Palestine : Les travaux de l’Apartheid
Marie-jo
Que sont-ils en train de faire ? C’est une question que tous se posent en Cisjordanie en ce moment. Certes, il y a la construction du Mur qui avance à grand pas. Tout le monde est au courant et suit avec angoisse l’évolution sur le terrain et les quelques rares succès dans la lutte juridique engagée.
Les services des Nations Unies publient régulièrement des mises à jour sur le projet et les réalisations en cours.
Mais, la frénésie des travaux de grande envergure ne s’arrête pas là. Le réseau routier, lui aussi, est concerné. Et, localement, personne n’est informé !
Près de notre petit village de Hares, tout a commencé début 2004. Des engins et du matériel de travaux publics avaient, à l’époque, attiré notre attention. C’est une route qui, peu à peu, émergeait de tout ça. Elle suit le même parcours que la « Transsamarienne » qui relie Tel Aviv à la vallée du Jourdain et n’en est séparée que de quelques mètres. Pour le moment, elle s’arrête brutalement. Pour qui est-elle, où ira-t-elle ? Autour de nous, pas de certitude mais cela ressemble bien à un dédoublement de route. Chacun la sienne !
La jonction de Zatara (Tapuah pour les Israéliens) est à 10 km. C’est un point névralgique, croisement de cette Transsamarienne et de la route Jérusalem/Naplouse.
En Septembre, des travaux y démarraient et, rencontrant le Maire du village le plus proche, c’est avec étonnement que l’on s’entendait dire qu’il ignorait totalement ce qui était prévu…. Cependant, un de ses amis… qui avait interrogé un Israélien …lui aurait dit que… Aucune information officielle.
C’est en cette fin d’octobre qu’un article d’Amira Hass, dans le quotidien israélien de Gauche « Haaretz », apporte de claires informations sur ce carrefour qui va devenir le verrou entre la zone Centre autour de Jérusalem et la zone Nord de Naplouse et de Jénine. Dix voies sont prévues pour les voitures, parmi lesquelles une sera d’accès libre pour les véhicules israéliens à plaque d’immatriculation jaune. L’ensemble est présenté par l’Armée comme devant faciliter les passages et diminuer l’attente. Lutte contre les embarras de la circulation, version « Bouclage du Territoire ».
A Qalandia aussi, entre Ramallah et Jérusalem, les travaux autour du barrage militaire sont d’importance. Ils sont aussi destinés à organiser le secteur mais de façon plus officielle : il y a quelques mois, fut annoncée la création d’un poste frontière ! A noter que Jérusalem-Est sera du côté israélien !
Au final, lorsqu’on juxtapose les données recueillies sur le terrain, les cartes du Mur et celles du réseau routier de Cisjordanie, on voit se dessiner, petit à petit, 3 zones entre lesquelles la totalité des personnes et des biens pourra être strictement contrôlée : le Nord, délimité au sud par cette autoroute transsamarienne et verrouillé par Zatara, le Centre avec Jérusalem et l’extension de la colonie de Maa’le Adumin vers l’est formant une barrière infranchissable complétée par le Mur et la « frontière » de Qalandia, le Sud, enfin, région de Bethlehem et d’Hébron.
A l’échelon des villages, les projets israéliens semblent, également, ne pas manquer. Mais là aussi, la population découvre ce que l’Occupant lui prépare grâce aux incursions de tel engin de travaux publics, sur une ou plusieurs propriétés, un beau matin, à la surprise générale.
Tout récemment, à Hares, coup de téléphone d’un habitant : « L’Armée est à l’entrée du village, elle accompagne un bulldozer qui aménage une voie sur des terrains privés ». Nous y allons immédiatement. Le travail est déjà fini mais les 4 jeeps de l’Armée sont encore là. Un chemin de 3m de large est identifiable sur les parcelles longeant la route secondaire qui monte vers le village. Quelques villageois sont sur les lieux, le visage grave. Ils parlent avec les militaires.
Seraient-ce les travaux du Mur qui commencent ? Il ne semble pas. Il ressort des discussions qu’il s’agirait plutôt d’une clôture pour empêcher les jets de pierre sur les véhicules israéliens, pratique fréquente dans la région, aux dires de l’Armée. Deux autres villages du coin sont également touchés par cette mesure.
Le spectacle de cet officier des Relations Publiques, jeune et beau dans l’uniforme de l’Occupant, parlant un arabe parfait et voulant convaincre probablement ces villageois du bien fondé de l’opération, est insupportable. Le visage buriné de l’homme de 60 ans qui nous a appelées, son désespoir après le départ des soldats et ses paroles – Alors, je n’ai plus qu’à devenir un terroriste ?- sont insoutenables. Pourquoi ce simulacre de concertation ? Tout est décidé ailleurs et depuis longtemps. Les bulldozers avancent et écraseront tout sur leur passage. La prison s’organise. Quel avenir : partir ou mourir à petit feu dans des Réserves exiguës ?
Ca bouge en Cisjordanie mais, manifestement, les Palestiniens ne sont pas invités à donner leur avis dans l’élaboration des projets. Impuissants, ils assistent à l’organisation, par l’Occupant, de leur espace de vie au détriment de leurs propriétés et de leurs moyens de survie.
La machine ne s’arrêtera pas sans une volonté politique internationale qui fait défaut actuellement. La situation, déjà invivable, va s’aggraver dans les mois qui viennent. Le désespoir aussi, qu’en sera-t-il de la violence ?
Ref : Haaretz, 30 Octobre 2005, New checkpoint to sever West Bank south of Nablus de Amira Hass