Parcs pour la Paix en Amérique latine

Des espaces transfrontaliers protégés pour la paix et la coopération

Tandis que les grandes puissances préparent les guerres et les exécutent, des efforts considérables sont déployés dans le monde afin de mettre un terme aux conflits armés interétatiques en faisant appel à la coopération internationale dans le cadre de l’initiative pour l’établissement d’un réseau mondial des aires protégées transfrontalières pour la paix (APTP). Ces efforts ont fait l’objet d’un examen dans le cadre du 1er Congrès mondial sur les Parcs pour la Paix qui s’est tenu dans le Parc national Waterton, Alberta, Canada, du 9 au 12 septembre dernier (photo 1). Cette rencontre soulignait par la même occasion le 75ième anniversaire de la création du Parc international de la Paix Glacier-Waterton chevauchant la frontière canado-américaine.

Photo 1. Lac Waterton, Parc international de la paix Glacier-Waterton, USA-Canada, Plus de 800 participants. Un bilan mondial et la présentation de plusieurs expériences sur tous les continents.

Source : http://www.giorgiozanetti.ca/rockies_2002/waterton_lake.jpg

Cet article examine ces aires particulières que sont les APTP ou plus communément appelées les Parcs pour la Paix, les motifs de leur création, le réseau mondial qui s’est constitué et les projets d’expansion de ce réseau. Nous analyserons, dans cette première partie, l’expérience de l’Équateur et du Pérou.  Nous présenterons dans un second article trois autres expériences présentées lors du congrès et, notamment, le projet Big Bend en Amérique du Nord, le réseau de la Fondation des Parcs pour la Paix en Afrique Australe et le complexe forestier du triangle d’émeraude en Indochine.

I. Les parcs naturels: la paix pour la nature et l’humanité

Les parcs naturels sont dans leur essence des lieux sacrés que l’on a tendance à respecter. Ils sont conçus non seulement pour la conservation in situ des écosystèmes terrestres ou marins, mais aussi pour que l’être humain puisse observer et mieux comprendre le fonctionnement des systèmes naturels afin de les préserver ou de les utiliser avec le souci d’en assurer le renouvellement. Ainsi, ces espaces  peuvent être fréquentés plus ou moins intensément en fonction de la capacité de ces systèmes à assurer le renouvellement de la Vie. Ils ont été créés pour sauvegarder une partie du patrimoine naturel de la Terre,  des formes de terrain exceptionnelles comme des cratères de cryto-explosion ou des mesas ou monolithes sculptés dans les grès, des karsts à tourelles, des glacis d’épandage, des complexes dunaires ou des littoraux façonnés par les vagues ou construits par les courants de dérive, un couvert végétal représentatif d’une zone biogéographique plus vaste, une faune riche, diversifiée ou rare et des traits significatifs de l’histoire et de la culture.

Les premiers qui furent établis dans la seconde moitié du XIXième siècle tels que celui de Yellowstone aux USA, de Kruger en Afrique du Sud et de Banff au Canada sont très bien connus à l’échelle mondiale.

Carte 1. Superficie des aires protégées et localisation des sites du Patrimoine mondial

 Map 20. World protected areas 

Source : http://www.cbd.int/gbo1/chap-05.shtml

Carte 2. Répartition des aires marines protégées

 

Source : http://earthtrends.wri.org/images/marine_protected_areas.jpg

D’autres, de création plus récente, ceux de l’Archipel des Galapagos en Équateur (image satellitaire 1), du Grand Canyon du Colorado, de la Grande Barrière de Corail de l’Australie et des volcans de la Cordillère centrale du Costa Rica sont devenus le symbole de cette reconquête de la nature sur ses droits intrinsèques et une garantie de survie pour les générations futures. 

(Parc national Volcan Arenal, Costa Rica, 
voir photo: http://www.cwtvacaciones.com/index.php?ir=viaje&id_prod=2356)

En somme, les aires naturelles ne donnent pas seulement la priorité à la conservation des ressources, mais elles permettent à la population d’y avoir accès, de les observer, de les mieux connaître et ce afin de faire en sorte qu’elles deviennent des lieux sacrés d’apprentissage des valeurs et des modes de vie qui assurent le renouvellement de la Vie et ainsi la survie de l’espèce humaine. 

