Partage du butin de guerre : Saisies, confiscations et ventes des biens palestiniens par Israël

1. Il n’existe rien de tel dans les livres d’histoire. Une minorité étrangère débarquant dans un pays, aidée par un soutien politique colonial, militaire et financier et une idéologie hostile, vidant le pays de sa population, saisissant toutes ses terres et ses biens, effaçant son paysage, son histoire et sa mémoire, en affirmant que ce crime est un acte d’une intervention divine, et qui persiste, sans opposition de la part d’une quelconque force de justice lors de la perpétration de ce crime, avec le même plan depuis plus de 60 ans et sans aucune fin en vue, est sans précédent dans l’histoire mondiale.
C’est l’histoire récente de la Palestine. Les dossiers de l’Organisation des Nations Unies, et avant elle, de la Ligue des Nations, contiennent une chronique détaillée de cette longue histoire violente.

2. Lorsque les forces britanniques d’Allenby sont entrées en Palestine en 1917 pour libérer sa population du joug de la domination ottomane, les Juifs en Palestine étaient une petite communauté ne dépassant pas les 56.000 âmes.

L’alliance coloniale avec le sionisme a conduit à l’infâme Déclaration Balfour par laquelle une puissance coloniale promettait de donner un autre pays à un mouvement colonial naissant et facilitait son contrôle de ce pays, qui ne lui appartenait pas, dans le dos des habitants naturels du pays. C’était en violation des principes élémentaires de la justice et, en particulier, de l’article 22 du Pacte de la Ligue des Nations.

Sous le Mandat Britannique, les Juifs n’ont réussi à contrôler que de 5,5% du pays, mais grâce à l’immigration, ils ont réussi, à la fin du Mandat, à accroître leur nombre à environ 600.000 personnes (soit 30% de la population totale).
Environ 20% des immigrants (120.000) avaient été enrôlés comme soldats, dont beaucoup d’entre eux étaient des vétérans de la Seconde Guerre Mondiale.

La Nakba

3. Grâce à leur puissance militaire, les forces juives ont conquis 78% de la Palestine en 1948 et ont dépeuplé 675 villes et villages, laissant seulement 15% des citoyens palestiniens sous domination des forces juives. Cette zone de Palestine a été appelée Israël. La population expulsée représente 6.320.000 habitants (2008) qui sont des réfugiés depuis 1948.
L’ensemble de leurs terres et de leurs biens ont été confisqués par les autorités israéliennes grâce à une formulation pseudo-légale.
Voir la carte 1 pour les étapes de la conquête israélienne de la Palestine en 1948.

Map1 Selling Lands

Terres palestiniennes arabes sous domination israélienne

4. Selon les archives du Mandat Britannique, les Juifs possédaient à la fin du mandat 1.490.000 dunams (dunam = 1000 mètres carrés) des terres de Palestine. Cela représente 5,5% de la Palestine, ou 7% de la superficie d’Israël (20.250.000 D.).
Donc 93% de la surface d’Israël sont des terres palestiniennes où les Palestiniens vivaient depuis des siècles. Ils détenaient la terre selon la loi islamique, sous diverses classifications de propriété, mais elles étaient toutes prévues pour le bien du peuple (Umma).
Le tableau 1 montre les possessions arabes palestiniennes et juives dans l’ensemble de la Palestine.
Le tableau 2 montre les possessions palestiniennes au début de la conquête israélienne de 1948.

Tableau 1 : Propriété des Terres en Palestine selon des documents fiscaux officiels

Catégories de terres – Arabes & autres non-juives – Juives – Total
(Catégories fiscales)

Secteurs urbains – 76662 dunams – 70111 dunams – 146 773 dunams
Terres plantées d’agrumes – 145,572 dunams – 141,188 dunams – 286,760 dunams
Bananeraies – 2,300 dunams – 1,430 dunams – 3,730 dunams
Zones rurales construites – 36,851 dunams – 42,330 dunams – 79,181 dunams
Plantations – 1,079,788 dunams – 95,514 – dunams – 1,175,302 dunams
Terres céréalières (imposables) – 5,503,183 dunams – 814,102 dunams – 6,317,285 dunams
Terres céréalières (non-imposables) – 900,294 dunams – 51,049 dunams – 951,343 dunams
Terres non cultivables – 16,925,805 dunams – 298,523 dunams – 17,224,328 dunams

