium’, comme on l’appelait à l’époque, et j’ai continué à lire des articles sur le mystère de la surprise d’octobre alors que Bob et Sam les publiaient sur ce nouvel outil passionnant appelé ’Internet’. Sam a dû apprendre le codage HTML à partir de zéro pour lancer ce service de nouvelles en ligne, appelé ’The Internet’s First Investigative’Zine’. Pour ses efforts, Sam a reçu le premier prix Gary Webb Freedom of the Press Award attribué par le Consortium for Independent Journalism en 2015.

X-Files et Contra-Crack

À un moment donné, Bob a décidé qu’en plus du site Web, où il ne publiait pas seulement des articles originaux, mais aussi les documents qu’il avait découverts dans le sous-sol de l’immeuble de bureaux de la Chambre des Représentants, il allait également s’attaquer à la publication traditionnelle. Il a compilé ’October Surprise X-Files’ dans un livret qu’il a publié à son propre compte en janvier 1996.

Il publiait également un bulletin d’information pour compléter le site Web, sachant qu’à cette époque, il y avait encore beaucoup de gens qui ne savaient pas comment allumer un ordinateur, et encore moins naviguer sur le World Wide Web. Je suis entré à l’Université George Mason dans la banlieue de Washington DC et j’ai commencé à travailler à temps partiel avec mon père et Sam sur le bulletin d’information et le site Web.

Nous avons travaillé ensemble sur le contenu, l’édition et la mise en page avec des graphiques souvent tirés de livres de notre bibliothèque locale. Nous avons constitué une base d’abonnés grâce au réseautage et à l’achat de listes de diffusion auprès de magazines progressistes. Toutes les deux semaines, nous recevions un millier d’exemplaires imprimés de Sir Speedy et passions le vendredi soir à rassembler ces bulletins d’information et à les envoyer à nos abonnés.

Le lancement du site Internet et de la newsletter, puis d’un projet encore plus ambitieux appelé I. F. Magazine, coïncidait avec la publication en 1996 de la série ’Dark Alliance’ de Gary Webb au San Jose Mercury-News. La série d’articles de Webb a rouvert la controverse sur la cocaïne avec un examen détaillé des réseaux de narcotrafiquants au Nicaragua et à Los Angeles qui avaient contribué à propager le crack aux États-Unis.

La communauté afro-américaine, en particulier, s’est indignée à juste titre de cette histoire, qui a confirmé de nombreux soupçons de longue date selon lesquels le gouvernement était complice du commerce de la drogue qui dévastait leurs communautés. Les Afro-Américains ont été touchés de façon profonde et disproportionnée par l’épidémie de crack, tant en ce qui concerne l’impact direct de la drogue que par les lois draconiennes sur les drogues et les peines minimales obligatoires qui sont devenues la norme du gouvernement en matière de « guerre contre la drogue ».

Pendant un moment au cours de l’été 1996, il est apparu que le regain d’intérêt pour l’affaire contra-cocaïnepourrait être l’occasion de revenir sur les crimes et les méfaits de l’ère Reagan-Bush, mais ces espoirs ont été anéantis lorsque les ’grands médias’ ont décidé de récidiver et à ne pas couvrir correctement cette histoire.

Les grands journaux se mobilisent

C’est le Los Angeles Times qui a lancé l’attaque contre Gary Webb et son reportage dans le San Jose Mercury-News, suivi d’articles tout aussi dédaigneux du Washington Post et du New York Times. Ce tir de barrage de la part de ces journaux a finalement poussé Jerry Ceppos, rédacteur en chef du Mercury-News, à dénoncer les reportages de Webb et à proposer un mea culpa pour la publication des articles.

L’assaut mené par ces grands journaux hostiles ne visait pas le fond de la série d’articles de Gary Webb et n’a pas démenti les allégations sous-jacentes de contrebande de cocaïne ni le fait qu’une grande partie de cette cocaïne s’est retrouvée dans les rues américaines sous forme de crack. Au lieu de cela, ils ont semé des doutes en insistant sur certains détails et en présentant l’histoire comme une ’théorie du complot’. Certains reportages ont tenté de démystifier des affirmations que Webb n’avait jamais faites, comme l’idée que le trafic de cocaïne faisait partie d’un complot gouvernemental visant à décimer intentionnellement la communauté afro-américaine.

Gary Webb et Bob étaient en contact étroit pendant ces journées. Bob lui a offert un soutien professionnel et personnel, après avoir passé son temps à subir les attaques de collègues journalistes et de rédacteurs en chef qui ont rejeté certaines histoires – aussi factuelles soient-elles – comme des théories du complot fantaisistes. Des articles sur le site web et la lettre d’information du Consortium, ainsi que sur I. F. Magazine, ont donné des détails sur le contexte historique de la série « Dark Alliance » et repoussé l’assaut de reportages hostiles et malhonnêtes des médias grand public.

Bob a également publié le livre Lost History, qui fournit des détails sur le contexte de la série ’Dark Alliance’, expliquant que, loin d’être une théorie de complot sans fondement, « les faits et les preuves étayent fortement la conclusion selon laquelle les administrations Reagan-Bush avaient collaboré avec des trafiquants de drogue pour financer leur guerre illégale contre le Nicaragua. »

Mais malheureusement, Gary Webb avait subit des dégâts. Avec sa vie professionnelle et personnelle en lambeaux à cause de son reportage courageux sur l’histoire de la contra-cocaïne, il s’est suicidé en 2004 à l’âge de 49 ans. Parlant plus tard de ce suicide, sur (la radio) Democracy Now, Bob a souligné combien il est douloureux d’être ridiculisé et injustement critiqué par ses collègues, comme son ami l’avait vécu.

« Il y a une douleur particulière lorsque vos collègues de travail vous tournent le dos, surtout quand vous avez fait quelque chose qu’ils devraient admirer et comprendre », a-t-il dit. « Faire tout ce travail pour voir le New York Times, le Washington Post et le Los Angeles Times vous attaquer et essayer de détruire votre vie, c’est quelque chose de particulièrement douloureux. »

En consultation avec sa famille, Bob et le conseil d’administration du Consortium for Independent Journalism ont lancé le Gary Webb Freedom of the Press Award en 2015.

La présidence désastreuse de George W. Bush

La présidence de George W. Bush a été surréaliste pour beaucoup d’entre nous, et particulièrement pour mon père.

En couvrant la politique de Washington pendant des décennies, Bob avait retracé de nombreuses histoires au père de ’Dubya’, George H. W. Bush, qui avait été impliqué dans une variété d’activités douteuses, dont le Mystère de la Surprise d’octobre et l’affaire Iran-Contra. Il avait également lancé en 1991 une guerre contre l’Irak qui semblait motivée, du moins en partie, à contribuer à combattre le ’syndrome vietnamien’, c’est-à-dire la réticence du peuple américain depuis la guerre du Vietnam à soutenir une action militaire à l’étranger.

Comme Bob l’indiquait dans son livre Fooling America de 1992, après que les forces américaines eurent mis en déroute l’armée irakienne en 1991, le premier commentaire public du président Bush sur cette victoire fut d’exprimer sa joie de voir enfin la fin du réflexe américain de ne pas engager de troupes dans des conflits lointains. « Dieu merci, nous en avons fini avec le syndrome du Vietnam, une bonne fois pour toutes » a-t-il exulté.

Le fait que le fils de Bush pouvait se présenter à la présidence en grande partie grâce à la reconnaissance de son nom a confirmé à Bob l’incapacité des médias grand public à couvrir correctement les sujets importants et la nécessité de continuer à construire une infrastructure médiatique indépendante. Cette conviction s’est consolidée grâce à la Campagne présidentielle de 2000 et au résultat final des élections, lorsque Bush a remporté la Maison-Blanche toute en perdant le vote populaire, une première depuis plus d’un siècle.

Malgré le fait que la Cour Suprême des États-Unis avait mis fin au dépouillement des votes en Floride, empêchant ainsi de déterminer le vainqueur légitime, la plupart des médias nationaux se sont désintéressés de l’histoire après que Bush eut prêté serment le 20 janvier 2001. Cependant, Consortiumnews.com a continué d’examiner le dossier et a finalement conclu qu’Al Gore aurait été déclaré vainqueur de cette élection si tous les bulletins légalement déposés avaient été comptés.

Chez Consortiumnews, il y avait une politique éditoriale non écrite selon laquelle le titre ’Président’ ne devait jamais précéder le nom de George W. Bush, étant donné que nous estimons qu’il n’avait pas été légitimement élu. Mais au-delà de ces décisions éditoriales, nous avons également compris la gravité du fait que si les élections de 2000 avaient pu se dérouler avec tous les votes comptés, de nombreuses catastrophes des années Bush – notamment la tragédie du 11 septembre 2001 et la guerre en Irak, ainsi que les décisions de se retirer des accords internationaux sur la maîtrise des armements et le changement climatique – auraient pu être évitées.

Comme tous ceux d’entre nous qui ont vécu l’après-11 septembre s’en souviendront, ce fut une période difficile, surtout si vous étiez quelqu’un qui critiquait George W. Bush. L’ambiance de cette période ne permettait pas beaucoup de dissension. Ceux qui se sont levés contre les instigateurs de la guerre – comme Phil Donahue à MSNBC, Chris Hedges au New York Times ou même les Dixie Chicks – ont vu leur carrière brisée et ont reçu des menaces de mort et des courriers haineux.

Bien que les projets de magazines et de bulletins d’information de Bob aient été abandonnés, le site Web continuait de publier des articles, offrant un lieu d’expression aux voix dissidentes qui s’interrogeaient sur le bien-fondé de l’invasion de l’Irak à la fin de 2002 et au début de 2003. À cette époque, l’ancien analyste de la CIA, Ray McGovern, et certains de ses collègues fondèrent les Veterans an Intelligence Professionals for Sanity et une relation de longue date avec Consortiumnews fut établie. Plusieurs anciens combattants du renseignement ont commencé à contribuer au site Web, motivés par le même esprit d’indépendance qui a poussé Bob à investir autant dans ce projet.

À une époque où la quasi-totalité des médias grand public étaient d’accord avec les arguments douteux de l’administration Bush en faveur de la guerre, ce site Web et quelques autres sites de même nature ont riposté avec des articles bien documentés remettant en question la raison d’être de ces guerres. Bien qu’on ait parfois eu l’impression de prêcher dans le désert, une grande vague d’opposition à la guerre se manifesta dans le pays, avec des marches historiques de centaines de milliers de personnes pour rejeter les pressions de Bush en faveur de la guerre.

Bien sûr, ces voix anti-guerre furent finalement justifiées par l’incapacité de trouver des armes de destruction massive en Irak et par le fait que la guerre et l’occupation se sont avérées une entreprise beaucoup plus coûteuse et mortelle que ce qu’on nous avait annoncé. Les assurances antérieures selon lesquelles ce serait une « simple ballade » se sont révélées aussi fausses que les prétendues armes de destruction massive. Mais comme si souvent le cas à Washington, les médias grand public, les groupes de réflexion ou les représentants du gouvernement n’ont guère eu, voire pas du tout, à répondre de leurs erreurs aussi spectaculaires.

Nous avons estimé qu’il était important de rappeler aux lecteurs – ainsi qu’aux futurs historiens – que certains d’entre nous connaissaient et rapportaient en temps réel les erreurs, qu’il s’agisse du retrait du Protocole de Kyoto, de l’invasion de l’Irak, de la mise en œuvre d’une politique de torture ou de la réaction à l’ouragan Katrina.

l’Ere Obama

Sous la présidence d’Obama, Consortiumnews. com est devenu le siège d’un nombre croissant d’auteurs qui apportent de nouvelles perspectives au contenu du site. Pendant des années, la rédaction était limitée principalement à Bob, Sam et moi, mais soudainement, Consortiumnews recevait des contributions de journalistes, de militants et d’anciens analystes du renseignement qui offraient un large éventail d’expertise – sur le droit international, l’économie, les droits de la personne, la politique étrangère, la sécurité nationale et même la religion et la philosophie.

L’un des thèmes récurrents des articles publiés sur le site Web pendant l’ère Obama a été l’effet durable des narratives non contestées, la façon dont elles ont façonné la politique nationale et dicté la politique gouvernementale. Bob a fait remarquer que même un président supposé être de gauche comme Obama semblait attaché aux faux récits et aux mythologies nationales remontant à l’époque Reagan. Il a souligné que cela pourrait être attribué, du moins en partie, à l’incapacité de fonder une base solide pour un journalisme indépendant.

Dans un article de 2010 intitulé « Obama’s Fear of the Reagan Narrative », Bob a noté que M. Obama avait défendu son accord avec les Républicains sur des réductions d’impôt pour les riches parce que le message de M. Reagan avait eu un effet très fort et persistant depuis 30 ans. Il se sentait menotté par la capacité de la droite à rallier les Américains au nom du message de Reagan « c’est le gouvernement qui est le problème » », écrivit Bob.

Il a retracé les plaintes d’Obama sur son impuissance face à cette dynamique à la réticence des progressistes américains à investir suffisamment dans les médias et les groupes de réflexion, comme les conservateurs le faisaient depuis des décennies dans leur « guerre des idées ». Comme il le faisait valoir depuis le début des années 1990, Robert a insisté sur le fait que les limites qui avaient été imposées à Obama – qu’elles soient réelles ou perçues – continuaient de démontrer le pouvoir de la propagande et la nécessité d’investir davantage dans les médias alternatifs.

Il a également fait observer qu’une grande partie de la folie entourant le soi-disant mouvement du Tea Party résultait de malentendus fondamentaux sur l’histoire américaine et les principes constitutionnels. « Les Démocrates et les progressistes ne devraient pas se faire d’illusions sur le nouveau flot « d’ignorance assumée » qui est sur le point de déferler sur les États-Unis sous couvert d’un retour aux « principes fondamentaux » et d’un profond respect de la Constitution », a averti Bob.

Il a souligné qu’en dépit du respect que les membres du Tea Party affichaient pour la Constitution, ils n’avaient en fait que très peu de compréhension du texte, comme le révèlent leurs affirmations selon lesquelles les impôts fédéraux seraient inconstitutionnels. En fait, comme l’a fait remarquer Bob, la Constitution représentait « une prise de pouvoir majeure par le gouvernement fédéral, comparativement aux articles de la Confédération, qui n’avaient pas d’autorité fiscale fédérale ou autres pouvoirs nationaux. »

Motivé par le désir de corriger des récits historiques falsifiés couvrant plus de deux siècles, Bob a publié son sixième et dernier livre, Stolen Narrative : From Washington and Madison to Nixon, Reagan and the Bushes to Obama, en 2012.

En plus des revenus provenant de la vente de livres, les dons croissants des lecteurs ont permis à Bob non seulement de payer les auteurs, mais aussi d’embaucher une adjointe, Chelsea Gilmour, qui a commencé à travailler pour Consortiumnews en 2014. En plus de fournir un soutien administratif inestimable, Chelsea s’est également acquittée de tâches telles que la recherche, la rédaction et la vérification des faits.

Le réalignement politique et le nouveau maccarthysme

Bien qu’au début de l’ère Obama – et d’ailleurs depuis les années 1980 – le nom de Robert Parry ait été étroitement associé à la dénonciation des actes répréhensibles commis par les Républicains, et qu’il ait donc été fortement suivi par les partisans du Parti Démocrate, à la fin de la présidence d’Obama, il semblait y avoir un réalignement chez certains lecteurs de Consortiumnews.com, ce qui reflétait l’évolution plus générale de la politique du pays.

En particulier, l’approche des médias US envers la Russie et les questions connexes, comme l’éviction violente en 2014 du président ukrainien Viktor Ianoukovitch, est devenue « de la propagande à peu près à 100% », a déclaré Bob.

Il a noté que l’histoire complète n’a jamais été racontée lorsqu’il s’agissait de questions telles que l’affaire Sergei Magnitsky, qui a conduit à la première série de sanctions américaines contre la Russie, ni les faits troublants liés aux manifestations d’Euromaidan qui ont conduit à l’éviction de Ianoukovitch – dont l’existence d’une forte influence néonazie dans ces manifestations – ni le conflit qui a suivi dans la région de Donbass en Ukraine.

Les articles de Bob sur l’Ukraine ont été largement cités et diffusés, et il est devenu une voix importante dans la présentation d’un tableau plus complète du conflit qu’il n’était possible d’obtenir en lisant et en regardant uniquement les grands média. Bob a été mis en vedette dans le documentaire 2016 d’Oliver Stone,’Ukraine on Fire’, où il a expliqué comment les ONG politiques et les entreprises médiatiques financées par les États-Unis ont travaillé avec la CIA et la direction de la politique étrangère des Etats-Unis depuis les années 1980 pour promouvoir l’agenda géopolitique américain.

Bob regrettait que, de plus en plus, « le peuple américain et l’Occident en général soient soigneusement protégés de « l’autre version de l’histoire » ». En effet, il a dit que le fait même de suggérer qu’il pourrait y avoir un autre version de l’histoire étaient suffisant pour faire passer quelqu’un pour un apologiste de Vladimir Poutine ou un ’pion du Kremlin ’.

Ceci a culminé à la fin de l’année 2016 avec la mise sur liste noire de Consortiumnews par un site web douteux appelé ’PropOrNot’, qui prétendait servir de chien de garde contre une ’influence russe’ aux Etats-Unis. La liste noire de PropOrNot, dont Consortiumnews et environ 200 autres sites Web considérés comme de la ’propagande russe’, a été élevée par le Washington Post au rang de source fiable, malgré le fait que les néo-McCarthyens qui ont publié la liste se cachent derrière le masque de l’anonymat. [DECODEX, quelqu’un ? – NdT]

L’article de Craig Timberg paru dans The Post, écrivait Bob le 27 novembre 2016, décrivait PropOrNot simplement comme « une collection non partisane de chercheurs ayant des antécédents en matière de politique étrangère, de politique militaire et de technologie [qui] prévoyaient de publier leurs propres résultats vendredi, démontrant ainsi la portée et l’efficacité étonnantes des campagnes de propagande russes ».

Le Post a même fourni une citation non attribuée du responsable du site web. « La façon dont cet appareil de propagande soutenait [Donald] Trump équivalait à un achat massif d’espace médiatique », a déclaré le diffamateur anonyme. Le Post prétendait que le « directeur exécutif’ de PropOrNot s’était exprimé sous condition d’anonymat « pour éviter d’être pris pour cible par les légions de pirates informatiques russes ».

Pour être clair, ni Consortiumnews ni Robert Parry n’ont jamais ’soutenu Trump’, comme le prétend la citation anonyme ci-dessus. Cependant, quelque chose d’intéressant semble toutefois se produire en ce qui concerne le lectorat de Consortiumnews dans les premiers jours de la présidence Trump, comme on pourrait le constater à la lecture de certains des commentaires laissés sur les articles et l’activité des médias sociaux.

Pendant un certain temps, il est apparu qu’un bon nombre au moins de partisans de Trump lisaient Consortiumnews, ce qui pourrait probablement être attribué au fait que le site Web était l’un des rares sites à repousser à la fois la ’Nouvelle Guerre Froide’ avec la Russie et l’histoire connexe de ’Russiagate’, que Bob n’aimait même pas qualifier de ’scandale’. (En tant que rédacteur en chef, il préférait utiliser le mot ’controverse’ sur le site Web, car en ce qui le concernait, les allégations contre Trump et sa prétendue ’collusion’ avec la Russie n’atteignaient pas le niveau des scandales tels que Watergate ou Iran-Contra.)

À son avis, la haine, peut-être compréhensible, envers Trump ressentie par de nombreux Américains – tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des classes dirigeantes – a abouti à l’abandon de règles journalistiques désuètes et de normes d’équité qui devraient être appliquées même à quelqu’un comme Donald Trump.

« Sur une note personnelle, j’ai dû faire face à de sévères critiques, même de la part d’amis de longue date, pour avoir refusé de m’enrôler dans la résistance anti-Trump », écrivit Bob dans son ultime article pour Consortiumnews.

« L’argument était que Trump était une menace si grande pour l’Amérique et le monde que je devais m’y enrôler pour trouver une justification à son départ », a-t-il dit. « Certaines personnes ont vu mon insistance à appliquer les mêmes règles journalistiques que j’ai toujours utilisées comme une trahison. »

Il s’étonnait de constater que même les rédacteurs en chef des principaux médias ont traité les allégations non prouvées contre les Russes comme un fait établi.

« Aucun doute n’était toléré et le fait de mentionner le parti pris évident chez les anti-Trump au sein du FBI, du Ministère de la Justice et de la communauté du renseignement fut décrié comme une attaque contre l’intégrité des institutions du gouvernement américain », a écrit Bob. « Les « progressistes » Anti-Trump se posaient en véritables patriotes parce qu’ils acceptaient sans sans broncher les affirmations sans preuves des services de renseignement et de police américains. »

Une fin prématurée et l’avenir de Consortiumnews

Le décès prématuré de mon père nous a tous choqué, d’autant qu’il y a un mois encore, rien n’indiquait qu’il était malade. Il prenait bien soin de lui, ne fumait jamais, pas de cigarette, passait régulièrement des examens médicaux, faisait de l’exercice et mangeait bien. Les problèmes de santé inattendus qui ont débuté avec un léger accident vasculaire cérébral la veille de Noël et qui ont culminé avec son admission dans un centre de soins palliatifs il y a quelques jours rappellent sans équivoque qu’il ne faut rien prendre pour acquis.

Et comme de nombreux lecteurs de Consortiumnews l’ont souligné avec éloquence dans les commentaires laissés sur des articles récents concernant la santé de Bob, cela nous rappelle également que son style journalistique est devenu plus que jamais nécessaire.

« Nous avons besoin de penseurs libres comme vous qui chérissent la vérité fondée sur des preuves et regardent au-delà de la pensée du groupe à Washington, pour enquêter sur les vraies raisons des actions de notre gouvernement et de nos médias qui tentent de nous tromper », a écrit, par exemple, FreeThinker.

« Le bon sens et l’intégrité sont les maîtres mots du journalisme de Robert Parry. J’espère que tu iras mieux bientôt car on a besoin de toi plus que jamais », écrivait T. J.

« Nous avons besoin d’une nouvelle génération de journalistes, d’auteurs, d’écrivains et de gens tenaces pour s’accrocher à une histoire », a ajouté Tina.

En tant que personne impliquée dans ce site Web depuis sa création – en tant qu’auteur, rédacteur et lecteur – je partage ces sentiments. Les lecteurs devraient être assurés qu’en dépit du décès de mon père, tous les efforts seront déployés pour assurer du site.

En effet, je pense que tous ceux qui sont impliqués dans ce projet veulent maintenir le même engagement à dire la vérité, sans crainte ni favoritisme, qui a inspiré Bob et ses héros comme George Seldes, I. F. Stone et Thomas Paine.

Cet engagement peut être constaté dans les enquêtes de mon père comme celles mentionnées ci-dessus, mais aussi dans tant d’autres – dont ses enquêtes sur la relation financière de l’influent Washington Times avec la secte du révérend Sun Myung Moon de l’Eglise de Réunification, la vérité derrière les prétendues tentatives de la campagne de Nixon pour saboter les pourparlers de paix du président Lyndon Johnson à Paris avec les dirigeants vietnamiens en 1968, la réalité de l’attaque chimique en Syrie en 2013, (…)

En examinant ces accomplissements journalistiques, il devient évident qu’il y a peu d’histoires qui ont échappé à l’attention de Consortiumnews. com, et que les archives de l’histoire sont beaucoup plus complets grâce à ce site Web et au travail journalistique « à l’ancienne » de Bob,

Mais au-delà de cet engagement profond en faveur du journalisme indépendant, il faut aussi rappeler qu’en fin de compte, Bob était motivé par le souci de l’avenir de la vie sur Terre. Ayant grandi au plus fort de la guerre froide, il comprenait les dangers d’une spirale de tensions et d’hystérie, surtout dans un monde comme le nôtre où les armes nucléaires suffisent à anéantir toute vie sur la planète.

Alors que les États-Unis poursuivent sur la voie d’une nouvelle guerre froide, mon père serait heureux de savoir qu’il a des contributeurs aussi engagés qui permettront au site de demeurer le foyer indispensable du journalisme indépendant qu’il est devenu, et de continuer à débusquer les fausses narratives qui menacent notre existence même.

Merci à tous pour votre soutien.

Nat Parry

Au lieu de fleurs, la famille de Bob vous demande d’envisager de faire un don au Consortium for Independent Journalism.

Article original en anglais :

Robert Parry’s Legacy and the Future of Consortiumnews

Consortiumnews 28 janvier 2018

Traduction « Une dernière trad’ pour la route. Merci pour tout » par VD pour le Grand Soir

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Trump s’en prend au Pakistan

janvier 29th, 2018 by Eric Margolis

Henry Kissinger faisait remarquer, à juste titre, qu’il est souvent plus dangereux d’être un allié des États-Unis que son ennemi. La dernière victime de ce triste truisme est le Pakistan, un allié loyal des États-Unis depuis l’aube de notre ère.

La haine viscérale du président Donald Trump à l’égard des musulmans (peu importe de quel genre, pourquoi et où) a éclaté cette semaine lorsqu’il a ordonné l’interruption brutale des 900 millions de dollars d’aide américaine au Pakistan. Trump a accusé le Pakistan de mentir et de tromper les États-Unis en offrant un refuge sûr aux forces de résistance afghanes talibanes (« des terroristes » en américain) qui combattent les forces d’occupation américaines.

Frustrés et déçus en Afghanistan, les généraux impériaux américains, les bureaucrates du Pentagone et les politiciens essayent de rejeter la faute sur tous ceux qu’ils peuvent trouver, le Pakistan étant le premier sur la liste. Vient ensuite le tristement célèbre réseau Haqqani, qui est accusé de la plupart des échecs militaires américains en Afghanistan, bien que son rôle actif dans les combats soit modeste. Je connaissais son fondateur, le vieux Haqqani. Dans les années 1980, il était la tête de proue dans les initiatives menées par la CIA et le Pakistan pour chasser les Soviétiques d’Afghanistan.

Pourquoi Washington a-t-il accordé des milliards de dollars d’aide au Pakistan ? En 2001, Washington a décidé d’envahir l’Afghanistan pour déraciner ou détruire le mouvement de résistance pachtoune, les talibans, accusé à tort des attentats du 11 septembre 2001 contre New York et Washington. Les guerriers d’origine ethnique pachtoune que le président Reagan saluait  comme des « combattants de la liberté »sont alors devenu des « terroristes » quand l’Occident a voulu occuper l’Afghanistan.

Mais envahir l’Afghanistan, un pays enclavé, est une entreprise impressionnante. Les troupes américaines devaient être ravitaillées par le port principal du Pakistan, Karachi, puis remonter les routes tortueuses des montagnes et traverser le col de Khyber en Afghanistan. L’énorme quantité de fournitures logistiques requises par les troupes américaines n’a pas pu être couverte par l’approvisionnement aérien. Il en coûte 400 $ le baril pour un gallon d’essence livré aux troupes américaines en Afghanistan, et jusqu’ à 600 000 $ par sortie pour garder un seul avion de combat américain au-dessus de l’Afghanistan. Sans une couverture aérienne 24h / 24 et 7 j/ 7, la force d’occupation américaine aurait été rapidement vaincue.

Envahir l’Afghanistan sans la coopération pakistanaise aurait été impossible. Le Pakistan a d’abord refusé de laisser les forces armées américaines franchir ses frontières. Mais comme l’ancien chef militaire pakistanais, le général Pervez Musharraf me l’a dit un jour : « les États-Unis m’ont mis un pistolet sur la tempe et m’ont dit de laisser pénétrer les troupes américaines et utiliser le Pakistan comme base, sinon ‘nous allons vous bombarder jusqu’ à vous renvoyer à l’âge de pierre’ ».

Ça c’est pour le bâton. La carotte prend la forme de 33 milliards de dollars US en espèces pour sécuriser les lignes terrestres de communication (la route Karachi-Bagram) et les lignes aériennes de communication. En fait, le Pakistan les a brièvement fermées en 2011 après que des avions de guerre américains ont tué deux douzaines de soldats de l’armée pakistanaise. Le Pakistan pourrait le refaire si Washington continue de le traiter comme un État ennemi.

Trump et son entourage ne comprennent tout simplement pas que le Pakistan a des intérêts primordiaux en matière de sécurité nationale dans l’Afghanistan voisin. Trente millions de Pakistanais sont d’origine pachtoune. Ils dominent les forces armées pakistanaises. 1 400 000 Pachtounes sont des réfugiés afghans dans le nord du Pakistan. Le Pakistan, dont la taille est étroite, voit l’Afghanistan comme son arrière-pays stratégique dans une prochaine guerre contre l’Inde, l’ennemi traditionnel.

Le régime installé par les États-Unis à Kaboul reproche régulièrement au Pakistan ses propres échecs. Sa puissante agence de renseignement, dominée par les communistes, répand régulièrement des contrevérités sur le Pakistan, affirmant que ce pays soutient le « terrorisme ».

En fait, les tribus pachtounes guerrières établies le long de la ligne Durand, la frontière artificielle entre le Pakistan et l’Afghanistan imposée par les colonialistes britanniques, sont sur le sentier de la guerre depuis le XIXe siècle. Winston Churchill a même approuvé l’utilisation de gaz toxique contre « ces tribus indisciplinées ». Le Faqir d’Ipi menaçait déjà de descendre des montagnes de l’Hindou Kouch et de mettre à sac la garnison britannique de Peshawar.

Aujourd’hui, dans les cercles du Pentagone, on entend dire que les États-Unis pourraient commencer à bombarder les « sanctuaires talibans » (des villages où vivent en fait ces habitants pachtounes) et envoyer ensuite des troupes américaines mobiles aériennes pour les attaquer. La plus longue guerre de l’histoire des États-Unis s’en trouverait rallongée. Washington ne peut tout simplement pas accepter que sa machine militaire ait été vaincue en Afghanistan, pays pourtant connu sous le surnom de « cimetière des empires ».

Il est également clair que les États-Unis n’ont pas renoncé à leur ambition de neutraliser ou de détruire l’arsenal nucléaire pakistanais. Attaquer des soi-disant enclaves terroristes dans le nord du Pakistan offrirait une couverture parfaite pour un assaut aérien et terrestre des États-Unis contre les complexes nucléaires et les sites de stockage dispersés du Pakistan. L’Inde et Israël pressent depuis longtemps les États-Unis d’attaquer l’infrastructure nucléaire pakistanaise.

Toute initiative américaine importante contre le Pakistan est très susceptible de le rapprocher d’autant plus de Pékin et d’étendre l’influence chinoise dans la région. Il est peu probable que la Chine permette que le Pakistan, un vieil allié, soit déchiré par la puissance américaine. Contrairement aux États-Unis, la Chine se souvient de ses vieux amis.

Eric Margolis

 

 

 

Article original en anglais : Trump Turns on Pakistan, UNZ Review, le 13 janvier 2018

Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone.

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La fable de la « menace nucléaire iranienne »

janvier 29th, 2018 by Bruno Guigue

Transis d’admiration devant le verbiage polyglotte de Macron à Davos, les médias français ont soigneusement occulté un fait majeur : Donald Trump va demander au Congrès 716 milliards de dollars pour le Pentagone au titre de l’année budgétaire 2019. Cette hausse de 7% par rapport au budget 2018 ne servira pas à remplacer les boutons de culotte. Selon un document confidentiel publié par le Huffington Post, le Pentagone envisage la possibilité d’une riposte atomique dans le cas de “très grosses attaques conventionnelles”. Document d’orientation stratégique, le projet de Nuclear Posture Review pour 2018 prévoit donc une modernisation de l’arsenal atomique dont le coût est évalué par une agence fédérale, le Congressional Budget Office, à 1200 milliards de dollars sur 30 ans.

Ce projet de réarmement massif, pourtant, ne semble pas émouvoir les populations ni passionner les observateurs. Il faut dire qu’on a tout fait pour que l’arbre cache la forêt. Depuis quinze ans, dirigeants et médias occidentaux ne cessent d’agiter l’épouvantail de la “menace nucléaire iranienne”. Cette fable géopolitique, les médias dominants la distillent à longueur de colonnes, comme s’il était évident qu’un pays sans la bombe est plus dangereux qu’un pays qui l’a déjà utilisée, et qui entend développer le monstrueux arsenal dont il dispose. Pour faire avaler de telles sornettes, la propagande martèle alors une idée simple : “le programme nucléaire iranien menace le traité de non-prolifération nucléaire”. Il est curieux, toutefois, qu’on n’ait jamais songé à répondre : “Si vous tenez tant à ce traité, pourquoi ne pas commencer par l’appliquer ?”

Les puissances occidentales, en effet, n’ont jamais fait le moindre effort pour convaincre Israël, l’Inde et le Pakistan de signer le TNP. Refusant d’adhérer au traité, ces trois pays ont constitué un arsenal hors-la-loi. Echappant à tout contrôle, il est tout de même plus préoccupant qu’une bombe iranienne qui n’existe pas. Ce n’est pas tout. Le traité prévoit aussi un désarmement nucléaire que les cinq Etats “légalement” dotés d’armes atomiques (USA, France, Royaume-Uni, Chine, Russie) ont superbement ignoré. A l’origine de cet échec, les Etats-Unis ont dénoncé le traité Start II avec Moscou et installé un bouclier anti-missiles en Europe. Pire encore, ils n’ont cessé de développer un arsenal dont “l’usage préventif” est affirmé par la Nuclear Posture Review de 2002. Autorisant l’utilisation d’armes nucléaires en première frappe, cette révision doctrinale a ouvert une fantastique boîte de Pandore.

Si l’on écoute la propagande iranophobe, le monde civilisé doit se tenir prêt à riposter à la salve dévastatrice des mollahs iraniens, ces “fous de dieu” enturbannés résolus à précipiter l’apocalypse. Mais la réalité est à des années-lumière de ce délire idéologique. En fait, l’establishment américain n’en finit pas de digérer le traumatisme de la révolution iranienne, lourd d’humiliation symbolique (les otages de Téhéran) et de fiasco géopolitique (la chute du Chah). Pièce par pièce, Washington a donc bâti une démonologie où la République islamique est présentée comme une dictature maléfique, dont le comportement erratique ferait peser sur la planète un péril mortel. Affabulation à grande échelle, manifestement, dont la seule fonction est d’inhiber le développement d’une grande nation rétive à l’ordre impérial.

Les faits sont parlants. Accusé de vouloir la fabriquer, l’Iran ne détient pas l’arme nucléaire. les USA sont la première puissance nucléaire et la seule à en avoir fait usage. Seul Etat du Proche-Orient possédant la bombe (plus de 400 têtes nucléaires), Israël jouit de son côté d’un privilège dont il n’entend pas se défaire : il a le droit de détenir l’arme suprême à condition de ne pas s’en vanter. Avec la complicité occidentale, la duplicité israélienne fait coup double. Elle exerce un effet dissuasif puisque la bombe existe, sans encourir les foudres internationales puisqu’il est entendu qu’elle n’existe pas. Cet incroyable régime de faveur transforme la question nucléaire en conte à dormir debout : une bombe purement virtuelle devrait nous donner des sueurs froides (Iran), alors qu’un arsenal colossal mais officiellement inexistant ne devrait susciter aucune inquiétude (Israël).

Soustrait à tout contrôle international, le programme nucléaire sioniste bénéficie depuis l’origine d’une impunité totale. Les Occidentaux fustigent le risque de prolifération, mais l’histoire de la bombe israélienne montre qu’ils en sont directement responsables. Ben Gourion a lancé le programme nucléaire sioniste dès le début des années 50, et la France lui a immédiatement apporté son concours. Un accord secret avec le socialiste Guy Mollet, en 1956, a permis à l’Etat hébreu de maîtriser la technologie nucléaire, et la centrale de Dimona a été construite avec l’aide de techniciens français. Unis dans la lutte contre le nationalisme arabe, la France et Israël ont scellé un pacte dont la calamiteuse expédition de Suez fut le principal fait d’armes.

Prenant le relais de l’alliance française à la fin des années 60, les Etats-Unis ne sont pas moins coopératifs. Aux termes de l’accord entre Lyndon Johnson et Golda Meir, aucune pression ne doit s’exercer sur Israël pour lui faire signer le traité de non-prolifération. En échange, Israël cultive l’ambiguïté sur la réalité de son arsenal nucléaire. Complaisante dérogation à la loi internationale, en somme, contre respect scrupuleux de la loi du silence. En attendant, les Occidentaux s’acharnent sur l’Iran, lui prêtant un projet militaire imaginaire, alors même que Tel Aviv multiplie les menaces contre Téhéran. La République islamique, pourtant, n’a jamais agressé ses voisins. On ne peut en dire autant d’Israël, qui a bombardé l’Egypte, la Syrie, le Liban, la Jordanie, l’Irak et la Tunisie, sans parler des territoires palestiniens quotidiennement pris pour cibles.

Jetant un écran de fumée sur cette réalité, la propagande occidentale traite le régime iranien de “théocratie fanatique”. Ce n’est pas un mollah, pourtant, qui a déclaré que “notre Etat est le seul en communication avec Dieu”. C’est Effi Eitam, ex-ministre israélien et chef du parti national-religieux. Imbibé d’un orientalisme de pacotille, le discours dominant décrit la République islamique comme un repaire d’illuminés férus d’eschatologie qui rêveraient d’immoler Israël avec la bombe atomique ! Quel dommage que les pourfendeurs de l’Iran ne nous aient pas gratifiés de considérations aussi inspirées sur la bombe israélienne : elle a pour caractéristique de faire planer, elle, une menace non virtuelle. Entre la prétention sioniste à “communiquer directement avec Dieu” et l’obstination mystique de Tel Aviv à posséder l’arme suprême, on aurait pu déceler, ici aussi, une singulière “eschatologie”.

Autre paradoxe qui ne manque pas de saveur : l’Occident accuse l’Iran de vouloir fabriquer la bombe, mais c’est la République islamique qui a interrompu le programme nucléaire en 1979. Encouragé par les USA, le Chah avait signé de juteux contrats avec la France et l’Allemagne pour la construction de centrales nucléaires. L’opposition ayant dénoncé cette politique, jugée onéreuse pour un pays riche en hydrocarbures, le programme est aussitôt suspendu par le gouvernement de la République islamique. Il fallut la sanglante guerre Iran-Irak (1980-1988) pour changer la donne. Seul face à l’agresseur irakien, le gouvernement iranien a mesuré sa faiblesse devant une coalition faisant bloc avec Saddam Hussein. La participation des puissances occidentales, les livraisons d’armes chimiques à l’Irak, la destruction en plein vol d’un Airbus iranien lui ont fait prendre conscience du danger.

C’est dans ce contexte que les dirigeants iraniens ont vu dans le nucléaire civil un atout technologique, un attribut de la souveraineté et une source de fierté nationale. La possession de l’arme nucléaire, elle, est jugée impie par les autorités religieuses, et aucun programme nucléaire militaire n’a été officiellement engagé en Iran. Ses accusateurs ont constamment prétendu le contraire, mais sans en fournir la moindre preuve. Le discours obsessionnel contre Téhéran, en réalité, confond délibérément deux choses : la capacité technologique de produire des armes nucléaires, et la décision politique de produire de telles armes. Au motif que cette capacité a été atteinte, on accuse Téhéran de vouloir se doter de la bombe. Mais ce raisonnement est d’une criante perversité, puisqu’au lieu de demander des comptes à ceux qui ont la bombe, on s’acharne contre un Etat qui n’en veut pas.

Montée de toutes pièces, la “menace nucléaire iranienne” est une supercherie qui vise à neutraliser un grand pays non-aligné. Souverain, désendetté, farouchement attaché à son indépendance, l’Iran a un potentiel qui effraie les tenants de l’ordre impérial. Les dirigeants iraniens ont signé l’accord de 2015 parce qu’ils privilégient le développement de leur pays. Ils veulent la levée des sanctions pour satisfaire une population de 80 millions d’habitants. L’accord sur le nucléaire soumet ce grand pays à un régime de contrôle international sans précédent, mais Téhéran l’a accepté. En accusant l’Iran de “soutenir le terrorisme”, Trump veut interrompre ce processus de normalisation. Poussé par les marchands d’armes, il poursuit la diabolisation de l’Iran d’une façon grotesque. L’impérialisme ne désarme jamais, et les mensonges continueront. Mais l’Iran sait que le temps joue en sa faveur, et il saura résister aux provocations d’une superpuissance en déclin.

Bruno Guigue

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Le concept de « propriété économique » a été longtemps très largement méconnu par le droit français et plus largement par le droit continental classique. La « propriété économique » est un concept de droit anglo-saxon, lequel droit s’est très largement développé autour de l’idée selon laquelle la vie en société est tout entière comprise dans des rapports de nature commerciale. Par essence, le droit anglo-saxon inverse la relation naturelle entre « politique » et « économique » en soumettant le premier au second. A l’inverse, le droit continental classique a toujours considéré la question politique comme supérieure à la question économique. De façon objective et si l’on veut bien retourner à la notion même de ce qu’est la politique, on ne peut en effet que constater que la politique doit, avant toute autre chose, organiser la vie de la Cité, laquelle vie ne tourne pas exclusivement autour du commerce. Le commerce fait partie de la vie de la Cité, mais cette dernière ne se réduit évidemment pas au simple commerce.

Pour en revenir à la propriété économique, cette dernière se définit par le fait que la « personne » (physique ou morale) qui dispose du droit de propriété sur une chose est soit la personne qui finance le bien en question, soit celle qui utilise le bien en question. Selon cette conception, le propriétaire nominal du bien cède ses prérogatives matérielles sur ce même bien s’il ne finance pas ledit bien avec ses deniers propres ou s’il n’utilise pas personnellement le bien en cause. D’une façon générale, on peut en déduire que ceux qui exercent l’usus et le fructus d’un bien disposent de facto de son abusus.

Au contraire, en droit continental classique, l’usus, le fructus et l’abusus sont des prérogatives qui appartiennent au propriétaire nominal d’un bien, peu importe le fait qu’il ait ou non financé son bien par emprunt et peu importe le fait qu’il utilise personnellement ou non le bien en cause. La rupture entre la conception classique du droit de propriété par le droit continental et la conception anglo-saxonne de ce droit est donc totale.

Selon le principe de « propriété économique », les droits sur les choses n’appartiendront, de facto, qu’aux personnes ou organismes qui financent les biens, au premier rang desquelles se trouvent les banques et autres organismes financiers, ainsi qu’aux personnes ou organismes qui utilisent les biens, ces derniers fussent-ils dématérialisés.

Les organismes qui peuvent se prévaloir de la « propriété économique » sont propriétaires des données qu’ils font circuler mais pas nécessairement responsables desdites données

En tant qu’organismes qui gèrent et/ou transfèrent des données dématérialisées, Google, Facebook, Twitter et tous leurs homologues, sont donc en priorité concernés par la « propriété économique » des données qu’ils font transiter. En revanche, ces organismes ne répondent juridiquement pas, sauf exception, du contenu des données en question.

De la même manière, des organismes comme Swift, qui ne veulent pas assumer la responsabilité juridique des données d’ordre bancaires dont ils assurent le transit et garantissent la sécurité d’acheminement 1, sont néanmoins les « propriétaires économiques » des données qui transitent par leur « tuyaux ».

De la même façon, les banques réceptrices des données personnelles 2 et, d’une façon générale, tous les organismes qui collectent 3 ou par lesquels transitent à un titre ou à un autre des données personnelles sont les « propriétaires économiques »de ces données (des métadonnées comme des données privées classiques).