Image satellitaire 1. L’archipel des Galapagos, Équateur. L’archipel est à la fois un parc national, un site du Patrimoine mondial, une Réserve de la Biosphère et une aire de ressources marines.

 

 Source : http://veimages.gsfc.nasa.gov/2538/Galapagos.A2002071.1625.500m.jpg

Le réseau mondial des aires naturelles protégées dépasse aujourd’hui les 100 000 unités couvrant plus de 20 millions de kilomètres carrés à la surface terrestre. On les retrouve dans la plupart des pays du monde et elles constituent un refuge privilégié pour les écosystèmes forestiers et les zones de vie côtières et marines sous toutes les latitudes (cartes 1 et 2).

Si ces aires sont des havres de paix pour ces écosystèmes en les protégeant par législation de toute menace pouvant compromettre leur entretien et leur renouvellement pourquoi ne pourraient-elle pas être conçues pour être en même temps des zones de coopération entre les états lorsqu’elles sont situées sur la frontière qui les séparent? C’est précisément ce que l’Union mondiale pour la nature (UICN) a proposé il y a plus d’une vingtaine d’années : Créer des parcs pour la paix entre deux ou trois états ou des aires protégées transfrontalières pour la paix (APTP).  

II. Le XXième siècle: Un cauchemard pour l’humanité

Nous sommes entrés dans le 21ième siècle avec beaucoup d’espoir, car l’Humanité a été durement éprouvée au cours du 20ième siècle par plus de 200 guerres ou conflits armés régionaux qui ont causé la mort de près de 141 millions de personnes et des centaines de millions de victimes (Leitenberg, M., 2006). Des sociétés désintégrées. De nombreux génocides. Depuis 1945, un total de 39 millions de morts (en temps de «paix» aux yeux de l’Occident) dans des conflits armés régionaux. Pourquoi tant d’atrocités ont été commises, pourquoi tant d’affrontements entre les êtres humains alors que la mise en place des institutions de l’ONU avait justement pour but d’empêcher les nations de s’entredéchirer et d’entreprendre l’œuvre de la reconstruction d’après-guerre dans un climat de coopération et d’entraide ?

Au Xxième siècle, les conflits interétatiques ont proliféré à travers le monde. Ce n’est que dans les dernières décennies qu’ils ont commencé à diminuer. Les conflits internes ont continué, cependant, d’affliger des dizaines de pays en Afrique, en Asie, en Amérique latine et même en Europe. Depuis la fin de la Seconde guerre mondiale les conflits ont affecté 14 pays latinoaméricains, 11  pays du Moyen-Orient, 10 de l’Extrême-Orient, 23 en Afrique subsaharienne, les trois pays du Magreb, six en Russie, dans les Balkans et dans les petits pays insulaires Leitenberg, M., 2006).

Le tracé arbitraire d’un grand nombre de frontières internationales ont été à l’origine de plusieurs d’entre eux et, notamment, en Amérique centrale, entre l’Équateur et le Pérou, entre l’’Iran et l’Irak, entre Israel et la Palestine, entre les deux Yémen, entre le Pakistan et l’inde pour le contrôle du Cachemire, entre les deux Corées, entre l’Éthiopie et l’Érythrée et entre le Polisario et le Maroc (Leitenberg, M., 2006). D’autres furent générés par des revendications pour les ressources naturelles stratégiques qu’ils contenaient comme les ressources énergétiques ou hydriques. Celui qui oppose encore le Pakistan et l’inde pour le contrôle du Cachemire est l’un des mieux connus à cause des nombreux affrontements qui ont conduit ces deux états dotés d’armement nucléaires près d’une guerre de grande ampleur (voir la carte du Cachemire http://www.monde-diplomatique.fr/cartes/reperescachemire). Un autre qui a duré longtemps est celui de la revendication de l’Équateur d’une partie des terres amazoniennes attribuées au Pérou par le Protocole de Rio de Janeiro en 1942. Le conflit entre les deux Corées n’est pas encore résolu en dépit de multiples tentatives de rapprochement entre les deux pays et, notamment, l’intervention remarquée de Nelson Mandela il y a quelques années. Voir la carte montrant la zone militarisée entre les deux Corées: anciela.info).
 