Surface : 24,670,455 dunams – 1,514,247 dunams – 26,184,702 dunams

Routes, voies ferrées, rivières et lacs : 135.803 dunams

Soit SURFACE TOTALE : 26.320.505 dunams
Source : Observation de la Palestine, décembre 1945 et janvier 1946, réimpression, Institute of Palestine Studies, Washington., Vol. 2, tableau 2, page 566, basé sur des documents fiscaux. Les terres juives sont légèrement différentes des terres enregistrées légalement. Surface en dunams.
http://unispal.un.org/pdfs/AcqLand_1980studyf.pdf

5. En préparation de la conquête à venir de la Palestine, conformément à l’opération « Plan Dalet », la Haganah, la milice juive pré-étatique, avait créé la Commission pour les Propriétés Arabes dans les Villages, avant que l’opération ait commencé.
Le nom a été changé en Département des Affaires Arabes de la Haganah.(1)
Après la chute des grandes villes de Palestine, comme Haïfa, Tibériade, Safed, Jaffa, et en conformité avec le Plan Dalet, des comités militaires ont été créés en avril 1948 pour s’emparer des propriétés arabes.(2) Il y a eu des « pillages et des vols considérables« .(3)

Tableau 2 : Terres arabes palestiniennes des terres en Israël, selon Hadawi, Kubursi et UNCCP (Berncastle)

N° – Région – Type de Terres – Surface en dunums (1) – Surface en dunums (2)1 – Nord & centre de la Palestine
a) terrains urbains : 112,000 dunums (1)
b) Agrumes & Bananes (taxes catégories 1-3) : 132,849 (1) – 121,184 (2)
c) Zones construites des villages (Taxe catégorie 4) : 21,160 (1) – 14,602 (2)
d) Cultivables (Taxes catégories 5-8) : 471,672 (1) – 303,750 (2)
e) Cultivables (Taxes catégories 9-13) : 2,937,683 (1) – 2,113,183 (2)
f) Cultivables (Taxes catégories 14-15) : 444,541 (1) – 201,495 (2)
g) Non-cultivables : 2,377,946 dunums (1) – 1,431,798 dunums (2)
h) Routes, etc. : 83,161 dunums (1)
Sous-total : 6,581,012 (1) – 4,186,012 (2)

2 District de Beer Sheba
a) Cultivables : 1,834,849 dunums (2)
b) Non-cultivables :10,303,110 dunums (2)
Sous-total : 12,450,000 dunums (1) – 12,137,959 dunums (2)

3 Jerusalem
Sous-total : 5,736 dunums (2)

Palestine 1948 : TOTAL : 19,031,012 dunums (1) – 16,329,707 dunums (2)

Sources :
(1) Sami Hadawi, Palestinian Rights and Losses in 1948. A Comprehensive Study. Part V: An Economic Assessment of total Palestinian Losses rédigé par Dr. Atef Kubursi, Saqi Books, London, 1988, p.113.
(2) Berncastle’ final report entitled “Valuation of Abandoned Arab Land in Israel”, UNSA DAG 13-3, UNCCP dans J.M. Berncastle, Land Specialist/Box 35/1951/Reports, Refugee Office. Cité par Michael R. Fischbach, Records of Dispossession, Palestinian Refugee Property and the Arab-Israeli Conflict, Columbia University Press, New York, 2003, p.121.

6. Avec l’énorme augmentation de la superficie du territoire conquis et par conséquent des biens mobiliers, le gouvernement israélien provisoire nouvellement formé a créé, en Mai 1948, une commission ministérielle composée de six membres pour les propriétés arabes (le mot a ensuite été retiré et remplacé par «abandonnées») .(4)

7. En août 1948, des centaines de milliers de réfugiés avaient été expulsés de leurs maisons. Au plus chaud de l’été, ils portaient leurs jeunes et leurs personnes âgées, afin d’échapper aux massacres et de rechercher un refuge temporaire. Leur sort est devenu un enjeu international public.
Le Comte Folk Bernadotte, le médiateur de l’ONU nouvellement nommé, a été choqué de voir ces masses d’être humains errer dans un état second.
Il écrit : (5)
«Ce serait offenser les principes élémentaires de justice que d’empêcher ces victimes innocentes du conflit de revenir dans leurs foyers, alors que des immigrants juifs affluent en Palestine et menacent vraiment de remplacer de façon permanente les réfugiés arabes enracinés dans cette terre depuis des siècles