Tous ces collecteurs et utilisateurs de données sont, d’une façon générale, en raison du principe de « propriété économique », propriétaires des données, ce qui ne signifie pas nécessairement qu’ils en soient responsables. Nous retrouvons ici l’organisation d’une asymétrie juridique entre pouvoir et responsabilité, le pouvoir sur une chose ou sur un bien n’impliquant pas nécessairement la responsabilité juridique de cette chose ou de ce bien : « tous propriétaires mais pas responsables des contenus » est le mot d’ordre !

D’un point de vue méthodologique, on ne peut que constater que cette asymétrie entre pouvoir et responsabilité se retrouve de la même façon dans les banques, en particulier les banques dites systémiques, vis-à-vis de leurs usagers. D’une façon générale, l’asymétrie, qu’elle concerne l’information ou la responsabilité, est la clef de voûte des grandes fortunes actuelles. Sans asymétrie d’information, pas de concurrence possible et donc pas d’effet de levier capitalistique possible. A titre d’anecdote, c’est l’asymétrie d’information qui a fait la fortune des Rothschild au moment de la bataille de Waterloo, fortune faite sur la diffusion d’une fausse information pendant que le banquier connaissait, seul, la vérité sur laquelle il misait secrètement. C’est également sur l’asymétrie d’information alliée à la pure capacité technique de rapidité que sont fondés les algorithmes utilisés dans le High Frequency Trading. Asymétrie d’information et malhonnêteté vont de pair, le tout ayant pour résultat d’accaparer les richesses et de se présenter comme « au-dessus de tout soupçon ».

Les résultats de la propriété économiques : concentration des pouvoirs et alimentation des programmes d’intelligence artificielle

Le premier et essentiel effet de l’application de la « propriété économique » est le transfert des « droits » des simples particuliers ou entreprises d’une part aux plus gros capitalistes, pourvoyeurs de crédits abusifs, et d’autre part aux organisations multinationales, entreprises ou autres (fondations, associations, ONG…), susceptibles de gérer et utiliser d’énormes masses de données privées.

Il va sans dire que toutes ces données dématérialisées, qui correspondent à des sommes considérables d’informations sur le mode de vie des gens dans chaque pays et région du monde, seront ensuite transférées vers des organismes intéressés à les utiliser : c’est-à-dire à des organismes s’occupant d’intelligence artificielle.

Le concept de « propriété économique », qui prône l’organisation d’une société fondée exclusivement sur l’accaparement, est radicalement opposé au concept de Civilisation, laquelle ne peut se concevoir que comme le développement de l’ensemble de la collectivité.

Nous militons ici évidemment pour un retour au droit continental traditionnel, lequel fait prévaloir le principe de bon sens qui veut que le commerce se soumette à des règles du droit représentant et protégeant l’intérêt commun, à l’exclusion du seul intérêt des propriétaires des multinationales.

Est-il raisonnable que les États acceptent systématiquement, et sous le fallacieux prétexte de la normalisation, l’application des principes du droit anglo-saxon en matière d’organisation juridique ?

Demander la suppression, l’abolition, du principe de « propriété économique » revient, peu ou prou, à militer pour le retour de l’indépendance juridique des États par rapport aux prescriptions, qui se veulent universelles, du droit anglo-saxon.

Il n’est pas acceptable que des États souverains ne puissent pas qualifier les Entreprises, fussent-elles multinationales, selon leurs propres prescriptions juridiques lorsque celles-ci agissent sur le territoire que ces États ont la charge de gérer et d’organiser. Pas plus qu’il n’est acceptable que le principe de la « propriété » soit dévoyé de façon générale au point de signifier la disparition de la propriété et l’avènement juridique de l’accaparement. Il y a là évidemment une atteinte flagrante à la souveraineté des États en tant qu’entités politiques.

Atteinte à la souveraineté qui se répète en matière comptable puisque les multinationales, et surtout les États sur le territoire desquels elles opèrent, sont sommés de se conformer aux règles édictées par l’IASB, alors même que cet organismes est détenu par des entreprises privées et que les intérêts protégés par ce type de réglementation ne peuvent structurellement pas être considérés comme garantissant l’ordre général ou le bien commun mais bien plutôt le respect des intérêts privés qui les génère. L’IASB, dont le siège est – sans surprise – situé à Londres, est sous la tutelle de l’IASCF – créée en 2001 dans le Delaware, qui est, rappelons-le, l’un des principaux paradis fiscaux de la planète – organisme à but non lucratif qui œuvre pour le « bien commun » de ses membres, les plus gros détenteurs de capitaux de la planète. L’IASCF est composé d’administrateurs, les trustees, qui assurent la direction de l’IASB et des entités associées.

La réforme de janvier 2009 consistant à intégrer un comité de surveillance composé d’autorités publiques ne doit pas faire illusion dans la mesure où une grande partie des actuelles « autorités publiques » sont sous la dépendance directe du « fait économique » et ne représentent aucunement les intérêts réellement publics, autrement appelés « bien commun ». Le concept même d’État est aujourd’hui dévoyé, subverti, par l’énorme puissance que les plus gros propriétaires de capitaux ont, aussi discrètement qu’efficacement, pris sur toutes les structures de pouvoirs. Ce coup d’État politique s’est fait à la faveur de quelques règles : l’anonymisation des capitaux, l’organisation hiérarchique des sociétés, le contrôle des monnaies et leur gestion centralisée, l’organisation mondiale de la libre circulation des capitaux et le principe de « propriété économique ».

Valérie Bugault

 

 

Notes

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Syrie : les USA sous pression turque

janvier 29th, 2018 by M. K. Bhadrakumar

Erdogan a bien des raisons de se méfier non seulement des Kurdes, mais surtout des USA, qui ont tenté un coup d’État contre lui en 2016, refusé d’extrader son cerveau Fethullah Gulen et pour finir, encouragé les Kurdes à monter un État indépendant au nord de la Syrie qui, s’il venait à exister, constituerait une épée de Damoclès pour la Turquie. Ce qui fait beaucoup, surtout contre un de leurs alliés de l’OTAN.


Le président turc Recep Erdogan a envoyé un avertissement à l’administration Trump vendredi en affirmant son intention d’ordonner un assaut contre la ville du nord de la Syrie Manbij, à quelques quarante kilomètres de la frontière turque et à cent kilomètres à l’est d’Afrine, où les forces américaines opèrent aux côtés de la milice kurde.

Il a dit, « L’opération Rameau d’olivier continuera jusqu’à ce qu’elle accomplisse sa mission. Nous débarrasserons Manbij des terroristes (lisez kurdes)… Nos combats continueront jusqu’à ce que plus aucun terroriste ne reste, de notre frontière avec la Syrie jusqu’à notre frontière (de 910 kms) avec l’Irak. »

Le fait est que, contrairement à Afrine qui est majoritairement kurde, la composition ethnique de Manbij est diverse, avec les Arabes, les Circassiens et les Tchétchènes formant une majorité. Un assaut turc sur Manbij exposerait la contradiction fondamentale de la stratégie des USA, qui se sont alignés avec les Kurdes dans la région multiethnique du nord de la Syrie jusqu’à l’est de l’Euphrate, où les Arabes prédominent et où les loyautés tribales restent fortes.

Les Kurdes considèrent cette région comme « historiquement kurde » en se fondant sur le Moyen Âge et Saladin, mais la réalité de terrain est qu’ils ne pourront jamais emporter l’adhésion d’une population arabe aussi importante. De sorte que reprendre du territoire aux Kurdes à Manbij ne sera pas difficile pour la Turquie. Les Américains sont sûrs d’être pris entre deux feux, puisque sans intervention des USA, les Kurdes seront désavantagés.

Une occupation d’Afrine n’est pas l’objectif des Turcs. Le but de la Turquie est de pulvériser le rêve du Rojava, une zone où les Kurdes souhaitent instaurer un Etat contigu à la Turquie, le long du nord de la Syrie jusqu’à la Méditerranée. Les pronostics « d’enlisement » des forces turques à Afrine sont exagérés. La Turquie sait qu’il est futile de tenter de conquérir Afrine, une région montagneuse peuplée de Kurdes hostiles.

Le ministre des Affaires étrangères turc Mevlut Cavusoglu a suggéré cela quand il a dit vendredi, « Après les avoir nettoyés (les kurdes), nous rendrons la région à ses vrais propriétaires, nommément, nous la rendrons aux Syriens. » Cavusoglu parlait de la population arabe. De façon intéressante, les Kurdes d’Afrine ont demandé au gouvernement syrien d’intervenir pour les protéger contre les Turcs.

Beaucoup de choses dépendent de la stratégie russe. La Russie est dans une position unique : elle est en bons termes à la fois avec la Turquie, les Kurdes d’Afrine et Damas. Moscou peut préférer que les Turcs remplissent leur mission à Afrine et aillent à Manbij. Cela donne un répit aux forces du gouvernement syrien dans leur reconquête d’Idlib.

La Turquie signale qu’elle est prête à risquer une confrontation avec les USA, s’il le faut. Le vice-premier ministre Bekir Bozdag (qui fait aussi office de porte-parole du gouvernement) a pérvenu le Pentagone. « Ceux qui soutiennent l’organisation terroriste deviendront des cibles dans ce combat. Les États-Unis doivent revoir les positions de leurs soldats et éléments qui soutiennent les terroristes sur le terrain, de façon à éviter une confrontation avec la Turquie. »

Dans la même veine, le premier ministre turc Binali Yildirim a ajouté : « Une grand pays comme les USA possède une énorme armée, un énorme potentiel, a-t-il besoin d’organisations terroristes (pour ses opérations dans la région) ? … c’est de l’hostilité pure et simple. La Turquie ne permettra pas cela, quelle que soit leur puissance et quel que soit leur nom ».

Il est clair que la Turquie accumule les pressions et ne laisse aucune marge de manoeuvre à Washington. L’administration Trump est obligée de transiger. Le Conseiller à la Sécurité nationale HR McMaster a téléphoné au conseiller et porte-parole du président turc Ibrahim Kalin vendredi, tard le soir, pour parler des « intérêts légitimes » de la Turquie et signifier à son interlocuteur que les USA avaient cessé de fournir des armes aux Kurdes.

Les ouvertures de McMaster suivaient une conversation téléphonique du même jour entre Erdogan et le Premier ministre britannique Theresa May. La Grande-Bretagne a un rôle dans le problème kurde, historiquement. De plus, elle avait contribué à la rédaction du discours du Secrétaire d’État Rex Tillerson, le 17 janvier dernier à l’université de Stanford, qui a mis le feu aux poudres. Tillerson y avait déclaré que la présence militaire américaine allait être « indéfiniment » maintenue en Syrie et que le Pentagone prévoyait d’entraîner une force de sécurité frontalière kurde de 30 000 hommes à la frontière, au sud de la Turquie.

A court terme, le but des USA et de la Grande-Bretagne est d’entraver les pourparlers de paix sur la Syrie à Sotchi les 29-30 janvier, où une Constitution pour la Syrie doit être débattue. L’Occident voit la Turquie comme la dernière carte à jouer contre une paix imposée par la Russie en Syrie.

Malgré tout, toute formule de compromis, à cette étape, peut être trop peu, trop tard pour Erdogan. D’une part, la situation de terrain a acquis sa propre dynamique. Les Kurdes tirent à la roquette sur les forces turques en toute impunité. Le fait est que, le PKK n’est pas sous commandement américain. Erdogan a rejeté les assurances de McMaster et affirmé que des « flots » d’armes américaines parviennent encore à la milice kurde.

Le ministre des Affaires étrangères Cavusoglu a exigé hier dimanche que les forces américaines se retirent « immédiatement » de Manbij. Accéder à cette demande turque sera très humiliant pour la Maison-Blanche. Mais que faire d’autre ?

Tout suggère qu’Erdogan a déjà un accord avec le Kremlin en poche. La Russie accepte tacitement l’action turque visant à affaiblir les Kurdes. C’est une situation « gagnant-gagnant » pour Moscou et Ankara. Du point de vue russe, la stratégie des USA en Syrie aboutira à un cul-de-sac si les Turcs affaiblissent leurs alliés kurdes. Il faut ajouter un autre facteur : Moscou soupçonne les USA d’avoir planifié l’attaque de drones contre la base russe de Hmeimim, le 5 janvier dernier. Le président Poutine l’a suggéré et a dénoncé un complot calculé pour saboter les relations entre la Turquie et la Syrie.

Pour sa part, étant donnée sa perte de confiance envers les USA après leur tentative de coup d’État contre Erdogan en 2016 et l’opacité des intentions américaines en Syrie et en Irak, la Turquie tolère mal la présence militaire et des renseignements américains le long de sa frontière la plus sensible. Mais la Turquie ne demandera pas clairement le départ des Américains de Syrie, parce que ce sont des alliés de l’OTAN et tout ça.

D’un autre côté, si les USA ne sont capables ni de protéger leurs alliés kurdes, ni de créer une nouvelle donne de terrain au nord de la Syrie (pour contrer la présence grandissante des Iraniens), et qu’ils perdent aussi la capacité d’influencer les politiques des États de la région, quel est l’intérêt de maintenir « indéfiniment » des poches isolées de présence militaire au nord de la Syrie ?

Ainsi, en affaiblissant la milice kurde et en détruisant leur utilité pour les USA, Erdogan fait d’une pierre deux coups. Poutine doit s’en rendre compte aussi. Pendant ce temps, la Russie invite Téhéran et Damas à avancer sur d’autres points, laissant le soin à Erdogan de régler le sort de la présence militaire américaine en Syrie.

M.K. Bhadrakumar

 

Paru sur Asia Times sous le titre US blinks under Turkish pressure in Syria, le 28 janvier 2018

Traduction et note d’introduction et source pour la version française : Entelekheia

[Mise à jour d’Entelekheia : via Hurriyet, la Turquie accepte de travailler avec les USA à désescalader les tensions bilatérales en Syrie. Toutefois, étant donnée la liste des exigences turques pour « restaurer la confiance » envers les USA et la capitulation honteuse qu’y accéder supposerait pour les Américains, gageons que le « travail de désescalade bilatéral » est mort-né.

Qu’on en juge :

« Selon des sources à Ankara qui précisent « Nous allons suivre de très près à quel point ils (les Américains) vont respecter leurs engagements », voici les cinq mesures que USA doivent commencer par prendre :

1- Aucune arme ne doit être fournie à l’YPG.
2- Les armes déjà fournies à l’YPG doivent immédiatement leur être reprises.
3- L’entraînement militaire apporté à l’YPG doit être stoppé.
4- Aucun soutien logistique ne doit leur être apporté.
5- Tous les liens avec l’YPG doivent être coupés. »]

Article reproductible en citant les sources, Asia Times.com et Entelekheia.fr pour la version française

M.K. Bhadrakumar a travaillé au sein du corps diplomatique indien pendant 29 ans. Il a été ambassadeur de l’Inde en Ouzbékistan (1995-1998) et en Turquie (1998-2001). Il tient le blog Indian Punchline et contribue régulièrement aux colonnes d’Asia Times depuis 2001.

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Des milliers de dirigeants d’entreprise, de banquiers centraux et de dirigeants mondiaux se sont réunis cette semaine au Forum économique mondial à Davos, en Suisse. L’atmosphère générale était à l’appréhension envers tous les aspects de la politique et de l’économie mondiales, de la possibilité d’un effondrement financier à l’échelle de 2008 à la menace d’une nouvelle guerre mondiale et à la montée de la colère sociale de par le monde.

Même si les milliardaires sont en moyenne près de 20 % plus riche qu’ils ne l’étaient l’année dernière, et ont acquis bon nombre de nouvelles maisons, avions, peintures, bateaux et bijoux, « l’Homme de Davos » était anxieux.

Peut-être que jamais au cours des 47 années d’existence du forum, son programme n’a reflété un tel malaise. Les sujets résolument insipides de ces dernières années, tels que « Dynamisme résilient » et « Le Remodelage du monde » ont été remplacés par un thème plus sobre : « Un Monde Fracturé ».

Le résumé officiel de l’événement met en contraste la vision utopique promue au tournant du siècle, fondée sur la conviction qu’une « plus grande interdépendance économique entre les pays, étayée par des institutions démocratiques libérales, assurerait la paix et la stabilité dans le nouveau siècle », avec la réalité « changée » que « des fissures géostratégiques ont réapparu sur de multiples fronts avec de vastes conséquences politiques, économiques et sociales ».

La plus grave de ces fissures est la menace imminente d’une guerre entre les grandes puissances mondiales. Alors que le sommet se terminait, cette réalité a été transmise par un article de une de The Economist, publiée en ligne jeudi, « La prochaine guerre : le risque croissant de conflits entre les grandes puissances ».

Les paragraphes introductifs de l’article brossent une image sombre. « Au cours des 25 dernières années, la guerre a coûté trop de vies. Pourtant, alors même que les luttes civiles et religieuses ont fait rage en Syrie, en Afrique centrale, en Afghanistan et en Irak, un affrontement dévastateur entre les grandes puissances mondiales est resté presque inimaginable. »

« Plus maintenant », déclarent les éditeurs du magazine. Sur fond d’érosion de « la domination militaire extraordinaire dont ont joui l’Amérique et ses alliés, une guerre « d’une ampleur et d’une intensité jamais vues depuis la Seconde guerre mondiale est une fois de plus plausible. Le monde n’y est pas préparé. »

The Economist a noté la publication, le 19 janvier, de la Stratégie de défense nationale du Pentagone pour 2018, déclarant « la concurrence stratégique interétatique, et non le terrorisme, est désormais la principale préoccupation de la sécurité nationale américaine » et a plaide pour une expansion agressive « des forces nucléaires américaines qui pourraient potentiellement constituer une violation du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (INF). »

Au cours de la semaine qui a suivi la publication de ce document, une série extraordinaire d’événements a réaffirmé son message central, à savoir que le conflit « entre grandes puissances » est maintenant à l’ordre du jour.

Mardi, le général sir Nick Carter, chef de l’armée britannique, a proclamé que la situation mondiale actuelle avait des « parallèles avec 1914 », déclarant : « Notre génération s’est habituée aux guerres de choix depuis la fin de la guerre froide, mais il se peut que nous n’ayons pas de choix sur un conflit avec la Russie. »

Mardi, le directeur américain de la CIA, Mike Pompeo, a abordé la possibilité d’une frappe préventive sur la Corée du Nord. Deux jours plus tard, le général Robert Neller, chef du Corps des Marines, a discuté publiquement de la possibilité d’une invasion terrestre du pays appauvri, déclarant qu’une telle guerre « serait un combat très, très cinétique, physique et violent ».

Pour étayer leurs menaces, les Etats-Unis ont déployé ce mois-ci des bombardiers B-2 pouvant emporter des charges nucléaires à Guam, rendant possibles des frappes nucléaires par des avions furtifs supersoniques sur la Corée du Nord. Toute guerre avec la Corée du Nord pourrait rapidement s’étendre à la Chine et à la Russie.

Le sommet de Davos s’est déroulé dans le contexte de l’offensive grandissante de la Turquie contre les milices kurdes soutenues par les Etats-Unis, faisant craindre que « les soldats américains et turcs, deux alliés de l’Otan, puissent bientôt s’affronter », selon le Wall Street Journal. La guerre qui s’élargit en Syrie implique non seulement les États-Unis et la Turquie, mais aussi l’Iran et la Russie. S’ajoutant aux tensions, il y a le fait que les chars utilisés pour pilonner les positions des milices soutenues par les Etats-Unis aient été fournis par l’Allemagne, qui s’éloigne de plus en plus de son allié transatlantique de l’OTAN.

Alors que les États-Unis ont joué le rôle le plus agressif en attisant les tensions mondiales, les dirigeants mondiaux de Davos ont clairement fait savoir qu’ils ne seraient pas dépassés par l’agressivité américaine. La chancelière allemande Angela Merkel a prononcé un discours au forum dans lequel elle a déclaré que « l’Europe n’a pas été le continent le plus actif en matière de politique étrangère, et le fait que par le passé nous dépendions souvent des Etats-Unis, qui se concentrent maintenant sur eux-mêmes, nous oblige à dire : nous devons assumer plus de responsabilités ; nous devons prendre notre destin entre nos mains. » C’est-à-dire, l’Allemagne et l’Europe doivent se remilitariser.

La menace de guerre n’était qu’une des menaces qui pèsent sur l’élite de Davos. La semaine dernière a vu une série d’avertissements que les marchés boursiers en pleine effervescence sont sur le point de s’effondrer. William White, le président de la commission d’examen de l’OCDE, a déclaré cette semaine : « Tous les indicateurs du marché sont très similaires à ce que nous avions vu avant la crise de Lehman. » Parmi les panels du sommet les plus controversés, on pouvait lire le titre : « Est-ce que 2018 pourrait être l’année de la prochaine crise financière ? »

La menace d’une guerre commerciale était encore plus imminente, ce qui impliquait l’effondrement potentiel du système monétaire international libellé en dollars. Trump, en dépit de son discours de clôture relativement modérée (pour lui), est allée à Davos sur le pied de guerre, après avoir imposé des tarifs allant jusqu’à 50 pour cent sur les importations de panneaux solaires et de machines à laver.

Le secrétaire au trésor Steven Mnuchin a déclenché une importante vente de dollars cette semaine après avoir déclaré qu’« un dollar plus faible est bon », laissant le billet vert en baisse de 10 % pour l’année et provoquant des mises en garde d’une dévaluation compétitive de l’euro, une mesure de guerre commerciale.

Et pourtant, au milieu de tous ces dangers, la modératrice du panel Heather Long a déclaré que le « plus grand sujet à Davos » et le « plus grand sujet du monde » était « les inégalités ». Un rapport récent d’Oxfam révèle que seulement un pour cent de la population a engrangé 82 % de toute la richesse sociale créée l’année dernière.

Larry Fink, directeur général de Blackrock, a averti dans sa lettre annuelle aux PDG présents à Davos que « ceux qui ont du capital ont récolté d’énormes bénéfices […] la frustration et l’appréhension de l’avenir populaires ont atteint de nouveaux sommets », au milieu d’une « croissance des bas salaires » et de « systèmes de retraite inadéquats ».

Après avoir énuméré les diverses tensions géopolitiques et crises sociales qui agitent le monde, le résumé officiel du programme du sommet a affirmé avec confiance : « En nous réunissant en début d’année, nous pouvons façonner l’avenir en rejoignant cet effort mondial inégalé de co-conception, co-création et collaboration » afin de créer un « avenir partagé ».

Rares sont ceux des milliardaires assemblés, ou même aucun, qui ont pris au sérieux ce non-sens. Quand ils descendront de leurs avions privés rentrés de Davos, ils reprendront leurs affaires quotidiennes de complots de guerre, de manigances pour s’enrichir, et de recherches des moyens de réprimer le mécontentement social – bien que peut-être avec une conscience accrue du fait que, si le monde est en crise, la classe ouvrière puisse bientôt les tenir pour responsables.

Andre Damon

Article paru en anglais, WSWS, le 27 janvier 2018

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Le ministre de la défense Gavin Williamson a fait monter d’un cran les menaces britanniques contre la Russie.

Dans un entretien avec le Daily Telegraph, publié vendredi en une, Williamson a déclaré que la Russie espionnait les infrastructures les plus sensibles de Grande-Bretagne et a affirmé que : « Le plan des Russes ne sera pas de faire apparaître des péniches de débarquement dans la baie Sud à Scarborough, et au large de la plage de Brighton. »

« Ce qu’ils [la Russie] envisagent de faire, c’est qu’ils vont penser, « Comment pouvons-nous infliger le maximum de souffrance à la Grande-Bretagne ? » Endommager son économie, disloquer ses infrastructures, causer des milliers, des milliers et des milliers de morts, créer un véritable chaos dans le pays. »

Le journal a écrit : « Gavin Williamson a déclaré au Daily Telegraph que Moscou étudiait les infrastructures les plus sensibles du Royaume-Uni et comment ces dernières se connectaient aux réseaux d’énergie continentaux en vue de créer la “panique” et le “chaos”. »

Williamson a ajouté que la Russie était prête à prendre des mesures « que toute autre nation verrait comme complètement inacceptable ».

Sans citer aucun élément de preuve, il a posé la question suivante : « Pourquoi passeraient-ils leur temps à photographier et à surveiller les centrales électriques, pourquoi examinent-ils les réseaux qui apportent tant d’électricité et d’énergie dans notre pays ? »

Le journal a noté qu’il s’agissait d’une référence aux « réseaux d’énergie qui relient le Royaume-Uni aux approvisionnements continentaux et permettent à la Grande-Bretagne de commercer et de partager l’électricité et le gaz avec ses voisins. »

Le Royaume-Uni, a-t-il dit, « a quatre réseaux de transit sous-marins pour l’électricité et trois pour le gaz, qui fournissent de l’énergie à trois millions de foyers, chiffre qui passera à huit millions lorsque d’autres connexions seront construites. »

Les commentaires de Williamson surviennent quelques jours après que le général Sir Nick Carter, le chef de l’état-major général des forces armées, a déclaré que la Grande-Bretagne devait se préparer [article en anglais] à la guerre avec la Russie et d’autres rivaux géopolitiques.

L’entretien avec Williamson a été diffusée le lendemain de la rencontre entre le Premier ministre britannique Theresa May et le président américain Donald Trump au sommet de Davos, après quoi ils ont tenu une conférence de presse conjointe. Après avoir déclaré que les médias diffusaient de « fausses rumeurs » sur leur relation, Trump a déclaré que lui et May « s’apprécient beaucoup ».

Trump a souligné avant tout que les États-Unis et la Grande-Bretagne étaient au même diapason pour les questions militaires : « Nous travaillons sur des transactions en termes de développement économique, commercial et peut-être le plus important, l’armée. Nous sommes inséparables quand il s’agit de l’armée. Nous avons les mêmes idées, les mêmes idéaux. »

En fixant du regard May, il a poursuivi : « Nous nous battrons toujours à vos côtés, quoi qu’il vous arrive. Vous le savez. »

May, qui signalait son accord général avec le point de vue de Trump, ressemblait à un jouet de chien hochant la tête lorsque que Trump parlait en faveur de l’alliance militaire entre les États-Unis et le Royaume-Uni. Elle a répondu : « Nous continuons d’avoir cette relation vraiment spéciale entre le Royaume-Uni et les États-Unis. Nous sommes côte à côte parce que nous faisons face aux mêmes défis dans le monde entier. Et comme vous le dites, nous travaillons ensemble pour vaincre ces défis. »

Mardi, le général Carter a déclaré que pratiquement toute activité menée par un autre État pour défendre ses intérêts politiques, économiques et militaires pouvait maintenant être considérée comme un acte de guerre.

Il n’y avait plus « deux états clairs et distincts de “paix” et de “guerre” », a déclaré Carter. « Tous ces États sont passés maîtres dans l’exploitation des zones d’ombre entre la paix et la guerre ».

« Ce qui constitue une arme dans cette zone d’ombre ne fait pas nécessairement “boum”. L’énergie, l’argent sous forme de pots-de-vin, les pratiques commerciales malhonnêtes, les cyberattaques, les assassinats, les fausses nouvelles, la propagande et même l’intimidation militaire sont autant d’exemples d’armes utilisées pour tirer profit de cette ère de « concurrence constante ». »

L’entretien de Williamson accordé au Telegraph intervient après que son lobbying ait obtenu, cette semaine, un retard dans les réductions des dépenses de défense qui devaient être discutées au sein du Cabinet dans le cadre de la Revue de la Capacité de la Sécurité nationale. Au lieu de cela, une étude de cinq mois des dépenses militaires a été annoncée par le gouvernement, qui sera dirigée par le ministère de la défense lui-même.

La pression de Williamson pour une augmentation des dépenses militaires a été soutenue par des généraux de haut rang, dont Carter et le chef d’état-major général, Sir Stuart Peach – qui est le conseiller militaire principal du gouvernement. En novembre, Peach a affirmé, sans citer aucune preuve, que les forces navales russes développaient une capacité de couper les câbles sous-marins à fibre optique [article en anglais].

Williamson a également été soutenu par son prédécesseur au poste de ministre de la défense, Sir Michael Fallon. Dans une intervention majeure, Fallon a utilisé son premier discours public depuis sa démission il y a deux mois, sur fond d’allégations d’inconduite sexuelle, pour exiger une augmentation substantielle des dépenses militaires. Parlant lundi au groupe de réflexion du « Forum défense et sécurité », Fallon a exigé que le budget de la défense se voit alloué immédiatement 1 milliard de livres supplémentaires et a proposé que le Royaume-Uni passe à 2,5 pourcent de son PIB sur la défense contre 2 pourcents actuellement – le minimum recommandé par l’OTAN.

Ne pas le faire signifierait un « retrait de notre vision d’une Grande-Bretagne mondiale confiante et tournée vers l’extérieur, défendant nos peuples, nos valeurs, nos alliés, on se retrouvera marginalisé sur l’échiquier mondial, un champion de second ordre de la démocratie et de la liberté ».

Cela « signifierait s’éloigner de nos obligations internationales, laisser tomber nos alliés et, à la fin, nous rendre plus vulnérable ».

Fallon a fait monter les enchères dans une chronique du Daily Telegraph jeudi, la veille de l’entretien de Williamson accordé au même journal. Il a écrit qu’il avait prévenu la Première ministre May, il y a un an, que « la dépréciation de la livre sterling et l’augmentation des coûts dans le nucléaire mettaient une forte pression sur les budgets pour 2017-18 et 2018-19. Si nous voulions jouer un rôle de premier plan dans l’OTAN, avec nos troupes et nos Typhoon [[avions de chasse] défendant son flanc oriental ; contrer la menace des sous-marins russes contre notre dissuasion et nos câbles dans l’Atlantique Nord ; continuer à assurer la deuxième plus grande charge de frappes aériennes et de formation de l’armée en Irak […] alors nous devions mettre le budget de la défense sur une base plus durable. »

Il a ajouté :

« La nouvelle étude doit reconnaître que les menaces sur notre pays ont considérablement augmenté. Avant l’invasion de la Crimée, la Russie semblait anodine. Nous voyons maintenant sa menace pour les démocraties occidentales. Et la Russie ne dépense pas 2 pourcents mais 5 pourcents du PIB pour moderniser ses forces conventionnelles et nucléaires, sur la guerre hybride et électronique. »

Le parti travailliste joue un rôle crucial dans l’escalade des tensions contre la Russie. En réponse aux commentaires de Williamson, Lord West, un ancien chef de l’état-major de la marine et ministre de la sécurité du gouvernement travailliste, a déclaré qu’il était « absolument certain que la Russie cherchait à pénétrer nos infrastructures nationales les plus sensibles ».

Le 11 janvier, le Parlement a débattu d’une motion présentée par le député travailliste Vernon Coaker, exigeant que la taille, l’équipement et l’entraînement des forces armées britanniques soient maintenus au moins au niveau actuel et qu’aucune réduction supplémentaire des dépenses et des capacités de défense ne soit imposée.

Dans un autre débat, quatre jours plus tard, en réponse à Julian Lewis, président conservateur du Comité parlementaire de la défense qui soulevait des soucis quant aux réductions possibles dans le cadre de l’évaluation de la capacité de sécurité nationale en cours, le travailliste Nia Griffith, ministre fantôme de la défense, a insisté sur l’augmentation des dépenses de défense.

Le député travailliste Luke Pollard a rappelé à tous d’où venait la principale menace pour le Royaume-Uni : « Avec la montée en puissance de la Russie, nos alliés menacés et notre flanc Nord vulnérable à la puissance navale russe, la menace du grand ours russe est claire. Est-ce que le ministre de la défense comprend qu’il n’y a de soutien de la part d’aucun député dans ce parlement pour de nouvelles réductions budgétaires imposées à notre Royal Navy et de nos Royal Marines [infanterie de marine] ou pour des fusions qui réduisent les capacités de nos forces armées ? »

Robert Stevens

 

À lire également :

UK steps up provocations against Russia
[27 Décembre 2017]

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janvier 28th, 2018 by The Global Research Team

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Sous couvert du dégel entre la Corée du Nord et la Corée du Sud d’avant les Jeux Olympiques d’hiver et l’accalmie de la rhétorique « feu et furie » de la Maison Blanche de Trump, il y a de plus en plus de signes que le Pentagone et la CIA procèdent avec les préparatifs d’une guerre préventive contre la Corée du Nord, y compris l’utilisation d’armes nucléaires.

Il y a eu de multiples reportages dans les médias américains sur les discussions en coulisses entre l’armée américaine et l’appareil de renseignement et l’administration Trump sur la faisabilité d’une attaque dite « nez sanglant » impliquant des frappes aériennes américaines sur des installations nucléaires nord-coréen, dont il serait espéré – même si c’est mal fondé – qu’elles ne provoqueraient pas une guerre à grande échelle.

Dans un discours public rare, le directeur de la CIA, Mike Pompeo, a fait allusion à ces plans. S’exprimant devant l’American Enterprise Institute, un groupe de réflexion de droite, M. Pompeo a averti que Pyongyang serait « à quelques mois » de la capacité d’organiser une attaque nucléaire contre le continent américain.

Le directeur de la CIA a déclaré que Washington allait « écarter ce risque » et « dénucléariser en pour toujours » la Corée du Nord.

Tout en affirmant que l’administration Trump s’était engagée à une « solution par des moyens diplomatiques » – une affirmation démentie par Trump lors de la réprimande de son secrétaire d’État, Rex Tillerson, en octobre dernier pour avoir « gaspillé son temps » en négociations avec le gouvernement de Kim Jung Un – Pompeo a déclaré que la CIA travaillait avec le Pentagone pour « préparer une série d’options pour s’assurer que nous pouvons proposer une gamme de choses afin que le président ait la gamme complète des possibilités ».

Il a ajouté qu’il « laisserait aux autres le soin de s’occuper de la capacité ou la sagesse d’une frappe préventive ».

La question de la « capacité », cependant, est déjà décidée à travers une série d’actions sinistres prises par l’armée américaine.

Plus tôt ce mois-ci, la Force aérienne a déployé six bombardiers B-52H Stratofortress ainsi que 300 aviateurs de la base aérienne de Barksdale en Louisiane à Guam pour remplacer six bombardiers B-1B Lancer. Le positionnement des B-52, qui contrairement aux bombardiers B-1B sont capables d’utiliser des armes nucléaires, marque une escalade majeure.

US B-2 nuclear capable bomber

« Le retour du B-52H dans le Pacifique fournira à [US Pacific Command] et à ses alliés et partenaires régionaux une plate-forme de projection de puissance stratégique et crédible », a déclaré la Force aérienne dans un communiqué. « Le B-52 est capable de voler à des vitesses subsoniques élevées à des altitudes allant jusqu’à 50 000 pieds et peut transporter des munitions conventionnelles nucléaires ou à guidage de précision avec une capacité de navigation de précision dans le monde entier. Cette présence déployée à l’avant démontre l’engagement continu des États-Unis envers leurs alliés et partenaires dans la région Indo-Pacifique. »

Une semaine plus tôt, le Pentagone a déployé trois bombardiers furtifs nucléaires B-2 sur la base aérienne de Guam.

Les déploiements marquent la première fois en près de deux ans et demi que les trois types de bombardiers – les B-52, B-2 et B-1B – ont été rassemblés à Guam, à seulement 2200 kilomètres des cibles en Corée du Nord.

L’agence Bloomberg News a rapporté mercredi que l’US Air Force « a déployé une version améliorée de la plus grande bombe non nucléaire des États-Unis – un bunker buster de 30 000 livres [13 tonnes] qui ne peut être transporté que par les bombardiers furtifs B-2 basés actuellement à Guam. »

L’arme, qui est plus grande que la « mère de toutes les bombes » (MOAB) larguée sur l’Afghanistan en avril dernier « pourrait être utilisée si les États-Unis décidaient de frapper des installations nucléaires souterraines en Corée du Nord », a rapporté Bloomberg.

Pendant ce temps, l’USS Carl Vinson, un super transporteur de classe Nimitz de la marine américaine, et son groupe de destroyers à missiles guidés et d’autres navires de guerre, ont quitté San Diego plus tôt ce mois-ci et devraient arriver au large de la péninsule coréenne avant que les Jeux Olympiques d’hiver commencent à Pyeongchang, en Corée du Sud, le 9 février. Ils rejoindront le groupe de combat de l’USS Ronald Reagan déjà déployé au Japon.

L’USS Wasp, un porte-avions miniature de 40 000 tonnes, est maintenant opérationnel depuis le Japon, transportant des avions F-35B, les avions de combat les plus avancés du Pentagone, capables de transporter des bombes thermonucléaires B61 utilisant la gravité, une arme anti-bunker pénétrant dans le sol qui pourrait être utilisée contre les installations nucléaires souterraines ainsi que celles de commandement et contrôle en Corée du Nord.

Parallèlement à ce renforcement des forces de frappe nucléaires, les troupes terrestres et aéroportées américaines s’entraînent pour une invasion dans des bases à travers les États-Unis, tandis que 1000 réservistes ont été appelés pour servir dans des « centres de mobilisation » utilisés pour le déplacement rapide des troupes à l’étranger.

Ces préparatifs militaires fébriles ont lieu alors que la Corée du Sud a persuadé Washington d’annuler les exercices militaires conjoints prévus sur la péninsule coréenne elle-même, que Pyongyang avait dénoncés comme une provocation et une préparation à l’invasion.

Le gouvernement sud-coréen du président Moon Jae-in a profité des prochains Jeux olympiques d’hiver de 2018 pour reprendre le dialogue avec la Corée du Nord, qui a accepté d’envoyer une grande délégation aux Jeux, les joueuses nord-coréennes et sud-coréennes de hockey sur glace se trouvant pour la première fois dans la même équipe.

Kim Jong-un a publié jeudi une déclaration conciliatrice appelant tous les Coréens « au pays et à l’étranger » à travailler pour « améliorer rapidement les relations Nord-Sud » et pour « une percée pour la réunification indépendante ».

À Davos, le ministre sud-coréen des Affaires étrangères, Kang Kyung-wha, a déclaré lors d’un point de presse : « La question nucléaire doit être résolue par des négociations et des efforts diplomatiques. Cette idée d’une solution militaire est inacceptable ».

Elle a refusé de commenter lorsqu’on lui a demandé si Washington avait clairement donné à Séoul l’assurance qu’il ne mènerait pas une attaque militaire unilatérale. Elle a ajouté : « C’est notre destin qui est en jeu. Toute option prise sur la péninsule coréenne ne peut être mise en œuvre sans que nous en soyons d’accord. »

Il n’est toutefois pas certain que l’administration Trump ait donné à Séoul un pouvoir de veto sur l’action militaire américaine. Il ne fait aucun doute que Washington considère les pourparlers entre Séoul et Pyongyang comme une menace à sa politique de « pression maximale » contre la Corée du Nord et un obstacle potentiel à ses préparatifs de guerre. Loin de diminuer la marche à la guerre américaine, toute tentative d’accommodement entre Séoul et Pyongyang ne fera qu’augmenter la pression au sein de l’establishment étasunien et de son appareil militaire et de renseignement pour résoudre le problème par l’agression militaire.

Au milieu du renforcement militaire américain, le gouvernement américain a lancé mercredi une nouvelle série de sanctions visant à étrangler l’économie nord-coréenne. Ces dernières sanctions visaient neuf entités, 16 individus et six navires nord-coréens. Parmi eux deux sociétés commerciales basées en Chine figurent sur la liste des sanctions.

Pékin a réagi avec hostilité aux nouvelles sanctions. « La Chine s’oppose résolument à tout pays utilisant ses propres lois pour exercer sa compétence à distance sur des entreprises ou des particuliers chinois », a déclaré un porte-parole du ministère des Affaires étrangères.

Le danger continu de la guerre dans la péninsule coréenne, qui comporte la menace d’une conflagration nucléaire qui pourrait coûter la vie à des millions de personnes, a été cité jeudi par le Bulletin des scientifiques atomiques en avançant de 30 secondes son « Horloge de l’apocalypse », qu’il a maintenu depuis 1947, à deux minutes avant minuit. Ce n’est que la deuxième fois en plus de sept décennies que le groupe fait une évaluation de cette grave menace de guerre nucléaire.

Il a également cité la menace de l’administration Trump de renverser l’accord nucléaire iranien et les tensions croissantes entre les Etats-Unis et la Russie, les deux plus grandes puissances nucléaires du monde. Il a également attiré l’attention sur l »Examen du dispositif nucléaire de l’administration Trump, qui vise à « accroître les types et les rôles des armes nucléaires dans les plans de défense américains et à abaisser le seuil » pour leur utilisation.

L’administration et le Pentagone ont récemment publié une Stratégie de sécurité nationale et une Stratégie de défense nationale, qui définissent un changement fondamental dans la stratégie américaine, remplaçant la « guerre mondiale contre le terrorisme » de deux décennies par la préparation au conflit « entre les grandes puissances ». et la guerre mondiale, dans lequel un accent est mis sur le renforcement de l’arsenal nucléaire de Washington.

Bill Van Auken

Article paru en anglais, WSWS, le 26 janvier 2018

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Syrie / Vienne 3 : La vaine stratégie du quintet de Washington

janvier 27th, 2018 by Dr. Bachar al-Jaafari

Le 12 janvier 2018, Al-Mayadeen TV rapportait les confidences d’une source européenne selon laquelle des représentants de cinq pays [États-Unis, Grande-Bretagne, France, Arabie saoudite, Jordanie] s’étaient rencontrés à Washington pour mettre au point, un projet de réformes constitutionnelles en Syrie. Le projet devait être remis à la Russie comme base des futures négociations dans le cadre du processus de Genève sous l’égide de l’ONU, et une deuxième rencontre devait avoir lieu une semaine plus tard.

Dans la matinée du 26 janvier, Al-Mayadeen TV déclarait que cette deuxième réunion avait bien eu lieu ce mardi 23 janvier, à Paris, en marge de la réunion des représentants d’une trentaine de pays, laquelle s’est notamment soldée par une « Déclaration de principes contre l’impunité d’utilisation d’armes chimiques », déclaration censée remédier à une malheureuse paralysie de l’ONU lorsqu’il s’agit de la Syrie et des vetos de la Russie.

Par ailleurs, cette même chaîne publiait le fameux projet du quintet de Washington [*] reçu de Vienne, où il a été remis à quelques personnalités dont l’envoyé spécial de l’ONU Staffan de Mistura, organisateur têtu de Vienne 3, après l’échec sciemment programmé de Genève 8 par son adoption exclusive de la déclaration desdits opposants du « Groupe de Riyad » soutenus par le Quintet de Washington, et avant la tenue non désirée du congrès du 29 janvier prochain organisé par la Russie à Sotchi.

En bref, il s’agit d’un retour à la case d’avant départ : mise de la Syrie sous tutelle directe des Nations Unies, décentralisation masquant une partition, gouvernements locaux, constitution détaillée en rapport avec les buts recherchés… tout le contraire de la résolution 2254 évoquée à tout bout de champ !

Dans une revue de presse récente nous avions souligné un bout de phrase de la conférence de presse commune d’Emmanuel Macron et de Recep Erdogan reçu à Paris ce 5 janvier :

«… le format d’Astana-Sotchi n’est, à mes yeux, pas tout à fait le bon… Pourquoi ? Parce que je pense que plusieurs autour de la table n’ont pas tout à fait les mêmes intérêts que le président Erdogan. Leur intérêt est plus de construire leur influence, leur puissance et leur propre compromis bilatéraux avec la Syrie, plutôt que de construire une vraie stabilité inclusive… je pense qu’il faut associer d’autres puissances de la région et il faut, surtout en termes de modalités, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui au sein de Sotchi, nous assurer que toutes les sensibilités, toutes les oppositions sont bien représentées et que nous nous mettons dans le cadre de ce qui d’ailleurs a été décidé au sein des Nations Unies, c’est-à-dire la possibilité de laisser toutes celles et ceux qui ont fui soit Daech, mais la plupart du temps le régime de Bachar al-Assad, pouvoir s’exprimer dans le processus que nous mettrons en place… ».