III. Les aires protégées transfrontalières pour la paix (APTP): historique, concept et typologie.

La plupart des APTP sont de création récente et se trouvent ainsi dans la première phase de leur développement. Quelques-unes ont permis de mettre un terme soit à des conflits de longue durée comme celui qui a opposé l’Équateur et le Pérou entre 1941 et 1998 ou ceux qui ont marqué les relations entre les pays de l’Amérique centrale pendant des décennies et, notamment, entre le Nicaragua et le Costa Rica.  D’où est venue l’idée d’une telle approche pour mettre un terme définitif à ces conflits interétatiques et comment s’est développé le concept de ces aires ?

1. Historique

C’est au sein de l’Union mondiale de la nature (UICN) qu’a émergé le concept. L’un de ses membres actifs, Jim Thorsell, en a fait la promotion dans les années 80. Depuis 1997, l’Union mondiale de la Nature (UICN) «se charge de la promotion d’une initiative sur les Parcs pour la Paix comme outil visant à consolider la coopération régionale pour la conservation de la biodiversité, la prévention et la résolution des conflits, la réconciliation et le développement durable au niveau régional› (Sandwith, T. et al., 2001).

L’une des premières initiatives s’est avérée un atelier sur les Parcs transfrontaliers tenu à Banff en 1988. En Europe, plusieurs activités ont été organisées dans le cadre du programme de la commission des aires protégées de l’UICN intitulé: «Parcs pour la Vie: une action pour les Aires protégées en Europe› où la coopération transfrontalière a été reconnue comme une priorité. Un atelier international tenu en 1995 en Autriche portait sur la coopération dans les aires protégées transfrontalières de montagne et a fourni une impulsion supplémentaire pour la poursuite des travaux entourant l’initiative des Parcs pour la paix (Sandwith, T. et al., 2001).

2. Concepts des zones protégées transfrontalières pour la paix et la coopération

Selon l’UICN, on distingue deux grandes catégories : les zones ou aires protégées transfrontalières et les parcs pour la paix

– Zones protégées transfrontalières :

Selon l’UICN, «la zone protégée transfrontalière (ZPT) correspond à une zone terrestre et/ou maritime enjambant une ou plusieurs frontières entre des états, unités infranationales (telles que provinces et régions, régions autonomes et/ou zones sortant des limites de souveraineté ou de juridiction nationale) dont les parties constituantes sont spécifiquement consacrées à la protection et au maintien de la diversité biologique et des ressources naturelles et culturelles associées, et gérées en coopération au travers de dispositions juridiques ou autres en vigueur».

– Parcs pour la paix

«Les parcs pour la paix sont des zones transfrontalières officiellement consacrées à la protection et au maintien de la diversité biologique et des ressources naturelles et culturelles associées, ainsi qu’à la promotion de la paix et de la coopération».

3. Typologie
 

Les deux grandes catégories de tels espaces de coopération définies plus haut comportent cependant, dans la pratique, des approches qui peuvent être différentes selon le contexte dans lequel elles sont établies.

On distingue ainsi quatre types de zones transfrontalières protégées pour la paix. 1) Les aires protégées transfrontalières proprement dites ; 2) Les aires de conservation transfrontalières et de développement ; 3) Les parcs pour la paix ; 4) Les corridors migratoires transfrontaliers. Elles empruntent, cependant, plusieurs visages allant de l’aire protégée située sur la frontière entre deux états à la mosaïque d’aires d’utilisation multiples dans deux ou trois territoires nationaux apportant chacune un apport à la conservation de la diversité biologique.

Quant à la nature de l’aire, on peut observer celle qui est dotée d’une reconnaissance formelle de la part de deux ou trois pays impliqués dans le processus, faisant l’objet d’une législation et supportée au plus haut niveau politique ou celle qui prend place dans un cadre moins formel de coopération ou de partage d’informations, de capacités ou de ressources.

Au fur et à mesure que se développe le réseau de nouveaux types d’aires prennent forme. Lors d’un atelier organisé par l’UICN et l’Organisation Internationale des Bois Tropicaux tenu en 2003 à Ratchathani en Thaïlande les participants ont développé une classification qui décrit les différents types d’aires protégées transfrontalières (http://www.tbpa.net) :

– Deux ou trois aires protégées contiguës sur la frontière nationale ;

–           Un faisceau d’aires protégées entourées de terres;

–           Un ensemble d’aires protégées contiguës non entourées de terres ;

–           Une aire transfrontalière comprenant des projets d’aires protégées ;

–           Une aire protégée dans un pays que le pays voisin prend en compte dans le processus de l’aménagement de son propre territoire.

