Palestine: une et indivisible
Imaginons un instant un extraterrestre atterrir, le samedi 7 octobre 2023, dans la patrie des trois monothéismes. En voyant des groupes armées intervenir dans des Kibboutz et des roquettes tomber sur des colonies, quelle serait sa réaction?
Doué de raison et ayant un sens rigoureux du bien et du mal, sa première réaction serait de comprendre le pourquoi de ses interventions armées dans des lieux paisibles. Pour lui, il est évident que seul un retour dans le passé lui permettra de maîtriser le présent dont il est témoin…
L’extraterrestre s’impose alors un voyage dans le passé de cette contrée…
Dans ses recherches, il découvre une déclaration du sénat français datant du 14 décembre 2022 :
«si la solution à deux États se trouve dans une triple impasse (politique intérieure israélienne, déficit de légitimité de l’autorité palestinienne et paralysie du Quartet pour le Moyen-Orient composé des États-Unis, de la Russie, de l’Union européenne et des Nations unies), la question se pose de savoir si celle-ci peut se voir substituer d’autres propositions. Le statu quo est-il toujours possible? La solution d’un État unique trouve un écho auprès de palestiniens qui désespèrent du blocage du processus de paix et espèrent un meilleur développement économique, mais cette solution est-elle viable et acceptable?»(1)
De cet énoncé sénatorial, l’extraterrestre extrait des interrogations: une triple impasse?, Autorité palestinienne? Deux Etats? Un État unique?
Même ces sages sénateurs ont l’air de ne pas comprendre ce qui ébranlent cette contrée car ils constatent sans expliciter les causes, se dit-il … Ou, ils ne veulent pas comprendre!
Concernant Autorité palestinienne, l’extraterrestre commence par lire le discours du Président de cette Autorité, prononcé un mois et demi avant son arrivée sur terre.
En effet, le 21 septembre 2023 au siège de l’ONU, le président Mahmoud Abbas déclare:
«Ceux qui pensent que la paix peut prévaloir au Moyen-Orient sans que le peuple palestinien ne jouisse pleinement de ses droits légitimes et nationaux se trompent. Une fois de plus, je viens à vous, portant la cause de mon peuple qui lutte pour la liberté et l’indépendance, pour vous rappeler la tragédie causée par la Nakba [le mot arabe signifiant catastrophe] il y a 75 ans. Les effets de cette Nakba se poursuivent et sont exacerbés par l’occupation israélienne de notre terre. Cette occupation remet en question vos résolutions – plus de 1 000 résolutions, en réalité.» (2)
De cette lecture, l’extraterrestre tire la conclusion suivante: l’événement dont il a été témoin le samedi 7 octobre 2023 n’est qu’une conséquence d’un drame qui dure depuis 75 ans. Un drame historique qu’on peut qualifier de »négation par une puissance étrangère de l’existence d’un peuple sur une terre, la Palestine ».
Il apprend également que plus de 1000 résolutions ont été adoptées par les Nations-unies pour rendre justice à ce peuple spolié tout en permettant au spoliateur de continuer son œuvre de colonisation.
Et l’extraterrestre de se poser la question: pourquoi voter des résolutions qui ne sont pas appliquées?
D’ailleurs, dans son discours, le Président de l’Autorité palestinienne ne fait pas autre chose en questionnant l’Assemblée générale des nations-unies en des termes simples:«pourquoi pratiquer une politique de deux poids, deux mesures lorsqu’il s’agit d’Israël ? Pourquoi accepter qu’Israël soit un État au-dessus des lois ?» (2)
Mais revenons à l’extraterrestre. Tout en se posant la question, il lit avec détachement la résolution 194 adoptée le 11 décembre 1948 concernant les réfugiés palestiniens où il est précisé que les réfugiés qui le souhaitent peuvent «rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et vivre en paix avec leurs voisins»; les autres doivent être indemnisés de leurs biens «à titre de compensation».
Avec détachement, parce qu’il est maintenant convaincu qu’une résolution en faveur de ce peuple spolié se traduit dans les faits par une irrésolution…
Cette année 1948 est l’année de la Nakba pour le peuple palestinien: création de l’État d’Israël, le 14 mai, fêtée par des destructions de centaines de villages Palestiniens, confiscation de biens et de terres aux palestiniens, par des massacres et des exactions à l’encontre de la population et par l’exode sous la contrainte de 800 000 Palestiniens.
Dans le Mensuel, le Monde diplomatique de décembre 1995, A Gresh relate une de ses scènes où Allon, Yitzhak Rabin et Ben Gourion »produisent » des réfugiés palestiniens:
«..Nous marchions dehors au côté de Ben Gourion, Allon répéta la question-que devons nous faire de la population?- Ben Gourion agita la main en un geste qui signifiait : chassez-les…»
Comme à Deir Yassine…
Et, pour approfondir ses connaissances historiques, l’extraterrestre se procure des livres d’histoire.
Naissance du sionisme politique de Yohanan Manor (3) où il découvre, entre autres, la déclaration Balfour, ministre des Affaires étrangères britannique (novembre 1917) : «le gouvernement de Sa Majesté voit avec ferveur l’établissement en Palestine d’un Foyer National pour le peuple juif…» (3). Et sans tenir compte du peuple qui l’habite, pense l’extraterrestre interloqué.
Puis ce dernier ouvre le livre intitulé Analyse d’un miracle, d’ A. Koestler, fervent sioniste, et apprend qu’ «…Israël est un phénomène historique aberrant. C’est une espèce de monstre à la Frankenstein, conçu sur bleus d’architectes et couvé dans les laboratoires de la diplomatie…Il existe en fin de compte grâce à un fait accompli dont la population indigène est la victime.» (4)
Pour terminer, l’extraterrestre finit par se poser les questions suivantes:
«…Pourquoi les Palestiniens feraient-ils la paix?
Si j’étais, moi, un leader palestinien, jamais je ne signerai avec Israël. C’est normal nous avons pris leur pays. Certes, Dieu nous l’a promis, mais en quoi cela peut-il les intéresser?
Notre Dieu n’est pas le leur . Nous sommes originaires d’Israël, c’est vrai, mais il y a de cela deux mille ans: en quoi cela les concerne-t-il? Il y a eu l’antisémitisme, les nazis, Hitler, Auschwitz, mais est-ce leur faute?
Ils ne voient qu’une chose:nous sommes venus et nous avons volé leur pays. Pourquoi l’accepteraient-ils?» (5)
Enfin, avant de quitter la terre, l’extraterrestre prend connaissance des déclarations des dirigeants des puissances occidentales qui se présentent comme les défenseurs du bien et il conclut: loin de d’agir pour éteindre le feu, ces derniers l’alimentent. En plus, ils exigent du peuple spolié non seulement d’accepter la spoliation de sa terre et sa continuelle colonisation mais en plus d’aimer le colonisateur ou, du moins, de ne pas le détester. Autrement dit: être une victime consentante, un esclave.
Et il conclut: il faut beaucoup d’intelligence, de courage et une volonté souveraine aux êtres de bien qui vivent sur cette terre pour combattre le mal parce qu’il a la forme et l’allure du bien.
Mohamed El Bachir
Notes
1.https://www.senat.fr/rap/r22-208/r22-208_mono.html#toc60
3.Yohann Manor : Naissance du sionisme politique. Collection Archives 1981, page 206.
4.Arthur Koestler : Analyse d’un miracle. Circé poche. Pages 51-52
5.Goldmann Nahum/ Où va Israël ? Edition Calmann-Lévy, 1975. Page 104