Le processus que nous mettrons en place ? Quel processus ? Avec quelles autres puissances ? Maintenant, nous le savons [NdT].

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CONFERENCE DE PRESSE DU DR BACHAR AL-JAAFARI

Bonsoir à vous tous,

Hier et aujourd’hui, nous avons eu avec Monsieur l’envoyé spécial du Secrétaire général [de l’ONU] des pourparlers aussi constructifs que possible, d’autant plus que nous sommes à la veille de la tenue du congrès de Sotchi.

Naturellement, nous avons profité de cette rencontre pour répondre à ses questions ; lesquelles portaient principalement sur les résultats attendus du « Congrès national syrien » à Sotchi. À ce stade, il n’a pas été possible de répondre à certaines de ces questions puisque, comme vous le savez, ce congrès n’a pas encore eu lieu.

En réalité, les résultats du congrès de Sotchi seront la résultante du dialogue entre les participants syriens eux-mêmes, car son but est le dialogue entre Syriens sans ingérences étrangères. Sont attendus environ 1600 invités représentant les différentes composantes du peuple syrien.

Ce n’est pas par hasard que ce congrès de Vienne 3 a coïncidé avec la fuite ou, plutôt, la distribution préméditée d’un document non officiel [no paper document] tournant autour de la relance du processus politique de Genève relatif à la Syrie ; lequel document a été conçu par les représentants d’États qui se sont réunis à Washington, puis à Paris.

Il s’agit de représentants des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France, de l’Arabie saoudite et de la Jordanie. Et ce sont tous, comme vous le savez, des partenaires dans l’effusion du sang syrien en mon pays ; ce qui est en soi conforme à la comédie noire que nous vivons dans un nouvel épisode de la série de complots contre la Syrie. En effet :

  • Comment serait-il possible qu’un État comme l’Amérique, qui a créé Daech, a protégé Daech, a soutenu Daech et qui continue à se battre sur le sol syrien pour Daech… un État qui viole militairement la souveraineté syrienne sur son sol en défiant ostensiblement toutes les chartes, les lois et les conventions internationales… comment serait-il possible qu’un tel État dont les propres mains et celles de ses instruments ont trempé dans le sang syrien, un État qui a agressé directement la Syrie… comment serait-il possible que cet État puisse parler de solution politique et d’avenir en Syrie ?
  • Comment serait-il possible que des États comme la Grande-Bretagne et la France qui suivent la politique américaine tel un aveugle dirigeant un autre aveugle… comment serait-il possible que ces deux États puissent imaginer une quelconque solution ou un quelconque horizon en Syrie ?
  • Comment serait-il possible qu’un État comme la Jordanie qui abrite la cellule secrète d’opérations militaires MOK, qui a accueilli des terroristes venus de toutes parts sur son territoire devenu un refuge tranquille pour sept camps d’entrainement militaire, avant de les envoyer en Syrie… comment serait-il possible, fondamentalement parlant, qu’un tel État puisse parler de souveraineté et participer à une solution politique en Syrie ?
  • Enfin et surtout, la Saoudie, perle de la couronne, summum de la démocratie, phare de la liberté en Orient… la Saoudie, modèle de l’État de droit, parangon des constitutions et de la justice sociale, oasis du bien-vivre et de l’égalité des sexes, icône des élections et de la transmission du pouvoir… comment serait-il possible que ce pays de l’ignorance [jahili de Jahiliya : période antéislamique dans le Coran ; NdT] puisse participer à l’élaboration d’une constitution moderne pour la Syrie ? C’est assurément une comédie noire !

Ledit document non officiel en rapport avec « la relance du processus politique de Genève pour la Syrie », tel est son intitulé, est totalement inacceptable et ne mérite même pas l’encre de son écriture, car notre peuple n’accepte pas et n’acceptera pas que des solutions lui arrivent par parachutes ou sur le dos des tanks.

En tous cas, Mesdames et Messieurs, le langage utilisé par les concepteurs de ce document non officiel indique qu’ils se sont comportés de manière irresponsable. Le processus politique de Genève est présenté comme s’il était mort. Ils tentent, en vain, de donner l’impression qu’ils cherchent à le relancer ; mais, comme dit le proverbe, ils l’assassinent et défilent à ses funérailles.

De notre côté, nous pensons que c’est là une tentative vouée à l’échec. Son but est de torpiller les pourparlers de Genève, le Congrès de Sotchi et toute perspective de solution politique en Syrie, car c’est en accord avec leurs politiques destructrices dans la région.

Je pense que le résumé que je viens de vous présenter nous évitera les questions et réponses, pour aujourd’hui.

Merci beaucoup

Dr Bachar al-Jaafari

26/01/2018

Envoyé permanent de la Syrie auprès des Nations unis et chef de la délégation syrienne à Vienne.

 

Introduction, transcription et traduction par Mouna Alno-Nakhal  pour Mondialisation.ca

Source : Al-Fadaiya [Syrie]

https://www.facebook.com/SyrianNewsCenter/videos/1770361972998113/

 

Note :

[*] [Le projet du Quintet]

 

***

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La Transcarpatie et le Front de l’Ouest

janvier 27th, 2018 by Andrew Korybko

Le ministre des Affaires étrangères Peter Szijjarto a pris la parole lors d’une réunion de l’OSCE à Vienne la semaine dernière pour demander à l’organisation d’envoyer une mission spéciale de surveillance dans la région occidentale de Transcarpatie en faisant valoir que les manifestations anti-hongroises ont rendu nécessaire que la communauté internationale garde un œil sur la situation. Il a également précisé que Budapest interprète la nouvelle loi linguistique de Kiev comme étant discriminatoire à l’égard de la minorité hongroise dans la région. Son gouvernement ne réussira probablement pas à faire que l’Ukraine revienne sur sa législation ultranationaliste, ni à faire pression sur l’OSCE pour envoyer préventivement une mission spéciale de surveillance en Transcarpatie avant que la situation ne s’aggrave. Mais ses commentaires ont attiré l’attention sur ces deux questions liées et cela a confirmé que la Hongrie ne soutiendra pas les aspirations institutionnelles pro-occidentales de l’Ukraine à court terme, jusqu’à ce que ces problèmes soient résolus.


Map of the Ukrainian Transcarpathia
En fait, la déclaration de Szijjarto suggère que la situation internationale entre les deux États voisins pourrait même se détériorer davantage. Les observateurs doivent garder à l’esprit que la Hongrie a pour politique de soutenir les Hongrois ethniques dans ce que l’on pourrait appeler le « proche étranger » du pays par la délivrance de passeports et d’aide au développement socio-économique. Selon Budapest, plus de 3 millions de ses compatriotes ont été injustement laissés à l’extérieur de leur patrie à la suite du traité de Trianon de 1920 qui a officiellement démantelé les terres de la Couronne de Saint-Étienne, le nom attribué officiellement à la Hongrie quand elle a rejoint l’Autriche dans leur double monarchie. Ce n’est que ces dernières années, sous le gouvernement du Premier ministre Viktor Orban, que l’État est devenu assez confiant dans son soft power et sa puissance économique pour faire de sérieux efforts afin de réintégrer informellement ces personnes dans le contexte plus large de la société hongroise.

En ce qui concerne l’Ukraine, environ 12% de la population de Transcarpatie est d’origine hongroise, soit environ 150 000 personnes vivant très près de la frontière de leur État éponyme et faisant partie de sa civilisation depuis plus d’un millénaire. Outre la signification émotionnelle et historique que leur bien-être confère à Budapest, la préoccupation croissante de la Hongrie pour ses droits et sa sécurité symbolise l’émergence d’un soi-disant « front occidental » pour compléter le front « oriental » que la Russie a ouvert de l’autre côté du pays lors de sa réunification avec la Crimée et en étendant son soutien politico-moral aux rebelles du Donbass. Du point de vue de Kiev, ses populations périphériques posent des problèmes pour l’unité nationale, bien que cela soit entièrement dû au fait que les dirigeants ultra-nationalistes les menacent, les spolient de leurs droits existants et les forcent à participer à l’« ukrainisation ».

Il est facile pour l’Occident de faire du soutien de la Russie à ses propres compatriotes une nouvelle forme d’« impérialisme » mais il est relativement plus difficile pour eux de le faire quand il s’agit de la Hongrie, membre de l’UE et de l’OTAN. C’est pourquoi les États-Unis se sont alliés avec Soros contre Orban en essayant de le dépeindre comme un « dictateur non libéral ». Les États-Unis craignent que les intérêts humanitaires de Budapest en Transcarpatie puissent « déstabiliser »l’Ukraine, déjà fragile, ignorant le fait que les problèmes dans ce coin du pays sont du fait de Kiev. Ils savent que s’ils ne stoppent pas la Hongrie rapidement, ce n’est qu’une question de temps avant que les partenaires d’Orban des Trois Mers, la Roumanie et la Pologne, se sentent suffisamment à l’aise pour soulever la question des droits et de la sécurité de leurs propres minorités et transformer le soi-disant « Front occidental » en une force sur laquelle il faut compter.

Andrew Korybko

 

Article original en anglais :

Hungary-Ukraine Relations: Transcarpathia and the “Western Front”

Traduit par Hervé et relu par Cat pour le Saker Francophone

Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie « Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime » (2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.

 

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« Cette… chose, [la guerre contre la drogue] ce n’est pas un travail pour la police… Je veux dire, vous appelez cela une guerre et bientôt tout le monde va se comporter en guerrier… partir en croisade, envahir les quartiers, frapper les gens menottés, ramasser et compter les cadavres…. Bientôt, presque tout le monde, à chaque coin de rue, devient un putain d’ennemi. Et bientôt, le quartier que tu es censé surveiller, devient simplement un territoire occupé. »

Le sergent « Bunny » Colvin, troisième saison de The Wire sur HBO.

2006 : mon premier raid dans le sud de Bagdad.

2014 : je regarde sur YouTube un officier de la police de New York en train d’asphyxier – d’assassiner – Eric Garner car il est soupçonné de vendre des cigarettes au noir à un coin de rue de Staten Island, à moins de cinq milles de mon ancien appartement. Ces deux événements ont choqué ma conscience.

Cela fera 11 ans le mois prochain : ma première patrouille de guerre. Nous apprenions encore les ficelles de l’unité de l’armée que nous remplacions. Les remplacements d’unités sont une période délicate et dangereuse. Dans le langage de l’armée, « siège droit – siège gauche conduit ». Imaginez une voiture. Lorsque vous apprenez à conduire, vous devez d’abord vous asseoir sur le siège du passager et observer. C’est après seulement que vous occupez le siège conducteur. C’était l’Irak, et des unités comme la nôtre entraient et sortaient dans une sorte de rotation annuelle. Des officiers d’unités entrantes comme la mienne ont été forcés d’apprendre le terrain, d’identifier les personnages importants de notre zone d’affectation et d’apprendre les tactiques les plus efficaces au cours des deux semaines avant que les officiers expérimentés de l’ancienne unité ne s’en aillent. C’était une période stressante.

Ces semaines de transition consistaient en des patrouilles quotidiennes dirigées par les officiers de l’unité sortante. Ma première incursion hors de la BOA (Base d’opération avancée) fut une patrouille de nuit. Le peloton auquel je participais s’est rendu chez un chef de milice chiite présumé. (À l’époque, nous combattions à la fois les rebelles chiites de l’armée Mahdi et les insurgés sunnites). Nous avons roulé jusqu’à la périphérie de Bagdad, encerclé une ferme et frappé à la porte. Une vieille dame nous a fait entrer et quelques soldats se sont rapidement mis à fouiller toutes les pièces. Seules les femmes, vraisemblablement la mère et les sœurs du suspect, étaient à la maison. Par l’intermédiaire d’un traducteur, mon homologue, l’autre lieutenant, demanda haut et fort à la vieille femme où se cachait son fils. Où peut-on le trouver ? Était-il à la maison récemment ? Comme on pouvait s’y attendre, elle a prétendu ne rien savoir. Après que les soldats eurent fouillé vigoureusement (« saccagé ») quelques pièces et rien trouvé d’anormal, nous nous sommes préparés à partir. À ce moment-là, le lieutenant a prévenu la femme que nous reviendrions – comme cela s’était déjà produit plusieurs fois auparavant – jusqu’ à ce qu’elle livre son propre fils.

Je suis retourné à la base avec un sentiment de malaise. Je ne comprenais pas ce que nous venions de faire. Comment le fait d’avoir harcelé ces femmes, d’être entrés chez elles après la tombée de la nuit et d’avoir proféré des menaces a-t-il contribué à vaincre l’armée du Mahdi ou à gagner la loyauté et la confiance des civils irakiens ? J’étais, bien sûr, tout nouveau à la guerre, mais l’incident semblait totalement contre-productif. Supposons que le fils de la femme faisait vraiment parti de l’armée du Mahdi. Et alors ? Sans une surveillance à long terme ou des renseignements fiables concernant cette maison, l’intrusion dans les lieux et les menaces ne pouvaient que renforcer l’aversion de la famille pour l’armée. Et si on s’était trompé ? Et s’il était innocent et qu’on avait aidé à créer une nouvelle famille d’insurgés ?

Bien que cela ne m’ait pas traversé l’esprit pendant des années, ces femmes ont dû ressentir la même impression que de nombreuses familles afro-américaines vivant sous une pression policière constante dans certaines parties de New York, Baltimore, Chicago ou ailleurs dans le pays. Cela peut paraître étrange aux yeux des Blancs plus riches, mais il est assez clair que certaines communautés de couleur appauvries du pays perçoivent effectivement la police comme leur ennemi. Pour la plupart des officiers militaires, il était tout aussi impensable que de nombreux Irakiens en proie aux combats voient tout le personnel militaire américain d’un mauvais œil. Mais dès le premier raid, j’ai su une chose : nous devions ajuster nos perceptions – et rapidement. Ce n’est pourtant pas ce que nous avons fait.

Les années ont passé. Je suis rentré à la maison, je suis resté dans l’armée, j’ai eu un enfant, j’ai divorcé, j’ai déménagé plusieurs fois, je me suis remarié, j’ai eu d’autres enfants – mes grands ont même gagné deux Super Bowls. Tout d’un coup, tout le monde s’est mis à avoir un IPhone, à être sur Facebook, ou sur Twitter, à s’envoyer des textos plutôt que d’appeler. D’une certaine façon, au cours de ces années glauques, la brutalité et la violence policières de type irakienne – en particulier contre les Noirs pauvres – ont progressivement fait la une des journaux. Les cas, avec ces vidéos YouTube d’amateurs, ont suivi les uns après les autres : Michael Brown ; Eric Garner ; Tamir Rice ; Philando Castile et Freddie Gray, le début d’une longue liste. Autant de vidéos qui m’ont rappelé les vidéos de propagande de l’ennemi,  à Bagdad, ou les prises de vue faites avec les caméras incrustées dans les casques de nos soldats au combat, sauf que celles-ci était prises à New York, Chicago ou San Francisco.

Des connexions brutales

À Baltimore, c’est comme à Bagdad. C’est lié, vous voyez. Les érudits, les experts, les politiciens, la plupart d’entre nous aiment que nos mondes restent discrètement et confortablement séparés. C’est la raison pour laquelle si peu d’articles, de rapports ou de chroniques d’opinion pensent même à lier la violence policière au pays à nos activités impériales à l’étranger, la militarisation du maintien de l’ordre en Amérique urbaine à nos guerres dans le Grand Moyen-Orient et en Afrique. Je veux dire, combien d’activistes du mouvement Black Lives Matter mentionnent  la guerre contre le terrorisme menée par l’Amérique depuis 16 ans à travers le monde ? Inversement, vous souvenez-vous d’un article de politique étrangère qui citerait Ferguson ? Cela m’étonnerait.

Néanmoins, prenez un moment pour réfléchir aux moyens par lesquels la contre-insurrection à l’étranger et la police urbaine au pays pourraient, dans ces années-là, être apparentées les unes aux autres et être en fait des phénomènes connexes  :

  1. Les dégradations que cela implique : bien trop souvent, la contre-insurrection, comme la police urbaine, impliquent d’innombrables humiliations routinières envers une population pour la plupart innocente. Peu importe la façon dont nous avons déformé les termes « partenariat », « conseiller », « assister », etc., l’armée américaine a agi comme un occupant de l’Irak et de l’Afghanistan pendant toutes ces années. Ces milliers de patrouilles omniprésentes effectuées à pied et en véhicule par l’Armée de terre dans les deux pays ont eu tendance à mettre en évidence le manque de souveraineté de leurs peuples. De même, dès 1966, l’auteur James Baldwin reconnaissait que les ghettos de New York ressemblaient, selon ses propres termes, à des « territoires occupés ». À cet égard, les choses n’ont fait qu’empirer depuis. Demandez à la communauté noire de Baltimore ou de Ferguson, Missouri. Il est difficile de nier que la police américaine devient de plus en plus provocante ; le mois dernier, les flics de Saint-Louis se sont moqués des protestataires en scandant « Les rues de qui ? Ce sont nos rues » lors d’un rassemblement. Pardonnez-moi, mais depuis quand la police peut-elle régner sur les rues des États-Unis ? N’est-elle pas là pour nous protéger et nous servir ? Quelque chose me dit que les pères fondateurs, extrêmement libertaires, seraient consternés par une telle arrogance.
  2. Les stéréotypes raciaux et ethniques. À Bagdad, tout le monde appelait les habitants locaux des hajis, des chiffonniers ou, pire encore, des nègres des sables. Ce n’est pas surprenant. Les frustrations liées à l’occupation et la peur de la mort inhérente aux campagnes anti-insurrectionnelles conduisent les soldats à stéréotyper, et parfois même à haïr, les populations qu’ils sont censés protéger. Les Irakiens ordinaires ou les Afghans deviennent l’ennemi, un « autre », à peine digne de préjugés raciaux et (parfois) de petites cruautés. Ça vous dit quelque chose ? Écoutez les conversations privées des membres de la police urbaine sur les écrans, aux États-Unis, ou les insultes parfois publiques qu’ils lancent à la population qu’ils sont payés pour « protéger ». Pour ma part, je ne peux pas oublier la vidéo d’un officier blanc furieux qui se moque des manifestants de Ferguson : « Ramenez-vous, espèce d’animaux ! » Ou un flic de Staten Island qui s’est fait avoir au téléphone en train de se vanter auprès de sa copine d’avoir piégé un jeune homme noir ou, selon ses propres mots,« d’avoir grillé un autre nègre ». La déshumanisation de l’ennemi, que ce soit au pays ou à l’étranger, est aussi ancienne que l’empire lui-même.
  3. Les fouilles : des fouilles, des fouilles et encore plus de fouilles. À l’époque, en Irak – je parle de 2006 et de 2007 – nous n’avions pas vraiment besoin de mandat de perquisition pour fouiller partout où nous le voulions. Les tribunaux, la police et le système judiciaire irakiens étaient alors à peine opérationnels. Nous avons fouillé les maisons, les cabanes, les appartements et les hauts lieux à la recherche d’armes, d’explosifs ou d’autres objets de contrebande. Aucune famille – coupable ou innocente (et presque toutes étaient innocentes) – n’était à l’abri des petites indignités quotidiennes dues aux fouilles militaires. De retour ici, un phénomène similaire règne, qui a débuté avec la « guerre contre la drogue » des années 1980. Il est maintenant courant pour les équipes du SWAT d’exécuter des mandats de perquisition avec estampillage ou des mandats de perquisition « no knock » [sans frapper, NdT] contre les domiciles des trafiquants de drogue présumés (souvent uniquement pour des cachettes de marijuana) avec une agressivité que la plupart des soldats de nos guerres lointaines applaudiraient. Ensuite, il y a les millions de fouilles au hasard, sans garantie, dans les rues de l’Amérique urbaine peuplées par les minorités. Prenons l’exemple de New York, où un régime discriminatoire de tactiques « arrêt et fouille au corps » terrorise les Noirs et les Hispaniques depuis des décennies. Des millions de jeunes (essentiellement) issus de minorités ont été arrêtés et fouillés par des policiers new-yorkais qui ne peuvent donner que des explications opaques telles que « mouvements furtifs » ou « correspond à une description recherchée » – causes peu convaincantes – pour justifier de telles horreurs quotidiennes. Comme de nombreuses études l’ont montré (et une décision judiciaire l’a conclu), ces procédures « arrêt et fouille au corps » sont discriminatoires et probablement inconstitutionnelles.

Comme dans mon expérience en Irak, ici dans les rues des quartiers urbains de couleur, n’importe qui, coupable ou innocent (surtout innocent) peut être la cible de telles opérations. Et les liens entre la guerre à l’étranger et le maintien de l’ordre au pays sont de plus en plus profonds. Considérez qu’à Springfield, au Massachusetts, les unités antigang de la police ont appris et littéralement appliqué la doctrine anti-insurrectionnelle militaire dans les rues de cette ville. Dans la ville de New York après le 11 septembre 2001, la NYPD Intelligence Unit a pratiqué le profilage religieux et mis en place une surveillance de type militaire pour espionner ses résidents musulmans. Même les inébranlables alliés israéliens, qui ne sont pas étrangers à la contre-insurrection nationale, sont entrés dans le jeu. Les forces de sécurité de ce pays ont formé des policiers américains, malgré leur long passé de violations des droits de l’homme, bien documenté.

  1. L’équipement, les appareillages : qui n’ a pas remarqué ces dernières années que grâce en partie à un programme du Pentagone − qui vend des armes et de l’équipement venant directement des champs de bataille américains − les policiers dans nos rues ressemblent de moins en moins à de gentils policiers et de plus en plus à Robocop ou aux soldats lourdement armés et protégés de nos guerres lointaines ? Pensez à la puissance de l’armure et du feu, dans les rues de Ferguson, sur ces photos qui ont choqué et gêné tant d’Américains. Ou les conséquences de l’attentat tragique du marathon de Boston ? Watertown, dans le Massachusetts, ressemblait sûrement à Bagdad ou Kaboul occupés par l’Armée de terre, puisque la zone a été verrouillée et mise sous couvre-feu pendant la recherche des auteurs de l’attentat.

Ici, au moins, le lien est indéniable. L’armée a vendu des centaines de millions de dollars d’armes et de matériel excédentaires – véhicules blindés, fusils, uniformes de camouflage et même drones – aux services de police locaux, ce qui a donné lieu à un militarisme urbain auto alimenté. Est-ce que Walla Walla, Washington, a vraiment besoin des camions résistants aux mines et protégés contre les embuscades (MRAP) avec lesquels j’ai parcourus Kandahar, en Afghanistan ? Et au cas où vous seriez inquiet de la capacité de Madison, Indiana (population : 12 000 habitants), à combattre les grenades propulsées par fusée grâce à ces nouveaux MRAP, ne craignez rien, le président Trump a récemment annulé les restrictions d’Obama sur les transferts de technologie avancée à la police locale. Permettez-moi d’ajouter, d’après ma propre expérience à Bagdad et à Kandahar, que ce doit être une cause perdue d’essayer d’être un policier amical et de faire de la police communautaire à l’intérieur d’un véhicule blindé. Même les soldats apprennent à ne pas faire de contre-insurrection de cette façon (bien que nous finissions par le faire tout le temps).

  1. Torture : le recours à la torture a rarement – sauf pendant plusieurs années, à la CIA – été une pratique officielle au cours de ces années, mais cela s’est quand même produit. (Voir Abou Ghraib, bien sûr). Cela a souvent commencé petit à petit à mesure que les frustrations des soldats ou de la police apparaissaient et que les petits tourments habituels contre la population locale se transforment en abus. C’est pourquoi, à 34 ans, lorsque j’ai vu les photos pour la première fois d’Abou Ghraib, j’ai fait un retour en arrière, en 1997, quand la police a sodomisé Abner Louima, un immigrant haïtien, dans ma ville natale. Les jeunes gens pourraient considérer l’affaire beaucoup plus récente à Baltimore, celle de Freddie Gray, menotté brutalement et sans raison, ses explications ignorées, puis conduit jusqu’ à sa mort à l’arrière d’une fourgonnette de police. De plus, sont référencées aujourd’hui environ deux décennies de torture systématique, sur plus de 100 hommes noirs, par la Chicagopolice, pour solliciter des aveux (souvent faux).

Guerres non gagnables, au pays comme à l’étranger

Depuis près de cinq décennies, les Américains sont hypnotisés par les déclarations du gouvernement sur la « guerre » contre le crime, les drogues et, plus récemment, le terrorisme.

Au nom de ces luttes perpétuelles, des citoyens apathiques ont consenti à d’innombrables agressions contre leurs libertés. Pensez à l’écoute électronique sans garantie, au Patriot Act et à l’utilisation d’un drone pour exécuter un citoyen américain (vraiment déplorable) sans procédure légale.

Les premier, quatrième et cinquième amendements ? Qui en a besoin de toute façon. Aucune de ces attaques contre la Déclaration des droits prétendûment sacrée n’a mis fin aux attentats terroristes, n’a empêché une virulente épidémie d’opioïdes, n’a stoppé le taux record de meurtres à Chicago ou n’a empêché les fusillades, omniprésentes en Amérique, dont la tragédie de Las Vegas n’est que le dernier et le plus horrible exemple. Les guerres contre la drogue, le crime et la terreur – elles sont toutes ingagnables et déchirent le cœur de la société américaine.

Par notre apathie, nous sommes tous complices.

Comme tant d’autres dans notre monde contemporain, les Américains se divisent, mécaniquement, sur des sujets comme la brutalité policière, les guerres à l’étranger et le péché originel de l’Amérique : le racisme. Trop souvent, dans ces débats, les arguments ne sont pas rationnels mais émotionnels, car les gens se coincent dans des opinions inexorables. C’est devenu une question culturelle, qui transcende les débats politiques traditionnels. Vous voulez vous disputer avec votre père ? Parlez-lui de la brutalité policière. Cela marche à tous les coups.

Zero Hedge

 

Article original en anglais : Army Strategist Exposes The Disturbing Parallels Between US Domestic Policing & Military Tactics Abroad, Zero Hedge, le 13 janvier 2018

Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone.

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Pour des milliards de personnes, la règle de Groucho Marx s’applique quand on parle de Davos. C’est le club exclusif, qui se réunit chaque année dans la station balnéaire de luxe suisse pour discuter de l’environnement commercial mondial.

Groucho, bien sûr, a été immortalisé avec les autres frères Marx dans les films hollywoodiens loufoques des années 1930, comme A Night a the Opera, A Day at the Races et Animal Crackers.

Dans une de ses réponses spontanées, il avait dit un jour en plaisantant: « J’ai envoyé au club un message disant:  » Je vous prie d’accepter ma démission. Je ne veux pas faire partie d’un club qui m’acceptera comme membre. »

Eh bien, tout d’abord, un videur ne laisserait pas passer ces milliards de personnes, parce que le Forum économique mondial est une question d’exclusion. Mais même si, par un dessein divin, on leur donnait des laissez-passer, quel en serait l’intérêt?

Le mantra de l’austérité domine de larges pans de l’Europe. Les Etats-Unis restent bloqués dans le tourbillon budgétaire et les Japonais sont sur le point de déclencher un tsunami économique – dévaluation du yen à tout prix.

D’autre part, la croissance s’applique à certaines parties du groupe BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) des pays émergents et à certains membres du groupe Next 11.

Assurément, l’Indonésie, le Mexique, les Philippines, la Turquie, la Corée du Sud et le Vietnam font partie de cette catégorie dans la N-11, une organisation de type BRICS.

Alors, quel est l’intérêt de dépenser l’équivalent du PIB d’un pays sub-saharien pour se rendre dans les Alpes à Davos pour un simple festival de blabla, alors que l’adhésion de base et l’accès aux sessions privées du sommet coûtent 245 000 dollars?

Par exemple, les pentes de Jackson Hole, où  se tient le symposium annuel de la banque centrale  dans le Wyoming, sont beaucoup plus abordables.

En comparaison, Davos est essentiellement une terre à double niveau. D’un côté, nous avons les  » mauvais » du monde du travail, avec des millions de personnes en Occident plongées dans l’enfer du chômage ou souffrant d’un gel des salaires. De l’autre côté, nous avons les « Bons » du capital, avec des sociétés regorgeant de liquidités.

Pourtant, le résultat est encore une fois l’incertitude. Tout simplement, parce que les entreprises les plus « robustes » n’investissent tout simplement pas. Pourquoi? Parce qu’il n’y a pas de demande. C’est là le « prix » du mantra de l’austérité, et rien ne prouve que les actions commerciales, financières et gouvernementales de Davos s’attaqueront au drame.

Après tout, depuis les années 1990, le sommet a toujours porté sur la mondialisation sauvage et sa principale conséquence, à savoir la marchandisation absolue de tout ce qui se passe dans la vie.

Pour aller au fond des choses, les PDG, les banquiers et les techno-bureaucrates devraient s’engager dans une discussion approfondie sur le néolibéralisme pur et dur.

Pour ce faire, il faudrait qu’ils fassent appel à David Harvey, éminent professeur d’anthropologie et de géographie au Graduate Center de la City University de New York, où il enseigne depuis plus de 40 ans le « Capital: Critique of Political Economy » de Karl Marx.

Ils devraient demander des comptes aux banques mondiales. Ils devraient aussi reléguer l’austérité à la poubelle de l’histoire et uniformiser les règles du jeu entre capital et travail. Bien sûr, cela n’arrivera pas.

Cette année, le thème de Davos est « Dynamisme résilient ». Comme définition des malheurs actuels du turbo-capitalisme, un enfant de cinq ans vivant dans une favela ou un bidonville à Rio pourrait trouver quelque chose de plus pertinent.

Mais Davos est incapable de se renouveler. La « résilience » reste un euphémisme pour les marchés en constante expansion et le syndrome du bas salaire pour les travailleurs. En un mot, la mondialisation menée par d’énormes multinationales.

On devrait supprimer « Résilience » car le nom de leur jeu est « Inégalité ». Et bien sûr, ce n’est pas Davos qui subit « l’inégalité ».

Dans une étude publiée faite par UC Berkeley, la richesse des 1% d’Américains les plus riches a augmenté de 11,6% en 2010, alors que pour les 99% restants, elle n’était que de 0,2%. C’est ce qui est au cœur du néolibéralisme capitaliste sauvage.

Davos devrait discuter de la façon dont un segment clé des élites a concocté le crash financier provoqué par Wall Street. Ce n’était qu’une affaire « virtuelle », mais ce n’étaient pas des gouvernements nationaux « virtuels » qui devaient intervenir après coup pour payer la facture et renflouer les banques.

Non, j’ai bien peur que « Resilient Dynamism » ne convienne pas pour Davos. Mais c’est une bonne définition de la Chine. Tandis que les élites européennes et américaines accroissent leur capital pour contenir l’avance de Pékin en Afrique et en Asie, l’interventionnisme chinois est de type commercial. Il s’agit de construire des routes, pas des guerres.

Pourtant, la question que Davos refuse de poser demeure: pourquoi est-il plus facile d’imaginer la destruction totale de l’humanité par des catastrophes allant du nucléaire au climat, que de travailler à changer le système de relations engendré par le capitalisme?

Restez à l’écoute pour celui-là.

Pepe Escobar

 

Photo: Le rideau s’est levé sur le Forum économique mondial annuel dans la station suisse de Davos. Photo: Reuters / Denis Balibouse

Article original en anglais : When it comes to Davos, it’s inequality, stupid, Asia Times, le 24 janvier 2018

Traduction : AvicRéseau International

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Mardi, le Forum économique mondial (FEM) a ouvert ses portes dans la station alpine suisse de Davos. 3 000 dirigeants d’entreprise, décideurs politiques et célébrités se sont réunis, prétendument pour discuter du thème «Créer un avenir partagé dans un monde fracturé».

Le rassemblement est éclipsé par la fracturation accélérée de l’ordre capitaliste mondial, qui se manifeste par la montée d’inégalités sans précédent dans tous les pays, une forte montée de la guerre commerciale et la menace toujours plus immédiate d’une explosion de conflit armé, y compris nucléaire, entre les grandes puissances.

Les nantis de Davos, que paient 55 000$ chacun le droit d’entrée, est protégé par une petite armée de 4.000 soldats suisses, 1.000 policiers, et une zone d’exclusion aérienne. Les manifestations ont été interdites dans le village, sous prétexte de chutes de neige, mais des milliers de personnes ont manifesté mardi à Zurich, la capitale financière suisse, contre le FEM et, en particulier, la présence cette année du président américain Donald Trump. Les manifestants portaient des pancartes qui disaient: «Trump – Vous n’êtes pas le bienvenu», «Vous êtes une personne merdiquee» et «A bas le FEM».

Ce rassemblement de PDG milliardaires, de banquiers et de gestionnaires de fonds spéculatifs incarne la «fracture» sociale à laquelle les organisateurs de Davos prétendent s’adresser. Il commence à peine deux jours après que l’association Oxfam a publié son rapport annuel sur les inégalités, révélant le fait que 82 pour cent de la croissance mondiale des richesses en 2017 a été accaparé par le 1 pour cent le plus riche; la moitié inférieure de l’humanité, à savoir 3,8 milliards de personnes, n’en a rien eu du tout.

Trump, l’incarnation même de la crise, sera le premier président américain à assister au sommet mondial depuis l’an 2000. Il rencontrera les PDG mondiaux jeudi soir et présentera son programme «l’Amérique d’abord» au forum lors de sa dernière session vendredi.

Trump vient d’imposer aux Chinois et Sud-coréens des taxes à l’importation de 50 pourcent sur les machines à laver et de 30 pourcent sur les panneaux solaires, invoquant une loi obscure qui viserait à protéger les fabricants nationaux contre les «atteintes graves». Des responsables américains ont déclaré que Trump réalisait ses promesses de campagne pour protéger les «travailleurs américains». En réalité, même l’industrie solaire prévoit que son effet net sera la perte de plus de 23.000 emplois.

Le ministère chinois du Commerce a exprimé son «fort mécontentement» et a averti que la Chine «défendra résolument ses intérêts légitimes». Il y a de plus en plus de rumeurs selon lesquelles Trump pourrait en rajouter avec des mesures protectionnistes plus conséquentes visant l’acier et l’aluminium, déclenchant ainsi une guerre commerciale à grande échelle aux conséquences imprévisibles pour l’économie mondiale.

Le Premier ministre indien, Narendra Modi, a prononcé le discours d’ouverture devant le FEM pour avertir que «Les forces de protectionnisme se dressent contre la mondialisation. C’est comme si le contraire de la mondialisation se produisait.»

Ll était évident que, sans nommer Trump, Modi dirigeait ses remarques principalement contre l’administration américaine. « L’impact négatif d’un tel état d’esprit ne peut être considéré comme moins dangereux que le changement climatique ou le terrorisme », a-t-il déclaré.

On a beaucoup parlé de la prétendue contradiction entre le nationalisme économique de Trump et la prétendue idéologie mondialiste de Davos, sur fond de prédictions d’une confrontation entre le président américain et ses homologues européens, notamment la chancelière allemande Angela Merkel et le président français Emmanuel Macron.

En réalité, Merkel et Macron auront quitté Davos avant même que Trump n’arrive. De plus, leurs gouvernements poursuivent également des intérêts nationaux alors que s’effondre le système de relations commerciales mis en place après la Deuxième Guerre mondiale sous l’égide de la domination incontestée de l’impérialisme américain.

La source de cette rupture ne se trouve pas dans les diatribes démagogiques de Donald Trump, mais dans les contradictions insolubles du système capitaliste, où chaque pays mène une lutte impitoyable contre tous les autres pour les profits et les parts de marchés. Cela crée le même genre de tensions et de conflits qui ont ouvert la voie à la Seconde Guerre mondiale.

Le Wall Street Journal et CNN ont publié mardi des interviews avec des chefs d’entreprises et PDG financiers à Davos faisant l’éloge de Trump pour ses récentes réductions d’impôt sur les sociétés et les riches et pour sa déréglementation sans précédent des activités des entreprises.

Le PDG de Citigroup, Michael Corbat, a déclaré à CNN que les réductions d’impôts seraient peut-être «le catalyseur qui nous transporte de l’optimisme à la confiance.»

«Il y a un optimisme extrême», a déclaré Sir Michael Sorrell, directeur général du groupe publicitaire WPP PLC. «La différence psychologique – quoi que vous en pensez de Trump – qu’il a apportée est remarquable […] Cela a amélioré déjà la psychologie (des cadres). »

Leur «optimisme» et leur «psychologie» sont motivés par les prévisions que l’immense croissance de leurs fortunes personnelles – qui continue depuis le krach de 2008, alimentée par les crédits gratuits versés par les banques centrales mondiales et les mesures d’austérité radicales imposées à la population mondiale – va à nouveau s’accélérer.

D’autres opinions moins optimistes se faisaient entendre, aussi, à l’ouverture du FEM. Axel Weber, président du géant bancaire suisse UBS et ex-président de la banque centrale allemande, a dit: «On voit que les pressions inflationnistes sont largement ignorées. On commence à voir les écarts de production se resserrer, plus de pressions salariales et sur les conditions de travail (…) L’inflation pourrait réapparaître comme une surprise cette année.»

Ces craintes sur une «pression salariale» est fondée. Les éléments les plus conscients au sein de la classe dirigeante capitaliste prévoient une croissance explosive de la lutte des classes, qui a déjà trouvé son expression dans les premières semaines de la nouvelle année au travers les bouleversements de masse en Iran et en Tunisie, ainsi que la grève sauvage des travailleurs de Ford en Roumanie et les débrayages des métallos en Allemagne.

Une discussion télévisée entre des PDG lors du premier jour du sommet de Davos a témoigné d’expressions d’inquiétude similaires.

«Cela ressemble à nouveau à 2006», a déclaré le PDG de Barclays, Jes Staley, qui a insisté sur le fait que le prochain krach ne partira pas des banques.

David Rubenstein, cofondateur du Carlyle Group, une firme mondiale d’investissement privée basée à Washington, a mis en garde contre l’exubérance de la bourse. «D’habite, c’est lorsque les gens sont heureux et optimistes que quelque chose de grave se produit.» Il a mis en garde que «des cygnes noirs», des événements imprévus, dont les conflits géopolitiques mondiaux, pourraient plonger le monde dans la crise.

C’est ce qui se passe, alors que se déroulent les conférences et les soirées somptueuses à Davos.

En Syrie, l’invasion turque de l’enclave kurde d’Afrin a soulevé le spectre d’une confrontation armée entre deux alliés de l’OTAN, car Ankara cherche à écraser les forces kurdes syriennes qui ont servi de principale force par procuration pour l’intervention de Washington en Syrie.

Le New York Times a averti mardi que l’invasion «oppose directement sur le champ de bataille les intérêts» des Etats-Unis à ceux de la Turquie. Le journal a cité un analyste de sécurité selon lequel Washington est face au choix entre «une autre trahison par les Etats-Unis d’un des rares groupes qui ont soutenu et aidé les États-Unis en Syrie et en Irak, et le risque d’un conflit indirect ou même direct avec la Turquie, qui est membre de l’Otan».

La confrontation en Syrie fait suite à une série de documents publiés par Washington – la Stratégie de sécurité nationale, la Revue de la politique nucléaire et la Stratégie de défense nationale – qui décrivent comment l’impérialisme américain se prépare ouvertement à présent à des affrontements militaires, et même nucléaires, avec la Russie et la Chine.

Le secrétaire d’Etat américain Rex Tillerson a publié mardi une déclaration accusant la Russie d’être responsable d’une attaque chimique en Syrie, signalant l’intention de Washington de déplacer la crise de ses relations avec la Turquie sur le terrain d’une confrontation avec la Russie dans un pays où Washington et Moscou ont tous deux des forces militaires.

C’est cela la réalité inquiétante qui mine «l’optimisme» des milliardaires et multimillionnaires réunis à Davos.

Bill Van Auken

 

A lire aussi :

« Fractures, Peurs et Echecs »; Les élites dirigeantes du monde plongent leur regard dans l’abîme

[18 janvier 2018]

Photo: Bloomberg Photo By Simon Dawson. Source : sfgate.com

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Le soufisme : Une spiritualité de l’apaisement

janvier 26th, 2018 by Chems Eddine Chitour

« Plusieurs chemins mènent à Dieu, j’ai choisi celui de la danse et de la musique. » « Dans les cadences de la musique est caché un secret ; si je le révélais, il bouleverserait le monde. » « Recherche sans relâche le royaume d’Amour Car l’amour te permet d’évincer la mort. » « Purifie-toi de ton moi pour revivre en ta pure essence Relis dans ton coeur la parole des prophètes, sans livre ni professeur, ni suivi de maître. » Djallal Eddine Roumi

Chaque décembre, Konya organise dix journées de célébrations pour commémorer la mort, le 17 décembre 1273 dans cette ville du centre de la Turquie, de Jalal al-Din Roumi soufi du XIIIe siècle, dont les adeptes fondèrent la confrérie des derviches tourneurs, appelés ainsi d’une danse giratoire proche de la transe. Au cours d’une « sema » organisée à l’occasion du 744e anniversaire de la mort de Roumi, le 17 décembre dernier le public assiste, ému, au ballet des derviches tourneurs, symbolisant notamment le mouvement des planètes, sur fond de musique soufie résonnant dans l’immense Centre des congrès de Konya.

De ce fait nous proposons dans cette contribution de donner un éclairage sur le soufisme, qui a vu l’avènement de personnalités hors du commun qui ont marqué leur époque et sont plus que jamais d’actualité. Sans avoir la prétention de décrire, d’une façon profonde, la force du soufisme, nous allons donner quelques exemples de soufis célèbres et comment chacun a trouvé sa voie (tariqah). A côté de Rabi’ate al Addouya, à qui on attribue la paternité du soufisme, il nous plaît de citer et sans être exhaustif, Djallal Eddine Roumi, pour qui la musique était un vecteur qui amenait à cet état de « Fana » (extinction du corps).

On raconte qu’en passant dans le bazar, il entendit le son des artisans tapant sur les plateaux de cuivre, il fut pris d’un tourbillon, il voyait les astres tourner, il se mit à tourner autour de lui-même comme les astres, donnant par la suite, à l’émergence des derviches tourneurs Leur ronde symboliserait celle des planètes autour du soleil et autour d’elles-mêmes. On ressent ici la perception de s’unir au cosmos car le soufi sait qu’il est identique à lui.

Qu’est-ce que le soufisme ?