En bref, il s’agit de démilitariser une fois pour toutes les zones transfrontalières et de consacrer ces espaces en des laboratoires d’activités de coopération pour le développement et la paix. La priorité donnée à la conservation doit se superposer aux frontières comme l’indique l’Accord de Durban en 2003 conclu dans les cadres du 5ième Congrès mondial sur les parcs : « Les aires protégées sont, pour nous, la source de bénéfices par-delà les frontières – par-delà leurs frontières dessinées sur la carte, par-delà les frontières des États nations, par-delà les sociétés, les sexes et les générations» (http://www.iucn.org/bookstore/HTML-books/Benefits-boundaries-fr/section10.html ).

IV. Un réseau mondial en expansion rapide

Les aires protégées transfrontalières pour la paix forment, en 2007, un réseau mondial réparti sur tous les continents, le continent Antarctique s’avérant l’aire protégée dédiée à la coopération et à la paix entre les nations la plus étendue de la Planète. On les retrouve principalement en Europe, en Afrique subsaharienne, en Asie centrale, en Asie du Sud-Est et en Amérique latine. Plusieurs incluent des zones marines (carte 5). Le réseau qui comprenait 59 unités en 1989 est passé à 169 en 2001, à 188 en 2005 et se retrouve aujourd’hui avec 227 composantes (Lopoukhine, N., 2007).

Carte 4. La conservation transfrontalière
 

 Location of 227 Transboundary Protected Areas, ©UNEP-WCMC, 2007

Localisation des 227 aires transfrontalières protégées pour la paix, UNEP-WCMC, 2007

Source : http://www.tbpa.net/

V- Le conflit frontalier entre l’Équateur et le Pérou: une expérience exemplaire dans le monde

Cette expérience est considérée comme un cas exemplaire où le concept du Parc pour la Paix a grandement inspiré les promoteurs de l’initiative et a donné des résultats concrets pour mettre fin à un conflit interétatique qui a affligé les population de cette région des Andes pendant plusieurs décennies.

Trois affrontements armés

La dispute entre l’Équateur et le Pérou pour la définition de leurs frontières communes dans la Cordillère des Andes et dans le bassin amazonien (carte 5) a donné lieu, sur les sommets du Cenapa, à trois affrontements armés majeurs au cours du Xxième siècle, soit en 1941, en 1981 et en 1995. En juillet 1941, des troupes péruviennes furent aéroportées et s’emparèrent de Puerto Bolivar. Ainsi, en s’appuyant sur cette victoire les Péruviens se trouvèrent en possession d’une partie de la province équatorienne de El Oro située le long de l’océan Pacifique ainsi que d’une partie de la province de Loja et réaffirmèrent leur domination sur les territoires de l’Amazonie situés à l’est de l’Équateur, territoires sur lesquels ce pays revendiquait des droits de souveraineté (http://es.wikipedia.org/wiki/Conflicto_Per%C3%BA-Ecuador) . Le conflit prit fin en 1942 avec la signature par les deux pays du Protocole de Rio de Janeiro ou autrement appelé ‹Traité de Paix, Amitié et Frontières›.

Carte 5. Territoire frontalier théâtre du conflit entre l’Équateur et le Pérou

 

Revendications traditionnelles de l’Équateur, entre 1960 et 1998, de territoires alloué au Pérou par le Protocole de Rio de Janeiro en 1942
Source : Wikipedia

 
 

L’Équateur «orientaliste». Revendication d’une portion du territoire amazonien attribué au Pérou par le Protocole de Rio de Janeiro

Source : Collection de l’auteur 

Le différend refit surface en 1948 quand l’Équateur expulsa la commission de la frontière internationale et décida de ne pas fixer de tracé limitrophe sur sa frontière orientale. C’est à partir de ce moment-là que tout fut orchestré pour promouvoir des droits de souveraineté dans la région amazonienne. L’Équateur se déclara  «orientalista» (voir figure ci-dessus). C’est cette situation qui a prévalu jusqu’en 1998.

La Déclaration de Paix de Itamaraty

En 1995, la guerre «del Condor» prit fin avec la prise de possession de Tiwirirza par le Pérou, l’Équateur déposa les armes et les deux pays signèrent, le 17 février 1995, la Déclaration de Paix de Itamaraty qui confirme le retrait des troupes des deux pays même si les hostilités se prolongèrent pendant encore un certain temps (http://es.wikipedia.org/wiki/Conflicto_Per%C3%BA-Ecuador ).