8. Un fort appel international a été lancé pour permettre aux réfugiés de revenir dans leurs foyers. Le gouvernement provisoire d’Israël a mis en œuvre plusieurs mesures visant à refuser le droit au retour des réfugiés:
(1) Militaire : l’expulsion des habitants et l’assassinat de ceux qui tentaient de revenir ( «les infiltrés»),
(2) Politique : une campagne mondiale expliquait que le retour des réfugiés était un menace à l’existence d’Israël,
(3) Physique : la destruction de maisons, l’incendie des récoltes et l’empoisonnement des puits,
(4) Propagande : une campagne visant les réfugiés expliquait qu’ils n’avaient aucun endroit où revenir et une autre visant les occidentaux décrivait l’expulsion comme un échange de populations,
(5) Remplacement: l’arrivée de nouveaux immigrants pour remplir les maisons évacuées,
(6) Juridique: la saisie des biens palestiniens par des lois pseudo-légales. Dans le prochain paragraphe, nous aborderons ce dernier point (6).

Saisie des biens palestiniens

9. Le 15 Juillet 1948, soit deux jours seulement après l’expulsion des 70.000 habitants de Lydda et de Ramleh et le pillage de leurs biens, le ministre des Finances a été nommé en tant que chef de la soi-disante «Administration des Biens Abandonnés (lire: des réfugiés)».
Le ministère de l’Agriculture a été autorisé à « louer » les terres des réfugiés à de nouveaux colons dans les kibboutzim.
Le 20 août 1948, le Comité ministériel décidait d’exproprier leurs biens. Sur la base d’un plan préalablement préparé par le FNJ, 120,000 dunums ont été immédiatement confisqués afin d’installer des nouveaux colons.

10. A ce stade, la formulation juridique était étudiée avec beaucoup de soins. La conquête des terres et l’expulsion des habitants allaient bon train. La situation sur le terrain était en évolution rapide. La crainte d’une pression internationale pour forcer le retour des réfugiés était considérée comme réelle. Tout cela exigeait un traitement juridique approfondi des confiscations qui devraient être justifiées.

11. La première loi votée par la Knesset a été l’«Ordonnance sur les Biens Abandonnés » du 21 Juin 1948, et a été mise en vigueur de façon rétroactive au 16 Mai 1948, juste deux jours après la proclamation de l’Etat d’Israël.(6)

12. Trois jours plus tard, une seconde loi définissait en tant que « Zones Abandonnées» toute zone ou lieu conquis, que ce soit par la force, la reddition ou la fuite de ses habitants. Cela comprenait des zones qui n’avaient pas été «abandonnées» ou désertées, même les zones où les habitants étaient restés.
La loi permettait à Israël de s’emparer de tout ce qui se trouve sur les terres : les bâtiments et leurs contenus, les cultures, les bovins, les fournitures et tout le reste. Le ministre des Finances était autorisé à confisquer l’ensemble de ces biens comme il le voulait.

13. Une troisième loi rendait utilisables les terres confisquées. «Les Règles d’Urgence pour la culture des terres en jachère et l’utilisation des ressources en eau inexploitées » du 11 Octobre 1948 permettaient au ministre de l’Agriculture, de façon rétroactive à la date d’expulsion du village, d’attribuer ces terres à des colons juifs pour qu’ils les utilisent.
En outre, la loi autorisait le ministre à déterminer si un terrain était inculte (parce que le propriétaire-exploitant avait été expulsé) et donc son terrain était défini comme une terre en friche, pouvant être utilisée pendant 35 mois par les colons, et cela a été plus tard prolongé à cinq ans.

14. Tout cette formulation a atteint son paroxysme avec les Règles d’Urgence (Biens des Absents) du 2 Décembre, 1948. Comme le remarquait Fischbach,(7)
Ces règles ont modifié la définition légale de ce qui constituait des terres abandonnées par leurs propriétaires: au lieu de déclarer des terres « abandonnées », les propriétaires étaient désormais déclarés «absents» dont les biens pouvaient être saisis par l’Etat.