Le soufisme, écrit le Dr Nurbakhsh, est l’école de l’illumination intérieure. Le but du soufisme est la connaissance de la Vérité par une prise de conscience réelle du coeur et de l’esprit à travers l’illumination intérieure ; et non par l’intermédiaire de théories et de raisonnements philosophiques ou rationnels. La méthode du soufisme est l’intention et la détermination d’aller vers la Vérité par les moyens de l’amour et de la dévotion. Cette pratique a pour nom la tariqah, la voie spirituelle ou le chemin vers Dieu ».(2)

Le soufi est l’amoureux de la Vérité ; c’est celui qui, par les moyens de l’amour et de la dévotion, va vers la Perfection dont tout le monde réellement est en quête. Comme le nécessite la jalousie de l’amour, le soufi est détaché de tout à l’exception de la Vérité Réelle. Pour cette raison, il est dit dans le soufisme que, « ceux qui sont intéressés par l’au-delà ne peuvent pas donner d’importance au monde matériel. De la même façon, ceux qui sont préoccupés par le monde matériel ne peuvent pas être intéressés par l’au-delà. Mais le soufi (à cause de la jalousie de l’amour) est incapable de s’occuper de l’un ou de l’autre de ces deux mondes. Cette même idée est exprimée par Shebli qui disait « Celui qui meurt pour l’amour du monde matériel, meurt en hypocrite : Celui qui meurt pour l’amour de l’au-delà meurt en ascète. Mais celui qui meurt pour l’amour de la Vérité, meurt en soufi. »(2)

La parabole de l’éléphant

« Pour le soufi, poursuit le Dr Nurbakhsh, les sages ne voient la perfection de l’Absolu que d’un point de vue limité ; aussi ils ne voient qu’une partie de l’Absolu et non l’infini dans sa globalité. Il est en fait vrai que ce que les sages voient est juste ; néanmoins ils ne voient qu’une partie de l’ensemble. Ceci rappelle la fameuse histoire, contée par Roumi, à propos d’un groupe d’hindous qui n’avaient jamais vu un éléphant de leur vie. Un jour, ils vinrent dans un lieu où se trouvait un éléphant. Dans l’obscurité complète, ils s’approchèrent de l’animal, chacun le définissant à sa manière. Plus tard, ils décrivirent ce qu’ils pensaient avoir perçu. Naturellement, leurs descriptions étaient différentes. Ceux qui avaient touché le pied de l’animal prétendaient qu’il était une colonne. D’autres le jugeaient d’après son oreille, semblable à un éventail, quelques-uns le jugeaient à sa trompe, et ainsi de suite. Chacune des descriptions, par rapport aux différentes parties que chacun avait touchée, était correcte. Cependant, quand il s’agissait de décrire correctement l’ensemble, leur conception était loin de la réalité. S’ils avaient eu une chandelle, les divergences d’opinion n’auraient pas émergé. La lumière de la chandelle aurait révélé la nature de l’éléphant. C’est seulement par la lumière de la Voie spirituelle et la Voie mystique que la Vérité peut réellement se réaliser. Pour que l’individu soit réellement témoin de la perfection de l’Absolu, il doit voir avec la vue intérieure qui perçoit la réalité dans sa globalité. Ce témoignage se manifeste quand on devient parfait, c’est-à-dire quand on perd son existence partielle dans le Global.

(…)

« Pour pouvoir aller vers la perfection, l’individu doit d’abord changer sa façon négative de penser et transmuer ses passions et sa peur. Cela s’accomplit en s’harmonisant avec la nature divine. Cette voie d’harmonie (la voie spirituelle) est composée de pauvreté spirituelle, de dévotion, et du souvenir constant et désintéressé de Dieu. De cette manière, l’individu vient à percevoir la Vérité telle qu’elle est vraiment. (…) Dans le soufisme, c’est au moyen de la tariqah (la voie spirituelle) que les passions sont progressivement purifiées et transformées en attributs divins, jusqu’a ce que tout ce qui est propre au moi individuel disparaisse. Alors, tout ce qui reste est le Parfait, le moi divin. La tariqah est le chemin, la voie par laquelle le soufi vient en harmonie avec la nature divine. Comme nous l’avons dit, cette voie comprend le « faqr » ou la pauvreté spirituelle, la dévotion et le souvenir continuel et désintéressé de Dieu, qui sont représentés par le Khirqa ou l’investiture honorifique du derviche. Le disciple à travers ces étapes de la purification, voyage à travers la voie intérieure, la Voie spirituelle (tariqah). Mais il (ou elle) peut faire ce voyage seulement en suivant les devoirs et obligations de l’Islam (Shari’a). Après avoir traversé cette voie, le disciple devient un homme parfait et arrive au seuil de la Vérité (haquiqah).Mohammed disait : « La Shari’a forme ma parole, la Tariqa constitue ma pratique, et la haquiqah n’est que mon état » ».(2)

L’écorce et le noyau (el-qishr oua el-lobb)

Le grand Maitre maghrébin « Chikh al Akbar », Ibn ‘Arabi né à Murcie dans l’Espagne musulmane d’alors , ne dit pas autre chose quand il parle d’écorce et de noyau. René Guénon nous en parle :

« Ce titre[ l’écorce et le noyau], qui est celui d’un des nombreux traités de Seyidi Mohyiddin ibn Arabi, exprime sous une forme symbolique les rapports de l’exotérisme et de l’ésotérisme, comparés respectivement à l’enveloppe d’un fruit et à sa partie intérieure, pulpe ou amande. L’enveloppe ou l’écorce (el-qishr) c’est la shari’â, c’est-à-dire la loi religieuse extérieure, qui s’adresse à tous et qui est faite pour être suivie par tous, comme l’indique d’ailleurs, le sens de « grande route » qui s’attache à la dérivation de son nom. Le noyau (el-lobb), c’est la haqîqah, c’est-à-dire la vérité ou la réalité essentielle, qui, au contraire de la shariyâh, n’est pas à la portée de tous, mais est réservée à ceux qui savent la découvrir sous les apparences et l’atteindre à travers les formes extérieures qui la recouvrent, la protégeant et la dissimulant tout à la fois. (…) » (3)

« On peut dire que la shariyah, la « grande route » parcourue par tous les êtres, n’est pas autre chose que ce que la tradition extrême-orientale appelle le « courant des formes », tandis que la haqîqah, la vérité une et immuable, réside dans l’ « invariable milieu ». Pour passer de l’une à l’autre, donc de la circonférence au centre, c’est-à-dire le « sentier », la voie étroite qui n’est suivie que par un petit nombre. Il y a d’ailleurs, une multitude de turuq, de voies qui sont toutes les rayons de la circonférence pris dans le sens centripète, puisqu’il s’agit de partir de la multiplicité du manifesté pour aller à l’unité principielle : chaque tarîqah, partant d’un certain point ; mais toutes, quel que soit leur point de départ, tendent pareillement vers un point unique, toutes aboutissent au centre et ramènent ainsi les êtres qui les suivent à l’essentielle simplicité de l’« état primordial ».(3)

« Seulement, poursuit René Guénon,, c’est ici que l’écorce s’interpose et cache tout ce qui se trouve à l’intérieur, tandis que celui qui l’aura percée, prenant par-là même conscience du rayon correspondant à sa propre position sur la circonférence, sera affranchi de la rotation indéfinie de celle-ci et n’aura qu’à suivre ce rayon pour aller vers le centre ; ce rayon est la tarîqah par laquelle, parti de la sharîyah, il parviendra à la haqîqah. C’est pourquoi Allah, de même qu’il est le « Premier et le Dernier » (El-Awwal wa El-Akher), est aussi « l’Extérieur et l’Intérieur » (Ez-Zaher wa El-Baten) (l’apparent et le caché), car rien de ce qui est ne saurait être hors de Lui, et en Lui seul, est contenue toute réalité, parce qu’ Il est Lui-même la Réalité absolue, la Vérité totale : Huwa El-Haqq ».(3)

 Le soufisme et son ascendant en Europe

Pendant près de huit siècles, la civilisation musulmane a illuminé l’Europe dans l’Italie du Sud et surtout en Andalousie et pendant quelques décennies dans le sud-ouest de la France. Eric Geoffroy Younès a fait l’inventaire de ces acculturations depuis le haut Moyen-âge. Il écrit :

« La mystique juive médiévale, témoigne d’une imprégnation profonde – et avouée – par le tasawwuf, au Moyen-Orient, en Espagne musulmane, et jusqu’en Catalogne et en Provence. L’influence supputée du soufisme sur sainte Thérèse d’Avila et saint Jean de la Croix aurait cheminé via les mystiques juifs espagnols. Par ailleurs, les sciences occultes telles que l’alchimie, l’astrologie ou l’arithmologie doivent beaucoup au monde de l’Islam, mais elles ne sauraient être identifiées à la discipline du tasawwuf ».(4)

« Une des seules traces tangibles de la présence du soufisme en France à l’époque médiévale, poursuit Eric Geoffroy Younès, provient d’un proche du roi Saint Louis, son chroniqueur et ami Joinville (m. 1317). Celui-ci cite le Dominicain Yves Le Breton, arabisant, qui avait rencontré à Acre au XIIIe siècle une femme tenant le même langage sur l’amour divin que Râbia Adawiyya (m. 801), la sainte musulmane la plus renommée en terre d’Islam. (…) Elle suscite l’admiration des partisans du Pur Amour : il faut aimer Dieu ni par désir de Son paradis ni par crainte de Son enfer. Les « soufis » contemporains reconnaissent également une dette à l’égard de religieux chrétiens qui ont présenté des pans majeurs du patrimoine soufi…Certains chercheurs ont conjoint domaine d’étude et orientation spirituelle en pratiquant l’islam soufi, tel Eva de Vitray-Meyerovitch (m. 1998) et Michel Chodkiewicz. (…) René Guénon est le principal artisan de la pénétration du soufisme en France au XXe siècle. Sa pratique islamique et son appartenance soufie ont pourtant été marquées du sceau de la discrétion, mais son oeuvre ainsi que la correspondance qu’il a entretenue avec beaucoup de « chercheurs de vérité », a déterminé l’entrée dans la Voie de nombreux Français ; ceux-ci seront souvent affiliés à la même voie-mère que Guénon, la Shâdhiliyya, qui a généralement incarné un soufisme sobre et lettré. Le « cheikh « Abd al-Wâhid Yahia », tel qu’il est connu en milieu musulman, établi au Caire en 1930 et décédé en 1951, continue d’exercer une influence singulière en Occident et dans quelques cercles en terre d’Islam ».(4)

S’agissant justement de l’étude du soufisme, on peut évoquer, lit-on sur le site soufisme.org, l’enseignement des Naqchabandi principalement en Asie, des derviches tourneurs en Anatolie et en Europe balkanique, des Qadiri et des Chadilites majoritairement dans le Maghreb et au Proche-Orient et des Tijani en Afrique. Ces différentes voies se sont répandues depuis le Moyen Âge au sein de confréries (tariqas) dans lesquelles le disciple effectue un travail de transformation intérieure sous la guidance d’un maître vivant réalisé. De nombreux ouvrages de soufis illustres ont été traduits, principalement en anglais et en français, si bien que des auteurs tels qu’Ibn Arabî, Ghazali ou Rûmi peuvent être appréciés par un public de plus en plus large. Il n’est pas inutile de rappeler que, durant le dernier millénaire, une partie de l’Europe méditerranéenne n’a pas toujours été majoritairement chrétienne. L’Espagne et l’Italie du Sud ont été administrées pendant plusieurs siècles par les musulmans. Cette présence a notamment pu favoriser le développement de voies soufies dont un de ses plus illustres représentants fut Mouyiddin Ibn Arabî, né à Murcie en 1165. »(5)

« Une homonymie remarquable concerne l’utilisation du mot « pauvre ». Ce mot désigne à la fois les disciples (i poveri) de saint François d’Assise (1182-1226) et les aspirants d’une voie soufie (foqaras en arabe). La doctrine de saint François d’Assise présente beaucoup de similitudes avec l’enseignement propre aux voies soufies. Une entrevue datée de 1219 est restée célèbre entre saint François d’Assise et le sultan al-Mâlik al Kâmil assisté du soufi Fakhr ad din Farisi. On ne connaît pas les propos qui furent échangés à cette occasion, mais on sait que l’entretien dura plusieurs jours et qu’il s’acheva par de chaleureuses salutations réciproques ». Un écrivain qui s’inspira des écrits soufis fut Dante Alighieri (1265-1321) et son oeuvre maîtresse « La divine comédie ». Cette oeuvre décrit le voyage symbolique de Dante à travers l’Enfer, le Purgatoire, et le Paradis. Sa symbolique reprend très fidèlement les notions développées par les poètes soufis. En particulier, de nombreuses correspondances avec le « Livre du Voyage nocturne » de Ibn Arabi, écrit un siècle plus tôt, et qui montre la descente aux enfers puis l’ascension à travers les différents cieux, accomplie par le Prophète de l’Islam (Qsssl), ont pu être établies. Il est en effet possible que Dante ait pu prendre connaissance des diverses traductions du « Livre de l’échelle » (Kitab al mir’aj) qui ont circulé au XIIIe siècle à la cour de Alphonse X le Sage, successivement en castillan, en latin et en français ».(5)

« Plus près de nous, lit-on en conclusion, l’Emir Abdelkader (1808-1883) fut surtout célèbre pour son rôle de résistant face à la conquête de l’Algérie par la France et il s’illustra, notamment par sa bravoure et son esprit chevaleresque. Son rattachement dès le plus jeune âge à une voie soufie et la richesse inépuisable de ses « Ecrits spirituels » attestent la grande dimension spirituelle de ce combattant-écrivain hors du commun. Lorsque quelques années plus tard, alors qu’il avait trouvé refuge à Damas, il protégea des milliers de chrétiens qui risquaient d’être massacrés au cours d’un conflit. (…) En fait, à travers chacun de ses actes, l’Emir mettait en pratique l’enseignement qu’il avait reçu et son action dans le monde était le prolongement naturel de la contemplation de l’Unique ».(5)

En conclusion, le soufisme, à travers ses différentes voies spirituelles, se présente avant tout comme un support de méditation et il a rarement eu une implication visible dans des phénomènes de société. La méditation transcendantale du soufisme devrait être pour nous un repère  «De nos jours, écrit Eric Geoffroy, l’absence de sens, le nihilisme atteignent l’Occident comme l’Orient, en manifestant des symptômes contradictoires, mais solidaires. En Occident, ils ont produit de l’errance morale; en Orient, le complexe de l’humilié et la culture du ressentiment. Dans les deux cas, le ciel de la spiritualité a été refermé. (…) Dans ce contexte de désagrégation des repères comment maintenir un espace intérieur non altéré? Il semble que seule la spiritualité puisse vivifier l’enseignement islamique, selon lequel la sacralité réside, non pas dans un temple, mais en l’homme. Le cosmos lui-même n’a pas la capacité d’accueillir la Présence comme peut le faire l’homme (…) Plus que jamais, avec la mondialisation, la Terre entière devient une «mosquée pure» – comme l’indiquait le Prophète – en dépit de sa pollution matérielle.(6)

La civilisation de l’éphémère du XXe siècle née dans l’enthousiasme et saluée comme l’aube d’un nouvel âge d’or s’est achevée dans le désabusement convaincu d’avoir apporté le crime et la misère aux trois quarts de la planète, ainsi que le désespoir aux générations futures. Le XXIe siècle ne donne pas non plus des signes de répit à l’anomie du monde. Les sociétés occidentales sont minées de l’intérieur, par des contradictions insurmontables, une absence complète de repères. (7)

L’Occident malade de la croissance, mortellement atteint pour avoir fait de l’homme un agent géologique qui ne cesse d’accélérer le désordre est contagieux. Les sociétés musulmanes devant le vide sidéral proposé par leurs gouvernants se jettent à corps perdu dans cette civilisation de l’éphémère qui déconstruit à tour de bras ce que les sociétés humaines ont mis des milliers d’années et qui risquent de s’évaporer sous les coups de boutoir du culte de l’argent ;

Ce money-théisme qui lamine les espérances les repères identitaires pourvu qu’il y ait une extraction de la valeur, l’homme étant devenu un produit marchand, il n’est plus jugée à l’aune de la dignité humaine mais à sa valeur sociale dans la nouvelle échelle qui permet à Donald Trump de traiter des sociétés humaines nés du mauvais côté de l’histoire de pays de m… Comment lutter contre cet ensauvagement des sociétés humaines? Nous avons plus que jamais besoin de transcendance pour sauver le monde, nous avons besoin de repères, nous avons besoin de vivre en harmonie envers nous même, envers les autres. Envers la nature.. Nous serons alors en paix avec nous même. Le soufisme qui est une forme de mysticisme invite le musulman et plus globalement le croyant à une introspection où tout ce qui est matériel et qui peut le distraire disparait et lui permet ce faisant de renouer avec la finalité de et l’essence même de sa place dans le schéma de la création . C’est à ce   questionnement que le soufisme bien compris nous invite.

Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique Alger

 

Notes

1.Chems Eddine Chitour : L’Apport de l’Islam à l’humanité. L’Expression du 4 août 2011

2.Dr Nurbakhsh http://www.journalsoufi.com/soufisme 26.07.2001

3.Textes de René Guénon : Shaykh Abd el Wahîd Yahia Notes : Le Voile d’Isis, 03 193.p. 145 http://www.naqshbandi.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=15&Itemid=30

4.Eric Geoffroy : Le soufisme et la France Oumma.com 21 juillet 2011

5.Traces de soufisme en Europe occidentalehttp://www.soufisme.org/site/spip.p…

6 Éric Geoffroy http://www.saphirnews. com/Spiritualite-et-mondialisation_a10969.html

7.http://www.alterinfo.net/LE-SOUFISME-EN-ISLAM-Un-chemin-vers-Dieu_a62256.html

 

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Au cours des deux dernières semaines, le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, a annoncé son intention de réduire la quantité de nouvelles présentées aux utilisateurs de Facebook et de s’assurer que les nouvelles proviennent de sources contrôlées, afin de censurer le plus grand réseau social au monde.

Alors même qu’il déploie progressivement de nouvelles «fonctionnalités» sur son produit afin d’empêcher les utilisateurs de communiquer librement, Facebook plaide publiquement en faveur de la limitation de la liberté d’expression en ligne.

Les derniers exemples sont donnés par deux articles sur le blogue d’entreprise de Facebook par Samidh Chakrabarti, responsable produit pour l’engagement civique, et Cass R. Sunstein, professeure à la Harvard Law School et ancienne fonctionnaire de l’administration Obama. Dans un langage mielleux et orwellien devenu courant dans les excuses officielles couvrant la censure, les messages expliquent comment l’entreprise prévoit mettre en pratique les plans de Zuckerberg visant à limiter la liberté d’expression sur Internet.

Dans son article, Samidh Chakrabarti tente d’expliquer comment Facebook combat les «inconvénients» qu’ont les médias sociaux «pour la démocratie».

«En 2011, lorsque les médias sociaux ont joué un rôle crucial dans le printemps arabe dans des pays comme la Tunisie, ils ont été considérés comme une technologie de libération», écrit M. Chakrabarti. «Beaucoup de choses ont changé depuis.» Maintenant, lui et ses collègues de Facebook sont arrivés à la conclusion inverse: les médias sociaux «permettent aux gens de répandre de la désinformation et d’affaiblir la démocratie».

Ce changement d’avis s’est produit à la suite de la dernière élection présidentielle, qui a «mise en évidence les risques d’ingérence étrangère, de  »fausses nouvelles » et de polarisation politique», écrit-il.

Le problème qui a émergé lors des élections de 2016 est la «polarisation». Qu’est-ce que cela signifie exactement? Ce n’est pas la prétendue «polarisation» entre démocrates et républicains, qui représentent tous deux l’oligarchie corporatiste et financière (y compris Zuckerberg, qui a une valeur nette de 75 milliards de dollars). Au contraire, il est préoccupé par la montée de l’opposition sociale, alimentée par les nouvelles sur les médias sociaux sur la croissance des inégalités sociales, la brutalité de l’État, la criminalité de ses guerres et la corruption des élus.

Parmi les différentes formes de «fausses nouvelles» qui ont conduit à sa défaite électorale en 2016, Hillary Clinton a cité en premier lieu les transcriptions de ses discours devant Goldman Sachs. En d’autres termes, les «fausses nouvelles» dénoncées par le Parti démocrate et les géants des médias sociaux sont, en fait, de «vraies nouvelles».

C’est précisément pour empêcher la diffusion de «vraies nouvelles» que Facebook utilise, en utilisant le langage orwellien, des «vérificateurs de faits» pour signaler les histoires et les opinions à supprimer. «Une fois qu’elles sont identifiées, écrit Chakrabarti, nous nous efforçons de limiter la distribution de ces histoires sur Facebook».

Ces vérificateurs de faits tiers comprendront des organes de presse contrôlés par la CIA comme le New York Times, travaillant de concert avec les agences de renseignement américaines et leur armée de groupes de réflexion.

Dans sa publication sur le blogue, Cass R. Sunstein déclare que la pire chose que les entreprises de médias sociaux peuvent faire est de permettre à leurs utilisateurs de trouver l’information qu’ils recherchent. Il écrit:

«Il y a un peu plus d’un an, un article important de Facebook disait: « Le but du fil de nouvelles est de montrer aux gens les histoires qui les concernent le plus ». Il a attiré l’attention sur les «valeurs fondamentales» de Facebook, qui nécessitent de mettre l’accent sur «quel contenu est le plus important pour vous».

«Vraiment? J’espère que non, du point de vue de la démocratie, c’est un cauchemar».

Sunstein met en garde contre le «dangereux» problème de la «polarisation de groupe – qui s’installe lorsque des gens partageant les mêmes idées se parlent et finissent par penser à une version extrême de ce qu’ils pensaient avant de commencer à parler.»

Il prévient: «Sans expériences partagées … Les gens pourraient se voir comme des … ennemis». Pour éviter cela, «les expériences communes rendues possibles par les médias sociaux fournissent une forme de lien social».

En d’autres termes, si les 150 millions de personnes qui ont autant de richesses que les trois plus riches personnes des États-Unis se réunissent et commencent à parler, ils pourraient conclure qu’ils ont un intérêt social commun et commencer à voir ces trois personnes comme leurs «ennemis».

Afin d’empêcher cette réalisation parfaitement naturelle, les entreprises technologiques doivent travailler à façonner l’opinion, mais en secret. «Quand vous montrez aux gens des points de vue qui confrontent les leurs et que vous les étiquetez comme étant du côté opposé, cela fait en sorte que les gens creusent encore plus», conclut-il. Sunstein fait valoir que Facebook devrait travailler à orienter les opinions politiques de ses utilisateurs, sans toutefois les informer.

Le régime de censure de Facebook fait partie d’une campagne menée par toutes les grandes entreprises technologiques, y compris Twitter et Google, pour limiter la liberté d’expression.

Dépouillé du terme à la mode de «médias sociaux», ce que Chakrabarti et Sunstein attaquent vraiment, c’est la liberté d’expression. Au milieu des plus grandes inégalités sociales depuis plus d’un siècle, alors que les États-Unis se préparent à entrer en guerre contre de «grandes puissances», impliquant potentiellement des armes nucléaires, l’élite dirigeante cherche à utiliser le monopole des géants des médias sociaux pour créer une société totalitaire, dans laquelle «l’unité nationale» est créée de force par la suppression de la liberté de parole et par efforts manifestes pour disséminer la propagande d’État.

Le World Socialist Web Site cherche à combattre cette poussée vers la dictature. Nous incitons nos lecteurs à visionner notre webinaire, «Organiser la résistance à la censure d’Internet (en anglais)», à lire la lettre ouverte du comité éditorial international du WSWS, «Pour une coalition internationale contre la censure d’Internet», et à nous contacter pour joindre cette lutte.

Andre Damon

 

 

Article paru en anglais, WSWS, le 24 janvier 2018

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Un thème intéressant concernant la Syrie est l’implication de la République populaire de Chine dans le conflit. Alors que l’assistance diplomatique et économique de la Chine a été constante, sa contribution militaire à la Syrie est moins connue. Il est important pour la Chine et la Russie de contenir et de vaincre le phénomène terroriste au Moyen-Orient, ainsi que de déjouer les stratèges de l’État profond américain qui ne cessent d’employer le djihadisme comme arme pour déstabiliser les projets d’intégration en Eurasie.

Le Djihad international, sous la direction économique et stratégique des États-Unis, a recruté des dizaines de milliers de terroristes au fil des ans et les a envoyés en Syrie. Parmi ceux-ci, un nombre significatif vient du groupe ethnique ouïghour, situé dans la province chinoise autonome du Xinjiang, en particulier de la ville de Kashgar, géographiquement située à l’extrême ouest et proche des frontières du Kirghizistan et du Tadjikistan.

L’emploi de minorités ethniques et religieuses pour déstabiliser la majorité d’une population donnée a été un artifice ancien sur lequel s’appuyaient à maintes reprises de grandes puissances. Nous nous souvenons ainsi de l’utilisation de l’islam radical en Tchétchénie pour frapper la Fédération de Russie sur son « ventre mou »dans le sud-ouest du pays. Deux guerres et des attaques terroristes répétées montrent que la zone n’a pas encore été totalement pacifiée. Les wahhabites, une minorité sunnite (anti-)islamique, se sont révélés être l’étincelle parfaite pour enflammer les tensions entre chiites et sunnites dans la région du Moyen-Orient et au-delà. Le cas des extrémistes islamistes ouïghours au Xinjiang ne fait pas exception, et le gouvernement central chinois est bien conscient du danger potentiel d’un soulèvement interne ou d’un sabotage ciblé dans la région.

Il n’est pas surprenant que les mesures de sécurité aient été renforcées dans la région, avec des exercices contre les attaques terroristes et les émeutes menées par la police et les groupes paramilitaires. Pékin ne sous-estime pas le danger que représentent les populations susceptibles d’être manipulées par des étrangers.

Alors que le soutien économique aux séparatistes islamistes ouïghours provient plus probablement de la Turquie que de l’Arabie saoudite – pour des raisons historiques – il convient de souligner l’attitude très proactive de la Chine face à ce problème. En plus de renforcer la sécurité intérieure et d’avoir une politique de tolérance zéro vis-à-vis de ces idéologies extrémistes, Pékin contribue depuis 2011, économiquement et diplomatiquement, à la guerre syrienne contre les djihadistes.

Les estimations officielles situent à environ 5 000 le nombre de terroristes ouïghours chinois en Syrie, et la stratégie de Pékin reflète celle déjà mise en œuvre dans la Fédération de Russie. Plutôt que d’attendre que les tueurs hautement qualifiés retournent chez eux, mieux vaut affronter le danger dans un pays étranger, gagnant ainsi un avantage stratégique et tactique par rapport à ceux qui financent et manipulent la terreur, c’est-à-dire l’appareil de l’État profond américain.

Jusqu’à présent, il y a eu un soutien continu au gouvernement syrien venant de Pékin, à la fois économique et diplomatique. Cependant, la rumeur au cours des dernières semaines veut que les forces spéciales chinoises et les vétérans de la guerre seront déployés en Syrie pour éliminer la menace islamiste qui souffle sur la frontière ouest de la Chine.

Comme toujours, quand Pékin décide de bouger, il le fait sous le radar, avec une extrême prudence, surtout militairement. Les stratèges militaires chinois ont non seulement l’intention d’agir de manière préventive contre la déstabilisation interne, mais aussi de réagir de manière asymétrique à l’implication américaine dans la mer de Chine méridionale et dans d’autres zones situées dans la sphère d’influence de la Chine. L’intervention des troupes chinoises au Moyen-Orient (quoique en nombre limité) signalerait un changement d’époque dans la région, un changement qui a été entamé par le trio saoudo-israélo-américain dans un effort pour utiliser le chaos contrôlé, par le biais du terrorisme islamiste, mais qui se trouve être un chaos qu’ils sont incapables de gérer.

Prévenir la propagation du terrorisme en Asie, et plus généralement en Eurasie, est naturellement un objectif important pour la Russie et la Chine, en particulier en vue de projets d’infrastructure ambitieux comme l’Initiative ceinture et route (BRI) : les Routes de la soie. Une grande partie du succès de ce projet dépendra de la capacité du gouvernement chinois et de ses partenaires (le Pakistan, l’Afghanistan et la Turquie en particulier) d’empêcher la déstabilisation attisée par les tensions ethniques et religieuses le long de la route, comme au Pakistan.

L’incursion de la Chine en Syrie impliquera quelques unités des forces spéciales, d’une part l’Unité des forces spéciales de la Région militaire de Shenyang, connue sous le nom de « Tigres de Sibérie », et d’autre part l’Unité des forces spéciales de la région militaire de Lanzhou, connue sous le nom de « Tigres de la nuit ». Ces unités auront des responsabilités de conseil, d’entraînement et de reconnaissance. Semblable à l’engagement russe en Syrie, la participation chinoise restera aussi cachée et limitée que possible. L’objectif chinois, à la différence du russe, concerne l’acquisition d’une expérience dans la guerre urbaine, en plus de la chasse aux djihadistes, et plus généralement, tester l’état de préparation militaire dans des conditions de guerre dont l’expérience manque à Beijing.

L’implication de la Chine en Syrie est moins évidente que celle de la Fédération de Russie. Les objectifs stratégiques des chinois sont très différents de ceux des Russes, surtout en ce qui concerne la capacité de la Russie à projeter ses forces loin de chez elle. Les Chinois et les Russes augmentent leurs capacités opérationnelles, tant en termes de défense de leurs frontières territoriales qu’en termes de capacité à projeter leur puissance, suite aux moyens accrus de leur marine de guerre et de leurs forces aérospatiales. La Syrie offre à Pékin l’occasion idéale de s’investir dans la lutte mondiale contre le terrorisme, évitant ainsi d’éventuelles insurrections dans son propre pays. En outre, il sert à envoyer un message clair à des rivaux comme les États-Unis qui pourraient avoir l’intention d’utiliser les terroristes islamiques pour déstabiliser la Chine.

Pékin est conscient de la perversité de l’emploi du terrorisme pour faire avancer les objectifs géostratégiques de ses adversaires occidentaux et n’a pas l’intention de succomber aux vagues d’attaques ou de chaos coordonnées par les puissances occidentales. Mieux vaut prévenir que guérir, la Russie et la Chine semblent avoir complètement adopté cette philosophie en décidant, de différentes manières, d’aider des alliés comme la Syrie, l’Égypte et la Libye à combattre le terrorisme.

En termes de diplomatie et d’aide économique, la contribution sino-russe pourrait être décisive pour intégrer le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord dans les grands projets en cours de développement, tels que l’initiative BRI (Routes de la soie) et l’Union eurasienne. Nous en sommes encore au stade préliminaire, même si 2018 pourrait marquer la fin des conflits majeurs dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA), avec la perspective de la reconstruction économique.

Federico Pieraccini

 

Article original en anglais :

Protecting China’s Belt and Road Initiative from US-Led Terrorism, le 9 janvier 2018

L’article a été initialement publié par Strategic Culture Fondation

Traduit par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone

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Les combats font rage dans le nord-ouest de la Syrie alors que l’opération Olive Branch (Rameau d’olivier) de la Turquie en était à son troisième jour lundi. Des troupes avançant depuis la ville d’Azaz à l’est et composées de forces spéciales turques et de miliciens islamistes de l’Armée syrienne libre soutenus par la Turquie ont ouvert un deuxième front dans leur assaut contre l’enclave kurde d’Afrin. L’objectif apparent est de chasser les forces des milices kurdes syriennes des YPG vers le sud et de les éloigner de la frontière turque. Des combats intenses ont déjà été signalés entre les forces turques qui progressent et les combattants des YPG qui tentent de garder le contrôle de deux villages au nord-ouest de la ville d’Afrin.

Ce nouveau front dans une guerre lancée il y a sept ans comme une opération de changement de régime soutenue par Washington et la Turquie, avec l’appui de l’Arabie Saoudite et des autres monarchies pétrolières du Golfe persique, menace maintenant de perturber toute la stratégie militaire de l’impérialisme américain dans la région, en plus d’exacerber des tensions déjà vives au sein de l’OTAN et entre les États-Unis et l’Europe.

Cette offensive menée contre des éléments d’une milice kurde qui a servi comme la principale force d’intervention de Washington dans son intervention en Syrie marque un nouveau creux dans les relations entre les alliés ostensibles de l’OTAN que sont les États-Unis et la Turquie. Ces rapports sont déjà très tendus depuis qu’Ankara s’est rapproché de la Russie et lui a acheté des systèmes de défense antiaériens avancés, ce qui a suscité les objections de l’OTAN, et des accusations selon lesquelles Washington aurait appuyé secrètement le coup d’État avorté mené contre le gouvernement du président Recip Tayyip Erdogan.

La Maison-Blanche a déclaré lundi que l’offensive turque «détourne l’attention des efforts internationaux requis pour assurer la défaite durable» de l’État islamique d’Irak et de Syrie (EIIS). L’EIIS étant déjà écrasé tant en Irak qu’en Syrie, ce que Washington veut vraiment dire, c’est que le geste de la Turquie perturbe les efforts des États-Unis pour affirmer leur hégémonie dans la région et y détruire l’influence de la Russie et de l’Iran.

Comme l’a indiqué clairement le Pentagone dans son document en matière de stratégie de défense nationale qu’il a publié la semaine dernière, la priorité de l’Armée américaine n’est plus la guerre contre le terrorisme, mais plutôt de se préparer aux confrontations de «grandes puissances», ce qui inclut notamment de mener la guerre contre la Russie et la Chine.

Dans sa déclaration de la Maison-Blanche, Washington exhorte la Turquie «à faire preuve de retenue dans ses mesures militaires et sa rhétorique, à s’assurer que ses opérations sont d’une portée et d’une durée limitées, à veiller à ce que l’aide humanitaire continue, et à éviter les pertes civiles.»

Cette déclaration est légèrement plus acerbe que les remarques précédentes du secrétaire d’État américain Rex Tillerson et du secrétaire à la Défense James Mattis. S’exprimant à Londres, Tillerson a également appelé à la «retenue» de la Turquie, mais il semblait aussi légitimer l’invasion turque en déclarant: «Nous reconnaissons et apprécions pleinement le droit légitime de la Turquie de protéger ses citoyens contre des éléments terroristes qui pourraient lancer des attaques contre ses citoyens turcs et son territoire depuis la Syrie.»

La profondeur de la crise actuelle a été révélée par la question d’un journaliste qui a demandé si le conflit syrien pouvait se transformer en une confrontation militaire directe entre deux membres de l’OTAN. «Je ne pense pas que vous allez voir deux alliés de l’OTAN s’affronter», a répondu Tillerson.

Dans le même sens, Mattis a déclaré que «la Turquie a des préoccupations légitimes en matière de sécurité», avant d’ajouter qu’Ankara «nous a prévenus avant de lancer un aéronef, le tout en consultation avec nous.»

L’OTAN a fait écho à la position américaine dans une déclaration qui n’a pu être publiée qu’avec l’approbation de Washington: «La Turquie est située dans une région instable et a beaucoup souffert du terrorisme. Tous les pays ont le droit de se défendre, mais il est important que cela soit fait de façon proportionnée et mesurée.»

Les responsables américains ont même cherché à prendre leurs distances vis-à-vis des forces kurdes à Afrin, affirmant que ce ne sont pas les mêmes que la milice kurde armée et soutenue par les États-Unis dans le nord-est de la Syrie. Mais cela n’est qu’un pur sophisme révélé par le fait que les dirigeants des Forces démocratiques syriennes, le groupe coordonnant la force mandatée par les États-Unis et qui est dominé par les YPG, ont discuté de l’envoi de renforts depuis l’est vers Afrin pour s’opposer à l’invasion turque.

Les appels américains à la modération ont semblé avoir peu d’effet sur le président Erdogan, qui a réagi par une déclaration foudroyante lundi à Ankara. La Turquie «ne reculera pas» dans son opération militaire à Afrin, a-t-il déclaré. Les États-Unis demandent instamment que l’opération ne dure pas trop longtemps et qu’elle soit menée dans un certain délai, a-t-il poursuivi. Je demande aux États-Unis: votre opération en Afghanistan, que vous avez lancée il y a plus de 10 ans, a-t-elle un certain délai? Quand sera-t-elle terminée? Vous êtes encore en Irak, n’est-ce pas? Est-ce que ces types d’opérations viennent avec un certain laps de temps?»

Le président turc a également déclaré que la campagne à Afrin serait étendue à Manbij, une ville syrienne située sur la rive ouest de l’Euphrate prise à l’État islamique par les milices des YPG avec l’aide des forces d’opérations spéciales américaines qui sont encore déployées dans région. Dans un discours prononcé samedi, le président turc a promis d’«anéantir le couloir de la terreur jusqu’à la frontière irakienne», et des échanges de tirs ont été rapportés lundi au-dessus de la frontière dans l’est de la Syrie.

L’objectif déclaré de la Turquie est de créer une zone tampon s’étendant sur 30 kilomètres à l’intérieur du territoire syrien. Erdogan a également parlé du retour des 3,5 millions de réfugiés syriens qui sont en Turquie dans cette zone, évoquant du coup le spectre d’une opération de nettoyage ethnique visant à expulser la population kurde.

«Il faut être idiot pour ne pas comprendre que l’objectif visé dans ce projet perfide est la Turquie,» a déclaré Erdogan à propos de l’utilisation des troupes des YPG par les États-Unis. Les Américains «ont refusé de nous vendre des armes alors que nous avons de l’argent pour payer, mais ils en donnent gratuitement à cette organisation terroriste. Pourquoi sommes-nous des partenaires stratégiques? Pourquoi sommes-nous des alliés stratégiques?»

L’offensive turque a été déclenchée par l’annonce de Washington de la création d’une force de sécurité frontalière de 30.000 hommes en Syrie pour prendre le contrôle de la frontière nord donnant sur la Turquie et de la frontière est donnant sur l’Irak, et dont le gros des troupes sera constitué des YPG.

Face aux protestations turques, Washington s’est rétracté de façon peu convaincante, affirmant ne pas mettre sur pied une force frontalière, mais de garder indéfiniment en Syrie ses troupes qui totalisent plus de 2000 militaires. La mission de cette force sera de poursuivre la guerre pour renverser le régime du gouvernement du président Bachar al-Assad et de contrer l’influence de l’Iran et de la Russie.

Le quotidien turc Hurriyet rapportait lundi que «si le secrétaire d’État américain Rex Tillerson avait donné un message plus clair de soutien à la Turquie le 17 janvier, au lendemain de sa rencontre avec le ministre turc des Affaires étrangères Çavuşoğlu, les choses auraient pu se dérouler autrement. L’indifférence apparente des États-Unis vis-à-vis des préoccupations turques en matière de sécurité a poussé Ankara à rechercher le soutien de la Russie pour agir contre ce qu’elle perçoit comme une menace existentielle.»

Moscou a également pointé les États-Unis du doigt pour le geste de la Turquie, qualifiant ce dernier de réaction au projet américain d’occupation du territoire syrien par une force frontalière dominée par les Kurdes. «Washington a activement encouragé et continue d’encourager le sentiment séparatiste parmi les Kurdes», a déclaré lundi le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. Il s’agit là d’un manque total de compréhension de la situation ou d’une provocation absolument délibérée.»

Erdogan a pour sa part déclaré que le gouvernement turc a parlé de l’offensive avec «nos amis russes» avec lesquels «nous avons un accord».

Sans confirmer l’existence d’un tel accord, Moscou a tout de même retiré les quelques troupes qu’elle avait sur le terrain à Afrin et ne s’est pas opposé à ce que les avions militaires turcs y procèdent à des bombardements en dépit du fait que la Russie y contrôlait effectivement l’espace aérien.

La Turquie aurait également utilisé Moscou comme intermédiaire pour communiquer ses intentions au gouvernement Assad. Selon certains rapports, Ankara aurait offert de rétablir les relations diplomatiques rompues en 2011 et de reconnaître le gouvernement Assad en échange d’avoir les coudées franches à la frontière syrienne. Il semblerait que Moscou et Damas soient prêts à appuyer les objectifs réactionnaires d’Ankara afin de contrer les plans des États-Unis pour la création de leur propre zone de contrôle en Syrie.

Les mesures unilatérales des États-Unis en Syrie et ailleurs au Moyen-Orient, combinées à leurs menaces de guerre de plus en plus belliqueuses contre la Russie, ont également ouvert une brèche sérieuse entre eux et leurs anciens alliés d’Europe occidentale.

Cette division a été soulignée simultanément lundi par la visite du vice-président américain Mike Pence à la Knesset israélienne, où il a promis que l’ambassade américaine serait transférée à Jérusalem l’année prochaine, et par celle du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas à Bruxelles, où les ministres de l’Union européenne ont réitéré leur appui de Jérusalem comme étant la «capitale partagée» dans le cadre d’une soi-disant solution à deux États.

La profondeur de la crise de la politique impérialiste de Washington en Syrie a trouvé son expression indubitable dans la réaction d’une partie de la pseudo-gauche. Un groupe de «militants» et d’universitaires, dirigé par Noam Chomsky, professeur émérite de linguistique au Massachusetts Institute of Technology (MIT) et supposé critique radical de la politique étrangère américaine, a publié une déclaration condamnant le geste de la Turquie en Syrie et «l’inaction des États-Unis pour y mettre fin». La portée de cet appel est que l’impérialisme américain doit lancer une autre guerre au nom des droits de la personne, ce coup-ci pour affirmer sa domination sur un allié formel et rival régional de facto qui le défie – un geste qui pourrait mener à une escalade massive du carnage au Moyen-Orient.

Bill Van Auken

 

 

Article paru en anglais, WSWS, le 23 janvier 2018

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Il y a quelques années, un important homme d’affaires indonésien, qui réside aujourd’hui au Canada, insistait pour me rencontrer dans l’arrière salle d’un des restaurants chics de Jakarta. Lecteur avide de mes travaux, il avait appris que nous serions amenés à nous croiser dans les rues détruites et désespérément polluées de la capitale indonésienne et « avait quelque chose d’urgent à me dire ».

Ses propos, directs, ne me firent aucunement regretter d’être resté bloqué deux heures dans un embouteillage monstre :

« Personne n’obtiendra les autorisations nécessaires à la construction d’une infrastructure de transports publics, ni à Jakarta, ni dans aucune autre ville indonésienne. Un maire ou un gouverneur qui chercherait à défier les volontés du milieu des affaires – milieu sans pitié qui, de fait, contrôle la majeure partie du gouvernement indonésien – se verra déchu voire complètement détruit. »

Ces paroles « prophétiques » résonnent encore à mes oreilles, plusieurs mois après la chute de Basuki Tjahaja Purnama – surnommé Ahok – , le gouverneur progressiste de Jakarta, qui, par la réalisation de lignes de transports en commun (métro), la restauration de vieilles gares ferroviaires, l’assainissement de canaux, la tentative d’aménagement d’un réseau basique de trottoirs, la plantation d’arbres et la création de parcs, s’était efforcé d’améliorer la situation d’une ville en apparence ingouvernable et complètement détruite.

À la suite du premier mandat fructueux d’Ahok, l’opposition a consolidé ses forces. Essentiellement constituée d’islamistes, de grands magnats des affaires, de l’armée et d’autres cadres revanchards – presque tous exclusivement pro-business et pro-Occident –, cette opposition contrôle encore aujourd’hui l’Indonésie.

La défaite « d’Ahok », outsider issu de la minorité chinoise, fut manifeste.

Plutôt que de venir à sa rescousse, plusieurs urbanistes et architectes « importants » mais corrompus – la plupart d’entre eux bénéficiant de financements étrangers – ont sans vergogne rejoint le mouvement du « Ahok bashing ».

                                   Une rivière comme tant d’autres à Jakarta (photo d’Andre Vltchek)

 

La défaite d’Ahok, pourtant, ne suffisait pas à elle seule. Il devait être puni et humilié, afin de décourager ceux qui seraient tentés de répliquer son modèle d’orientation sociale. Déjà pendant la campagne électorale, des accusations avaient été portées contre lui, prétendant qu’il avait « insulté l’Islam » lors d’une de ses apparitions publiques. Ces accusations, bien que complètement absurdes et contestées par plusieurs éminents linguistes indonésiens, ont tout bonnement porté leurs fruits dans une société complètement corrompue, légalement et moralement.

Le 9 Mai 2017, « Ahok » fût condamné à deux ans d’emprisonnement et jeté au cachot sans ménagement.