L’Accord de Brasilia

Les pays garants du Protocole de Rio de Janeiro (Argentine, Brésil, Chili et États-Unis) s’entendirent pour fixer la frontière entre les deux pays de manière à ce que les sommets de la Cordillera del Condor (photo 1, nationalzoo) se retrouvent à l’intérieur du territoire péruvien et que, par le fait même, la région de Tiwiriza fut désormais péruvienne. C’est à cette occasion qu’il fut convenu d’établir un parc écologique binational qui deviendrait le symbole de la paix entre les deux pays. Cet accord qu’on a appelé «Acuerdo definitivo de Paz de Brasilia» fut signé le 26 octobre 1998. (http://es.wikipedia.org/wiki/Conflicto_Per%C3%BA-Ecuador ).  Selon l’Organisation des États Ibéroaméricains (OEI) ce «parc écologique» serait établi sur le territoire frontalier correspondant aux terres des peuples autochtones Shuar qui forment un groupe ethnolinguistique composé par quatre communautés, les Shuar et les Ashuar en Équateur ainsi que les Guambizas et les Aguarunas au Pérou (http://www.oei.org.co/sii/entrega22/art04.htm ). À cette occasion, pour le chef du peuple Shuar, Ampan Karakas, la création de cette aire protégée fut une étape dans la construction de la paix et une manière différente de regarder la nature. Il déclara : « La vue de mes frères va au-delà de n’importe laquelle frontière  imposée, elle vient de milliers d’années dans le passé et concerne le droit de penser de manière collective dans un développement commun sur un territoire commun hérité de nos ancêtres ». (« La mirada de mis hermanos va mucho más allá de cualquier frontera impuesta, viene de miles de años atras y tiene que ver con el derecho de pensar colectivamente en un desarollo común en un territorio común heredado de los ancestros ») (oei.org).

Un Parc pour la Paix et un Plan binational de mise en valeur des ressources et de développement

Reconnaissant la grande valeur de la diversité biologique de la région et la possibilité de mettre en œuvre le modèle du concept de parc pour la paix en vue d’une plus grande coopération transfrontalière, l’Accord de 1998 stipule la nécessité d’établir des Zones Adjacentes de Protection Écologique dans les territoires situés de part et d’autres de la frontière. Par la suite, en 1999, le gouvernement équatorien créa le Parc Condor d’une superficie de 25,4 kilomètres carrés, tandis que le gouvernement péruvien créait une Zone de Protection écologique de 54,4 kilomètres carrés à laquelle il ajouta une Zone réservée de 8,6 kilomètres carrés appelée Santiago-Comaina en juillet 2000, zone qui fut agrandie pour couvrir une superficie de 16 425,7 kilomètres carrés (Ponce, C.F. et F. Ghersi, 2003).

 L’entente de coopération entre les deux pays allait se concrétiser dans un plan binational de protection de la nature et par des programmes conjoints de mise en valeur des ressources des aires protégées ainsi créées avec la participation des communautés locales. Désormais, on allait faire une gestion coordonnée des bassins versants, réaliser des programmes de reboisement et de conservation des sols, établir des critères communs pour l’aménagement des ressources naturelles et mettre en commun les données et les connaissances du territoire (Ponce, C.F. et F. Ghersi, 2003).  (Voir photo: La région de la Cordillera del Condor à la frontière entre le Pérou et l’Équateur (Robin Foster/The Field Museum, nationalzoo).

Un Corridor de conservation

 Selon l’UICN, la création d’autres aires protégées sont envisagées pour former un corridor plus étendu appelé ‹Le Corridor de conservation El Condor-Kutuku› qui serait composé, en Équateur, par le Parc national Llangantales, la Réserve faunique Chimborazo, la Parc national Cajas et le Parc national Podocarpus et, au Pérou, par la Zone réservée Santiago-Camaina, le Sanctuaire national Tabaconas-Namballe et le Parc national Cutervo (carte 2). D’autres territoires en Équateur pourraient être annexés à ces aires et on souhaite que les deux pays incorporent des forêts de mangrove, des forêts sèches situées dans les basses terres longeant le Pacifique et des écosystèmes marins, des forêts humides du bassin amazonien de même que des écosystèmes du Paramo (http://www.tbpa.net/case_01.htm ).