La Loi sur les Biens des Absents

15. Puisqu’Israël n’a pas appliqué les conditions de son adhésion à l’ONU qui étaient le respect de la résolution 181 (Plan de Partage) et la résolution 194 (le retour des réfugiés) et qu’il a refusé ensuite lors des négociations de Lausanne dirigées par la Commission de Conciliation de l’ONU pour la Palestine (UNCCP), d’autoriser le retour des réfugiés, Israël s’est retrouvé libre de formuler une loi globale pour la saisie des biens palestiniens. Donc, il a promulgué la Loi sur les Biens des Absents le 14 Mars 1950.(8)

16. C’est la loi coloniale de base qui a été créée pour saisir les terres palestiniennes. La définition des «absents» a été conçue pour inclure tous les Palestiniens qui ont été expulsés ou ont fui pour échapper à la terreur des massacres.
Par l’expulsion et les massacres, Israël a créé la condition définie par le terme « Absent ». Il fait référence au propriétaire des biens à saisir et non la propriété en elle-même. Il s’agit du passage de la première définition de «propriété arabe» à une nouvelle définition : « Abandonnée ».
Puisque la propriété était maintenant saisie, il restait à isoler le propriétaire de ses biens en le déclarant « Absent ».

17. Ce terme est tellement alambiqué qu’il ne décrit pas seulement les réfugiés palestiniens qui ont été expulsés vers des zones arabes, mais ceux qui sont restés dans la zone occupée par Israël. On leur a donné le terme oxymore de « Présents Absents ». Comme Don Peretz le soulignait : (9)
Chaque Arabe en Palestine qui avait quitté sa ville ou son village après le 29 Novembre 1947, était susceptible d’être classé comme Absent en vertu des Règles (Biens des Absents). Tous les Arabes qui possédaient des propriétés dans la nouvelle ville d’Acre, indépendamment du fait qu’ils ne se soient jamais éloignés de quelques mètres de la Vieille Ville, ont été classés comme Absents. Toute personne qui s’était rendue à Beyrouth et à Bethléem pour une visite d’une journée, pendant les derniers jours du Mandat, est devenue automatiquement un absent.

18. Les Absents peuvent être une entreprise, une société, une organisation caritative ou n’importe quel autre groupe. Les Absents incluent des Arabes non Palestiniens ou non-Arabes s’ils ne sont pas Juifs.
Les Absents pourraient être des Britanniques ou des Canadiens qui étaient des propriétaires résidant en Palestine, mais ces cas ont été traités différemment et une indemnisation leur a été versée, s’ils n’étaient pas d’origine arabe.
Les Juifs des pays arabes qui possédaient des biens en Palestine (techniquement des Absents) ont retrouvé leurs biens quand ils ont immigré en Israël. (10)

19. La loi exigeait que toute personne en possession d’un Bien d’un Absent informe les autorités israéliennes. La loi interdisait à un réfugié palestinien en dehors d’Israël de vendre ou de céder son bien à qui que ce soit resté en Israël. Mais cela validait les actions que les autorités considéraient comme étant « de bonne foi ». Cette clémence inattendue des collaborateurs a permis d’acquérir/acheter/obtenir la procuration des terres des biens des réfugiés et de les confier au Gardien de façon «légale». (11)

20. La loi ne permettait pas seulement à Israël de confisquer les propriétés lors de la première phase, c’est-à-dire entre 1948 et 1954, mais cela lui a permis de le faire à tout moment ultérieur.
Prenons le cas d’un homme qui possédait des biens et était resté en Israël. Cet homme avait deux fils, l’un est resté avec lui, le second fils étudiait à l’étranger, parti se faire soigner ou en voyage d’affaires lors de la période spécifiée par la loi et n’a pas été autorisé à revenir. Quand l’homme mourra, Israël héritera de la propriété du second fils déclaré absent.

21. La loi a nommé un Conseil de Surveillance des Biens des Absents, présidé par le Gardien des Biens des Absents. Il contrôle plus de 93% de la superficie d’Israël, arrachée aux Palestiniens lors de la conquête israélienne de 1948/49.

22. Bien que la Loi des Absents se moquait de vérifier toute possession légale des terrains et des biens immobiliers saisis, elle remplaçait cette éventualité en créant de nouvelles lois pour s’assurer que les terres sur lesquelles les Palestiniens vivaient, utilisaient ou contrôlaient en Palestine, comme les terrains communaux, les collines, les terres cultivées de façon saisonnière ou les pâturages seraient saisies par Israël.
Ce qui était important était la saisie de la propriété, et non l’identité de son propriétaire, qui était banni de sa propriété.