Depuis, un grand nombre de ses projets ont été considérablement retardés, si ce n’est complètement arrêtés. Une crasse répugnante a de nouveau commencé à recouvrir les canaux et rivières de Jakarta.

Ceux qui croyaient encore aux miracles ont vu leurs espoirs voler en éclats.

Ces « urbanistes », qui de façon opportune pensent qu’il est possible de « collaborer » avec le régime actuel – qu’ils appellent « gouvernement » –, sont partis du principe qu’ils continueront à faire leurs petites affaires habituelles.

Alors qu’« Ahok » était jeté derrière les barreaux, on pouvait presque entendre d’énormes soupirs de soulagement dans tout le malheureux archipel ! Tout était rentré « dans l’ordre », en tout cas pour ceux qui avaient tiré profit de l’effondrement de l’Indonésie et de ses villes.

L’Indonésie recule. Il ne fait pratiquement aucun doute qu’au cours des prochaines décennies toutes les villes indonésiennes resteront telles qu’elles sont aujourd’hui – un véritable enfer sur terre, un cauchemar sans nom – et qu’incontestablement elles feront partie des zones urbaines les plus épouvantables que l’on puisse trouver sur Terre.

Mais les lecteurs étrangers ne sont pas censés être au courant de tout cela. La population indonésienne n’est pas censée comprendre la situation. Plus que jamais tout est biasa – « normal, comme à l’accoutumée ». Tout va bien. Lisez les travaux de l’ANU (Australian National University) et vous apprendrez que « l’Indonésie est désormais un pays normal, à l’image du Brésil ou du Mexique ». Rien d’extraordinaire ne s’y déroule.

Légende photo : Enfants affamés et sans toit dans Jakarta (photo d’Andre Vltchek)

En réalité, tout s’est effondré. Les villes elles-mêmes se sont effondrées.

Non pas métaphoriquement ou hyperboliquement mais concrètement, pratiquement.

Un artiste australien célèbre, George Burchett, qui réside aujourd’hui à Hanoï au Vietnam, a eu l’occasion de visiter Jakarta. Pendant plusieurs semaines, nous avons voyagé ensemble dans tout l’archipel indonésien. Il était choqué et déprimé. Avant de repartir, il me dit :

« J’ai visité beaucoup de villes dans le monde entier. Les villes sont conçues pour les gens. En Indonésie, pour la première fois de ma vie, j’ai vu des villes qui n’étaient pas bâties pour la population, mais contre elle. »

Cela s’explique par le fait que les villes indonésiennes sont fascistes. Elles ne répondent pas aux besoins des citoyens. Au contraire, elles sont conçues pour soutirer le peu qui reste encore entre les mains des petites gens ; le soutirer pour le donner aux décideurs locaux et aux multinationales.

***

Les définitions les plus courantes d’un « État défaillant » que l’on trouve dans l’Encyclopedia Britannica peuvent parfaitement s’appliquer à l’Indonésie en général et à ses villes en particulier :

« La capacité de gouverner d’un État défaillant est diminuée au point d’être incapable de remplir les fonctions administratives et organisationnelles requises pour contrôler le peuple et ses ressources. Il ne peut fournir qu’un service public minimal… Un État défaillant souffre d’infrastructures croulantes, de services publics, d’établissements médicaux et scolaires chancelants et d’un indice de développement humain en déclin… »

Le gouverneur « Ahok » a essayé de corriger cette situation. Les foules l’acclamaient. Dans toutes les grandes villes d’Indonésie, des millions de gens le regardaient. L’espoir était né, fragile d’abord puis rapidement en plein essor.

Quand soudain, le coup d’arrêt, le point final et la chute ! L’homme qui avait osé introduire davantage d’éléments socialistes dans ce système sclérosé et brutal se retrouva derrière les barreaux.

Et on est revenu au scénario classique de « l’État défaillant ». La vie est à nouveau totalement vide et prévisible.

Les villes indonésiennes se ressemblent presque toutes. Mettez quelqu’un dans le centre-ville ou la banlieue de Jakarta, de Surabaya, de Bandung, de Semarang, de Medan, de Makassar ou de Pontianak et il sera incapable de les distinguer les unes des autres.

Les grandes villes étouffent sous les embouteillages. Il n’y a pas de trottoirs ou quand il y en a, étroits et pathétiques, ils sont pris d’assaut par des scooters agressifs qui crachent leur fumée ou par des étals insalubres et non réglementés. Les voyous sont partout, ils contrôlent les rues. Presque toutes les ruelles ont des systèmes d’égout à ciel ouvert qui, quand il pleut, déversent leurs eaux souillées dans tout le quartier. De minuscules carrioles tirées par des hommes sales et sous-payés servent à ramasser les déchets. Toutes les villes se ressemblent et font face aux mêmes problèmes.

Les services d’assainissement, de qualité de l’eau et de recyclage des déchets sont au même niveau que ceux des pays les plus pauvres d’Afrique sub-saharienne.

Les bidonvilles sont omniprésents – immenses et violents. En fait, la plupart des quartiers des villes indonésiennes, appelés kampungs (« villages »), correspondent tout à fait aux définitions internationales du terme bidonville.

                           Personnes vivant sous un pont de Jakarta (photo d’Andre Vltchek)

Il y a quelques années, je fus invité à m’exprimer à l’Université d’Indonésie. Des étudiants me demandèrent : « Pourquoi ? Pourquoi tout ceci a lieu dans notre pays ? Et existe-t-il une solution ? ».

Je leur répondis que, bien sûr, il y avait une solution : « le socialisme et l’économie planifiée. Mais pour que cela soit décidé et bien réel, il est nécessaire de mener une bataille sans faille contre la corruption et d’interdire fermement la vente à l’étranger des ressources naturelles et des entreprises de service public ». J’ajoutais : « Dites à vos professeurs d’arrêter de baver devant les financements provenant de l’Occident et de ne plus se rendre en Europe pour y apprendre les principes « de bonne administration », « de bonne gouvernance » et d’urbanisme de la part de ceux qui volent votre pays depuis plusieurs siècles. »

Je crois que les étudiants ont aimé ce qu’ils ont entendu (même si je ne suis pas convaincu qu’ils aient bien saisi le sens de mon message). En revanche et de façon prévisible, je ne fus plus jamais invité à l’UI.

***

Les villes indonésiennes sont comme des plaies béantes. Tout leur a été volé et par conséquent ce qui rend la vie supportable est de toute évidence manquant. Il ne reste à la population que ce dont les « élites » ne veulent pas.

Il n’existe pratiquement pas de jardins publics en Indonésie, en tout cas aucun qui ne soit d’importance. Les villes n’ont pas de rivières ou de fronts de mer, contrastant de manière saisissante avec l’Amérique du Sud, le Moyen-Orient ou encore certaines zones urbaines d’Afrique (sans parler des immenses et magnifiques espaces publics, parcs, promenades et aires d’exercice de Chine).

Des allées sales, obstruées et polluées sont appelées « rues » et « avenues ». Il n’y a pas de trottoirs, ou s’il y en a, ils ne font qu’un mètre de large et ont des pavés cassés ou de profonds nids-de-poule.

Quelques trottoirs sont construits à des endroits où, pourtant, ils ne sont pas nécessaires – le long d’une ou deux rues en plein cœur du centre-ville ou en face de certains immeubles gouvernementaux. Ils ne relient rien à rien, démontrant ainsi très clairement que rien n’est en réalité conçu pour la population.

Il est important de comprendre que le gouvernement d’Indonésie, à tous les niveaux, n’est pas une institution constituée d’hommes et de femmes déterminés à améliorer le pays et à servir sa population. Bien au contraire !

En Indonésie, un grand nombre de politiciens appartiennent ou sont, d’une manière ou d’une autre, liés à l’armée qui dirige le pays de façon brutale depuis le coup d’État militaire, soutenu par l’Occident, de 1965. Ce coup d’État détruisit tout ce qui était socialiste ou communiste, interdit toute idée communiste et massacra entre 1 et 3 millions de personnes, parmi lesquelles presque tous les intellectuels progressistes. À cela s’ajoute le fait que la plupart des politiciens sont des hommes d’affaires, des magnats et des oligarques à la réputation douteuse. Ils ont volé la nation et son peuple pendant plus de la moitié du siècle et il n’y a absolument aucune raison pour qu’ils arrêtent maintenant ou dans un futur proche. Pour ces individus, s’emparer des plus hautes postes politiques n’est rien d’autre que maximiser les profits.

« La démocratie indonésienne », que l’Occident adore glorifier – ce qui n’a rien d’étonnant sachant que l’Indonésie agit de facto comme une colonie obéissante spoliant ses propres citoyens et ses propres ressources pour le compte de l’Occident – consiste en d’innombrables partis politiques, dont aucun n’est de gauche ou ne défend les intérêts des gens du peuple. De plus, une grande majorité de la « société civile » et des ONG sont subordonnées aux intérêts économiques et politiques de l’Occident. La plupart de ces organisations, pour ne pas dire toutes, sont directement financées par Washington, Berlin, Londres ou Canberra. (J’ai décrit cette situation dans mon dernier ouvrage « Aurora »).

Les entreprises indonésiennes et le gouvernement ne constituent qu’une seule et même entité. À l’unisson, ils spolient résolument tout l’archipel de ses ressources naturelles. Le 4e pays le plus peuplé du monde ne produit quasiment rien. (Voir mon livre « L’Archipel de la Peur » en anglais et en bahasa Indonesia).

La « philosophie » de ce pillage débridé est ensuite appliquée à « l’urbanisme » et dans la manière de gouverner les villes indonésiennes et d’essentiellement les livrer aux lois du marché. Pas même en Afrique, où j’ai vécu et travaillé pendant de nombreuses années, un tel vol éhonté de l’espace urbain par les élites et les membres du gouvernement n’a lieu.

Une fois tout ceci posé, il est bien plus aisé de comprendre la réalité de l’Indonésie et de ses villes.

Une fois tout ceci défini, les villes indonésiennes « commencent à faire sens ».

                                              Un des meilleurs trottoirs de Jakarta (photo d’Andre Vltchek)

***

Il n’y a, en réalité, pas grand-chose qui puisse être appelé « urbain » dans les villes indonésiennes. Que ce soit dans une ville comme Pontianak avec ses 600 000 habitants ou comme Jakarta avec ses 12 millions d’habitants (28 millions si l’on compte les villes et banlieues environnantes).

Où que vous alliez, la primauté du profit est poussée à l’extrême au détriment de la population.

À l’image des îles de l’archipel, déforestées, polluées et aux mines épuisées, les villes indonésiennes sont conçues de manière à maximiser les revenus pour un tout petit groupe d’individus et d’entreprises. Quant à la majorité de la population – appauvrie, souvent malade, peu éduquée et qui est littéralement en train de suffoquer – elle en paie le prix.

La très grande faiblesse des médias, de l’éducation et de la culture combinée à l’empiètement religieux constant et aux structures familiales de type féodal sont délibérément exploitées afin que la population ne pense pas, ne doute pas et ne se rebelle pas.

Les conséquences sont choquantes.

Les villes indonésiennes sont semblables à des plantations d’huile de palme ou à des mines à ciel ouvert, avec quelques éléments d’installations militaires (il existe bien sûr certains quartiers particuliers réservés aux superviseurs avec de grandes maisons kitch comme celles qui parsèment le sud de Jakarta).

Ici, rien n’est construit pour rendre la vie plus belle, colorée, radieuse, significative et heureuse. Il n’existe ni salle de concert permanente, ni théâtre, ni aucun musée ouvert au grand public (celui qui a ouvert récemment est privé et sert à promouvoir un endoctrinement politique à destination des « classes moyennes urbaines »). Il n’existe aucun quartier piéton ni aucun front de mer gratuit et public.

Pas une structure architecturale de valeur n’a été construite dans quelque ville indonésienne que ce soit depuis le coup d’État militaro-religieux de 1965-1966.

                       Le Ciputra World Surabaya, nouveau centre commercial futuriste (photo d’Andre Vltchek)

En Indonésie, « l’espace public » équivaut à un centre commercial, ou plus précisément à d’innombrables centres commerciaux de taille et de qualités différentes, à l’intérieur desquels se trouvent des chaînes de restaurants, des chaînes de magasins et des cafés. On y trouve aussi quelques cinémas, dans lesquels on diffuse principalement des navets hollywoodiens ou des films d’horreur locaux. Les week-ends, des groupes y jouent de vieux morceaux de pop occidentale et indonésienne. N’offrant absolument aucune variété, quelques 50 chansons sont recyclées encore et encore, la préférée étant, de façon prévisible, « I did it my way ».

Rien de plus dans les villes indonésiennes. Ici, tout est rudimentaire : vous survivez on ne sait comment avec votre maigre salaire (avec des prix – au moins pour l’alimentation et les biens de consommation – aussi élevés voire plus élevés qu’à Tokyo ou à Paris) et vous faites l’aller-retour de chez vous à votre lieu de travail tant bien que mal, coincé des heures durant dans d’épouvantables embouteillages quotidiens à cause de transports publics inexistants et ce, même dans des villes comptant entre 2 et 3 millions d’habitants comme Surabaya ou Bandung. Vous cuisinez et lavez votre vaisselle ou votre linge dans une eau horriblement polluée et essayez d’économiser sur vos factures d’électricité outrageusement élevées. Il n’y a absolument rien à faire dans le quartier. Bien sûr, il y a toujours une mosquée pas loin, quelque fois une église, pour ceux que cela tente mais vous ne trouverez aucun parc ni aucune aire de jeux pour enfants. En l’absence de trottoirs pour vous rendre dans un café ou une librairie – librairies qui sont de plus en plus mal approvisionnées et largement censurées – vous n’aurez d’autre choix que de sauter sur votre scooter ou dans votre voiture, si vous en avez encore la force.

Il est probable qu’à ce stade vous n’en ayez, de toute façon, plus le temps. Après les 3-4 heures de trajet quotidien et votre travail harassant, vous n’aurez plus que le temps de vous écrouler devant la télévision et vous faire endoctriner, neutraliser et abêtir encore un peu plus.

Vous apprenez à sourire quand en réalité vous voudriez mourir, ou au moins hurler. Vous savez que rien ne s’améliorera jamais et que votre vie est finie, parfois à 25 ans, parfois même avant.

Certaines personnes deviennent croyantes et adoptent des valeurs familiales conservatrices, traditionnelles. Il n’y a rien d’autre, à vrai dire. Les villes d’Indonésie veilleront à ce qu’il n’y ait rien d’autre. Elles sont de parfaites machines à fabriquer de l’obéissance, à extraire le meilleur de l’être humain et à ne rien donner en retour.

***

Je décris souvent le coup d’État de 1965 comme un « Hiroshima culturel ». Pendant qu’au Japon, les États-Unis faisaient ouvertement des expériences sur la santé de millions d’êtres humains, en Indonésie, l’expérimentation était d’une toute autre nature. Le sujet d’étude de l’Empire était : « Que se passerait-il avec une nation anti-impérialiste et progressiste, qui repose sur une culture diverse et complexe, si elle baignait dans son sang, si ses théâtres et ses studios de cinéma étaient fermés, si 40% de ses enseignants étaient assassinés, si les femmes appartenant à des organisations de gauche voyaient leurs poitrines amputées, si les écrivains étaient enfermés dans les camps de concentration de l’île de Buru et si les urbanistes étaient censés concevoir des villes comme Houston, Dallas ou Los Angeles mais dans un pays dont les salaires représentent 10% voire moins de ceux des États-Unis ? ».

La réponse est simple : « Cela deviendrait l’Indonésie. Cela deviendrait Jakarta, telle que nous la connaissons aujourd’hui ». Pour les démagogues occidentaux et les planificateurs impérialistes, « Indonésie » et « Jakarta » ne sont pas uniquement des noms de pays et de ville : ce sont les noms d’un concept, d’un modèle.

Ce modèle, imposé aux colonies, est idéal pour l’Occident et ses intérêts.

Il est également idéal pour les « élites » indonésiennes, qui se salissent souvent les mains dans le pays, pillant tout ce qu’elles peuvent, mais qui se détendent, jouent et fréquemment évacuent leur famille à Singapour, en Californie, en Australie, à Hong-Kong ou dans d’autres endroits « sûrs et propres ».

C’est le concept le moins cher et le plus efficace pour piller une nation et la baiser royalement. Sans surprise, l’Occident a essayé de répliquer « le modèle de réussite indonésien » dans de nombreuses régions du monde.

Il a même tenté de l’injecter en Russie, après que l’URSS, d’abord mortellement blessée, s’est effondrée. Il a essayé de l’imposer au Chili aussi… Mes plus vieux amis de Santiago m’ont rapporté, qu’avant le coup d’État perpétré par le général Pinochet le 11 Septembre 1973 pour le compte de l’Occident et de ses entreprises, plusieurs personnes de l’entourage du Président Allende étaient menacées par des gens de droite : « Attention, Jakarta arrive ! »

« Culture locale » : la statue de Rambo à Bandung, où l’État sponsor américain est autant admiré que détesté (photo d’Andre Vltchek)

***

Et effectivement Jakarta est arrivé ! C’est bien là, partout en Indonésie, dans toutes ses villes et, à des degrés variables, dans la plupart des pays qui sont tombés sous la botte néo-colonialiste occidentale.

Mais que signifie réellement « Jakarta » ? Est-ce uniquement un nom ou est-ce également un verbe, un infinitif ? « Jakarter… »

Cela signifie « tout enlever au peuple et ne rien donner en retour ». Jakarter signifie mentir, piller et convaincre les êtres humains, à travers de longues décennies d’endoctrinement, que tout va bien, que tout est comme cela devrait être. Jakartiser la nation consiste à rendre insignifiante la quasi-totalité de la population et à offrir sur un plateau en argent le butin aux dirigeants locaux et étrangers, ces derniers ne laissant derrière eux que des rivières et des canaux sales et pollués, d’épouvantables embouteillages, des nuages de pollution, d’étranges passerelles sans escalators et des allées aux pavés cassés.

La « population jakartisée » est obéissante. Et si elle aussi à cran et d’une violence explosive, ce n’est pas envers le régime, le « turbo-capitalisme », les élites corrompues ou les maîtres occidentaux mais envers elle-même et les minorités.

Jakarta est très peu critiquée par les médias officiels « mainstream » occidentaux et locaux et ne fait l’objet d’aucune véritable analyse de la part du milieu universitaire. Ce n’est pas surprenant : attaquer la réalité des villes indonésiennes revient à attaquer tout le système néo-colonialiste occidental imposé dans diverses parties du monde. Dire la vérité détruirait toute carrière journalistique, tout comme cela torpillerait toute opportunité de poste universitaire bien rémunéré !

Bien souvent, on n’obtient de description réaliste de la situation indonésienne qu’en tendant l’oreille à bord des avions en partance ou en lisant des « témoignages anecdotiques » tirés de guides de voyages ou de blogs. Il semblerait que ce que voient les gens normaux de leurs propres yeux soit en totale contradiction avec ce que les médias mainstream et les universitaires présentent comme des « faits ».

Le 17 septembre 2017, le journal malaysien The Star écrivait :

« Sur la base d’un indice de qualité de l’air en temps réel publié par l’application Airvisual le vendredi 15 septembre à midi, Jakarta était classée la 3e ville la plus polluée du monde… À la mi-août, l’application montrait que Jakarta était en haut du classement, suivie par Ankara en Turquie et Lahore au Pakistan ».

Le magazine Escape Here a placé Jakarta en tête de son classement des « 10 villes du monde les plus embouteillées » :

« Il s’agit non seulement de la capitale du pays mais aussi d’une des villes les plus mal conçues au monde, une combinaison qui fait de la circulation dans cette ville un véritable enfer. Le nombre sans cesse croissant des propriétaires de voitures, dû à l’expansion des banlieues autour de la mégapole, est la cause des 400 heures par an que les citoyens passent dans les embouteillages. Elle est reconnue comme la pire ville du monde en termes de circulation. Il ne semble pas y avoir de solutions pour cette mégapole dans la mesure où les infrastructures sont détenues par le gouvernement local et que les contrats sont renégociés annuellement, de sorte que les projets à long-terme sont presque impossibles à mettre en place. Un déplacement moyen dans cette ville prend environ 2 heures… »

                                  Une carriole servant au ramassage des ordures (photo d’Andre Vltchek)

 Le 2 Septembre 2015, même le Jakarta Post – le journal anglophone de propagande officielle en Indonésie – a republié le sondage classant l’horrible capitale indonésienne 9e « des villes les plus antipathiques du monde » :

« Jakarta, la capitale indonésienne tristement célèbre pour ses embouteillages et sa pollution atmosphérique, est classée 9e des villes les plus antipathiques du monde, selon un récent sondage mené par un magazine de voyage international. Les lecteurs du magazine Conde Nast Traveler – guide réputé dans le domaine du voyage de luxe – ont inclus cette année, pour la première fois, Jakarta dans son classement des « 10 villes les plus antipathiques du monde ». Dans ce sondage, un des lecteurs affirme que Jakarta est « l’endroit le plus effrayant que j’aie jamais vu, avec ses embouteillages et ses habitants agressifs ».

« L’endroit le plus effrayant », mais évidemment ! À quoi d’autre peut-on s’attendre de la part de la capitale d’un pays qui, au cours des 50 dernières années, a commis 3 génocides monstrueux (contre sa propre population en 1965-1966, contre la population du Timor Oriental et un génocide toujours en cours contre la population Papoue) ?

À quoi peut-on s’attendre de la part de villes qui ont été totalement volées de tout espace vert voire de tout espace que l’on pourrait qualifier de « public », où les arts ont tous disparus, où absolument tout est mercantilisé, où tout et tout le monde est censé se ressembler – avoir le même comportement, la même allure, le même discours, le même goût ?

Essayez d’avoir l’air différent, et si vous êtes Papou, Chinois, Africain ou blanc, essayez de vous promener sur ces étroits trottoirs délabrés de Surabaya, Jakarta, Pontianak ou Medan. On vous criera dessus, vous deviendrez immédiatement la cible d’un racisme ouvert. Les gens s’arrêteront pour vous montrer du doigt, ou pire.

Il y a quelques jours, alors que je filmais une île de Bornéo depuis un bateau naviguant sur une rivière polluée de la ville de Pontianak, deux enfants sur le rivage ont soudain levé leurs majeurs et se sont mis à crier « Va te faire foutre ! ». Comme ça, sans avertissement et sans raison. Et cela, bien sûr, n’est pas le pire qui puisse arriver. Si j’avais été Chinois… ou Africain… Tout le monde le sait. Personne n’en parle, personne n’écrit sur le sujet…

Selon les « analystes » et universitaires occidentaux, l’Indonésie est une nation « démocratique » et tolérante. Plus elle s’enlise, plus elle devient oppressive et intolérante, plus elle est dévastée et plus elle est glorifiée.

Les mensonges s’empilent les uns sur les autres. Comme dans le vieux conte pour enfants où tout le monde s’exclame « Les habits neufs de l’empereur sont admirables ! », quand en fait, il est nu !

C’est l’illustration la plus éloquente du « politiquement correct ». On est censé être « sensible » à la « culture », à la religion et au mode de vie local. Le seul défaut de cette approche est que, dans des pays comme l’Indonésie, la culture locale, le mode de vie et même les religions extrêmement agressives, sont les conséquences directes du régime fasciste qui a été directement imposé à la nation par l’Occident après le massacre de 1965-1966. Si le socialisme d’avant 1965 avait pu suivre naturellement son cours, l’Indonésie d’aujourd’hui serait véritablement une nation normale, socialement équilibrée, laïque et tolérante et ses villes seraient au service de la population, plutôt que l’inverse.

Encore une fois, le « politiquement correct » protège ici les crimes contre l’humanité commis par l’Occident, les élites locales, l’armée et les chefs religieux. La « culture » locale n’est pas du tout protégée, puisqu’en fait elle est morte, assassinée.

Les villes aussi sont mortes. Leurs carcasses puantes, effrayantes, monstrueuses, vidées de tout espoir abritent des gens qui étouffent, qui sont humiliés, marginalisés, malades et constamment volés par le système.

Bizarrement, il faut un magazine comme Conde Nast pour le remarquer… Il faut des voyageurs anonymes pour le dénoncer… On ne lirait jamais de tels commentaires dans les rapports de l’Australian National University ou dans les pages du New York Times.

                                           Même les plages dégoûtantes sont payantes (photo d’Andre Vltchek)

***

Sur l’île de Madura, à quelques kilomètres seulement de Surabaya – la deuxième plus grande ville d’Indonésie –, les épaves de plusieurs navires sont coupées en morceaux et vendues pour la ferraille par des habitants sans ressources. Régulièrement, des victimes des explosions et des effondrements perdent leurs membres ou leurs visages. C’est une vision atroce, bouleversante, qui vous hante. Comme au Bangladesh, quoiqu’ici cela passe presque inaperçu.

De bien des manières, je pense que les villes indonésiennes ressemblent à ces zones côtières polluées où les navires sont découpés en milliers de pièces pour être vendues. Autrefois fières, ces villes, humiliées et mises en pièces vivantes, sont aujourd’hui en souffrance.

Seul le véritable fascisme, seul un régime qui a perdu la tête et est devenu complètement fou, est capable de traiter ses citoyens de cette manière.

Les villes indonésiennes… En quoi consistent-elles réellement ? Eh bien, elles sont faites de minuscules maisons surpeuplées, de canaux immondes, d’allées défoncées par les nids-de-poule, d’une pollution sans nom et de mosquées et d’églises. Dans les centres-villes, quelques tours de bureaux, d’innombrables centres commerciaux et plusieurs hôtels de luxe permettent aux élites de s’échapper et de se reposer de leur cauchemar quotidien, qui n’est rien d’autre que la « vie normale » ici. Si les parcours de golf sont partout, les parcs publics décents sont eux inexistants puisque même le plus rare espace vert a déjà été complètement privatisé.

***

En ce moment, l’ancien gouverneur de Jakarta « Ahok » est en prison pour avoir osé faire changer les choses, pour avoir construit des transports publics, nettoyé des rivières et construit quelques minuscules parcs. Il est en prison pour avoir relogé des squatteurs dans des logements sociaux et pour avoir essayé de servir la majorité appauvrie et humiliée.

Son action manifestement socialiste a immédiatement été dénigrée et discréditée par les élites, les ONG financées par l’Occident et les urbanistes corrompus. Comme cela n’a pas suffi à freiner sa détermination et son zèle, la religion s’est déchaînée. La plupart des religions sont, après tout, régressives, pro-business et prêtes à soutenir n’importe quel régime fasciste.

Avec les prix de la nourriture et du carburant en hausse, beaucoup d’enfants d’Indonésie n’ont d’autre choix que de travailler (photo d’Andre Vltchek)

***

Jusqu’à quel point les villes indonésiennes peuvent-elles s’effondrer ? Quand finiront-elles par devenir complètement inhabitables ?

Des milliers de gens sont déjà en train de mourir, inutilement, de cancers, du stress, de maladies respiratoires.

Des millions d’êtres humains gâchent leurs vies. S’ils sont bien vivants, ils ne font en fait qu’exister, pas vraiment vivre : ils se déplacent mécaniquement, fendent l’air pollué sur leurs scooters et mangent mal, constamment enveloppés dans le pourrissement et la laideur.

Pourquoi ?

Pendant encore combien de temps ?

Les forêts de Bornéo, de Sumatra et de Papouasie sont ravagées par le feu. L’archipel entier est déforesté, dévoré par les mines et menacé par une pollution terrible. L’extraction, le pillage des ressources naturelles est le seul réel « moteur » économique de l’Indonésie d’aujourd’hui.

Les villes ne s’en sortent pas mieux. En fait elles ne s’en sortent pas du tout.

Il est l’heure de se réveiller avant qu’il ne soit trop tard. Mais il semblerait que la nation soit dans un sommeil profond. Elle ne remarque pas, ne remarque plus, qu’elle est en chute libre. Elle a été conditionnée pour ne plus remarquer. Elle a été formatée pour accepter voire célébrer sa propre chute.

Ceux qui ont poussé l’Indonésie dans cette voie ne parleront pas. Aussi longtemps qu’il restera quelque chose à extraire, à exploiter, à piller, ils continueront d’acclamer le « succès » et le « progrès » de cette grande Indonésie.

J’encourage tous ceux qui souhaitent voir le vrai visage du néo-colonialisme, du capitalisme sauvage et des politiques de droite désastreuses à se rendre dans les villes indonésiennes ! Venez juger par vous-mêmes. Venez vous y promener. Ne vous cachez plus dans vos villes agréables qui regorgent de parcs verdoyants, de salles de spectacles, de cinémas d’art, de transports publics et de théâtres.

Tout est bien réel et c’est un avertissement au monde entier !

Venez voir à quoi ressemblent les villes dans un pays où le communisme et le socialisme sont bannis, où une colonie ne réalise même pas qu’elle est en train d’être colonisée et où tout est servi sur d’immenses plateaux en argent directement dans le gosier de ce monstre qu’on appelle fascisme.

Andre Vltchek

***

Traduit de l’anglais par Aurélie Filiâtre pour Investig’Action

Andre Vltchek est philosophe, romancier, réalisateur et journaliste d’investigation. Il a couvert les guerres et les conflits de dizaines de pays. Citons parmi ses derniers ouvrages son hommage à « La Grande Révolution Socialiste d’Octobre » , son roman révolutionnaire «Aurora » et son best-seller documentaire politique «Exposer les mensonges de l’Empire » . Vous trouverez ici la liste de ses autres ouvrages. N’hésitez pas à visionner son documentaire révolutionnaire sur le Rwanda et la République Démocratique du Congo «Rwanda Gambit »  et à lire son interview de Noam Chomsky dans «L’Occident terroriste : d’Hiroshima à la guerre des drones ». Vltchek réside actuellement en Asie de l’Est et au Moyen-Orient et poursuit son travail autour du monde. Il peut être contacté via son site web et son compte Twitter.

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 Les trois singes de la sagesse.

Quand un pouvoir politique s’en prend à la liberté d’informer, c’est qu’il y a panique à bord. Ici, il ne s’agit pas encore d’une peur panique qui précéderait un effondrement du système [1] qui nous gouverne, non, nous n’en sommes pas encore là.  Il s’agit plutôt de freiner la lente érosion de la crédibilité des médias traditionnels qui sont quasi unanimement alignés sur les mêmes positions politiques, économiques et sociétales et qui sont de ce fait les agents du système.

Comme dit Noam Chomsky : « Le sys­tème de contrôle des sociétés démocratiques est fort effi­cace ; il instille la ligne directrice comme l’air qu’on respire. On ne s’en aperçoit pas, et on s’imagine parfois être en présence d’un débat particulièrement vigoureux. Au fond, c’est infini­ment plus performant que les systèmes totalitaires. (…) Des centaines de milliards de dollars sont dépensés chaque année pour contrôler l’opinion publique. »  

Tout le paradoxe de la décision du président Macron de légiférer contre les « fake news » est justement que par essence, le libéralisme est à l’origine de la liberté d’informer et qu’il n’y a pas de libéralisme moderne sans liberté de presse.

Alors, utiliser une censure sous quelque forme que ce soit et pour quelque raison que ce soit pour défendre la démocratie libérale est une action antilibérale.

C’est aussi une action antidémocratique parce que dans nos démocraties représentatives, il est indispensable de permettre à toutes les opinions de s’exprimer.  Il serait impossible de voter en toute connaissance de cause pour nos représentants à l’Assemblée parlementaire s’il n’en était pas ainsi.

Je ne comprends pas comment le président Macron a pu prononcer une telle contradiction sauf si, comme cela lui arrive parfois, il s’est laissé emporter par un discours qui le dépasse ou, comme cela lui arrive aussi, il a dit deux choses contradictoires dans le même discours.[2] Le système est en crise et cherche ici à bétonner sa position dominante grâce à des lois restreignant la liberté d’informer.

Une première salve a déjà été lancée en février 2017 avec l’application Décodex à l’initiative du journal Le Monde avec des résultats très mitigés. [3]

La deuxième risque d’être bientôt tirée.  Selon ce qu’on sait, il s’agirait de tenir les hébergeurs responsables du contenu des publications des internautes.  Des blogues et des médias sociaux comme Facebook ou Twitter sont visés.  La censure sera alors faite par les hébergeurs eux-mêmes de crainte d’être poursuivis en justice.

On verra si le système osera aller jusqu’à une censure plus généralisée.  Tout est possible mais l’histoire nous a appris que le résultat de ce genre de mesures n’est jamais conforme à l’attente.

Par exemple :

– La mise à l’Index Librorum Prohibitorum [4] d’ouvrages dérangeants au XVIe siècle n’a pas empêché la Réforme de s’étendre et les guerres de Religion de ravager l’Europe.

– Le contrôle des médias en URSS n’a pas empêché le système communiste de s’effondrer.

Mais voyons d’abord comment on peut classer les informations.

Les nouvelles truquées ou « fake news ».

Les « fake news » sont des nouvelles volontairement truquées ou rapportant des rumeurs non vérifiées. Elles concernent généralement ce qui se passe ailleurs dans le monde – ce qui les rend difficilement vérifiables quand on n’est pas sur place – et elles sont souvent fabriquées à des fins de propagande ou pour déstabiliser une opinion publique ou un État.

Les exemples ne manquent pas et on en trouve autant dans les médias traditionnels que dans les médias alternatifs.

Je parle ici des médias alternatifs sérieux, pas des sites « complotistes » que je ne citerai pas pour ne pas leur faire de publicité et qui ne vivent qu’en  parlant de fumisteries : les reptiliens, les illuminatis etc.

Censurer ces médias ne rendra pas le monde plus intelligent mais ouvrira la porte à un certain contrôle de l’information.  L’histoire nous a appris que la justice peut donner une interprétation exhaustive à des lois apparemment anodines.

Les informations tronquées.

Il s’agit d’une forme insidieuse de la manipulation des opinions qui consiste à donner des informations exactes mais incomplètes, de ne pas parler de certains faits ou d’en parler en quelques lignes au milieu d’un journal voire même de les nier si elles ne sont pas conformes à la pensée dominante.

Un exemple récent :

– Les médias « mainstream » ont parlé des dizaines de milliers d’Iraniens qui ont manifesté contre leur situation sociale mais ils ont tu les manifestations pro-gouvernementales qui rassemblaient des centaines de milliers d’Iraniens dans les grandes villes du pays.

Les informations dérangeantes « Disturbing information ».

Les informations dérangeantes donnent des points de vue qui contredisent les informations dominantes.  Elles ne sont pas fabriquées et proviennent généralement d’opposants au système.

En légiférant contre les « fake news », le pouvoir vise aussi ces informations.

Des sites comme Spoutnik ou RT sont en ligne de mire.

Deux exemples de ces dernières années :

– L’ouverture de RT à l’UKIP -partisan du Brexit- qui n’avait qu’un accès très limité aux médias dominants en 2016.  Peut-être que sans cela, le oui n’aurait pas eu 51,9 % mais il se peut aussi que si l’UKIP avait eu un accès normal aux médias dominants, le oui aurait obtenu plus de 51,9 %.

– RT a souvent parlé des informations délivrées par Wikileaks sur les dérives de la candidate Clinton en 2016.  Cela avait avantagé le candidat Trump mais si le FBI et les médias traditionnels avaient sérieusement enquêté sur le contenu des fuites plutôt que sur la façon dont elles ont été obtenues, la candidate Clinton aurait dû jeter l’éponge.

Ces informations dérangeantes ne doivent pas être censurées parce qu’elles nous donnent un autre angle de vue.  Elles peuvent être largement minoritaires chez nous mais majoritaires ailleurs.  Elles ne sont pas nécessairement plus objectives ailleurs mais elles permettent de mieux comprendre une situation sous tous ses aspects.

L’objectivité de l’information.

S’il y a une chose qui est sûre, c’est qu’il n’y a pas d’informations objectives.  La charte de Munich [5] est une création d’idéalistes mais pratiquement personne ne se l’applique.

Dans l’information, s’il y a qu’une chose qui est toujours incontestable, ce sont les faits mais encore faut-il les rapporter intégralement, sans les déformer et sans ironie, une fâcheuse tendance que nos journalistes « professionnels » ne manquent pas d’utiliser quand il s’agit de sujets touchant des pays ne se soumettant pas à la domination euro-atlantique.

Il faut aussi placer les faits dans leur contexte et là, cela devient plus subjectif.

Prenons un objet quelconque en exemple :

– Suivant l’angle de vue, on peut le trouver beau ou laid.  Si dix observateurs l’observent du même point, il y peut y avoir unanimité pour dire qu’il est beau ou laid.  Un observateur se trouvant dans un angle de vue différent peut avoir un autre avis mais il sera rejeté parce que non conforme à l’avis majoritaire.

Aujourd’hui, il est question d’interdire d’avoir un angle de vue différent. L’avis des observateurs majoritaires devenant ainsi une sorte vérité révélée.

De plus, peut-on juger de l’aspect esthétique d’une chose en faisant abstraction de son environnement ?

– Observer un edelweiss dans le creux d’un rocher à 2500 m d’altitude est un spectacle d’une beauté rare.  Cueillez la fleur et mettez-là sur votre cheminée : vous la trouverez horrible.

Il faut donc aussi toujours contextualiser une information.

Le monde de l’information est aujourd’hui un univers de propagande destiné à formater les esprits et clairement dit, cela concerne tous les pays.

Les techniques utilisées sont diverses et de plus en plus scientifiques.  Depuis Corax de Syracuse au VIe siècle av. J-C. [6] jusqu’aux « think tanks » conservateurs contemporains et les PSYOPS [7] , la rhétorique a progressé avec l’évolution des moyens de communication. [8]

Il est donc indispensable de s’informer à des sources antagoniques sinon il faut accepter d’être un jouet manipulé du système

Les trois singes.

Le thème des trois singes de la sagesse nous vient d’Extrême-Orient et on le trouve à l’origine dans les « Entretiens de Confusius. »

Il a écrit : « De ce qui est contraire à la bienséance, ne pas regarder, ne pas voir, ne pas le dire » et il ajoute une quatrième recommandation : « ne pas le faire.»

Celui qui adopte ce symbole de sagesse trouvera la tranquillité mais il restera à un stade proche du singe.  L’Homme a une conscience et il n’a pas le droit de rester silencieux.

Les journalistes « mainstream » connaissent la vérité mais ne veulent ou ne peuvent pas la dire, soit parce que l’avis majoritaire est conforme à leurs convictions, soit parce qu’ils tiennent à leur « gagne-pain » et qu’ils ont des « enfants à nourrir.»

Il y a un dicton néerlandais qui leur convient beaucoup mieux : « horen, zien en zwijgen » qu’on pourrait traduire par : « tout voir, tout entendre et ne rien dire. »

Il est à remarquer que beaucoup de vrais philosophes, d’anciens diplomates ou de militaires à la retraite commencent à faire fi de ce dicton et se mettent à « tout dire. »

Il y a quelques exceptions dans le monde du journalisme en France, sans doute tolérées pour sauvegarder un pluralisme de façade.

Il y a la journaliste Natacha Polony dont l’intégrité est irréprochable.  Je rends ici hommage à sa sincérité et pour le travail qu’elle fait.

Il y a aussi Éric Zemmour qui nous fait des analyses vues d’un angle différent.  Ses connaissances de l’histoire contemporaine de la France sont impressionnantes.  Il n’est pas question ici de cautionner inconditionnellement ses analyses mais force est de constater qu’il est un des rares journalistes qui ose mettre le politiquement correct en question.  À chacun de décider s’il y a lieu de moduler ensuite sa perception de l’actualité.

Il est à remarquer que ses propos, quand ils sont très dérangeants, sont généralement recadrés par des confrères ou par des responsables politiques… quand ils ne se terminent pas devant les tribunaux !

Il est évident qu’une nouvelle loi restreignant la liberté d’opinion est un nouveau pas vers le totalitarisme, c’est-à-dire un système où il n’y a que la vérité d’État qui est tolérée.

Nous en sommes évidemment encore loin mais il faut être vigilant.

Dans une démocratie saine, le pouvoir doit accepter de recevoir des critiques qui mettent sa politique en question.  Les représentants du peuple doivent exercer un contrôle sur les activités du gouvernement.  Ils ont été élus par le peuple, le représentent et ils ont le devoir de défendre les intérêts du plus grand nombre.  Voter pour des lois liberticides, c’est trahir le peuple.

Conclusion.

Aucun pouvoir, fut-il totalitaire, n’est capable de tromper le peuple éternellement.  L’histoire contemporaine nous a montré que la vérité finit toujours par émerger.

Comme a dit Abraham Lincoln : « On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps. »

Quand des informations ou des analyses retiennent notre attention, il y a toujours lieu de les recouper avec d’autres antagoniques et de chaque fois vérifier trois choses.

  • Qui écrit ?
  • Quel est le message que l’auteur veut faire passer ?
  • À qui il s’adresse ?

Cela permet de savoirs si les angles de vue sont uniques ou multiples.  Dix articles peuvent avoir la même source : l’AFP, Reuters, OSDH etc.  Cela ne s’appelle pas alors recouper une information mais simplement prendre connaissance d’un angle de vue ou d’un point de vue si on préfère.

Pierre Van Grunderbeek

 

Notes

[1] Le système : une forme d’économie libérale dominée par des ploutocrates qui cherchent à l’imposer à l’ensemble de la planète grâce à la globalisation.  Au niveau sociétal, c’est le libertarianisme américain qui est le modèle.

[2]  http://www.bfmtv.com/mediaplayer/video/syrie-pour-macron-assad-est-un-criminel-et-devra-etre-juge-982595.html

Dire que le président syrien est un criminel de guerre – alors que la France a fourni armes et conseils aux opposants islamistes – et envisager en même temps qu’il participe à la transition politique est incohérent et exclu la France de sa participation à une solution politique en Syrie.

Si Bachar al-Assad gagnait les prochaines élections présidentielles et il y a toutes les chances qu’il en soit ainsi, comment pourrait-on contester toute ses décisions passées, présentes et futures ?  Lors d’une guerre, il y a toujours des victimes civiles.  La vraie question serait : pouvait-il agir autrement pour éviter que son pays ne tombe aux mains d’extrémistes islamiques ?

[3] https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_d%C3%A9codeurs

La toute première entorse à la liberté de librement exprimer un avis controversé a été la loi Pleven de 1972.

[4] https://www.universalis.fr/encyclopedie/index-librorum-prohibitorum/

[5] https://fr.wikipedia.org/wiki/Charte_de_Munich

[6] https://fr.wikipedia.org/wiki/Corax

[7] http://www.opex360.com/2010/07/05/etats-unis-les-miso-remplacent-les-psyop/

Deux grandes chaînes d’information américaines ont admis avoir autorisé des officiers des opérations psychologiques de l’armée à travailler comme stagiaires à leur quartier général pendant la guerre du Kosovo.  The Guardian  https://www.theguardian.com/world/2000/apr/12/julianborger

[8] Un article de l’Association suisse des Journalistes francophones développe un peu plus le sujet. Voir la deuxième page du lien.

http://www.francophonie.ch/pdf/alouette/2013_2_Juillet.pdf

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Sélection d’articles :

Considérez Trump comme un symptôme

Par Bruno Guigue, 22 janvier 2018

Le bavardage incessant des observateurs sur les foucades de Trump, la litanie médiatique sur son “imprévisibilité” et son “amateurisme”, la focalisation permanente sur son goût de l’esbroufe, quand on ne spécule pas carrément sur sa santé mentale, bref la logorrhée qui caractérise la trumpologie ordinaire présente un inconvénient de taille : elle dispense ses auteurs de se livrer à une véritable analyse politique.