Le Plan binational et l’avenir du peuple des Ashuar

Selon G. Goetz Schuerholz et S. Sangueza Pardo, des terres d’une superficie de près de 800 000 hectares dans la portion équatorienne de la région amazonienne sont officiellement reconnues territoires Ashuar. Au Pérou, leurs terres s’étendent sur une superficie de 1,5 million d’hectares correspondant à des écosystèmes semblables appartenant à la forêt pluvieuse tropicale que l’on retrouve dans le bassin inférieur de la rivière Pastaza (Goetz Schuerholz, G. et S. Sangueza Prado, 2007).

Même s’ils vivent dans une région difficile d’accès les Ashuar ont été en contact avec la civilisation occidentale à partir des années soixante et sont de plus en plus dépendants des biens et des services commercialisés et leur mode de vie s’est grandement modifié. D’autres facteurs les menacent comme le processus rapide de déforestation que l’on observe en ce moment dans la région et ce pour l’élevage de bovins ou pour des plantations fruitières pour l’exportation. Mais ce qui les menace encore davantage c’est la pression qui s’exerce sur le sous-sol de leur territoire pour l’exploitation des hydrocarbures dont les droits d’exploitation appartiennent toujours aux gouvernements des deux pays (carte 3). Jusqu’à maintenant, étant indépendants et forts défenseurs de leurs droits ils ont réussi à empêcher que des travaux d’exploration s’effectuent sur leurs terres, mais ils seront placés tôt ou tard dans une situation intenable (Goetz Schuerholz, G. et S. Sangueza Prado, 2007).

Pour la création d’une Réserve de la Biosphère

G. Goetz Schuerholz et S. Sangueza Prado proposent que le territoire des Ashuar devienne une Réserve de la Biosphère transfrontalière. Selon eux, ce statut permettrait à ce peuple de mettre en valeur leurs terres dans un cadre de coopération, de réserver des espaces pour des fins de conservation et de déterminer eux-mêmes les modes de mise en valeur qui puissent répondre davantage à leurs besoins tout en assurant le renouvellement des écosystèmes de cette région tropicale d’une grande richesse biologique (Goetz Schuerholz, G. et S. Sangueza Prado, 2007).

 Carte 6. Réseau national des aires protégées de l’Équateur

 

Source : http://www.ambiente.gov.ec/paginas_espanol/4ecuador/areas.htm

 
Voir également la carte Peru petro – Lots de contrats ou d’ententes pour des opérations d’exploitation pétrolière au Pérou  observaperu.com 

  

Les gouvernements nationaux et le respect des droits des peuples des APTP

Le règlement définitif du conflit entre l’Équateur et le Pérou concernant la définition de leur frontière commune s’est avéré en soi un cas exemplaire dans la construction du réseau mondial des aires naturelles transfrontalières protégées pour la paix. Un différend qui a donné lieu à trois affrontements armés s’est transformé en un réseau d’aires naturelles protégées et en un Plan binational de conservation et de mise en valeur des ressources d’un vaste territoire. Les deux états ont collaboré pour en arriver à des accords qui respectent non seulement les normes qui régissent les relations internationales en cette matière, mais ils ont créé par législation des zones naturelles protégées.

Il convient de rappeler, ici, que les parcs nationaux sont créés, d’abord et avant tout, dans  le but de sauvegarder la biodiversité d’un espace donné ou de préserver des écosystèmes mis en péril par les modes d’exploitation des ressources. Les parcs pour la Paix répondent aussi à ces objectifs tout en construisant un environnement favorable au maintien de la paix. Cependant, si des parcs ou des réserves sont créés à même les territoires des peuples autochtones en mettant en péril leur survie les objectifs visés ne seront pas atteints, car on mettra un terme à un conflit pour en générer un autre. Il s’avère primordial que les gouvernements nationaux mettent en place les aires protégées pour la paix en s’assurant, dès leur conception, de la participation réelle des peuples autochtones auxquels ces territoires appartiennent de plein droit.

Le concept des aires naturelles transfrontalières protégées pour la paix ne pourra être accueilli favorablement que dans la mesure où les gouvernements nationaux respectent les droits des peuples concernés et collaborent avec eux pour assurer le développement de modes de mise en valeur des ressources qui protègent leur mode de vie. Il est à souhaiter que l’ajout du statut mondial de réserve de la biosphère à ce concept pourra contribuer à conserver les pratiques traditionnelles et à servir encore davantage les intérêts des communautés vivant à l’intérieur de ces territoires. 

