Par crainte d’une nouvelle récession, les cours des marchés financiers plongent

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Les bourses en Europe et aux Etats-Unis ont dégringolé hier face à des craintes grandissantes d’un nouveau ralentissement de l’économie mondiale et d’une crise de grande envergure de l’endettement émergeant en Europe ainsi que de tensions mondiales croissantes au sujet de la faiblesse du dollar américain.

L’indice américain Dow Jones a clôturé en baisse de 4,3 pour cent en abandonnant 512,61 points, soit la plus forte chute depuis l’effondrement financier de 2008. D’autres indices boursiers américains ont même subi une baisse plus forte – le NASDAQ high-tech a cédé 5,08 pour cent et l’indice S&P 500 a perdu 4,78 pour cent de sa valeur. Il y a eu de fortes chutes dans d’autres secteurs de l’économie, mais les pertes les plus lourdes ont été enregistrées dans les secteurs des matières premières, de l’énergie, des carnets de commandes relatifs à la défense et des entreprises de biens d’équipement.

Les marchés européens ont également fortement reculé avec l’indice boursier italien enregistrant les pertes les plus importantes de 5,16 pour cent. Les indices français, britannique, allemand et espagnol étaient tous en chute de plus de 3 pour cent. Les titres bancaires ont fortement dégringolé par crainte d’une nouvelle crise de l’endettement en Europe.

L’agence de presse économique et financière, Dow Jones Newswires, a décrit le négoce boursier, les transactions monétaires et sur les marchés de matières premières comme connaissant un mouvement de « quasi panique. » La bourse de Milan a clôturé une demi heure avant l’heure de fermeture habituelle, et le NYSE Euronext a temporairement suspendu la cotation des titres aux bourses de Paris, Bruxelles, Amsterdam et Lisbonne.

Les prix du pétrole ont fortement chuté, indiquant la crainte d’un nouvel effondrement de l’activité industrielle et économique.

Les négociants en produits pétroliers craignent que le rapport sur l’emploi qui sera publié aujourd’hui ne révèle un déclin significatif de l’économie américaine. Amrita Sen, analyste chez Barclays Capital, a abaissé ses prévisions de la demande mondiale de brut de 1,56 millions de barils par jour à 1,1 millions de barils en déclarant au Financial Times : « Pour le moment, les chiffres américains ont l’air tellement plus faibles, cela affecte vraiment les marchés. »

La politique poursuivie par l’aristocratie financière en Europe et aux Etats-Unis – comprenant des attaques brutales contre la classe ouvrière avec tout récemment une réduction budgétaire de 2,4 milliers milliards de dollars aux Etats-Unis – est en train d’exacerber la récession économique mondiale.

L’Italie et l’Espagne étaient à l’origine de craintes d’une nouvelle crise de la dette pour les gouvernements européens après une conférence de presse donnée par le patron de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet. Trichet a dit que la BCE rachèterait des obligations des gouvernements européens, leur procurant de ce fait des liquidités pour éviter une faillite. Toutefois, des questions ont été soulevées quant à la quantité d’argent que la BCE pourrait octroyer, et quels sont les pays qui en bénéficieraient. Trichet a reconnu que la décision du Conseil des gouverneurs d’acheter des obligations d’Etat n’avait pas été unanime – suggérant que la BCE pourrait refuser de fournir des sommes importantes aux gouvernements.

Bloomberg News et l’AFP ont cité des « sources de marché » s’occupant des transactions de la BCE – qui sont officiellement gardées secrètes – disant que la BCE n’achetait que des obligations irlandaises et portugaises. Selon ces rapports, les gouvernements espagnol et italien ne recevraient pas d’argent de la BCE. Trichet a refusé de confirmer ou d’infirmer que la BCE financerait l’Italie et l’Espagne.

Le patron de la BCE a renforcé les exigences des marchés financiers en faveur de nouvelles attaques plus brutales contre la classe ouvrière – réclamant un « engagement renouvelé de tous les chefs d’Etat ou de gouvernement de la zone euro d’adhérer strictement aux objectifs fiscaux convenus. Dans le cas de plusieurs pays, ceci requiert l’annonce et l’application de mesures d’ajustement budgétaire additionnelles plus concrètes. »

Ceci a été un avertissement adressé tout particulièrement aux gouvernements espagnol et italien. Le premier ministre espagnol, José Zapatero, a annoncé la semaine passée la tenue d’élections anticipées en novembre dans le contexte de manifestations de rue continues contre les mesures d’austérité mises en vigueur par son gouvernement qui est profondément impopulaire. On ne sait toujours pas clairement si Zapatero va appliquer d’autres coupes sociales durant la période électorale.

Quant au premier ministre italien, Silvio Berlusconi, son gouvernement a adopté le mois dernier une réduction annuelle de 79 milliards d’euros des dépenses publiques. Ceci s’effectue en grande partie par des mesures anti-ouvrières telles la relève de l’âge de départ à la retraite, l’augmentation des frais de santé et de nouvelles coupes dans les dépenses sociales et culturelles.