En Palestine occupée, nos responsables : ‘collabos’ de la politique coloniale!

Par Daniel Vanhove, 22 janvier 2018

La liste des plaintes, des blâmes et des condamnations que l’on peut adresser à l’Etat factice israélien[1] est longue. Très longue. Trop longue même. A tel point qu’aucun autre Etat ne pourrait se permettre le 10è, le 100è de ce que l’administration israélienne s’autorise. N’importe quel autre Etat aurait été soumis depuis longtemps aux sanctions et embargos…

Che Guevara, apôtre des opprimés : Une figure internationale

Par Salim Lamrani, 23 janvier 2018

Le cinquantième anniversaire de l’assassinat du Che en Bolivie le 9 octobre 1967 offre l’occasion de revenir sur le parcours du révolutionnaire cubano-argentin qui a dédié sa vie à la défense des « Damnés de la terre ». Le Che était-il le visage de la Révolution cubaine ?

L’Italie dans le plan nucléaire du Pentagone

Par Manlio Dinucci, 23 janvier 2018

Le Nuclear Posture Review 2018, le rapport du Pentagone sur la stratégie nucléaire des Etats-Unis, est actuellement en phase de révision à la Maison Blanche.(…) Il décrit un monde dans lequel les Etats-Unis ont devant eux “une gamme sans précédents de menaces”, provenant d’états et de sujets non-étatiques.

Palestine : L’espionnage pro-israélien, un métier d’avenir 2/2

Par René Naba, 24 janvier 2018

En tête de liste, Ahmad Chalabi, office boy irakien de l’administration américaine lors de l’invasion de l’Irak, en 2003. Ce banquier en banqueroute sera promu chef de l’opposition démocratique d’Irak pour servir de caution à la rhétorique sur «les armes de destruction massive de l’arsenal irakien», de même que son compatriote Iyad Alaoui, le premier ministre du pro-consul américain en Irak Paul Bremer.

L’après-impérialisme !

Par Bouthaïna Shaaban, 25 janvier 2018

Que le ministre américain de la défense, James Mattis, déclare que la priorité de Washington en matière de sécurité nationale n’est plus la lutte contre le terrorisme, mais la compétition entre les grandes puissances, et que l’avantage compétitif de l’armée américaine diminue est un aveu important…

 

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L’après-impérialisme !

janvier 25th, 2018 by Bouthaïna Shaaban

AVANT PROPOS

Extrait du discours de fin de mandat du président des États-Unis, Dwight David Eisenhower [17 janvier 1961] :

« Mais désormais, nous ne pouvons plus risquer l’improvisation dans l’urgence en ce qui concerne notre défense nationale. Nous avons été obligés de créer une industrie d’armement permanente de grande échelle. De plus, trois millions et demi d’hommes et de femmes sont directement impliqués dans la défense en tant qu’institution. Nous dépensons chaque année, rien que pour la sécurité militaire, une somme supérieure au revenu net de la totalité des sociétés US.

Cette conjonction d’une immense institution militaire et d’une grande industrie de l’armement est nouvelle dans l’expérience américaine. Son influence totale, économique, politique, spirituelle même, est ressentie dans chaque ville, dans chaque Parlement d’Etat, dans chaque bureau du Gouvernement fédéral. Nous reconnaissons le besoin impératif de ce développement. Mais nous ne devons pas manquer de comprendre ses graves implications. Notre labeur, nos ressources, nos gagne-pain… tous sont impliqués ; ainsi en va-t-il de la structure même de notre société.

Dans les assemblées du gouvernement, nous devons donc nous garder de toute influence injustifiée, qu’elle ait ou non été sollicitée, exercée par le complexe militaro-industriel. Le risque potentiel d’une désastreuse ascension d’un pouvoir illégitime existe et persistera.

Nous ne devons jamais laisser le poids de cette combinaison mettre en danger nos libertés et nos processus démocratiques. Nous ne devrions jamais rien prendre pour argent comptant. Seule une communauté de citoyens prompts à la réaction et bien informés pourra imposer un véritable entrelacement de l’énorme machinerie industrielle et militaire de la défense avec nos méthodes et nos buts pacifiques, de telle sorte que sécurité et liberté puissent prospérer ensemble » [1].

Extrait d’un discours du président de l’Égypte, Gamal Abdel-Nasser, sur les Mémoires de Dwight Eisenhower [début des années 60 ?] :

 « En 1957, les États-Unis ont tenté d’utiliser l’Arabie saoudite contre le Forces syriennes… propos tenus par Eisenhower en personne. Les Américains nient certains faits mais, chez eux, dès qu’un président a terminé son mandat, il publie ses mémoires et reconnait des faits qu’ils ont niés.

 Ainsi, en 1957, ils disaient qu’ils ne soutenaient aucunement une alliance islamique, une opération islamique ou une action contre les forces syriennes ; alors que, dans ses mémoires, Eisenhower écrit qu’en 1957 ils voulaient envahir la Syrie et, qu’après avoir discuté de cette invasion avec les Turcs, ils ont préféré la confier à l’Irak.

 Nous nous souvenons tous de ce qui s’est passé en cette année 1957 lorsque nous avons dépêché les forces parachutistes égyptiennes en Syrie avant l’Union [avec la Syrie : République Arabe Unie de 1958 à 1961] et avons déclaré que l’armée égyptienne se tenait aux côtés de l’armée syrienne […].

 En vérité, en 1957, lorsque les renseignements m’ont informé qu’un plan américain d’invasion de la Syrie était en cours de préparation avec la Turquie et l’Irak, je n’y ai pas cru […]. Mais, dans ses mémoires, Eisenhower décrit tout le plan et dit avoir envoyé Loy Henderson en Turquie pour se mettre d’accord sur l’attaque contre la Syrie ; qu’ensuite ses envoyés sont allés en Irak et se sont entendus avec Nouri al-Saïd ; mais, qu’une fois l’accord conclu avec l’Irak, ils avaient reculé […] » [2].

Vidéo rediffusée à l’occasion du 100ème anniversaire de la naissance du président Nasser qui montre que le plan de déstabilisation de la Syrie a été conçu, au moins, depuis 1957 ; un plan du MI6 et de la CIA, approuvé par le président Eisenhower et Harold Macmillan, lequel plan prévoyait déjà l’invasion de la Syrie par ses voisins pro-occidentaux ainsi que l’assassinat de dirigeants syriens, tel que décrit par un article du quotidien « The Guardian » de 2003 [3][4].

Aujourd’hui, ce n’est plus un secret que cette première coalition contre la Syrie s’est transformée en ladite « Coalition internationale », laquelle a atteint, en 2012, 114 États membres des Nations Unies, pour ensuite tomber assez bas, avant de remonter ce 23 janvier [5] à une trentaine d’États membres, visiblement tentés par le contournement des résolutions du Conseil de sécurité, grâce à la stratégie de communication diplomatique de Paris qui n’a plus rien à envier à celle de Washington… [NdT]

_________________________________________

Dr. Bouthaïna Chaabane, Conseillère politique du Président syrien Bachar al-Assad

Que le ministre américain de la défense, James Mattis, déclare que la priorité de Washington en matière de sécurité nationale n’est plus la lutte contre le terrorisme, mais la compétition entre les grandes puissances, et que l’avantage compétitif de l’armée américaine diminue [6] est un aveu important, à un moment politique important, qui exige que nous nous arrêtions pour réfléchir sur ses raisons, ses causes et ses conséquences.

Et que le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, lui réponde que la « stabilité stratégique » ne peut être atteinte qu’en coopération avec la Russie et la Chine, c’est aussi une réponse très importante dont il nous faut analyser les conditions de réalisation dans un contexte de dispositions américaines absolument contraires aux aspirations des peuples à la paix, à la stabilité, à la sécurité et à la prospérité.

Tout aussi important est le fait que l’aveu américain émane du ministre de la Défense, si bien qu’il ne peut être attribué aux délires de Donald Trump et à ses folies coutumières, mais à un haut responsable trônant au sommet du « gouvernement profond » qui dirige effectivement les États-Unis et représente l’élite possédant plus de 85% de la richesse du pays.

Une élite dont la priorité des priorités est de rester le pôle dominant économiquement, militairement et politiquement, en ne permettant à aucune force la constitution d’un autre pôle, afin de piller la richesse des peuples, comme l’ont précédemment fait les puissances coloniales ; une élite à l’origine de toutes les tentatives et de tous les plans des services secrets étatsuniens, et d’autres, durant des décennies, jusque la dislocation de l’Union soviétique ; une élite qui a fini par étendre l’hégémonie des États-Unis ces vingt dernières années sur le monde, sur ses richesses, ses institutions, son organisation onusienne ; une élite qui refuse toute autre réalité que la sienne.

Par conséquent, les guerres étatsuniennes contre l’Afghanistan, l’Irak, la Libye, la Syrie, et plus récemment contre le Yémen, n’étaient absolument pas destinées à combattre le terrorisme. Bien au contraire, les États-Unis ont inventé le terrorisme, ont créé ses diverses organisations, les ont entraînées, armées et financées grâce à leurs valets gouvernant la Saoudie et à des hommes d’affaires islamistes, dans le but de le répandre et de freiner les forces montantes de la Russie et de la Chine.

D’où la pertinence et la justesse des propos du président Vladimir Poutine lorsqu’il révèle le but ultime de la guerre des Étasuniens contre les Arabes et leur allié, l’Iran, en déclarant que « combattre le terrorisme en Syrie c’est défendre Moscou ». De même pour l’Iran qui dit que « défendre la Syrie contre le terrorisme c’est défendre Téhéran », sans parler de l’amitié historique entre les deux États et les deux peuples.

Cependant, tous leurs efforts pour renverser l’État syrien, diviser l’Irak par la création d’une entité kurde au nord du pays, démanteler l’axe de la Résistance, ont échoué grâce aux sacrifices de l’Armée arabe syrienne, de ses forces supplétives et du soutien constant, politique et militaire, des forces alliées.

Ce qui a contraint le gouvernement profond aux États-Unis à chercher une alternative pouvant néanmoins assurer deux priorités : d’abord, continuer à freiner tout pôle montant par n’importe quel moyen, notamment par des opérations menées via les terroristes et les services secrets ; ensuite, stimuler la roue de l’économie américaine pour qu’elle reste la locomotive tirant l’économie mondiale et ainsi accumuler encore plus de richesse entre les mains de l’élite possédante.

Or, la furie manifeste du ministre américain de la Défense contre la Russie et la Chine traduit l’inquiétude de cette élite, et de son gouvernement profond, face au pôle sino-russe devenu réalité. Quant à sa déclaration concernant la diminution incessante de l’avantage militaire américain, elle suggère la crainte d’une crise économique grave du fait d’un nombre de guerres insuffisant au maintien du dynamisme des industries militaires, hautement lucratives et première locomotive de l’économie américaine

En effet, après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont principalement investi dans le développement des industries militaires, au détriment d’autres secteurs. Aujourd’hui, avec les médias et les institutions financières, elles sont devenues l’épine dorsale de l’économie américaine.

Or ces industries ont désespérément besoin de guerres nouvelles et continuelles, pour que l’armée américaine, et les armées des États alliés, achètent leurs productions et fassent main basse sur de nouvelles ressources qui nourriront, en retour, les possesseurs de ces industries sanguinaires.

Par conséquent, l’absence de guerres importantes et prolongées signifie, pour les États-Unis, non seulement l’érosion de leur suprématie militaire, mais aussi la récession de leur économie.

Certes, ils ont tenté de remédier à cette récession en volant des milliers de tonnes d’or à l’Irak et à la Libye, avec plus de 800 milliards de dollars évaporés quelque part pour l’Irak, et Trump a récemment extorqué plus de 500 milliards de dollars à l’Arabie saoudite contre le maintien des dirigeants saoudiens au pouvoir. Mais tout cela ne relancera pas l’industrie militaire américaine.

C’est pourquoi la réponse de Lavrov à Mattis, qu’il a invité au dialogue et non à la confrontation, est celle de ceux qui croient en la complémentarité et en l’importance des relations entre États fondées sur la préservation de la paix et de la sécurité internationales. C’est une réponse légitime et humaine, sans rapport avec le problème structurel dont souffre déjà l’économie américaine de l’après-impérialisme ; lequel problème ne peut donc être résolu que par la fabrication constante de grandes guerres pour la prospérité des usines d’armes américaines.

Telle est la crise structurelle de l’économie américaine qui étend son ombre sur la plupart des économies du monde. Telle est aujourd’hui la calamité pour l’humanité : celle du pays le plus puissant du monde dont l’économie s’est construite sur une industrie sanguinaire et destructrice, et sur la création des guerres pour maintenir sa suprématie.

Dr. Bouthaïna Chaabane

Conseillère politique du Président syrien Bachar al-Assad

23/01/2018

Article original en arabe : New orient News

http://www.neworientnews.com/index.php/2013-08-24-22-19-26/57059-2018-01-23-06-54-35

Traduction de l’arabe et vant-propos par Mouna Alno-Nakhal pour Mondialisation.ca

 

Notes :

[1] Discours d’adieu prononcé par le président Dwight David Eisenhower

(Traduction de Pascal Delamaire)

https://clio-texte.clionautes.org/Le-discours-d-adieu-d-Eisenhower-le-complexe-militaro-industriel.html

[2] Discours du président Gamal Abdel-Nasser

https://www.youtube.com/watch?v=Pht0kJMYauQ

[3] Macmillan backed Syria assassination plot

https://www.theguardian.com/politics/2003/sep/27/uk.syria1

[4] Le plan contre la Syrie date de 1957 [Traduction de Mounadil al-Djazairi]

http://mounadil.blogspot.fr/2012/02/le-plan-contre-la-syrie-date-de-1957.html

[5] Déclaration de principe du Partenariat international contre l’impunité d’utilisation d’armes chimiques

https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/partenariat_international_contre_l_impunite_d_utilisation_d_armes_chimiques_declaration_de_principes2_fr_cle89d5f3.pdf

[6] L’administration Trump dévoile sa nouvelle stratégie de défense nationale

http://www.lemonde.fr/international/article/2018/01/19/l-administration-trump-devoile-sa-nouvelle-strategie-de-defense-nationale_5244361_3210.html

***

Oprah présidente, vraiment ?

janvier 24th, 2018 by Mike Whitney

Voudra, voudra pas ?

Personne n’est certain. Sa meilleure amie, Gayle King, dit qu’Oprah Winfrey n’a pas l’intention de se présenter à la présidence, mais son partenaire de longue date, Stedman Graham, n’est pas d’accord. il dit carrément : « Elle le ferait absolument. C’est au peuple de décider. »

Alors, qui a raison et qui a tort ? Et quoi de neuf avec les Golden Globes ? La réaction au discours émotif de Winfrey était-elle vraiment aussi spontanée que nous l’avons cru ou était-ce un déluge de couverture médiatique déjà en préparation ? Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, la ridicule avalanche de louanges – y compris plus de 700 articles surgissant dans les médias de masse, accompagnés d’une campagne de saturation sur les médias sociaux – sent le poisson pourri. Était-ce censé être un discours inspiré pour les fans et les sympathisants ou un lancement de produit par les chefs du Parti démocrate qui avaient besoin d’un lieu fastueux pour présenter leur future candidate à la présidentielle, Mme Talk TV elle-même, Oprah Winfrey ?

Si j’étais un joueur, je parierais que toute l’extravagance de dimanche soir, y compris l’oraison déchirante de Winfrey, était une mise en place du brouet pour les nuls. Ma conjecture est que les huiles du Parti démocrate ont cyniquement décidé que leur meilleure chance de battre Trump en 2020 est de suivre le modèle qui a fonctionné pour Barack Obama, le sénateur inexpérimenté après seulement deux ans de mandat, dans l’Illinois.

Premièrement, ils commencent avec le lancement du produit auprès d’un public cible, puis ils créent un buzz positif dans les médias et sur Internet, puis ils amplifient la taille de la « vague » de soutien (vous souvenez-vous des femmes évanouies lors des discours d’Obama ?), puis ils transportent leur candidat d’une estrade à l’autre où il assaisonne les mêmes salades défraîchies, encore et encore, devant la foule en extase.

Ah oui, autre chose : les vraies questions doivent être évitées comme la peste tandis que les promesses doivent être faites dans les termes les plus vagues, mais les plus exaltants possibles. C’était la clé du succès d’Obama et il semblerait qu’Oprah suive son exemple. Voici un bref extrait de son discours :

« J’ai interviewé et dépeint des gens qui ont résisté à certaines des choses les plus laides que la vie puisse vous infliger, mais la seule qualité qu’ils semblent partager est la capacité à maintenir l’espoir d’un lendemain meilleur – même pendant les nuits les plus sombres. »

Ahh, encore huit ans d’espoir et de changement. Qui l’aurait deviné ?

Bien sûr, Winfrey est extrêmement populaire, mais sa popularité ne se traduit pas nécessairement par un soutien politique. Jetez un coup d’œil à cet extrait d’un article du Washington Post et vous comprendrez pourquoi son chemin de la célébrité télévisuelle à la présidentielle pourrait être plus cahoteux que ce que beaucoup de gens attendent :

« Un sondage de l’Université Quinnipiac de mars 2017 a révélé que Winfrey avait une cote de popularité  favorable de 52% (et défavorable de seulement 23%). Elle était la plus populaire auprès des Démocrates (72%) et des indépendants (51%). Mais cela ne signifie pas que les sondés voulaient qu’elle jette son chapeau dans l’arène : un peu plus d’un sur cinq a dit que Winfrey devrait se présenter en 2020, et 69% ont dit qu’elle ne devrait pas. »

Cela ne signifie pas que c’est une cause perdue, cela signifie simplement que son pari présidentiel n’est pas gagné. Ça va être une montée longue et difficile avec plein de pièges et de médisances. Malgré tout, la plupart des analystes s’attendent à ce que Winfrey navigue à travers les primaires démocrates sans se fouler. Il n’y a tout simplement aucun candidat potentiel dans le parti qui pourrait rivaliser avec son charisme, sa popularité ou sa large base de fans. Mais en acceptant la nomination, et en devenant le porte-drapeau du parti, Oprah se trouvera dans une position où elle pourrait se mesurer au grand Don Trump, sur un ring où tous les coups sont permis, pour décider si le pays sera gouverné par un oligarque milliardaire flamboyant ou par une oligarque milliardaire flamboyante. Est-ce que ça pourrait être plus glauque ?

J’ai toujours pensé que les Démocrates mettraient Michelle Obama sur le ticket de 2020, après tout, pour des gens axés sur la « politique de l’identité » Michelle a tout pour plaire ; elle est noire, femme, brillante, elle a une grande renommée, une stature, de la gravité, du charisme, elle sait comment prononcer un discours captivant, elle sait se débrouiller parmi les dignitaires, et elle connaît « la musique »c’est-à-dire qu’elle sait que le président est une figure de proue insignifiante qui a très peu de pouvoir et suit un script serré écrit par ses électeurs fortunés. Michelle sait tout ce qui fait d’elle la candidate parfaite.

Mais Michelle ne voulait probablement pas du job. Et pourquoi en voudrait-elle ? Son mari vient de signer un contrat de 60 millions de dollars pour un livre, alors Michelle peut se permettre de garder les doigts de pieds en éventail et profiter de la vie. C’est pourquoi les Démocrates sont passés à la porte numéro 2 : Oprah Winfrey. Si Trump peut gagner sans expérience politique (c’est ce qu’on pense), alors pourquoi pas Winfrey ?

Pourquoi pas, en effet ? Voici comment Paul Waldman du Washington Post le résume :

« Il est vrai que les Démocrates ont sous-estimé l’importance du charisme dans la politique présidentielle. Mais la réponse à ces échecs électoraux n’est pas d’arrêter de se soucier de la substance. Il s’agit de trouver des candidats à la fois charismatiques et sérieux, capables à la fois de gagner et de faire le travail une fois qu’ils ont pris leurs fonctions… »

Bingo. Et que faudrait-il pour faire d’Oprah Winfrey une candidate « sérieuse » ?

Eh bien, elle devrait avoir une bonne compréhension des enjeux, ce qui signifie qu’elle devrait suivre un cours intensif sur la politique, les affaires mondiales, la négociation et l’économie. Elle aurait besoin d’avoir une opinion sur l’impasse nucléaire avec la Corée du Nord ; la confrontation en mer de Chine méridionale ; la guerre saoudienne et le blocus du Yémen ; l’escalade du conflit en Afghanistan ; l’occupation américaine de la Syrie orientale ; les relations avec la Turquie ; les sanctions économiques contre l’Iran ; la Russie ; le Venezuela et Cuba. Et elle devrait comprendre les problèmes intérieurs ; les coupures au niveau du plan de santé Medicaid ; les baisses d’impôt sur les sociétés ; les déficits budgétaires croissants ; les salaires stagnants ; le prix exorbitant des frais de scolarité ; les coûts incontrôlés des soins de santé ; le libre-échange ; la déréglementation ; Wall Street ; le transport ; l’application de la loi ; la sécurité nationale et l’éviscération régulière de la classe moyenne américaine. Ouf.

Le fait qu’Oprah n’a vraiment aucune compréhension de ces choses ni aucune compréhension de la façon de négocier avec le Congrès, avec le personnel d’une administration, ou de nommer des juges, me fait penser que les huiles démocrates l’utilisent simplement comme un faire-valoir pour s’installer à nouveau au pouvoir, et encore une fois, profiter du butin de la guerre.

N’est-ce pas le but réel de toute cette vague médiatique : « Oprah pour président(e) ? » Les gros bonnets du parti, et leurs sponsors en coulisse, ne recherchent-ils pas le bon véhicule pour vanter leur message et brandir leur bannière sans avoir l’intention de s’attaquer aux problèmes qui préoccupent vraiment les travailleurs ordinaires ?

Évidemment c’est ce qu’ils cherchent. Ces gens sont cyniques.

Mike Withney

 

Article original en anglais : Oprah for President, Really?, CounterPunch, le 12 janvier 2018

Traduit par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone

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Perspectives 2018 : Amérique Latine

janvier 24th, 2018 by Andrew Korybko

Les États-Unis ont systématiquement démantelé la multipolarité dans l’hémisphère occidental depuis le début de leur contre-offensive asymétrique de 2009  soutenant le coup d’État militaire contre le président hondurien Manuel Zelaya. Depuis lors, les gouvernements de gauche d’Argentine et du Brésil sont tombés en raison de coups d’État électoraux et constitutionnels, renversant sévèrement les effets de la « marée rose » et ouvrant le bloc commercial du Mercosur au même type d’influence néolibérale qu’il avait précédemment voulu contrecarrer.

Le Venezuela a connu les affres d’une guerre hybride meurtrière et sans cesse croissante, et même si le gouvernement du président Maduro n’a pas été renversé, son influence régionale en a été considérablement affaiblie. De plus, les États-Unis rassemblent une coalition d’États régionaux pour intensifier la  pression exercée sur la République bolivarienne, ce qui pourrait déboucher sur un nouveau modèle de « Lead From Behind » qui pourrait être utilisé ailleurs dans l’hémisphère.

Parlant de cela, il semble probable que la Bolivie connaisse une période de troubles l’année prochaine après l’annonce par le tribunal du pays que le président Morales sera autorisé à briguer un quatrième mandat malgré la perte de peu du référendum de l’an dernier qui devait lui conférer ce droit dans les urnes. La Bolivie est également l’État de transit central du Transoceanic Railroad qui reliera le Pérou et le Brésil. Les États-Unis ont donc une autre raison de déstabiliser cet État socialiste multipolaire et gazier qui a récemment étendu ses partenariats avec la Russie et la Chine.

Le Nicaragua pourrait également rencontrer des difficultés alors que le gouvernement du président Ortega est contraint de réagir à la détérioration de la situation économique dans le deuxième pays le plus pauvre de l’hémisphère occidental. Il s’agit aussi d’éviter que le piège de la guerre hybride ne déclenche à répétition, tout le long de la côte des Moustiques, des conflits comme celui des Contras. Le Honduras voisin, l’un des plus grands États d’origine pour les migrants illégaux aux États-Unis et un lieu de transit crucial pour les opérations de trafic de stupéfiants, pourrait s’inquiéter si le peuple continue de s’agiter contre le gouvernement après que le président Juan Orlando Hernandez a volé les dernières élections pour s’octroyer pour lui-même un second mandat sans précédent à ce poste.

Dans cette situation aussi désespérée que possible, il y a en fait deux occasions potentielles d’inverser le cours des événements et repousser la domination unipolaire qui s’est glissée dans cet hémisphère sud. Elles se retrouvent toutes les deux dans les élections présidentielles du Mexique et du Brésil l’année prochaine. Andres Manuel Lopez Obrador, populairement connu sous ses initiales abrégées d’AMLO, est un leader de l’opposition nationaliste de gauche très populaire au Mexique et il a une sérieuse chance de remporter la présidence en juillet. Il a déjà disputé plusieurs élections dans le passé, perdant en 2006 à cause d’une prétendue fraude, et sa victoire potentielle l’année prochaine pourrait pimenter les relations américano-mexicaines.

AMLO est considéré par beaucoup comme une version mexicaine de Trump, quoique du point de vue de la gauche, même s’il est loin d’être un second Chavez. Son entrée en fonction pourrait immédiatement avoir de lourdes conséquences pour les États-Unis, notamment en termes de renégociation de l’ALENA et au sujet des migrants illégaux. Il est encore trop tôt pour évaluer ses chances de gagner, mais il y a néanmoins beaucoup d’énergie positive autour de lui, et il ne faut pas oublier que le scénario des élections de 2006 pourrait à nouveau se répéter. Il pourrait alors finir par réclamer sa victoire en cas de faible défaite sur fond de fraude. Ce scénario pourrait perturber la situation au Mexique et transformer le pays en un risque pour la sécurité des États-Unis, raison pour laquelle il doit être surveillé.

En ce qui concerne le Brésil, les autorités dirigeantes calibrent les « lois » pour essayer d’empêcher l’ancien président ultra populaire connu sous le nom de Lula de se présenter de nouveau, s’appuyant sur son prétendu lien avec le vaste plan de corruption « Opération Lava Jato » en essayant de le rendre inéligible. En tout cas, le Parti des Travailleurs pourrait bien se débrouiller et profiter du ressentiment généralisé contre la domination de Temer pour remporter une victoire. Mais en même temps, les électeurs ont largement perdu leurs illusions autour de ce parti, scandalisés par le scandale, et ils pourraient opter pour l’option Marina Silva avec Soros à la manette et sa nouvelle filiale du Parti socialiste appelant à un réseau de durabilité.

En raison de l’incertitude quant à la direction géopolitique de l’Amérique latine, il est raisonnable de décrire toute la région comme étant dans les limbes entre multi-polarité et uni-polarité, avec les forces pro-américaines à l’initiative stratégique mais n’ayant pas encore fermement assuré tous les rênes du pouvoir. Les prochaines élections au Mexique et au Brésil détermineront dans une large mesure la trajectoire future de l’hémisphère Sud, tout comme l’issue de la guerre hybride contre le Venezuela et les conflits naissants qui pourraient également éclater contre ses partenaires boliviens et nicaraguayens.

Andrew Korybko

 

 

Article original en anglais :

Latin America in Limbo in 2018: Washington’s “Operation Condor 2.0”

Oriental Review 30 décembre 2017

Traduit par Hervé, relu par Cat pour le Saker Francophone

 

Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie « Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime » (2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.

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1- LA COHORTE DES SUPPLÉTIFS DES ÉQUIPÉES ATLANTISTES EN IRAK ET EN SYRIE

En tête de liste, Ahmad Chalabi, office boy irakien de l’administration américaine lors de l’invasion de l’Irak, en 2003. Ce banquier en banqueroute sera promu chef de l’opposition démocratique d’Irak pour servir de caution à la rhétorique sur «les armes de destruction massive de l’arsenal irakien», de même que son compatriote Iyad Alaoui, le premier ministre du pro-consul américain en Irak Paul Bremer.

Mention spéciale aussi pour un troisième irakien : Rafed Al Janabi, agent de la CIA recruté pour le compte de la centrale américaine par Ahmad Chalabi,afin de relayer la fable sur les AMD irakiens. Lâché par ses maîtres une fois son forfait accompli, Rafed Al Janabi sombrera dans l’anonymat et la misère avant de retrouver son salut dans un poste subalterne de serveur au sein d’une franchise Burger King dans une ville allemande.

SYRIE

Kamal Labwani, membre de la direction de la coalition off shore pétro monarchique qui a proposé «d’offrir le Golan à Israël en contrepartie du concours de l’armée israélienne à la chute du régime baasiste». A égalité avec Bourhane Ghalioune, premier président de la coalition off shore, qui, lui a proposé, «la rupture des relations diplomatiques avec l’Iran et la coupure du ravitaillement stratégique du Hezbollah via la Syrie»; Deux propositions faites sans consultation du peuple syrien et qui correspondent furieusement aux objectifs sous-jacents de la déstabilisation de la Syrie.

En précurseur, auparavant, l’ancien ponte du régime baasiste syrien, Abdel Halim Khaddam, victime cupide de la diplomatie saoudienne du carnet de chèques.
Maniée de tous temps par les Saoudiens, pour restaurer le pouvoir sunnite tant à Beyrouth qu’à Damas, «la diplomatie du carnet de chèques» montrera son indigence dans sa déconfiture syrienne : Abdel Halim Khaddam, ministre des Affaires étrangères, personnalité de premier plan présumée socialiste du régime baasiste, versera dans l’affairisme Haririen et l’intégrisme religieux des « Frères Musulmans », avant de se carboniser.

Il se retrouvera relégué aux oubliettes de l’histoire lâché par tous, y compris par ses nouveaux alliés, l’organisation des « Frères musulmans », celle-là même qui s’était lancée à l’assaut du pouvoir, en février 1982, en vue de faire trébucher le régime baasiste dont il était un des piliers, à quatre mois de l’invasion israélienne du Liban.

2- LA COHORTE DES SUFFRAGETTES TARIFÉES DE LA CONTRE RÉVOLUTION SYRIENNE

Pour une étude exhaustive de la liste des «Judas de Syrie», cf ce lien
http://www.madaniya.info/2017/05/02/l-adoubement-des-dirigeants-de-l-opposition-off-shore-syrienne-par-israel-un-blanchissement-de-leurs-turpitudes/

En additif, ci joint la cohorte des suffragettes tarifées de la contre révolution syrienne :

  • Samar Yazbek, anonyme au bataillon jusqu’au jour où la baguette du magicien Alain Juppé transformera cette fée carabosse en princesse au bois dormant, madonne sirupeuse des plateaux des télévisions françaises
  • Souhair Al Atassi, en guise de paravent à la modernité, au même titre que Basma Kodmani, la première porte parole de l’opposition off shore. Fille du chef du mouvement nassérien de Syrie, Jamal Al Atassi, Souhair se dévoiera dans son compagnonnage avec Anas Al Abda, un des chefs de file du djihadisme pro-wahhabite, abondamment pourvu en pétrodollars, dans une démarche qui a retenti comme une insulte au combat nationaliste de son père.

Voir à ce propos le récit édifiant du journal «Le Monde», la bible de l’opposition wahhabite de Syrie.
http://syrie.blog.lemonde.fr/2013/05/05/qui-veut-la-place-de-souheir-al-atassi-au-sein-de-la-coalition-nationale/

Pour ce qui est de Samar Yazbek, cf le compte rendu de sa prestation au Mucem Marseille : Samar Yazbek, écrivain «réfugiée à Paris depuis l’été 2011» était ici une des «femmes qui dans l’anonymat ou l’exil, déploient une vitalité artistique à nulle autre pareille». Sa vitalité n’arrivera pas ce jour-là à retenir la salle, qui se vide discrètement au fur et à mesure du documentaire puis de l’interview où elle explique sa passion pour l’écriture et la liberté ; la lecture de son roman «Un parfum de cannelle va m’aider ensuite à appréhender sa démarche.

Extrait de la 4e de couverture : «Hanan al-Hachimi, bourgeoise oisive et aisée» découvre «la jeune Alya, sa servante, en pleins ébats avec [son vieux mari honni]! Si le jour, l’une exerce son pouvoir sur la domestique […], le soir venu, les rapports s’inversent, et les deux femmes s’adonnent secrètement aux plaisirs saphiques avec une étrange volupté […]. Ce roman sulfureux d’un écriture réaliste bouleverse l’ordre établi de la société syrienne en y dénonçant les conditions réservées aux femmes».*

Au bout des 122 pages, si on se demande où est la censure d’un régime qui a laissé Samar Yazbek écrire et publier 4 romans «dénonçant l’ordre établi» etc., on comprend vite par contre pourquoi ça n’est pas dans les monarchies du Golfe, dénonçant pourtant elles aussi l’ordre établi d’Assad, que l’auteur a cherché asile.

http://www.mondialisation.ca/quelques-figures-de-vitalite-artistique-intellectuelle-et-mediatique-la-syrie-du-mucem/5371380

3- AU PALMARÈS DE LA HONTE FIGURENT EN OUTRE

  • Mounzer Safadi (Palestine), agent de liaison syro-druze d’Israël auprès des groupements djihadistes de Syrie, ainsi que Farid Ghadri, Radwane Zyadeh, pour les États Unis et les Kodmani’s Sisters, pour la France, -Basma and Hala Kodmani-, des supplétifs syriens de l’administration française lors de la guerre islamo-atltantiste contre la Syrie.
  • Wahid Burschan (Libye), homme d’affaires américano libyen, un pion de la CIA programmé pour piloter le futur pouvoir dans la Libye post-Kadhafi et ami de BHL.
  • Lokmane Slim (Liban), le chiite de service anti-Hezbollah pour le compte de l’ambassade américaine de Beyrouth et Walid Farès, un des plus grands sanguinaires parmi les dirigeants des milices chrétiennes de la guerre du Liban reconverti dans l’expertise contre-terroriste à Washington, promu désormais pour services rendus à la stratégie israélo-américiane, conseiller pour le Moyen Orient du président Donald Trump

Dans ce quota, il convient d’intégrer les frelons exportateurs de la démocratie selon le schéma américain dans le Monde arabe : Elie Khoury (Quantum/Saatchi and Saatchi), Saad Eddine Ibrahim (Ibn Khaldoun Center for Developpment Studies), Imad Bazzi, Michel Eleftériades, Assaad Tébiane, Asma Andraos (Liban).

Pour la Tunisie, Nadia Fani, fille d’un grand syndicaliste tunisien dont la cinéaste a dilapidé le capital de sympathie par sa quête d’un rebond professionnel auprès des élites mondialisées représentées par l’ultra féministe islamophobe française Caroline Fourest, actant sa soumission à la pensée dominante par son voyage à Canossa-Israël.

Tout comme son compatriote tunisien Hassan Chalghoumi, Prix Léon Blum du CRIF (Conseil représentatif des Institutions Juives de France)… Ah la belle promotion pour ce guide au français approximatif de la Mosquée de Drancy France.

Khaled Mecha’al, le chef politique du Hamas, la branche palestinienne de la confrérie des Frères Musulmans, à l’abri dans sa luxueuse résidence climatisée au Qatar alors que la bande de Gaza demeure à l’état de ruine, un an après sa destruction par Israël, l’allié souterrain des pétromonarchies du Golfe.

Youssef Qaradawi passé à la postérité pour ses suppliques implorant l’Otan de bombarder un pays, la Syrie, un pays qui a livré quatre guerres contre Israël ; Jabhat An Nosra, la franchise d’Al Qaida en Syrie, dont la connivence avec Israël sur le Golan, un territoire syrien occupé, -non pour le libérer, mais pour faire tomber le régime de Damas-ferment le ban.

4- LE LIBAN, UN VASTE CIMETIÈRE DE TRAÎTRES

Ultime pays du champ de bataille à faire front à Israël, le Liban a fait l’objet d’une abondante littérature en la matière, ne serait-ce qu’à l’occasion de la découverte d’un important réseau de taupes israéliennes incrustées dans le système de transmission libanais, impliquant des membres du haut commandement de l’armée, mus par la cupidité et le sectarisme.
Beyrouth est un vaste cimetière de traîtres, avec en tête du palmarès de la honte, le quatuor maléfique de la guerre du Liban : le chef des milices chrétiennes libanaises, Bachir Gémayel, son adjoint Samir Geagea et les deux officiers félons du Sud Liban, le commandant Saad Haddad et le Général Antoine Lahad.

Mais ce bilan macabre n’a apparemment pas découragé les vocations tant cette activité périlleuse s’est révélée lucrative, à en juger par le coup de filet anti israélien réalisé par les services de sécurité libanais. Du gros gibier : un général, deux colonels, trois cadres supérieurs occupant des fonctions névralgiques au sein d‘une entreprise stratégique de communications, un président sunnite d’un conseil municipal, proche du premier ministre Saad Hariri, le frère d’un garde de corps d’un dirigeant du mouvement chiite Amal. Tous à des postes sensibles.
70 arrestations, 25 inculpations pour espionnage au profit d’Israël, un chiffre sans précédent, infligeant au renseignement israélien l’un des plus importants revers de son histoire.

L’élément déclencheur de cette contre-offensive libanaise aura été l’assassinat en février 2008 à Damas d’Imad Moughniyeh, le cauchemar de l’Occident pendant un quart de siècle, qui conduisit cette organisation clandestine et opaque à opérer un travail de contre-espionnage en profondeur pour finir par démasquer les pisteurs : Deux frères sunnites, originaires de la bourgade d’al Marj, dans la vallée de la Bekaa, Ali et Youssouf Jarrah, en possession du matériel photographique et vidéo, d’un système GPS dissimulé dans leur véhicule fréquemment garé au poste frontière de Masnaa, sur la route entre Beyrouth et Damas, en vue de pointer les responsables du Hezbollah empruntant le passage vers la Syrie.

Opérant depuis vingt ans pour le compte des Israéliens, Ali Jarrah était même muni d’un passeport israélien, pour ses déplacements, via Chypre, en Israël.

Au niveau chrétien, six acteurs majeurs ont été arrêtés : Le général Adib Semaan al Alam, un ancien de la sûreté nationale, un poste où il avait aussi accès au département des passeports, source d’information capitale.

Recruté par les services israéliens en 1994, il aurait loué pour le compte des Israéliens des abonnements à lignes de téléphonie cellulaire. Ses employeurs l’auraient convaincu de prendre sa retraite pour monter une agence de recrutement de domestiques asiatiques «Douglas office», qu’il utilisait comme taupes auprès de leurs employeurs, membres de la bourgeoisie libanaise. Grâce à cette couverture, Adib Alam aurait fourni des informations sur le Hezbollah et sur les mouvements internes de l’armée libanaise. Un deuxième officier chrétien inculpé est un beau frère d’un officier de l’armée dissidente libanaise du général Antoine Lahad, les supplétifs de l’armée israélienne au sud Liban.

Convaincu de collaboration avec Israël, le colonel Mansour Diab, était directeur de l’École des Forces Spéciales des commandos de marine, un poste qui lui a permis de superviser les opérations d’exfiltration d’agents et de transbordement de matériels d’espionnage. Celui qui passe pour être l’un des héros de la prise d’assaut du camp de réfugiés palestiniens de Nahr el-Bared, l’été 2007, blessé à l’épaule lors de l’attaque, il aurait été recruté par le Mossad pendant ses stages aux États-Unis.

5- ÉLIAS EL MUR : INTERPOL EN GUISE DE BONUS AU JUDAS LIBANAIS

Toutefois un cas mérite d’être porté à la connaissance du plus large public par la forfaiture et l’imposture d’un détenteur de l’autorité publique. Son parcours gouvernemental aura été un chapelet de forfaitures qui le conduiront par son abdication au bloc atlantiste au sommet de l’organisation de coopération criminelle, Interpol, en guise de prime à ce judas libanais.

Pur produit de la féodalité clanique libanaise, l’homme aura asservi sa fonction, pour la vassalisation de son pays à ses ennemis. Ministre de la Défense, Elias El Murr passe pour avoir renseigné Israël sur les positions du Hezbollah durant la guerre de destruction du Liban, maintenant l’armée libanaise l’arme au pied, en juillet 2006, plutôt que d’assurer la couverture militaire de la formation paramilitaire.

Le journal libanais «Al Akhbar» a ainsi publié une trentaine de câbles émanant de l’ambassade des États-Unis à Beyrouth datant de 2008-2009. Deux d’entre eux ont fait particulièrement du bruit à Beyrouth : le premier attribue au ministre libanais de la Défense, Elias el-Murr, des conseils indirects adressés à Israël sur la manière d’agir en cas de nouvelle offensive militaire contre le Hezbollah.

Le ministre aurait notamment recommandé d’éviter de «bombarder des ponts et des ouvrages d’infrastructure dans les régions chrétiennes». Selon le câble, «Murr a donné des directives (au chef de l’armée Michel) Sleimane demandant que les forces armées libanaises ne s’impliquent pas si Israël vient»
http://www.lefigaro.fr/international/2010/12/06/01003-20101206ARTFIG00695-ces-cables-secrets-qui-sement-la-zizanie-au-liban.php
Ministre de l’intérieur (2000-2004), il avait auparavant amplifié les liens du Liban à l’INTERPOL. Au-delà de toute mesure. Au-delà de toute décence. Sous sa direction, en effet, les dossiers de police partagés par le Liban dans les bases de données d’INTERPOL ont presque doublé en moins de trois ans. Autrement dit, l’homme a veillé, non à protéger ses concitoyens libanais, mais à transférer un important lot de la banque de données du renseignement libanais à Interpol pour un meilleur pistage de ces compatriotes.

Gendre du président Émile Lahoud (1998-2006), il s’assurera une posture privilégiée durant sa mandature présidentielle cumulant tour à tour les fonctions de vice premier ministre et de ministre de l’intérieur, puis de ministre de la défense, avant de succomber aux sirènes de l’ennemi de son beau-père, le milliardaire libano saoudien Rafic Hariri et de s’aménager un destin international, loin des magouilles libanaises dont il aura été un des grands contributeurs.

Beau-frère de Gébrane Tuéni, l’ancien directeur du journal An Nahar assassiné, Elias El Murr, symbolise mieux que tout le système des alliances rotatives des éditocrates libanais de l’après -guerre. Bailleur de fonds des milices libanaises durant la guerre civile, le tandem orthodoxe s’adossera successivement au camp rival du général Michel Aoun, chef du Courant Patriotique Libanais alors en exil en France, avant de basculer dans le camp Hariri après un bref transit dans le camp du président Émile Lahoud.

Le tandem a été la cible d’un double attentat sans doute en guise de sanction d’un parcours erratique.
Le ministre en a réchappé, le journaliste a succombé. Celui que des laudateurs empressés ont qualifié de «martyr de la presse libanaise» était en fait un partenaire en affaires d’un ancien milicien libanais reconverti dans le trafic des stupéfiants dont il assurera la responsabilité de chef de réseau en Europe orientale.
Avide et cupide, soucieux de rentabilité «Gaby» avait coutume de louer aux mafieux de la drogue sa voiture blindée durant son absence du Liban. Nul au sein de la commission d’enquête internationale ne s’est hasardé à fouiller cet aspect marécageux du dossier, sans doute pour ne pas écorner le processus de construction du mythe du «martyr de la presse libanaise».

Le parcours d’Élias El-Murr, homme en charge de la sécurité puis de la défense du Liban, un pays sensible, sa maîtrise de la langue arabe, sa bonne connaissance du Moyen-orient et ses excellentes relations avec les dirigeants de la zone gangrenée par le djihadisme, ne lui auront été d’aucun secours.