Conclusion

«I therefore know of no political movement, no philosophy, no idiology which does not agree with the Peace Parks concept as we see it going into fruition today. It is a concept that can be embraced by all» (N. Mandela).

«In the World beset by conflict and division, peace is one of the cornerstones of the future. Peace Parks are a building block in this process, not only in our region but potentially in the entire world» (N. Mandela).

La prévention des conflits armés doit être au cœur des préoccupations de l’Organisation des Nations Unies. Éviter la guerre et prévenir les catastrophes sont les priorités des programmes des institutions de l’Organisation (Annan, K., 1999).

Le réseau mondial des aires transfrontalières protégées pour la paix (AFPP) constitue aujourd’hui une approche préventive et innovatrice dans le processus du désarmement global de la Planète. Il s’ajoute aux efforts déployés dans la mise en œuvre de la Convention d’Ottawa sur l’élimination des mines antipersonnel et dans la mise en place des zones démilitarisées, dénucléarisées et de paix que l’on observe principalement dans l’hémisphère sud (Dufour, J., 2006).

La croissance rapide des APTP démontre qu’elles sont bénéfiques pour les populations humaines qui ont été exposées pendant longtemps aux aléas des conflits armés qui ont sévi au cours du siècle dernier.

Selon la Commission Mondiale des Aires protégées de l’Union mondiale de la nature (UICN) «Il est clair que la création d’une aire protégée ne suffit pas, en soi, pour résoudre un différend mais les aires protégées peuvent contribuer au règlement du conflit. L’exemple du traité réglant le différend territorial entre le Pérou et l’Équateur est encourageant car il contient des dispositions relatives à la création d’un «Parc pour la Paix» (CMAP, UICN, 2000). 

Les expériences conduites maintenant dans tous les continents ont donné des résultats positifs non seulement pour une gestion plus écologique des ressources d’un même écosystème séparé par une ligne frontalière, mais aussi et surtout pour le rétablissement des relations entre les peuples vivant de part et d’autre d’une frontière interétatique. Les APTP s’avèrent d’ores et déjà un champ d’expérimentation de la paix construite sans les armes. Elles doivent être mieux connues et recevoir tout le support dont elles ont besoin pour se développer davantage et perdurer.

 

Références

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GOETZ SCHUERHOLZ, G. et S. Sanguera Prado. 2007. Removing colonial barriers for the benefit of the Indigenous Achuar People of Peru and Ecuador through conservation effots. Texte d’une communication présentée dans le cadre de la 1ière Conférence mondiale intitulée «Parks, Peace and Partnership Conference 2007, Parc national Waterton, Alberta, Canada, septembre 2007. 9 pages.

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SAMPEDRO  V., F. 1984. The historical and geographical context of the Peruvian-Ecuadorian Boundary Conflict. Exposicion Geografica pronunciada en el Congreso Internacional de CLAG realizado del 27 al 29 de Septiembre de 1984, en el Temario correspondiente al Titulo  «Development of Amazon Forest». 21 pages.

SANDWITH, T., C. Shine, L. Hamilton et D. Sheppard. 2001. Transboundary Protected Areas for Peace and Co-operation. Adrian Phillips, Series Editor. Best Practice Protected Areas Guidelines Series No. 7. World Commission on Protected Areas (WCPA). 111 pages.

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Transboundary Conservation : http://www.tbpa.net/

Global Transboundary Protected Areas Network : http://www.tbpa.net/

 
Jules Dufour, Ph.D., est Professeur émérite à l’Université du Québec à Chicoutimi, Président de l’Association canadienne pour les Nations Unies (ACNU) /Section Saguenay-Lac-Saint-Jean,  Membre du cercle universel des Ambassadeurs de la Paix, Membre chevalier de l’Ordre national du Québec. Président du comité de coordination du Parc marin du Saguenay-Saint-Laurent et membre de la Commission des Aires protégées de l’Union mondiale de la nature (UICN).



Articles Par : Prof. Jules Dufour

A propos :

Jules Dufour, Ph.D., C.Q., géographe et professeur émérite. Chercheur-associé au Centre de recherche sur la Mondialisation, Montréal, Québec, Canada.

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