Le 3 août, toutefois, Berlusconi – confronté à une opposition montante de la classe ouvrière italienne – a prononcé un discours suggérant qu’il ne procéderait pas à de nouvelles coupes. Il a dit que ses coupes étaient suffisantes en ajoutant : « La crise n’est pas italienne, mais planétaire… Nous ne suivrons pas la nervosité des marchés. »

Les investisseurs ont réagi en relevant les taux d’intérêt pour les obligations italiennes et espagnoles à respectivement 6,19 pour cent pour l’Italie et 6,28 pour cent pour l’Espagne – un niveau qui menace de précipiter les deux pays dans la faillite. L’Italie a déjà 1,6 mille de milliards de dettes non payées, une somme bien plus importante que les dettes des pays plus petits, comme la Grèce ou l’Irlande, qui sont confrontés à la crise depuis 2009. L’Italie est trop grande pour être renflouée par le Fonds européen de stabilité financière avec sa dotation de 440 milliards d’euros.

Si la BCE refuse de financer l’Italie, alors elle produirait en conséquence une grave crise financière : une faillite d’Etat à grande échelle en Italie ou peut-être une sortie de l’Italie de l’euro de façon à pouvoir imprimer sa propre monnaie indépendamment de la BCE.

Aux Etats-Unis, le krach du marché européen est associé à une série de mauvaises nouvelles concernant l’économie américaine et la position du dollar américain – dans un contexte de nervosité relative aux résultats du rapport sur l’emploi d’aujourd’hui.

Les chiffres de la croissance économique américaine ont dernièrement été révisés à la baisse à des taux négligeables de 0,4 et 1,3 pour cent pour les deux premiers trimestres de cette année. Les dépenses des consommateurs ont baissé de 0,2 pour cent en juin, alors que se poursuivait une pression à la baisse sur les salaires des travailleurs et sur l’emploi. Du fait des récentes négociations budgétaires américaines, les travailleurs sont aussi confrontés à la perspective de réductions drastiques dans des programmes sociaux vitaux – dont Medicaid et les bons alimentaires ainsi que Medicare et la sécurité sociale – et qui saperont davantage encore leurs finances et l’économie en général.

Le chiffre de 400.000 demandes hebdomadaires d’allocations d’assurance chômage publié jeudi montre que le taux de chômage aux Etats-Unis, qui se situe déjà à un haut niveau annuel de 9,2 pour cent (selon les chiffres officiels), ne s’améliore pas. Un rapport de la Commission économique conjointe du Congrès a déduit que 42 pour cent des 14,2 millions de travailleurs sans emploi américains sont au chômage depuis au moins six mois et que les entreprises refusent maintenant souvent de recruter des chômeurs de longue durée.

Le dollar a augmenté temporairement, en partie en raison d’une légère baisse de l’euro suite aux mauvaises nouvelles économiques en Europe. C’est toutefois, largement attribuable aux tentatives des autorités japonaises et suisses d’inverser le rapide déclin du dollar par rapport à leurs monnaies – une conséquence de la politique américaine plus large et irresponsable consistant à faire baisser le dollar au moyen de taux d’intérêt bas et du « quantitative easing » (l’impression de la monnaie pour ensuite la donner aux banques.)

Cette politique a joué un rôle central dans le transfert de la richesse des poches de la classe ouvrière vers Wall Street après l’éruption de la crise économique en 2008. Elle a aussi ravagé les économies de plusieurs autres pays, dont la Suisse et le Japon. Leur monnaie augmente rapidement en valeur étant donné que les investisseurs américains et ceux de la zone euro cherchent à éviter des pertes en investissant leurs fonds dans le yen japonais et le franc suisse qui sont relativement stables. Ceci menace pourtant de compromettre les exportateurs japonais et suisses.

L’expert financier Masafumi Yamamoto a dit au Financial Times que les autorités japonaises pourraient dépenser jusqu’à 39 mille milliards de yens pour acheter des dollars sur le marché mondial même si cela ne permettrait au Japon de retenir une hausse de sa monnaie que pendant un mois.

Les autorités suisses sont intervenues de manière identique le 3 août pour acheter des dollars en dépensant 50 milliards de francs suisses afin d’augmenter la valeur du dollar de son niveau historiquement bas de 0,77 francs suisse. La Banque nationale suisse (BNS) qui a effectué l’opération d’achat a publié un communiqué soulignant que le franc suisse était « extrêmement surévalué. » Elle a ajouté que la force du franc avait produit une « dégradation substantielle » dans les perspectives de l’économie suisse.

Les experts financiers ont aussi indiqué l’éventualité que la politique américaine de dévaluer le dollar entraînerait une chute incontrôlée du dollar et un effondrement financier mondial étant donné que les banques centrales des différents pays se faisaient concurrence pour faire baisser la valeur de leurs monnaies.

Steve Barrow chez Standard Bank a dit au Financial Times qu’il voyait la possibilité qu’une « déroute du dollar par rapport au yen et au franc suisse pourrait menacer la stabilité financière mondiale et ne pas aspirer uniquement la BoJ [Banque du Japon] et la BNS mais aussi d’autres banques centrales. »

Article original en anglais, WSWS, paru le 5 août 2011.



Articles Par : Alex Lantier

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