Confiscation sous un autre nom

23. Les Règles d’Urgences (cultures des terres désolées [non cultivées], prolongation de validité) de l’Ordonnance de 1949 ont habilité le ministre de l’Agriculture à saisir les terres «en friche» s’il «n’était pas convaincu que le propriétaire du terrain avait commencé ou était sur le point de commencer ou continuait à cultiver la terre».
La loi ne permettait pas au propriétaire expulsé qui n’était pas autorisé à revenir de cultiver sa terre. Elle laissait à la discrétion du ministre de décider si une terre était une terre «désolée», quelle que soit la raison.

24. Si le propriétaire était resté en Israël, il pouvait être empêché de cultiver sa terre en la déclarant «zone fermée». L’article 125 des Règlementations de la Défense (Urgence) de 1945, créé par le Mandat Britannique et prorogé par Israël jusqu’à ce jour, qui est principalement appliqué aux citoyens arabes, donne les moyens au gouverneur militaire de déclarer « zones fermées » des zones déterminées.
Il a été très efficace pour empêcher les fermiers qui étaient restés en Israël de revenir dans leurs champs. Cependant, ils ont reçu la possibilité de renoncer à leurs biens et de recevoir une «indemnité» truffée de taxes, de frais et de coûts.

25. Si cela échoue, il y a un autre dispositif, à savoir déclarer les terres en question « zone de sécurité ». La prorogation de validité n ° 2 en 1949 des Règlementations d’Urgence (Zones de sécurité) a permis au ministre de la Défense à déclarer « zone de sécurité» toute ou partie d’une bande de terre allant de 10 km au nord et 25 km au sud du 31ème parallèle, tout le long de la frontière.
En vertu de ces règlementations, près de la moitié de la Galilée, du Petit Triangle, et tout le sud de la Palestine, où il y a beaucoup de villages arabes, peuvent être déclarés « zone de sécurité ». (12)
Zone de sécurité signifie que toute personne qui n’y vit pas habituellement a l’interdiction d’y entrer sans laissez-passer. Ceux qui y vivent peuvent être expulsés et devront partir dans un délai de 14 jours.

26. Il y a bien d’autres outils pour la saisie des terres. La Loi de Réquisition des Terres d’Urgence (Emergency Land Réquisition) de 1949 est conçue pour assurer l’évacuation des maisons, des bâtiments et des locaux afin de fournir des logements aux nouveaux immigrants juifs.
Conformément à l’article 3 de cette loi, les « autorités compétentes peuvent délivrer un «ordre de logement» pour saisir des biens en cas de besoin « pour la défense de l’Etat, la sécurité publique, le maintien d’approvisionnements de base ou des services publics de base, l’absorption des immigrants ou la réhabilitation des ex-soldats ou des invalides de guerre». (13)

27. Pour sceller les différentes actions de saisie des terres en vertu de ces lois, il fut décrété que tous les actes de saisie de terres avant la promulgation de ces lois étaient valables même si elles avaient eu lieu avant ou étaient contraires à ces lois. La Loi sur l’Acquisition des Terres (Validation des lois et Compensation) du 10 Mars 1953 a été promulguée pour donner une légalité à toutes les précédentes saisies de terres.

28. Grâce à cette loi, les pouvoirs conférés aux autorités israéliennes étaient très larges et leur ont permis de ratifier tout acte illégal d’expropriation de biens, puisque la loi stipule que, si le ministre des Finances publie un certificat signé de sa main, dans lequel il déclare que l’une des trois conditions stipulées s’appliquent à une propriété, ce certificat, de par le simple fait qu’il soit signé par le ministre des Finances, même si son contenu n’est pas vrai, est suffisant pour aliéner le bien d’un propriétaire et le transférer à l’Autorité de développement. (Voir les paragraphes 33 et 34).

Publication des Ordres de Confiscation

29. Lors des premières années (1953/1954) suivant le vote de cette loi, le ministre des Finances a émis des centaines de certificats qui ont été publiés par la Gazette Officielle Israélienne, pour la confiscation de 1.336.371 donums des terres dans 332 villages arabes. (14)
Voir Tableau 3 et Carte 2 pour un résumé des confiscations des terres pendant cette période. Les terres étaient évidemment considérées comme des Biens des Absents.
Cette surface inclut des terres qui appartenaient aux villages dont les habitants étaient restés en Israël.