La sphère euro méditerranéenne, sous son magistère à Interpol, est devenue une passoire de Londres (2012), à Paris (2015), Amsterdam à Bruxelles, (2016), à Ankara et Istanbul (2015-2016), Munich (2016), de même que la sphère arabe, Koweït, Tunisie et surtout l’Arabie saoudite, où l’on a dénombré trente attentats rien qu’en 2015. Sans nul doute, Élias El Murr et sa coterie familiale passeront à la postérité comme le plus bel exemple moral pour l’édification civique de la génération de la relève libanaise.

Reporters Sans Frontières a d’ailleurs rétrogradé la place du Liban de la 61e à la 91e place entre 2005 (date de la création du TSL) et 2009, soit une perte de 39 places en cinq ans. Sur le mercantilisme de la presse libanaise et les alliances rotatives du clan Murr-Tuéni, ce lien :
http://www.renenaba.com/les-tribulations-de-la-presse-libanaise-1/
http://www.renenaba.com/les-tribulations-de-la-presse-libanaise-2/
Depuis la propulsion du «printemps arabe» pétrodollars et captagon ont été promus à la fonction de carburants du djihad. Si le pétrole fluidifie l’engagement des djihadistes, le captagon les dynamise vers l’au delà… le paradis artificiel, prélude au suicide assisté à distance.

Ils constituent autant d’illustrations pathologiques de la défragmentation mentale arabe et les ravages du sectarisme wahhabite impulsé par la dynastie saoudienne. Pour le plus grand bénéfice de leurs ennemis.

6- LA PROCLAMATION BALFOUR, UNE MÈCHE À COMBUSTION LENTE : «SI JE T’OUBLIE JÉRUSALEM»

Le «printemps arabe» a accéléré le processus de désintégration du Monde arabe. Depuis sa propulsion, pétrodollars et captagon ont été promus à la fonction de carburants du djihad. Si le pétrole a fluidifié l’engagement des djihadistes, le captagon les dynamise vers l’au delà… le paradis artificiel, prélude au suicide assisté à distance et à la destruction programmée du Monde arabe, avec le consentement des Arabes. Le degré zéro de l’intelligence.

Certes le drapeau palestinien a été hissé pour la première fois devant le siège des Nations Unies à New York, le 30 septembre 2015, nouvelle étape dans la marche forcée entreprise par les Palestiniens pour la reconnaissance internationale pleine et entière de leurs droits nationaux par la Communauté des Nations, mais rétrospectivement, un siècle après, la «Proclamation Balfour», promesse portant création d’un «Foyer national juif » sur le territoire de la Palestine, s’est révélée une mèche à combustion lente.

Elle a gangrené tout le long du XXe siècle, dont les répercussions se répercutent encore de nos jours sur la vie internationale viciant complètement la relation entre le Monde arabe et l’Occident. Opérant avec la promesse Balfour, «une compensation sur bien d’autrui», la forme pernicieuse d’une perversion triangulaire, le Royaume Uni a ainsi justifié pleinement son titre de «perfide Albion».

Le combat pour la Palestine est une œuvre de longue haleine que ne doit décourager, ni le désintérêt des gouvernements arabes à l’égard de ce qui a longtemps été considéré comme «la cause principale des Arabes», ni la colonisation rampante de la totalité de la Palestine en ce que la judaïsation de la Palestine porte en elle les germes d’un dépérissement de l’État Juif.

«Si je t’oublie Jérusalem…

Si je t’oublie Jérusalem, non seulement que ma main droite se dessèche, mais «que mon cerveau se sclérose et que mon corps se tétanise et mes membres se paralysent».

Tel devrait être le serment que chaque arabe et toute personne éprise de paix devraient formuler annuellement à chaque anniversaire de la proclamation Balfour, afin que justice soit rendue au peuple palestinien et que triomphent sur terre le Droit et la Justice.

René Naba

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L’enfer se déchaîne sur Washington D. C. après qu’un mémo de quatre pages détaillant les abus commis par les tribunaux de la FISA [la loi dite Foreign Intelligence Surveillance Act, NdT] a été mis à la disposition de tous les députés de la Chambre des représentants, ce jeudi. Selon la journaliste Sara Carter, le contenu du mémo est si explosif qu’il pourrait mener à la destitution de hauts fonctionnaires du FBI et du ministère de la Justice et mettre fin à l’enquête menée par Robert Mueller.

Les sources affirment que ce rapport est « explosif » et déclarent qu’elles ne seraient pas étonnées si cela menait à la fin de l’enquête de Robert Mueller sur le président Trump et ses associés. – Sara Carter

Une source proche de l’affaire a révélé à Fox News que « ce mémo détaille le travail d’audit du Comité du renseignement sur le FBI et le ministère de la Justice, y compris la controverse sur les fuites concernant la surveillance de la FISA ». Si l’on se fie à l’avis éclairé de tous ceux qui y ont prêté attention depuis un an, il est évident que le rapport révèle de nombreux abus de pouvoir et une collusion hautement illégale entre l’administration Obama, le FBI, le ministère de la Justice et le Comité de campagne de Clinton, tous contre Donald Trump et son équipe pendant et après l’élection présidentielle de 2016.

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Les législateurs qui ont vu le mémo appellent à sa publication immédiate, tandis que des mots comme « explosif », « choquant », « troublant » et « alarmant » ont tous été spontanément utilisés. Un membre du Congrès a même comparé les détails du rapport à l’activité du KGB en Russie. Jim Jordan, représentant républicain de l’Ohio, a déclaré à Fox News : « C’est tellement alarmant que le peuple américain doit voir cela. C’est troublant. C’est choquant » a déclaré Mark Meadows, représentant républicain de la Caroline du Nord. « Une partie de moi souhaite ne pas l’avoir lu parce que je ne peux pas croire que ce genre de choses puisse se produire dans ce pays, où je suis chez moi et que j’aime tant. »

Le représentant républicain Peter King, a présenté une motion, ce jeudi, pour que le rapport établi par la majorité républicaine soit mis à la disposition des membres.

 « Le document montre une troublante ligne de conduite et nous devons rendre ce document visible au public » a déclaré un haut fonctionnaire du gouvernement, qui s’est exprimé à la condition que son anonymat soit respecté en raison de la sensibilité du document. « Une fois que le public le verra, nous pourrons tenir les personnes impliquées responsables, à plusieurs niveaux. »

Le représentant du gouvernement a déclaré qu’après avoir lu le document il considère que « certaines de ces personnes ne devraient plus faire partie du gouvernement ». – Sara Carter

Lee Zeldin @RepLeeZeldin

#ReleaseTheMemo #FISAMemo & TOUS les documents pertinents qui s’y trouvent doivent être rendus public immédiatement. Tous les Américains doivent savoir la vérité ! Nous ne révélerons pas de source et de méthode non autorisée ; seulement les mauvaises sources et les mauvaise méthodes sur lesquelles les fédéraux se sont appuyés.

9 h 28 – 19 janv. 2018

288 288 Réponses 4,082 4,082 Retweets 5,562 5,562 5,562 j’aime

Josh Caplan @joshdcaplan

Le représentant républicain Jim Jordan hoche la tête d’un « Oui » avant de concéder qu’il ne peut pas parler des détails quand Sean Hannity demande si Comey connaissait les abus de la FISA. #ReleaseTheMemo

14 h 58 – 19 janvier 2018

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Lee Zeldin @RepLeeZeldin

Je viens de lire le document classifié doc @HPSCI sur l’abus par la FISA. J’en appelle à sa diffusion publique immédiate avec les sources pertinentes. Le public doit y avoir accès dès que possible ! Transparence

Lee Zeldin @RepLeeZeldin

La publication de cette information classifiée ne compromet pas les sources et les méthodes. Elle révèle la dépendance du gouvernement fédéral à l’égard de mauvaises sources et de mauvaises méthodes.

5 h 28 – 19 janv. 2018

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Ron DeSantis @RepDeSantis

Le rapport classifié compilé par le comité de la Chambre est profondément troublant et soulève de sérieuses questions sur le haut de l’échelle du ministère de la Justice d’Obama et du FBI de Comey, en relation avec l’enquête sur la soi-disant collusion.

4 h 10 – 19 janvier 2018

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Ron DeSantis @RepDeSantis

Répondre à @RepDeSantis

Bien que le rapport soit classé « top secret » je crois que le comité spécial devrait, conformément aux règles de la Chambre, voter pour que le rapport soit rendu public le plus rapidement possible. C’est une question d’importance nationale et le peuple américain mérite la vérité.

4 h 10 – 19 janvier 2018

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Le représentant républicain de Floride, Matt Gaetz, s’est fait l’écho de Sara Carter en disant que des gens pourraient perdre leur emploi si le mémo était publié :

« Je crois que sa publication entrainera des changements majeurs dans les personnes qui travaillent actuellement au FBI et au ministère de la Justice » a-t-il déclaré, faisant référence aux fonctionnaires du ministère de la Justice Rod Rosenstein et Bruce Ohr.

 

 

Rod Rosenstein

Pendant ce temps, le républicain Matt Gatetz a déclaré que non seulement la publication de ce mémo provoquera des licenciements au ministère de la Justice, mais aussi que « certaines personnes iront en prison ».

 

Ryan Saavedra @RealSaavedra

Le républicain Matt Gaetz (R-FL) au sujet de mémo de la FISA : « Je pense que cela ne se terminera pas seulement par des licenciements, je crois qu’il y a des gens qui iront en prison ! » #ReleaseTheMemo

13 h 45 – 19 janvier 2018

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L’ancien agent des services secrets Dan Bongino dit : « Amenez-les au coffre, les documents du FBI/FISA sont dévastateurs pour les Démocrates. »

 

Dan Bongino @dbongino

Les documents du FBI et de la FISA sont dévastateurs pour les démocrates. Toute l’image d’un bienveillant Barack Obama qu’ils ont tenté de dépeindre de façon malhonnête est sur le point d’être détruite. Le vrai Obama, le narcissique vengeur, va être exposé à la vue de tous.

7 h 24 – 19 janv. 2018

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Dan Bongino @dbongino

Mes sincères excuses pour les mots crus mais IL VA Y AVOIR DE LA MERDE PARTOUT.

L’ancien gouvernement Obama va avoir beaucoup d’explications à donner. #Obamagate #

8 h 16 – 19 janv. 2018

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Selon un article publié ce mois-ci, le dossier a été utilisé en partie comme preuve pour obtenir un mandat d’arrêt contre certains membres de la campagne Trump. L’ancien espion britannique Christopher Steele, qui a compilé le dossier en 2016, a été engagé par l’entreprise Fusion GPS, actuellement en difficulté. Son fondateur est Glenn Simpson, un ancien journaliste du Wall Street Journal qui a déjà témoigné devant le Congrès au sujet du dossier. En octobre, le Washington Post révélait en avant-première que c’était le bureau de campagne d’Hillary Clinton et le Comité National Démocrate qui avaient financé le travail de Fusion GPS.

Les membres du Congrès espèrent que ces informations classifiées pourront être déclassifiées et rendues publiques.

« Nous obtiendrons probablement que ce mémo soit rendu public d’ici la fin du mois » a déclaré un membre du Congrès, qui a demandé à ne pas être nommé. – Sara Carter

La publication de ce mémo nécessitera un vote du comité, a expliqué une source à Fox News, ajoutant que si c’est approuvé, il pourra être rendu public si la Maison-Blanche n’y fait pas objection dans les cinq jours.

Les réactions des citoyens ont aussi été pertinentes :

 Imperator_Rex @Imperator_Rex3

Le FBI d’Obama s’est associé au comité de campagne de Clinton pour détruire un candidat présidentiel, puis un POTUS élu et sa famille. C’est le plus grand scandale de l’histoire américaine et le public doit connaître la vérité. https://twitter.com/RepDeSantis/status/954083561350553600

17 h 07 – 19 janvier 2018

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Christopher G. Adamo @CGAdamo

En réponse à @Imperator_Rex3

Tout cela est bon à savoir. Et il est tout à fait compréhensible que les membres du comité de la Chambre soient outrés. Mais si le résultat final n’est pas une série d’actes d’accusation et de poursuites pour sédition criminelle flagrante, la corruption Obama / Hillary sera alors consacrée par la loi.

5 h 10 – 19 janv. 2018

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Mike Tokes @MikeTokes

Le marécage est profond et il est sur le point d’être MIS A NU. #ReleasetheMemo #Obamagate #Obamagate

10 h 43 – 19 janv. 2018

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Kambree Kawahine Koa @KamVTV

Lorsque vous avez des membres du Congrès à la télévision nationale qui déclarent que le mémo sur le renseignement qu’ils viennent de lire pourrait menacer notre démocratie, vous feriez bien de rendre public ce mémo.

Le jeu d’ordure marécageuse à Washington a besoin d’être arrêté.

7 h 37 – 19 janv. 2018

202 202 202 Réponses 4,885 4,885 4,885 Retweets 7,619 7,619 j’aime

Même WikiLeaks a rejoint la mêlée, offrant une récompense en Bitcoin à tous ceux qui partageront le mémo :

WikiLeaks @wikileaks

#ReleaseTheMemo : Connaissez-vous quelqu’un qui a accès au mémo sur les abus de la FISA ? Envoyez-le ici : https://wikileaks.org/#submit

WikiLeaks compensera les frais jusqu’ à concurrence d’un million de dollars envoyés à cette unique adresse Bitcoin : 3Q2KXS8WYT6dvr91bM2RjvBHqMyx9CbPMN

ou ajoutez la mention « memo2018 » : https://wikileaks.org/donate

10 h 53 – 19 janv. 2018

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De tous les récents développements sur ces enquêtes en cours, celui-ci est sur le point de devenir un véritable événement.

Zero Hedge

 

Article original en anglais :

“Explosive”, “Shocking” and “Alarming” FISA Memo Set to Rock DC, “End Mueller Investigation”

Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone.

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Le secrétaire à la défense du gouvernement Trump, l’ancien général du Corps des Marines James Mattis, a dévoilé vendredi une nouvelle stratégie de défense nationale qui signale les préparatifs de l’impérialisme américain pour un affrontement militaire directe avec la Russie et la Chine.

Parlant à l’Université Johns Hopkins dans le Maryland, Mattis a précisé que la stratégie, le premier document de ce type publié par le Pentagone en une dizaine d’années, représentait un changement historique par rapport à la justification ostensible du militarisme mondial américain depuis près de deux décennies : la guerre contre le terrorisme.

« C’est la concurrence entre les grandes puissances – et non le terrorisme – qui est maintenant le principal objectif de la sécurité nationale américaine », a déclaré M. Mattis dans son discours, qui accompagnait la publication d’un document déclassifié de 11 pages décrivant la Stratégie de défense nationale en termes généraux. Une version confidentielle plus longue a été soumise au Congrès américain, qui inclut les propositions détaillées du Pentagone pour une augmentation massive des dépenses militaires.

Une grande partie du document faisait écho aux termes utilisés dans le document de Stratégie de sécurité nationale dévoilé le mois dernier dans un discours fascisant prononcé par le président Donald Trump. Mattis a insisté sur le fait que les États-Unis feraient face à « la menace croissante des puissances révisionnistes aussi différentes que la Chine et la Russie, des nations qui cherchent à créer un monde cohérent avec leurs modèles autoritaires ».

La stratégie de défense poursuit en accusant la Chine de rechercher « l’hégémonie dans la région indo-pacifique à court terme et le remplacement des États-Unis pour atteindre la prééminence mondiale dans l’avenir ».

La Russie, selon ce même document, tente d’obtenir le droit de veto sur les nations à sa périphérie en termes de décisions gouvernementales, économiques et diplomatiques, de briser l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et de changer les structures économiques et sécuritaires européennes et du Moyen-Orient. »

« La Chine est un concurrent stratégique qui utilise une politique économique prédatrice pour intimider ses voisins tout en militarisant des aspects de la mer de Chine méridionale », indique le communiqué. « La Russie a violé les frontières des pays voisins et exerce un droit de veto sur les décisions économiques, diplomatiques et sécuritaires de ses voisins ».

Dans ce qui semblait être une menace dirigée à la fois contre la Russie et la Chine, Mattis a prévenu : « Si vous nous défiez, ce sera votre pire et plus long jour ».

Moscou et Beijing ont publié des déclarations condamnant la stratégie de défense américaine. Un porte-parole chinois a dénoncé le document comme un retour à une « mentalité de guerre froide ». Le ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov a déclaré lors d’une conférence de presse : « Il est regrettable qu’au lieu d’avoir un dialogue normal, au lieu d’utiliser comme base la loi internationale, les États-Unis s’efforcent en effet de prouver leur autorité à travers de telles stratégies et concepts d’affrontement ». Un porte-parole du gouvernement à Moscou a qualifié le document d’« impérialiste ».

Comme la Stratégie de sécurité nationale publiée le mois dernier, la stratégie de défense identifie également la Corée du Nord et l’Iran comme des « régimes voyous », les accusant de déstabiliser des régions par leur « tentative d’obtenir des armes nucléaires ou leur parrainage du terrorisme ». Elle accuse Tehéran de « concurrencer ses voisins, en imposant un arc d’influence et d’instabilité tout en luttant pour l’hégémonie régionale. »

Le document appelle à une préparation à la guerre à travers ce qu’il décrit comme « trois régions clés » : l’Indo-Pacifique, l’Europe et le Moyen-Orient. Le document fait également de brèves références à l’Amérique latine et à l’Afrique, affirmant la nécessité pour l’impérialisme américain de lutter pour l’hégémonie sur ces deux continents. Il est clair que ces continents sont des arènes pour la lutte globale « entre les grandes puissances » qui constitue le cœur de la stratégie, affirmant qu’un objectif clé en Afrique est de « limiter l’influence néfaste des puissances non-africaines ».

Ce qui ressort clairement du document du Pentagone est une vision de l’impérialisme américain assiégé de toutes parts et dans le danger mortel de perdre la domination mondiale. Cela reflète la pensée de la cabale des généraux retraités et actifs qui dominent la politique étrangère du gouvernement Trump selon laquelle les 16 dernières années de guerres interminables au Moyen-Orient et en Asie centrale n’ont pas réussi à avancer les intérêts stratégiques américains, créant une série de débâcles, tout en épuisant l’armée américaine.

« Aujourd’hui, nous sortons d’une période d’atrophie stratégique, conscients du fait que notre avantage militaire compétitif s’est érodé », indique le document. « Nous sommes face à un désordre mondial accru, caractérisé par le déclin de l’ordre international fondé sur des règles de longue date, créant un environnement de sécurité plus complexe et plus volatil que tout ce que nous avons connu dans la mémoire récente. La concurrence stratégique entre les États, et non le terrorisme, est désormais la principale préoccupation pour la sécurité nationale des États-Unis. »

Le but du Pentagone, selon la stratégie de défense, est de faire en sorte que les États-Unis restent « la puissance militaire prééminente dans le monde » capable de « faire en sorte que l’équilibre des forces reste en notre faveur », de « mettre en place un ordre international qui est le plus favorable à notre sécurité et notre prospérité » et de « préserver l’accès aux marchés ».

L’idée maîtresse du document est une demande pour un vaste renforcement de la machine de guerre américaine, qui dépense déjà plus que les huit pays suivants, y compris presque le triple des dépenses militaires de la Chine et environ huit fois le montant dépensé par la Russie.

Ne pas mettre en œuvre les énormes dépenses militaires que le Pentagone exige – la Maison Blanche de Trump a demandé une augmentation de 54 milliards de dollars du budget militaire, alors que les dirigeants du Congrès ont suggéré une hausse encore plus grande – aurait comme conséquence « l’érosion de l’influence mondiale américaine, l’érosion de la cohésion entre alliés et partenaires, et l’accès réduit aux marchés qui contribueront à la baisse de notre prospérité et de notre niveau de vie », prévient le résumé publié de la stratégie de défense.

Alors que des milliards de dollars ont été détournés de l’économie américaine pour payer les 16 dernières années de guerre, Mattis et la stratégie de défense présentent l’armée américaine comme une institution qui a été pratiquement privée de ressources, incapable de répondre « aux exigences de préparation, d’approvisionnement, et de modernisation. »

L’objectif primordial en termes de modernisation est le renforcement de la « triade nucléaire » américaine – la gamme de missiles balistiques intercontinentaux de Washington, de missiles balistiques lancés par sous-marins et de bombardiers stratégiques, capables de détruire toute vie sur la planète plusieurs fois.

Selon le document, le Pentagone cherchera à améliorer tous les aspects de son appareil de guerre nucléaire, « y compris le commandement, le contrôle et les communications nucléaires et les infrastructures de soutien. Il a ajouté que « la modernisation de la force nucléaire comprend des options fondées sur la menace de l’utilisation d’attaques nucléaires ou non nucléaires stratégiques pour contrer les stratégies coercitives des concurrents. » En d’autres termes, l’armée américaine est prête à lancer une guerre nucléaire en réponse à une attaque conventionnelle ou une cyberattaque.

Fait révélateur, le document du Pentagone utilise les mots « létal » et « létalité » 15 fois pour décrire les objectifs de Mattis et de ses collègues généraux en ce qui concerne leur projet de renforcement militaire. Clairement, ce qui est en train d’être préparé est un niveau de tuerie de masse bien au-delà des bains de sang perpétrés en Irak, en Afghanistan, en Libye, en Syrie, au Yémen et ailleurs.

Dans le discours de Mattis, il y avait un fort élément de ressentiment envers le gouvernement civil et son contrôle constitutionnel de l’armée. Il a déclaré que les troupes américaines étaient obligées de « porter avec stoïcisme une attitude de « succès à tout prix », alors qu’elles travaillaient sans relâche pour accomplir la mission avec des ressources inadéquates et mal réparties simplement parce que le Congrès ne pouvait pas maintenir un ordre régulier. »

Mattis a averti que les plans de guerre décrits dans le document exigeront « un investissement soutenu du peuple américain », notant que les « générations passées » avaient été forcées de faire des « sacrifices plus durs ».

Ces nouveaux « sacrifices » prendront la forme de coupes sauvages dans les services sociaux essentiels, notamment l’éviscération de la sécurité sociale, de Medicare et de Medicaid, avec le transfert de ressources à l’armée, à l’industrie de l’armement et à l’oligarchie financière.

La Stratégie de défense nationale publiée vendredi constitue un grave avertissement pour les travailleurs aux États-Unis et du le monde entier. Poussés par la crise de leur système, la classe dirigeante capitaliste américaine et son armée se préparent à une guerre mondiale avec des armes nucléaires.

Bill Van Auken

 

Article paru en anglais, WSWS, le 20 janvier 2018

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Dimanche, à 11 h, heure locale, les chars et l’infanterie turcs ont envahi Afrin, une région multiethnique kurde au nord-ouest de la Syrie. Les forces turques ciblent le Parti de l’Union démocratique syro-kurde (PYD) soutenu par les États-Unis, et sa milice, les unités de protection du peuple (YPG), qui contrôlent Afrin. En même temps, l’Armée syrienne libre (FSA), la force par procuration d’Ankara en Syrie, a attaqué Afrin depuis le Sud et l’Est, soutenue par des chars et des forces spéciales turcs.

Cette agression par la Turquie est une escalade imprudente qui va exacerber les conflits à travers le Moyen-Orient et accroître le risque de guerre entre les grandes puissances. Avec le soutien tacite de Moscou, la Turquie attaque les YPG, la colonne vertébrale de la milice des Forces démocratiques syriennes (FDS), procuration américaine en Syrie. Le risque que cela puisse provoquer un affrontement entre les forces américaines, turques et russes et une guerre généralisée entre les États-Unis et la Russie, est très réel.

L’invasion terrestre, baptisée « Rameau d’Olivier », est survenue après des heures de frappes aériennes turques sur Afrin, y compris contre une base aérienne utilisée par les forces américaines pour livrer du matériel et des armes aux FDS.

Cela signifie une rupture historique de l’OTAN, dont les États-Unis et la Turquie sont tous deux membres. Étant donné que l’invasion turque a apparemment le soutien de Berlin, elle reflète des conflits profonds et croissants entre les principales puissances de l’OTAN.

Dès le début de l’opération dimanche, le Premier ministre turc Binali Yildirim a déclaré qu’il visait à créer une « zone de sécurité » de 30 kilomètres le long de la frontière turco-syrienne. Il a dit que l’opération se déroulerait en quatre étapes, sans donner plus de détails. Il est probable qu’elle continuera vers l’Est jusqu’à Manbij, une région occupée par les FDS depuis qu’elle y a combattu les forces de l’État islamique (ÉI) en août 2016.

À l’époque ce développement avait provoqué l’Opération Bouclier de l’Euphrate, une invasion par l’armée turque pour bloquer l’offensive kurde en Syrie et briser ce qu’Ankara appelait « un couloir de terreur le long de la frontière turque ».

Les premières informations dans la presse sur l’attaque turque étaient contradictoires. Les responsables turcs et les médias ont salué à l’unanimité l’opération comme un grand succès. Cependant, le YPG a prétendu avoir repoussé les forces turques et de la FSA « après de violents affrontements ».

L’Union des communautés kurdes (KCK), un groupe qui chapeaute le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) en Turquie et des organisations kurdes en Syrie et en Iran, a condamné l’opération et déclaré qu’elle « défendrait Afrin avec toutes ses forces ». Dans une déclaration écrite (en anglais), elle a accusé la Russie et la Syrie « d’avoir permis à la Turquie d’attaquer Afrin ».

L’offensive menace de provoquer une guerre civile dans les régions à majorité kurde du sud de la Turquie. S’exprimant à Bursa, le président turc Recep Tayyip Erdogan a juré d’écraser toute opposition en Turquie à la guerre, y compris celle du Parti démocratique du peuple (HDP) pro-kurde. « Quiconque donne suite à l’appel du HDP, KCK et PKK de descendre dans la rue, doit savoir que nos forces de sécurité s’en occuperont et qu’ils paieront un lourd tribut », a-t-il déclaré.

Tard hier, les médias turcs ont rapporté trois attaques de missiles dans la province de Reyhanlı, dans le sud-est de la Turquie, tuant une personne et blessant 32 civils.

En Turquie, le parti Justice et Développement d’Erdogan utilise l’invasion pour intensifier sa répression contre l’opposition politique, avec le soutien du Parti du peuple républicain et les fascistes du Parti du mouvement nationaliste. Des centaines de manifestants contre l’invasion ont été arrêtées dans plusieurs villes turques. Le ministère de la justice lance des poursuites contre la présidente du Parti de la société démocratique (DTP) Leyla Güven, le porte-parole du HDP, Ayhan Bilgen, et le vice-président du HDP, Nadir Yıldırım, pour avoir critiqué l’invasion d’Afrin.

La Turquie n’a pu lancer l’opération que grâce à un soutien russe tacite. Moscou a retiré ses forces militaires cantonnées à Afrin qui participaient à l’intervention contre les milices islamistes soutenues par l’OTAN en Syrie, et a permis aux avions turcs d’opérer dans l’espace aérien de la région. Moscou a aussi servi de médiateur pour la Turquie dans les relations avec les gouvernements syrien et iranien, qui ont critiqué l’invasion.

Hier, des responsables russes ont cité Washington comme responsable pour cette attaque, affirmant qu’il avait pris des « mesures provocatrices » en disant que les États-Unis allaient armer le YPG afin que ce dernier serve à contrôler la frontière syro-turque.

Le ministère syrien des Affaires étrangères a déclaré que la Syrie « condamne fermement l’agression turque flagrante contre la ville d’Afrin, qui fait partie intégrante du territoire syrien, soulignant que cette agression est la plus récente d’une série de transgressions turques contre la souveraineté syrienne ». Il a nié les affirmations par le ministre turc des affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, selon lesquelles la Turquie aurait informé la Syrie à l’avance, les traitants de « mensonges que le gouvernement turc continue de proférer ».

L’Iran, principal allié régional de la Syrie, a exprimé l’espoir que « l’opération prendra fin immédiatement ».

L’invasion turque de la Syrie est la conséquence des décennies de carnages et de guerres impérialistes au Moyen-Orient menés par les États-Unis depuis la guerre du Golfe Persique et la dissolution de l’URSS par la bureaucratie stalinienne, qui ont eu lieu en 1991. En l’absence d’une menace militaire soviétique, Washington se sentait libre de lancer des guerres toujours plus sanglantes en Irak, en Afghanistan, en Syrie et ailleurs, avec l’aide de certains ou même tous ses alliés de l’OTAN. Cependant, il est de plus en plus clair que les conflits internationaux engendrés par ces guerres, dont fait partie l’indignation d’Ankara quant au recours des États-Unis aux forces par procuration kurdes, ont franchi un seuil qualitatif.

Alors que la Turquie s’apprête à détruire la force par procuration américaine en Syrie, l’OTAN est sur le point de s’effondrer et Washington est de plus en plus isolé. Il fait face à une puissante coalition d’opposants au Moyen-Orient qui bénéficie du soutien même des soi-disant alliés européens de Washington. Ce dernier réagit en annonçant une stratégie militaire axée sur la préparation d’une guerre totale contre des puissances nucléaires telles que la Russie et la Chine.

Les déclarations initiales des États-Unis sur l’invasion n’étaient pas claires et se contredisaient. Le Département d’État américain a déclaré que Rex Tillerson, le Secrétaire d’État, avait parlé avec ses homologues russes et turcs d’« assurer la stabilité dans le nord du pays », mais n’a donné aucun détail. Les responsables du Pentagone ont déclaré qu’ils « encouragent tous les intéressés à éviter l’escalade et à se concentrer sur la tâche la plus importante de vaincre l’État islamique ».

En fait, le Pentagone a dévoilé vendredi une stratégie de défense nationale qui proclame que « la guerre contre le terrorisme » a été supplantée par le besoin de préparer la guerre contre les grandes puissances rivales. « La compétition entre grandes puissances – et non le terrorisme – est maintenant l’axe central de la sécurité nationale américaine », a déclaré le secrétaire américain à la Défense, James Mattis alors qu’il présentait le document, qui distingue spécifiquement la Russie et la Chine en tant que menaces prééminentes à la domination mondiale américaine.

Les États-Unis sont ouvertement préoccupés par l’invasion turque. Le Centre pour le Progrès américain, un groupe de réflexion de Washington, a averti que cela « pourrait déclencher une nouvelle phase sanglante de la longue guerre civile syrienne » et « pourrait aussi viser les États-Unis », qui « ont passé trois ans à mettre en équation une relation troublée avec la Turquie et la campagne impérialiste contre l’ÉI en Syrie ». Le Centre pour le Progrès américain a poursuivi : « Alors que cette campagne tire vers sa fin, le numéro d’équilibriste est encore une fois au bord du gouffre. »

Le contraste avec la politique de l’Allemagne, première puissance européenne, ne pouvait être plus frappant. Berlin semble avoir donné le feu vert à l’invasion. Mercredi dernier, au moment où les bombardements contre les positions du YPG avaient lieu, et le Conseil national de sécurité d’Erdogan menaçait d’envahir la Syrie, une délégation de hauts responsables de la sécurité turque est arrivée à Berlin pour deux jours d’entretiens soulevant des mesures à prendre contre les Kurdes.

Alors que la presse allemande commentait « le nouveau revirement » de Berlin en faveur de la Turquie, le ministre allemand des affaires étrangères Sigmar Gabriel a dit que Berlin avait l’intention d’avoir « de meilleures négociations » avec Ankara, « profitables à la Turquie, l’Allemagne et l’Europe ». Berlin a annoncé une nouvelle répression contre les activités du PKK en Allemagne, comme en témoignent les 130 enquêtes lancées par le parquet fédéral.

Berlin a également signalé que la Turquie va continuer à bénéficier du soutien militaire allemand malgré son attaque contre les forces soutenues par les États-Unis en Syrie, comme en témoigne le traitement accéléré accordé par l’Allemagne à la demande turque pour la modernisation de ses chars « Léopard » par l’entreprise Rheinmetall. « Le gouvernement fédéral se montre flexible dans ses retrouvailles avec la Turquie », a écrit Der Spiegel. « Selon les sources de Der Spiegel, Berlin veut maintenant donner le feu vert à un accord d’armement de plusieurs millions d’euros avec Ankara. »

Ces déclarations de soutien allemand à la Turquie au moment même où elle bombarde les forces militaires par procuration américaine en Syrie soulignent les tensions profondes qui déchirent l’OTAN et l’aggravation du danger de conflit direct entre les grandes puissances mondiales.

Halil Celik et Alex Lantier

 

Article paru en anglais, WSWS, le 22 janvier 2018

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L’Italie dans le plan nucléaire du Pentagone

janvier 23rd, 2018 by Manlio Dinucci

Le Nuclear Posture Review 2018, le rapport du Pentagone sur la stratégie nucléaire des Etats-Unis, est actuellement en phase de révision à la Maison Blanche. Dans l’attente que soit publiée la version définitive approuvée par le président Trump, a filtré (plus exactement le Pentagone a fait filtrer) l’ébauche du document de 64 pages.

Il décrit un monde dans lequel les Etats-Unis ont devant eux “une gamme sans précédents de menaces”, provenant d’états et de sujets non-étatiques. Tandis que les USA ont continué à réduire leurs forces nucléaires -soutient le Pentagone- Russie et Chine fondent leurs stratégies sur des forces nucléaires dotées de nouvelles capacités et prennent “une attitude de plus en plus agressive y compris dans l’espace externe et dans le cyber-espace”. La Corée du Nord continue de façon illicite à se doter d’armes nucléaires. L’Iran, bien qu’il ait accepté le plan qui lui interdit de développer un programme nucléaire militaire, garde “la capacité technologique de construire une arme nucléaire en l’espace d’une année”.

Falsifiant une série de données, le Pentagone essaie de démontrer que les forces nucléaires des Etats-Unis sont en grande partie obsolètes et nécessitent une radicale restructuration. Il ne dit pas que les USA ont déjà lancé, en 2014 avec l’administration Obama, le plus grand programme de réarmement nucléaire depuis la fin de la guerre froide pour un coût de plus de 1000 milliards de dollars. “Le programme de modernisation des forces nucléaires USA -documente Hans Kristensen de la Fédération des scientifiques américains- a déjà permis de réaliser de nouvelles technologies révolutionnaires qui triplent la capacité destructrice des missiles balistiques étasuniens”.

Le but de la restructuration projetée est, en réalité, d’acquérir “des capacités nucléaires flexibles”, en développant des “armes nucléaires de basse puissance” utilisables même dans des conflits régionaux ou pour répondre à une attaque (vraie ou présumée) de hackers contre des systèmes informatiques.

La principale arme de ce type est la bombe nucléaire B61-12 qui, confirme le rapport, “sera disponible en 2020”. Les B61-12, qui remplaceront les actuelles B-61 basées par les USA en Italie, Allemagne, Belgique, Pays-Bas et Turquie, représentent -d’après le Pentagone- “un signal clair de dissuasion pour toute puissance adversaire, que les Etats-Unis possèdent la capacité de répondre à l’escalade depuis des bases avancées”.

Comme documente la Fédération des scientifiques américains, la bombe que le Pentagone déploiera dans les “bases avancées” en Italie et Europe n’est pas seulement une version modernisée de la B61, mais une nouvelle arme avec une tête nucléaire à quatre options de puissance sélectionnables, un système de guidage qui permet de la larguer à distance de l’objectif, et la capacité de pénétrer dans le terrain pour détruire les bunkers des centres de commandement.

À partir de 2021 -spécifie le Pentagone- les B61-12 seront disponibles aussi pour les avions de chasse des alliés, parmi lesquels les Tornado italiens PA-200 du 6ème Stormo de Ghedi. Mais, pour les guider sur l’objectif et en exploiter les capacités anti-bunker, il faut des avions de chasse F-35A. “Les avions de chasse de nouvelle génération F-35A -souligne le rapport du Pentagone- maintiendront la force de dissuasion de l’Otan et notre capacité à déployer des armes nucléaires dans des positions avancées, si la sécurité le nécessite”.

Le Pentagone annonce donc son plan de déployer des F-35A, armés de B61-12, adossés à la Russie. Evidemment pour la “sécurité” de l’Europe. Dans le rapport du Pentagone, que le sénateur démocrate Edward Markey définit comme “feuille de route pour la guerre nucléaire”, l’Italie se trouve donc au premier rang. Cela intéresse-t-il quelque candidat à nos élections politiques ?

Manlio Dinucci

 

Article original en italien :

L’Italia nel piano nucleare del PentagonoL’arte della guerra

Edition de mardi 23 janvier 2018 de il manifesto

https://ilmanifesto.it/litalia-nel-piano-nucleare-del-pentagono/

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

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Le cinquantième anniversaire de l’assassinat du Che en Bolivie le 9 octobre 1967 offre l’occasion de revenir sur le parcours du révolutionnaire cubano-argentin qui a dédié sa vie à la défense des « Damnés de la terre ».

Le Che était-il le visage de la Révolution cubaine ?

Fidel Castro a toujours été la figure emblématique de la Révolution cubaine. Le Che en était le représentant international. Il a réalisé sa première tournée diplomatique à travers le monde en juin 1959, qui dura trois mois. Fidel Castro lui avait confié la mission de parcourir l’Afrique et l’Asie, à la recherche de soutien politique. Cela illustrait la grande confiance que Fidel avait vis-à-vis de l’Argentin. Le Che rencontra Nasser en Egypte, Surkarno en Indonésie, Nehru en Inde. Il visita également la Birmanie, le Japon, Singapour, la Malaisie, la Thaïlande, Hong-Kong, le Pakistan, la Grèce, la Yougoslavie, l’Italie, le Soudan et le Maroc.

Un an plus tard, en octobre 1960, il réalisa une nouvelle tournée diplomatique dans les pays socialistes avec un objectif plus économique. Il se rendit en Tchécoslovaquie, en Russie et en Chine. Il fut à chaque fois accueilli avec beaucoup de fraternité et était ovationné par la foule à chaque apparition publique. Il prit ainsi la mesure de la popularité de la Révolution cubaine à travers le monde.

Enfin, sa participation à la Conférence du Conseil interaméricain économique et social de Punta del Este, en Uruguay, en août 1961 le transforma en figure iconique de la gauche latino-américaine.

La CIA a-t-elle essayé d’assassiner le Che ?

Dès le départ, les Etats-Unis ont opté pour l’assassinat politique des leaders de la Révolution cubaine. La principale cible était Fidel Castro, qui a été la victime de plus de 600 tentatives d’assassinat. Mais le Che et Raúl Castro se trouvaient également parmi les cibles.

Quel a été le message du célèbre discours du Che aux Nations unies en décembre 1964 ?

Ce discours est un réquisitoire contre l’impérialisme, le colonialisme et le néocolonialisme. C’est également un vibrant plaidoyer pour l’autodétermination des peuples d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie. Cuba représente le symbole de la petite nation qui aspire à la souveraineté sous la menace constante du puissant voisin. De nombreux pays du Tiers-monde se reconnaissent dans la lutte du peuple cubain pour la dignité. Le Che apporte un message de paix et appelle à la coexistence pacifique entre toutes les nations du monde aux modèles de sociétés différents, et non pas seulement entre les pays les plus puissants. Le Che dénonce les agressions impérialistes contre le Vietnam, le Cambodge et le Laos. Il dénonce également l’impérialisme belge au Congo ainsi que le régime ségrégationniste de l’Apartheid en Afrique du Sud.

Chose peu connue, le Che lance également l’un des premiers appels au désarmement nucléaire. Il milite également pour l’indivisibilité de la Chine et pour son entrée aux Nations unies. Il termine son discours en dénonçant l’état de siège étasunien contre Cuba et en rappelant la vocation internationaliste de la Révolution.

Quel rôle a joué le Che dans le soutien aux peuples en lutte ?

Le Che, au nom de la Révolution cubaine, a apporté son soutien à tous les mouvements anticoloniaux à travers le monde, en Amérique latine, en Afrique et en Asie. La lutte pour l’émancipation humaine devait être globale et chaque progressiste devait lui apporter son concours. La théorie révolutionnaire du « foco » du Che consiste à lancer une guerre de guérilla sans forcément attendre que toutes les conditions subjectives (organisation du peuple, syndicats puissants, prédisposition à la lutte) soient réunies pour cela. Les conditions objectives (misère, pauvreté, exploitation, oppression) étaient réunies partout. Le but est de déclencher, par cette guerre de guérilla, un soulèvement des masses. L’action de guérilla devait avoir lieu dans les campagnes. Le guevarisme est la rupture de l’ordre ancien par la lutte armée. Il se base sur l’anti-impérialisme et le marxisme. Selon lui, si les conditions objectives sont réunies, la guerre de guérilla peut créer les conditions subjectives pour renverser l’ordre établi et édifier une société socialiste.

Que signifiait l’appel du Che « créer deux, trois… plusieurs Vietnam ».

Pour le Che, la solidarité avec la lutte du peuple vietnamien pour la liberté, aux prises avec l’impitoyable impérialisme étasunien, devait être la priorité de tous les révolutionnaires. Le Vietnam menait la bataille la plus rude contre les Etats-Unis. Pour affaiblir l’impérialisme, il fallait ouvrir des mouvements de lutte armée dans tout le Tiers-monde et contraindre ainsi l’ennemi à diviser ses forces.

Quel était le pacte moral entre le Che et Fidel Castro ?

Lors de leur première rencontre au Mexique, le Che, en s’unissant à la troupe du Mouvement 26 Juillet, avait demandé à Fidel Castro de pouvoir quitter le groupe une fois le triomphe obtenu à Cuba, afin de lancer un mouvement révolutionnaire en Argentine. Fidel Castro était résolument opposé à un départ du Che car c’était un dirigeant central de la Révolution. Mais pour lui, la parole donnée était sacrée. Les conditions indispensables au lancement d’une lutte armée en Argentine n’étaient pas réunies et Fidel Castro ne souhaitait pas risquer inutilement la vie du Che.

En attendant de créer ces conditions, Fidel Castro propose au Che d’aller au Congo où existe un mouvement révolutionnaire. L’histoire est connue et relatée dans le journal du Che au Congo : c’est un échec cuisant en raison du manque de discipline des combattantset de la conduite des chefs qui préféraient vivre dans le luxe de la capitale au lieu d’affronter les inclémences de la guérilla à la tête de leurs hommes.

En 1965, Fidel Castro rendit publique la lettre d’adieu du Che car de nombreuses rumeurs circulaient à son sujet. Après l’échec du Congo, Fidel lui proposa de rentrer se préparer à Cuba en vue de sa prochaine entreprise en Bolivie. Après de maints efforts, il parvint à convaincre le Che de retourner à La Havane, car ce dernier était réticent à l’idée de réapparaître à Cuba après la lecture de sa lettre d’adieu. Il revint secrètement à Cuba dissimulant son visage sous un déguisement qui se révèlera très efficace.

Après sa capture et son exécution, pourquoi le corps du Che a-t-il été mutilé et dissimulé ?

Suite à son assassinat le 9 octobre 1967, la CIA et l’armée bolivienne décidèrent de filmer son cadavre afin de prouver au monde la mort du Che. On lui avait coupé les mains afin de pouvoir vérifier son identité avec ses empreintes digitales auprès de la police fédérale argentine. Le corps fut enterré clandestinement à Valle Grande, en Bolivie. Il sera découvert en 1997 et rapatrié à Cuba où il repose dans un mausolée à la mémoire du Che dans la ville de Santa Clara.

Quel est l’héritage du Che aujourd’hui ?

Le Che perdure dans la mémoire collective comme l’Apôtre des opprimés et le symbole de la résistance à l’humiliation et de l’indignation face aux injustices. Renonçant à ses intérêts de classe, il a pris les armes au nom de l’intérêt supérieur des déshérités. C’est également l’archétype de l’internationaliste solidaire qui a tendu une main fraternelle et généreuse aux peuples en lutte pour leur émancipation. Les idéaux du Che et son exemple sont toujours vivants malgré les multiples tentatives de travestir son combat et de salir sa mémoire.

Salim Lamrani

 

Partie 1

Che Guevara, apôtre des opprimés : Le Che et la Révolution cubainePar Salim Lamrani, 11 octobre 2017

 

Partie 2

Che Guevara, apôtre des opprimés: Les premières mesures révolutionnaires

Par Salim Lamrani, 29 novembre 2017

Partie 3

Che Guevara, apôtre des opprimés : Un révolutionnaire intégral

Par Salim Lamrani, 18 décembre 2017

 

Docteur ès Etudes Ibériques et Latino-américaines de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim Lamrani est Maître de conférences à l’Université de La Réunion, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis.

Son nouvel ouvrage s’intitule Fidel Castro, héros des déshérités, Paris, Editions Estrella, 2016. Préface d’Ignacio Ramonet.

Contact : [email protected] ; [email protected]

Page Facebook : https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel

 

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Honduras : le coup d’État porte le sceau des USA

janvier 22nd, 2018 by Gilberto Ríos Grillo

Depuis deux mois, la coalition électorale Alianza de Oposición revendique la victoire de son candidat, Salvador Nasralla, aux élections du 26 novembre dernier. Gilberto Ríos Grillo est le directeur national du parti LIBRE, un des partis qui forment l’Alianza et dont le secrétaire général est Manuel Zelaya, ancien président constitutionnel du Honduras déposé en juillet 2009 suite à un coup d’État. Face à l’annonce de nouvelles mobilisations de la société hondurienne pour manifester contre le gouvernement, Ríos Grillo nous résume l’évolution récente de cette crise sociale et politique qui a déjà fait 34 morts. Il souligne également la dimension internationale de cette crise profonde que traverse ce pays d’Amérique Centrale.

Fin décembre, nous avons entendu les déclarations polémiques de la représentante des USA dans votre pays. Cette dernière légitime la fraude électorale dans votre pays. Comment percevez-vous la situation au niveau international ?

De manière générale, la situation internationale que nous observons est une lutte. Bien que le Honduras soit un petit pays, il est relativement important pour les Etats-Unis. Pour cette raison, dans cette lutte pour l’hégémonie, le Honduras n’a pas voix au chapitre.

Après la perte presque complète de la légitimité des institutions du Honduras, surtout après les évènements du coup d’Etat, la fraude de 2013 et cette nouvelle fraude qui est encore plus évidente que la précédente… il fallait que quelqu’un mette son « tampon » de validation de ces élections, et c’est l’ambassade étasunienne, au travers de sa représentante Mme Fulton, qui s’y est collée.

Il y a une image très claire du moment où elle reconnaît la victoire électorale de Juan Orlando Hernandez, car le président du Tribunal Suprême Electoral, David Matamoros Batson, apparaît à la télévision avec ses mains dans ses poches, derrière l’ambassadrice étasunienne. Un peu comme s’il avouait que c’est elle qui donne la certification ou le feu vert de cette victoire électorale. L’ingérence étasunienne face à la communauté internationale et leur nécessité d’intervenir directement au Honduras est assez évidente.

En quoi consiste la lutte à laquelle vous faites référence ?

Au cours des dix dernières années, il y a eu une forte avancée de la gauche en Amérique Centrale, avec le front sandiniste au Nicaragua, le FMLN au Salvador, et même d’une certaine gauche au Costa Rica… On le perçoit même dans le chaos au Guatemala, où le peuple s’est mobilisé malgré la volonté étasunienne de faire tomber le président du pays.

Au Honduras, si la première force politique du pays venait à être un parti de gauche, cela signifierait une perte de contrôle majeure dans la région pour les USA. Ce qui s’est passé au Honduras doit être remis dans ce contexte ci, ainsi que dans le contexte de la lutte contre le Venezuela et Cuba. Ce sont des pays qui s’inscrivent dans un positionnement clair de libération nationale qui se manifeste au niveau de l’Amérique Latine. Ceci explique que les États-Unis ne puissent se permettre de perdre le moindre territoire, aussi petit soit-il. C’est la raison de la situation actuelle au Honduras.

Marche de l’Alliance de l’Opposition, 13 janvier 2018, Tegucigalpa

Quelle fut l’attitude des observateurs de l’Union Européenne et de l’Organisation des Etats Américains (OEA), présents lors de ces élections ?

Dans un premier temps, suite aux élections, ils ont du reconnaître la victoire de Salvador Nasralla, le candidat d’Alianza, avec une marge supérieure à 5%, puisque la quantité de bulletins ouverts rendait la situation presque irréversible. Ils ont du faire ces déclarations en raison de la présence internationale.

Ensuite, deux jours après, en raison d’une défaillance du système de décompte des votes et face à une tendance qui s’inversait, la OEA et l’UE ont du publier des rapports dans lesquels ils affirmaient que la situation était floue. Même le secrétaire de l’OEA, Luis Almagro, a dit que les élections devaient être refaites en raison du manque de transparence dans les résultats. Ce fut le dernier mot de l’OEA dans ce dossier.

Rappelons que l’OEA doit superviser ou rendre légitimes plus de 18 processus électoraux en 2018 en Amérique Latine. Ils ne pouvaient donc pas débuter cette série par un fiasco, de peur de perdre de leur prestige, déjà plutôt mince. Mais la fraude était tellement évidente que l’OEA ne pouvait pas se permettre d’entourloupe dans ce dossier.

L’UE et l’OEA ont toutes deux une position uniquement déclarative, et n’ont aucun moyen de soutenir le changement au Honduras.

Suite au constat de la non-reconnaissance de la victoire de Salvador Nasralla, il y a eu des tentatives de division de l’Alianza de Oposición. Nasralla, lors d’une visite au siège de l’OEA à Washington, s’est même livré à cette méthode…

Cela nous permet de voir la naïveté politique de Salvador, d’ailleurs il le reconnaît lui-même. C’est un peu comme lorsqu’il y a 7 ans, le président Zelaya s’est rendu à l’ambassade du Brésil deux mois après le coup d’Etat. Il y reçut la visite de Thomas Shannon, représentant du Département d’Etat des USA, et il recevait également des communications directes de Hillary Clinton. Tous deux firent part au président Zelaya de leur plan pour le remettre au pouvoir. Et lui croyait en ce retour.

Dans le cas de Salvador, quand il s’est rendu aux USA après la fraude, il a rendu visite au Département d’État et aux membres du congrès pour leur montrer les preuves de sa victoire électorale. Et bien entendu, ils lui ont dit qu’ils allaient tout mettre en œuvre pour reconnaître sa victoire et qu’ils n’allaient pas soutenir Juan Orlando.

Mais les USA jouent un double jeu. Ils disent une chose et en font une autre. Toujours en fonction de leurs intérêts et bien entendu des personnes qui représentent leurs intérêts dans notre pays. Dans le cas précis qui nous concerne, Juan Orlando est le meilleur représentant des intérêts transnationaux et de la logique néolibérale et de privatisation étasunienne au Honduras. Je crois que cette naïveté vient de son manque de savoir concernant la nature de l’impérialisme.

Lors des fêtes de Noël, l’Alianza a appelé la société hondurienne à résister dans les rues. Depuis l’étranger, on connaît le COPINH. Quel rôle jouent les mouvements sociaux dans les mobilisations de l’Alianza ?

Face au coup d’Etat, tous les mouvements sociaux, les secteurs de la gauche et une section du parti du président Zelaya ont formé le Front National de Résistance Populaire (FNRP). Ensuite, nous avons formé le parti Liberté et Refondation (Libertad y Refundación), qui a participé aux élections de 2013 et les a remportées. Ensuite, également en raison du coup d’Etat, un autre parti est arrivé, celui de Salvador Nasralla, de centre-droite. Avec ces secteurs, ainsi que d’autres partis très marginaux, comme le PINU (social-démocrate, Innovation et Unité), nous avons décidé de nous unir et de former l’Alianza de Oposición.

Dans l’Alianza, nous retrouvions tous les secteurs qui représentent les classes nationales. C’est-à-dire la bourgeoisie, le commerce, les travailleurs, les mouvements sociaux… Personne n’était laissé pour compte.

Concernant le COPINH, ils ont eu leur moment de gloire en tant que mouvement social, avant de rentrer dans une logique d’ONG. Ils soutiennent également la lutte contre la dictature et nous rejoignent, mais ils ne sont pas un secteur mobilisateur important. Surtout depuis l’assassinat de Berta Cáceres. Le COPINH n’est plus aussi enhardi qu’auparavant, tout comme d’autres secteurs proches de leur mouvement.

Les secteurs sociaux importants ici ont toujours été l’enseignement, les travailleurs du secteur public, les étudiants, qui ont eu un rebond important ces deux dernières années. Tous ces gens sont dans l’Alianza et suivent les mêmes orientations en coordination avec l’Alianza de Manuel Zelaya Rosales.

L’ancien président constitutionnel du Honduras, Manuel Zelaya, à la tête d’une manifestation. Tegucigalpa, 13 janvier, 2018.

Désormais, une grève générale a lieu depuis le 20 janvier. Qu’attendez-vous des prochaines mobilisations ?

Moi qui ai été candidat aux élections, je perçois davantage de soutien encore que celui que nous avons reçu pendant les élections. Et cela en gardant à l’esprit que nous avons remporté le processus électoral ! De nombreux secteurs de la population s’ajoutent à la volonté de voir Juan Orlando démis du pouvoir.

La grève nationale à laquelle nous avons appelé du 20 au 27 janvier consiste en une semaine complète de blocage des routes et autoroutes, une grève de la consommation, etc. Nous pensons qu’elle va avoir un impact plus grand que toute autre manifestation par le passé.

Nous voyons que le peuple est disposé à lutter et appelle même à des actions plus radicales, tandis que nous préférons poursuivre notre insurrection pacifique et notre désobéissance civile. Sans avoir recours à aucun moment à des actions violentes, ni y faire appel, ni les induire.

 

Traduit de l’espagnol par Fabrice pour le JNA. Investig’Action

Source : Le Journal de Notre Amérique, février 2018 (à paraître)

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Sexisme et violences faites aux femmes

janvier 22nd, 2018 by Michèle Janss

Les actrices portaient du noir à la cérémonie des Golden Globes afin de protester contre le harcèlement à Hollywood. #balancetonporc ou #metoo ont fait couler beaucoup d’encre. Dans une tribune au « Monde », un collectif de 100 femmes dénonce un certain puritanisme et la négation des rapports de séduction. Le débat s’enflamme autour des violences faites aux femmes mais se perd trop souvent dans des polémiques stériles.

Que vous aviez de la chance, mesdames, de porter, lors d’une cérémonie de gala une robe noire magnifique, sans doute horriblement chère, avec de belles chaussures, coiffées et maquillées avec recherche… Mais vous restiez dans le futile et la séduction. Tandis que, à propos de la tribune du Monde, il est singulier qu’on ne cite principalement dans les médias, parmi les 100 femmes, que Catherine Deneuve. L’actrice (la femme-objet ?) est donc plus « vendeuse » que les autres.

Mais dans quel monde vivez-vous ?

La plupart des violences faites aux femmes sont passées sous silence. Pour les moindres, se sont les blagues lourdingues et les avancées salaces quotidiennes subies par une employée ou une ouvrière qui a peur de dénoncer son petit tyran de chef parce qu’elle sait qu’elle risque son job et qu’elle a besoin de son salaire à tout prix. C’est la lutte au quotidien des mères qui élèvent seules leurs enfants et qui doivent accepter n’importe quoi (et je ne parle pas de sexe) pour survivre.

C’est aussi cette jeune femme licenciée (1) pour avoir refusé de porter au travail des talons hauts. Et les hôtesses (de l’air, d’accueil…) qui ont l’obligation d’être jolies et maquillées. Ces exigences qui sont connotées sexuellement, bien plus que le port de la cravate et du costume pour les hommes, sont-elles acceptables? La mode occidentale n’est pas exempte d’asservissements.

Pour cela, mesdames de la cérémonie des Golden Globes, vous auriez du arriver en jogging bon marché, sans maquillage, avec des godasses confortables à deux balles. Là, il y aurait eu, peut être, un message fort.

Ensuite, plus grave, il y a la prostitution et la pornographie… C’est facile, on connaît les producteurs de films pornos. Pourtant, que je sache, ces porcs-là n’ont pas été balancés. Et ne me dites pas que c’est la volonté des femmes de faire ces « métiers » et que chacune est libre de son corps. C’est encore, pour la grande majorité, de la domination par le fric. De l’exploitation de la misère, du chômage. Un manque d’éducation de qualité. Dans les titres mêmes de ces vidéos, la violence de langage et le mépris pour celles qui ne sont bonnes qu’à subir, font froid dans le dos avant même d’avoir vu la première image. Les femmes y sont présentées presque systématiquement comme étant des salopes vicieuses. Pourtant, là, on se tait. Emmanuel Macron, prêt à brider internet en vue des futures élections, ne s’émeut pas des sites pornos.

Enfin, il y a l’éducation de tous et de nos filles, en particulier. Apprenez-leur à ne pas être gênées, à répondre correctement et fermement aux crétins pas bien méchants, à dire non clairement, à oser crier dans le métro quand on tente de les tripoter (2), à oser porter plainte si c’est nécessaire. Ceci s’applique d’ailleurs aussi aux jeunes garçons. Apprenons enfin à réagir lorsque nous sommes témoins d’une injustice ou d’un manque de respect, pas seulement envers les femmes.

La première des injustices et des violences étant la différence de richesse grandissante, pas uniquement entre hommes et femmes, indignons-nous lorsqu’on stigmatise les chômeurs, lorsqu’on démolit les acquis sociaux. Si les femmes et les hommes avaient les mêmes moyens financiers et pouvaient simplement vivre dignement, si l’enseignement était partout et pour tous de bonne qualité (3), vous verriez, il serait beaucoup plus facile de combattre le sexisme et les rapports de domination.

Et puisqu’il est question d’éducation, apprenez aux jeunes le fonctionnement d’un état démocratique : le justice ne se rend pas sur les réseaux sociaux, ceux-ci peuvent permettre certains témoignages, pas les dénonciations. Apprenez-leur que la liberté pour tous n’est que paroles en l’air pour nos concitoyens qui vivent dans la pauvreté. Pour être libre, il faut avoir les moyens de la liberté.

Michèle Janss

 

Notes: 

(1) Nicola Thorp, une intérimaire londonienne de 27 ans , fut renvoyée chez elle sans salaire au motif qu’elle ne portait pas de talons hauts. «On attendait donc de moi de travailler neuf heures d’affilée debout à accompagner les clients en salle de réunion. Je n’aurais tout simplement pas été capable de faire cela en talons !»

(2) Je l’ai fait, à 16 ans. J’ai pris les passagers à témoin. Tout le monde était mal à l’aise mais le « tripoteur » est descendu du tram en courant.

(3) Rappelons que la France et la Belgique font partie des pays où les inégalités scolaires sont les plus importantes: http://www.skolo.org/2014/01/29/pisa-france-et-belgique-champions-de-linegalite/

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L‘annulation de la projection du film l‘Astragale de la réalisatrice Brigitte Sy, prévue début févier, et du débat l‘accompagnant est une nouvelle attaque de l‘establishment pro-#metoo/balancetonporc contre les signataires de la tribune parue dans le Monde et s‘opposant à la création d‘un climat de chasse aux sorcières sexuelle et culturelle.

La semaine dernière, Ciné 104, cinéma d’art et d’essai public de la ville de Pantin (Seine-Saint-Denis) signifiait à la cinéaste qu‘elle ne pourrait pas projeter son film ni débattre de ses vues suite à la décision d‘un collectif féministe local d‘annuler l‘événement et qui ne fut pas discutée avec elle.

Pour justifier sa décision, le collectif écrit: «Nous pensons que le moment n’est pas opportun pour débattre sereinement dans ce cadre avec une signataire de la tribune des 100 femmes». Reprenant l‘amalgame frauduleux de #metoo entre gestes déplacés ou avances persistantes non désirées et viol, il accuse les positions «tenues dans cette tribune» de «banaliser les violences faites aux femmes».

«Je n’ai pas le droit de parler et de venir débattre avec des femmes qui récusent le contenu de cette tribune. Intellectuellement, c’est du terrorisme,» s’est insurgée la cinéaste dans Libération. «Ce n’est pas tant la projection de l’Astragale…. Mais c’est le principe même de l’interdiction de venir débattre,» ajoute-t-elle. «Je ne pensais pas être privée un jour de parole, ni interdite de débat, ni de la projection de mon film, censurée en quelque sorte en raison de ma seule signature».

La pétition courageuse publiée dans le Monde du 9 janvier et signée par Sy et de nombreuses autres actrices, critiques, journalistes et femmes écrivains s‘opposait au mouvement #MeToo, à ses méthodes, à ses tentatives d’intimider et de détruire ses victimes masculines et leurs carrières. Elle soulignait le caractère profondément antidémocratique de cette campagne et sa répudiation de droits fondamentaux.

La tribune montrait aussi que #metoo et #balancetonporc, relayés massivement par les médias et devenus politique officielle en France n‘avait pas fait perdre la tête à tout le monde et exprimait la résistance d’une bonne partie de la population.

La censure prononcée contre Sy confirme la caractérisation par le World socialist Web Site de cette campagne comme réactionnaire et manipulée par l‘establishment politique international, pour installer un climat hystérique et répressif par des dénonciations fourre-tout de « harcèlement sexuel » et éliminer dans la foulée le droit à un procès équitable. En France, le gouvernement Macron n’a pas seulement encouragé ce type d’accusations, il veut aussi faire une loi et créer une police spéciale à ce sujet.

L‘attaque menée contre Sy montre qu’un des objectifs de #metoo est, à travers l‘attaque du « caractère » des artistes, la censure et l‘interdiction d’œuvres jugées non conformes ou gênantes par l‘élite dirigeante. Sous prétexte que l‘artiste n’a pas la bonne « moralité» on supprime ou censure son œuvre parce qu‘elle soulève des questions qu’on ne veut plus voir discutées.

En France, #Metoo s‘en était déjà pris à la Cinémathèque française exigeant qu‘elle annule sa rétrospective de l’œuvre de Roman Polanski, allant jusqu‘à réclamer son extradition aux Etats-Unis. Cette intimidation a échoué, mais la Cinémathèque a annulé une autre rétrospective, du cinéaste Jean-Claude Brisseau, prévue ce mois-ci. Plusieurs centaines de gens du cinéma et des lettres ont signé une pétition exprimant leur inquiétude: «Nous citoyens, nous alarmons de ce climat de censure et de voir une institution plier devant des pressions extérieures et cela dans une ambiance délétère propice à toutes les confusions.»

Le directeur de la Cinémathèque, Frédéric Bonnaud, avait insisté sur la gravité du fait qu‘on «en avait appelé aux pouvoirs publics» pour «interdire la rétrospective et la projection des films [de Polanski]», ajoutant «on appelle ensuite à couper les fonds et à la censure». Il avait posé la question si la soi-disant libération de la parole ne «s’accompagnait pas à un moment d’un véritable choc totalitaire, et d’un retour à l’ordre moral.»

La secrétaire d’État à l’égalité entre femmes et hommes Marlène Schiappa avait attaqué les rétrospectives Polanski et Brisseau au motif qu’elles «contribuaient à la culture du viol.» «Faut-il condamner une œuvre dont on se demande bien en quoi elle fait l’apologie du sexisme, du viol ou de la pédophilie? Faudra-t-il aussi brûler les œuvres de tous ceux dont la vie n’a pas toujours été un modèle de vertu?» avait alors demandé Wassim Béji, producteur du dernier film de Polanski.

Ce genre d‘intimidations et d‘attaques contre l’œuvre d‘artistes importants a lieu dans le monde entier. Aux États-Unis, on a tenté ces derniers jours de traîner dans la boue le cinéaste et humoriste Woody Allen et le dessinateur des Marvel Comics (Spiderman, Hulk) Stan Lee, âgé de 95 ans. Si c‘est aux USA que #metoo a commencé, impulsé par le Parti démocrate et le New York Times, il est vite devenu clair qu’il s’agit d’un phénomène international.

Cette campagne est du même acabit que celle contre les «fake news», qui accuse les informations non conformes aux médias traditionnels d’être des mensonges ou de la propagande russe, afin de justifier la censure d‘Internet par les Etats capitalistes en collaboration avec les géants d’Internet comme Google et Facebook. Une censure visant surtout les sites Internet critiquant la politique de contre-révolution sociale et les préparatifs de guerre des élites dirigeantes.

La décision du collectif de Pantin de déprogrammer le film de Sy et de refuser un débat public avec elle, répondant sans aucun doute aux vœux et pressions d‘éléments en lien étroit avec l‘Etat, sinon de l’État lui même, est hautement anti-démocratique. La seule chose que l’on reproche à Sy est d‘avoir pris publiquement position contre #metoo/#balancetonporc.

L‘accusation portée contre Sy et les signataires de la tribune du Monde que leurs positions «dépolitisent» le débat et qu‘elles «expriment un réel mépris de classe» est particulièrement ahurissante. Elle suggère que #MeToo – une campagne vindicative, menée sans aucun regard pour les dégâts culturels et sociaux produits, motivée essentiellement par l‘envie d’une fraction féminine des couches aisées lorgnant les postes lucratifs des hommes – aurait pour but de défendre les travailleuses sur leur lieu de travail. Une affirmation sans fondement avancée dès l’affaire Weinstein par les partis pseudo-de gauche comme le NPA et Lutte ouvrière.

S’il y a «dépolisitisation» du débat, c‘est que #metoo/#balancetonporc, avec l‘aide active du gouvernement Macron, cherche à détourner la discussion de ses attaques brutales contre les travailleurs et sa militarisation de l‘Europe. Qui du banquier Macron qui préside au licenciement de centaines de travailleuses, prépare l‘exclusion de milliers d‘autres de l’assurance-chômage et prépare la guerre en grand, ou de Polanski, est le plus hostile aux travailleuses?

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Jeudi, le Premier ministre britannique Theresa May et le président français Emmanuel Macron ont tenu un sommet à l’académie de formation des officiers militaires britanniques, Sandhurst. La réunion visait à renforcer les liens militaires et de renseignement franco-britanniques, conformément à la stratégie élaborée dans le Traité de Lancaster House de 2010, au milieu des tensions croissantes avec l’administration Trump et au sein de l’OTAN et de la crise de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE).

Ils se sont mis d’accord sur une série de mesures réactionnaires, y compris des dépenses militaires accrues, des opérations d’espionnage conjointes et des attaques contre les migrants qui tentent d’atteindre la Grande-Bretagne depuis le port français de Calais. Ils se sont engagés à intensifier la coopération sur les programmes d’armement nucléaire, les porte-avions et les déploiements navals dans les océans Pacifique et Indien et dans la mer des Caraïbes. Il y a également eu des accords sur des dispositions pour la censure draconienne d’Internet.

Le Financial Times a noté que Sandhurst a été choisi comme lieu car il « soulignait un pacte de défense de deux décennies entre la Grande-Bretagne et la France ». Insistant sur le caractère stratégique de la réunion, les chefs des principales agences de renseignement nationales et internationales, le MI5, le MI6 et le General Communications Headquarters (GCHQ) – et de leurs équivalents français, les Directions Générales de la Sécurité Externe et de la Sécurité Intérieure (DGSE, DGSI) y ont tous participé.

Soulignant « un monde de plus en plus instable et incertain », le communiqué du sommet a déclaré que « LeTraité de Lancaster House est le socle de notre relation. Nous avons amélioré depuis 2010 nos capacités collectives et constaté des niveaux inédits d’intégration de nos forces armées, de nos services de renseignement et de nos organes diplomatiques et de développement ».

Il a ajouté : « Il n’existe pas de situation dans laquelle les intérêts vitaux de l’un de nos deux pays, le Royaume-Uni ou la France, puissent être menacés sans que les intérêts vitaux de l’autre ne le soient également. » Puisque les intérêts vitaux sont ceux pour protection desquels les États sont prêts à partir en guerre, cela signifie essentiellement que la Grande-Bretagne et la France construisent une alliance séparée et plus petite au sein de l’OTAN. Le magazine français Le Point s’est félicité de ce « principe simple déjà esquissé en 1992 », après la dissolution de l’Union soviétique et la réunification de l’Allemagne.

Le document du « Pacte de la politique étrangère et de développement » contenait une liste des positions de l’impérialisme britannique et français sur les points explosifs mondiaux, en particulier ceux où Washington menace de déclencher des guerres majeures. Le document engage à défendre l’Accord de paix nucléaire iranien de 2015, que l’administration Trump indique vouloir abandonner au milieu des menaces américaines croissantes de guerre contre l’Iran. Il appelle à un « un dialogue durable, réel et sans conditions » avec la Corée du Nord, que Washington menace d’anéantir.

Dans une concession apparente au Royaume-Uni de la part de Macron – qui a commencé sa présidence en invitant le président russe Vladimir Poutine en France et en appelant à l’amélioration des relations avec Moscou – le pacte attaquait sévèrement la Russie.

Il a déclaré que le Royaume-Uni et la France « partagent une même analyse de la politique étrangère et de défense de la Russie, devenue plus ferme […] intimidation stratégique, notamment le recours à la désinformation, des actions malveillantes en ligne et la subversion politique. » Il a dénoncé l’annexion de la Crimée par la Russie et soutenu l’Accord de paix de Minsk en Ukraine négocié par Berlin, Paris, Kiev et Moscou : « Les sanctions économiques ne pourront être levées tant que la Russie ne respectera pas les obligations découlant des accords de Minsk ».

Les deux pays se sont mis d’accord sur deux interventions à l’étranger pour illustrer leur alliance. La Grande-Bretagne doit envoyer trois hélicoptères et 50 à 60 techniciens pour aider des milliers de soldats français à mener une guerre néocoloniale dans la région du Sahel en Afrique. Pour sa part, la France enverra plus de troupes dans le cadre de la « présence avancée renforcée » de l’OTAN en Estonie en 2019, « dans le cadre du groupement tactique dirigé par le Royaume-Uni […] compte tenu du succès du déploiement conjoint réussi en 2017 ». Le Royaume-Uni compte actuellement 800 soldats en Estonie.

En outre, May a déclaré qu’un corps expéditionnaire britannique et français serait prêt à déployer jusqu’à 10 000 soldats « rapidement et efficacement pour faire face à toute menace » d’ici 2020.

Les deux pays s’accordent sur la nécessité de réprimer les droits démocratiques en construisant leurs machines de guerre, la censure d’Internet étant à la tête de leur agenda. Sous couvert de « terrorisme » et de « criminels », le sommet a été présenté avec un rapport contenant des propositions pour « automatiser la détection et la suppression des contenus illégaux dans les 1 à 2 heures de leur mise en ligne » et « empêcher leur diffusion ».

Londres et Paris ont également marchandé le financement de la répression des immigrés à Calais, où la France a accepté la responsabilité de la police des frontières britannique autour du tunnel sous la Manche dans le Traité de Touquet de 2003. À Sandhurst, les deux pays ont convenu d’une action commune pour « augmenter le nombre de migrants illégaux qui sont renvoyés dans leur propre pays ».

Sous la pression de Macron, May a accepté de « soutenir la France dans ses installations dans les zones situées en dehors des régions de Calais et Dunkerque, comme les « centres d’accueil et d’évaluation » et d’augmenter les paiements britanniques à la France de 50 millions d’euros ».

Macron a déclaré hypocritement lors de la conférence de presse du sommet que le nouveau traité sur les migrants assurerait une « approche plus humaine ». En fait, ce qui est mis en œuvre est une accélération du processus d’expulsion, passant de 6 mois à un mois pour les adultes, et 25 jours pour les enfants. Le Royaume-Uni a refusé de préciser le nombre de migrants qu’il accueillerait.

Le sommet a souligné à la fois l’effondrement du cadre politique international qui existait à l’époque de l’hégémonie mondiale de l’impérialisme américain et le virage vers la répression et la propagande haineuse anti-immigrés alors que les puissances impérialistes se préparent à la guerre. Des différences fondamentales séparent les grandes puissances européennes de Washington au sujet des pays du Moyen-Orient et d’Asie, où ils ont des intérêts économiques et stratégiques majeurs, et où la politique américaine pourrait provoquer une grande guerre régionale ou mondiale.

En même temps, l’UE se désintègre rapidement, en particulier depuis le vote sur le Brexit. Il est significatif que Paris ait organisé un sommet militaire de haut niveau avec Londres au milieu de préoccupations croissantes concernant ses relations avec l’Allemagne, première puissance européenne, après la crise déclenchée par les élections allemandes de septembre 2017. Le gouvernement de la Grande Coalition (Parti chrétien-démocrate-social-démocrate) qui favorisait des liens étroits avec Macron a subit une défaite électorale humiliante et Berlin est toujours incapable de former un gouvernement, Paris doit craindre qu’un gouvernement plus hostile émerge à Berlin.

Les factions Leave (Quitter) et Remain (Rester) de la bourgeoisie britannique ont toutes deux soutenues des liens plus étroits avec la France. Dans un éditorial avant le sommet, le Financial Times, partisan de Remain, a écrit avec effusion sur la décennie précédente de coopération militaire et de renseignement, mais a averti : « À l’ère du Brexit, ces liens seront réexaminés ». Étant donné les liens historiquement étroits avec les États-Unis « Il y a un profond scepticisme en Grande-Bretagne quant à l’intégration des forces armées du pays avec celles de l’Europe. »

Macron n’a fait aucun effort pour soutenir la Grande-Bretagne dans ses discussions controversées sur le Brexit avec l’UE, soulignant toutefois que c’est l’UE, et non la France, qui négocierait le Brexit. Interrogé sur les raisons pour lesquelles il s’opposait à l’inclusion des services financiers dans tout accord de libre-échange entre l’UE et le Royaume-Uni, il a déclaré : « Je ne suis ici ni pour punir ni pour récompenser. Je veux m’assurer que le marché unique est préservé car c’est vraiment le cœur de l’UE. »

Si la Grande-Bretagne voulait un accès continu au marché unique de l’UE, Macron a ajouté : « Le choix appartient à la Grande-Bretagne : ce n’est pas mon choix, mais ils ne peuvent avoir aucun accès différencié aux services financiers. […] cela signifie que vous devez contribuer au budget et reconnaître la compétence des juridictions européennes. »

La Grande-Bretagne ne serait pas en mesure de choisir à son gré un accord commercial comme celui passé avec le Canada qui permettrait l’accès au marché unique, a-t-il insisté. « Il ne devrait pas y avoir d’hypocrisie à cet égard, ou cela ne fonctionnerait pas et nous détruirions le marché unique ».

Robert Stevens et Alex Lantier

 

Article paru en anglais, WSWS, le 20 janvier 2018

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Photo : Des éboueurs d’Ankara, en Turquie, ont ouvert une bibliothèque en amassant des livres jetés dans les poubelles afin de leur offrir une seconde vie. © Municipalité de Cankaya

Cette initiative en Turquie mérite amplement d’être exportée. Des éboueurs travaillant à Ankara ont eu la bonne idée d’ouvrir une bibliothèque en collectant des livres jetés dans les poubelles afin de leur offrir une seconde vie.

C’est dans le quartier de Çankaya, dans la capitale turque, que la bibliothèque a ouvert ses portes en septembre 2017, après plusieurs mois de ramassage et de tri des livres.

C’est dans le quartier de Çankaya, dans la capitale turque, que la bibliothèque a ouvert ses portes en septembre 2017, après plusieurs mois de ramassage et de tri des livres.

Initialement réservée aux éboueurs de la ville et à leurs familles, le lieu est finalement ouvert au grand public, avec la bénédiction de la municipalité de Çankaya, qui n’est pas peu fière de cette initiative de ses employés.

Des habitants, charmés par cette initiative, ont décidé également de contribuer en faisant don de livres pour remplir les rayons.

Ce sont aujourd’hui plus de 6 000 ouvrages de 17 catégories (jeunesse, littérature, histoire…), qui sont disponibles et ouverts au prêt, pour le plus grand bonheur des lecteurs.

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Le nombre de civils tués par la coalition antidjihadistes conduite par les Etats-Unis a triplé en 2017 en raison des assauts lancés contre des centres urbains très peuplés tenus par le groupe Etat islamique (EI), selon une ONG.

Au total, en Irak et en Syrie, entre 3923 et 6102 « non-combattants » ont péri et 2443 civils ont été blessés lors de 766 attaques meurtrières en 2017, selon le recensement annuel d’Airwars. En 2016, entre 1243 et 1904 avaient été tués, selon la même source. L’accroissement atteint donc 215%, indique l’ONG fondée à Londres à l’été 2014 et composée de journalistes et de chercheurs.

11.573 frappes aériennes et tirs d’artillerie

Airwars répertorie le nombre de victimes civiles causées par les frappes aériennes menées par la coalition et la Russie en Irak et en Syrie. Au cours de l’année, la coalition a fait état de 11.573 frappes aériennes et tirs d’artillerie, soit une augmentation de 50% par rapport à l’an dernier. Ces actions ont visé majoritairement la Syrie (71%) par rapport à l’Irak (29%).

Airwars relève que ce « nombre sans précédent de morts civils coïncide avec le début de la présidence (américaine de Donald) Trump et suggère que la politique visant à protéger les civils a été réduite sous la nouvelle administration« . Durant les huit premiers mois de l’année jusqu’en septembre, Airwars a relevé « plus d’allégations contre la coalition que contre les forces de Moscou« .

La situation est différente en Syrie et en Irak. Le nombre de morts a quadruplé dans le premier pays avec la bataille de Raqa qui a fait au moins 1450 morts parmi les civils, alors qu’en Irak il a quasiment doublé. Selon Airwars, entre le début de la bataille pour Mossoul le 17 octobre 2016et l’annonce de la « libération » mi-juillet 2017, entre 1066 et 1579 civils ont été tués par les raids de la coalition dans la deuxième ville d’Irak, un temps « capitale » du califat de l’EI aujourd’hui en lambeaux.

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La liste des plaintes, des blâmes et des condamnations que l’on peut adresser à l’Etat factice israélien[1] est longue. Très longue. Trop longue même. A tel point qu’aucun autre Etat ne pourrait se permettre le 10è, le 100è de ce que l’administration israélienne s’autorise. N’importe quel autre Etat aurait été soumis depuis longtemps aux sanctions et embargos utilisés comme actuels moyens de coercition sur ceux qui ne respectent pas les Résolutions et décisions prises par l’ensemble des nations lors de leurs réunions à l’ONU… quand ce n’est pas le simple fait de s’opposer à l’empire !

Dans le cas présent, les gouvernements successifs israéliens peuvent tout se permettre. Aucun Etat de par le monde ne réagit de manière adaptée aux graves infractions que n’importe quel citoyen peut constater, et cela, quelles que soient les tendances « de droite ou de gauche » des Etats en question.

Pourquoi ? Sinon grâce un sentiment de culpabilité toujours bien présent et d’ailleurs savamment entretenu par ceux qui y trouvent leur intérêt, à savoir les protagonistes et défenseurs de l’idéologie sioniste. Ces derniers utilisent les victimes du génocide perpétré par les nazis lors de la seconde guerre mondiale afin de pousser toujours plus loin leurs exigences. Ce que j’ai appelé dans un précédent article, l’un de leurs « jokers » : dans une attitude victimaire qu’ils maîtrisent à la perfection, ils se servent de ces victimes pour entretenir et alimenter une dette morale des pays qui y ont participé de près ou de loin. Et à ce compte-là, ces pays sont nombreux. Les premiers concernés étant les pays européens où se sont déroulés les pogroms et autres actes proprement ignobles. L’autre « joker » étant l’antisémitisme qu’ils jettent à la tête de tout individu ou association osant se mettre en travers de leur abjecte idéologie coloniale.

La question qu’il serait vraiment temps de se poser est de savoir si ces « jokers » peuvent permettre à cet Etat factice devenu « terroriste » dans ses pratiques, toute licence pour se comporter depuis des décennies de manière aussi brutale et inhumaine envers les Palestiniens que les nazis de l’époque envers eux. Aux yeux du Droit international, la liste des délits gravissimes commises par l’Etat factice israélien est impossible à reprendre dans ce billet, tant elle est longue. L’histoire de cette nouvelle entité créée de toutes pièces en 1947 sur les terres palestiniennes n’est qu’une succession de massacres, de bombardements, d’assassinats, de guerres, de spoliations, de destructions massives et diverses tant privées que publiques comme des hôpitaux, des écoles, des ambulances, le port et l’aéroport de Gaza, des mosquées, des centres de jeunesse… sans parler des multiples Résolutions onusiennes dont aucune n’est respectée. Ni que cet Etat factice en est à appliquer un régime d’apartheid vis-à-vis d’une large partie de la population qui y réside, et qui peut désormais être assimilé à un terrorisme d’Etat.

Encore une fois, quel Etat digne de ce nom, pourrait-il à notre époque s’autoriser le 100è de ce que les gouvernements israéliens se permettent ? La réponse est simple : aucun ! Dès lors, l’impunité arrogante dont jouit Israël doit bien trouver sa justification dans certains éléments qui échappent à l’entendement et qui se situent dans ce sentiment de culpabilité insidieusement entretenu d’une part, et peut-être aussi dans un sentiment raciste d’autre part dans la mesure où ceux-là mêmes qui traitent les uns d’antisémites sont la plupart du temps d’une islamophobie avérée.

Le paradoxe est à son comble dans la mesure où, plus l’ainsi nommée ‘Communauté internationale’ recule devant l’accumulation de délits de cet Etat factice sans prendre de sanctions méritées à son encontre, plus ce dernier se sent autorisé à poursuivre ses exactions. Ce qui, dans les faits, est devenu un véritable cercle vicieux dont il semble de plus en plus difficile de sortir au fil du temps. Ainsi, plus l’ensemble des Nations reste sans réactions concrètes, plus les responsables israéliens se sentent libres d’appliquer n’importe quelle odieuse politique à l’encontre des Palestiniens. Et les gouvernements israéliens le savent : à ce jeu-là et jusqu‘à présent, le temps a joué pour eux.

Sauf que, les paradigmes sont en train de changer. La guerre en Syrie où la colonie israélienne s’est rangée du côté des mercenaires anti-Assad a déjoué tous les plans des stratèges américano-sionistes. Le président Assad n’a pas été démis, et de l’avis général, ressort renforcé de cette terrible épreuve. Tout comme l’Iran et la Russie. Les temps de l’impunité semblent donc arriver à leur terme et le rapport des forces, s’inverser.

En effet, les États-Unis, Israël et leurs sinistres alliés – dont l’UE – sont affaiblis. Cette guerre qui n’est pas encore achevée est un tournant dans le remodelage qu’avaient prévus les USA pour le Moyen-Orient. Il n’en sera pas selon leurs plans, ni ceux de la colonie israélienne qui magnifie à grands cris la décision de D. Trump de déclarer Jérusalem capitale d’Israël pour mieux dissimuler son désarroi face à l’étau qui se resserre lentement mais sûrement.

Certains pensent que la colonie israélienne sort gagnante de ces guerres au Moyen-Orient. Je pense que c’est le contraire. Si l’on veut bien regarder les choses en face, la colonie israélienne n’a cessé de perdre du terrain, chose qu’elle convoite pourtant par-dessus tout ! Contre le sentiment répandu, elle a dû abandonner les colonies qui s’étaient implantées à Gaza ; de même, elle a dû lâcher des terres qu’elle occupait illégalement dans le sud du Liban et les quelques fermes du Chaaba finiront par être récupérées ; suite à sa guerre perdue en Syrie, ses positions sur les hauteurs du Golan sont de plus en plus fragiles et finiront par céder… ce qui finit par faire beaucoup !

Certes, à l’intérieur de la Palestine, les colonies se multiplient, continuent à s’étendre, et Jérusalem vient d’être déclarée par leur soutien majeur que sont les USA de D. Trump, capitale d’Israël… mais à y regarder de près, c’est une bien maigre consolation, toute éphémère, d’autant que le résultat au niveau de l’image internationale de la colonie israélienne n’a, tout comme celle des USA, de cesse de se détériorer au point d’être au plus bas. La perte est donc autant territoriale que morale et se répand au niveau psychologique au sein même de la population israélienne, y compris en son armée où les désertions et suicides sont nombreux (lire : http://reseauinternational.net/le-nombre-des-cas-de-suicides-en-hausse-chez-larmee-israelienne/)

Ne sachant plus qu’inventer pour briser l’opiniâtre résistance de la population palestinienne voici ce que les députés psychopathes israéliens ont sorti de leurs kippas : une loi pour condamner à la peine capitale – c’est-à-dire, la peine de mort – tout résistant palestinien qui se verrait qualifié par les autorités de « terroriste ». Ce projet de loi présenté par le ministre d’extrême-droite des Affaires extérieures Avigdor Liebermann a été fermement soutenu par le 1er ministre B. Netanyahu, et est passé en première lecture à la Knesset en ce début d’année. Il doit encore faire l’objet de trois lectures avant son éventuelle adoption. Actuellement, la peine de mort ne peut être décidée que si elle est prononcée à l’unanimité par trois juges militaires. Si la nouvelle loi devait être adoptée, la majorité suffira. Pas belle, « la seule démocratie dans la région » à qui nos éminences européennes déroulent le tapis rouge et multiplient les accords spéciaux ?!

Franchement, jusqu’où faudra-t-il fermer les yeux face à cet Etat factice qui enfreint toutes les règles du Droit international ?! Jusqu’où nos responsables politiques s’abaisseront-ils pour lécher les bottes d’un occupant qui mène une odieuse guerre coloniale contre une population démunie, privée pour une partie d’entre elle des besoins les plus élémentaires, comme l’électricité, une eau saine et en suffisance, et pour certains, une nourriture qui ne soit pas rationnée ?! Jusqu’où ces ténors politico-médiatiques s’imaginent-ils que les citoyens sont dupes de leur justice à géométrie variable et comment peuvent-ils encore espérer être respectés et pris au sérieux dès lors que dans les faits, eux-mêmes ne respectent en rien les leçons de moralité qu’ils n’ont de cesse de claironner à longueur d’antenne ?!

Décidément, il faut qu’ils soient vraiment incompétents pour ne pas comprendre ce qui fait l’abc de n’importe quel comportement, à savoir : la cohérence ! Vous voulez que les citoyens respectent les lois et adoptent en toutes circonstances un comportement civique ? Commencez donc à être cohérents avec ce que vous prônez pour les autres ! Tant que vous ne le serez pas, ne soyez pas étonnés que des citoyens ne vous suivent pas. Ce n’est que logique… et il ne fait pas avoir fait Bac + 10 pour le comprendre. Tout enfant sent et sait cela, dès le plus jeune âge !

Daniel Vanhove –

22.01.18

Photo : dailysabah.com

 

[1] Je parle « d’Etat factice » dans la mesure où d’après la Résolution 181 du 29.11.1947 recommandant le partage de la Palestine en deux Etats, l’un arabe et l’autre juif, la lecture stricte de cette Résolution implique qu’aucun de ces deux Etats ne peut exister sans la reconnaissance explicite de l’autre. Ils sont liés l’un à l’autre par cette Résolution. Si donc, Israël ne reconnaît pas la Palestine selon les frontières comprises dans cette Résolution 181, celle-ci est caduque ce qui entraîne de facto l’inexistence de l’Etat israélien et le retour à la Palestine historique.

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