30. Si une compensation est payée, elle serait basée sur le bas prix du 1er Janvier 1950. Il y aurait des frais et des dépenses qui rendraient dérisoire le montant net de la compensation.

31. L’autorité islamique qui contrôle les édifices religieux, les terres agricoles et les biens légués à des fins caritatives, le Waqf, a été confisquée par le Gardien des Biens des Absents, sans doute sur l’hypothèse que «Dieu était Absent», comme le raillaient les populations locales.
Les propriétés du Waqf représentent un dixième des terres de Palestine. (15) Cependant, le Gardien a toutefois rendu la plupart des terres appartenant aux églises chrétiennes.

Tableau 3 : Terres confisquées par Israel en 1953/1954.
No – District – Nbre villes/villages – Nbre terrains construits – Surfaces confisquées

1 – Safad : 32 villages – 23 terrains construits – 44,216.15 dunums
2 – Acre : 28 villages – 11 terrains construits – 150,028.14 dunums
3 – Haifa : 32 villages – 21 terrains construits – 61,431.60 dunums
4 – Tiberiade : 19 villages – 11 terrains construits – 8,622.30 dunums
5 – Nazareth : 11 villages – 3 terrains construits – 89,906.88 dunums
6 – Beisan : 9 villages – 0 terrain construit – 9,789.97 dunums
7 – Jénine : 7 villages – 0 terrain construit – 101,723.06 dunums
8 – Tulkarem : 41 villages – 0 terrain construit – 141,020.00 dunums
9 – Naplouse : 0 village – 0 terrain construit –
10 – Jaffa : 28 villages – 0 terrain construit – 75,119.88 dunums
11 – Ramleh : 56 villages – 0 terrain construit – 150,585.80 dunums
12 – Ramallah : 0 village – 0 terrain construit –
13 – Jérusalem : 18 villages – 0 terrain construit – 104,474.10 dunums
14 – Gaza : 47 villages – 0 terrain construit – 57,607.58 dunums
15 -Hébron : 4 villages – 0 terrain construit – 50,693.45 dunums
16 – Beer Sheba : 0 village – 0 terrain construit – 291,152.80 dunums
Total confisqués : 332 villages – 69 terrains construits – 1,336,371.70 dunums
Source: Compilation de données réalisées par Adalah consultables à ce lien : http://www.adalah.org/
Voir également une précédente version de données dans : Jiryis, Sabri, The Arabs in Israel, New York: Monthly Review Press, 1976, Table 5, pp. 292 – 296.

Une Nouvelle Diversion

32. Jusqu’à présent, la saisie des terres palestiniennes ne signifie pas la révocation ou l’annulation du titre de propriété du propriétaire initial, forcé d’être « absent ».
Des nouveaux dispositifs légaux ont été inventés pour créer une barrière entre le propriétaire des terres et les terres saisies par Israël.

33. Parmi ces Lois, les Lois sur les Biens des Absents et sur le Transfert de Propriétés aux Autorités de Développement, adoptées respectivement en Mars et en Juillet 1950, sont d’une importance considérable.
Comme indiqué précédemment, la première a autorisé la nomination d’un Gardien des Biens des Absents sous le contrôle duquel ont été placés les biens abandonnés et qui a été largement habilité à les administrer. Effectivement, il a reçu les droits d’un propriétaire et est responsable envers les Absents de la valeur de leurs biens (fixés ultérieurement par une autre loi), mais pas de leur restitution. Un règlement financier devait être effectué dans le cadre d’un accord final de paix israélo-arabe.

Map2 Selling Lands

34. Comme il avait été décidé que ces terres ne devaient pas tomber entre les mains de propriétaires privés, mais devait devenir une propriété nationale juive et, comme le transfert direct au gouvernement pourrait «être interprété comme une confiscation de biens abandonnés», le gouvernement a eu recours à une « sorte de fiction juridique» et en vertu de la Loi des Autorités de Développement, il a mis en place un «organisme indépendant et séparé du gouvernement ayant sa propre administration», à qui le Gardien des Biens des Absents a confié les propriétés.
Cette même loi a habilité les Autorités de Développement à faire pratiquement n’importe quoi avec, y compris les vendre.
Cette dernière a toutefois été limitée:
(1), toute vente exige le consentement du gouvernement, et
(2) la vente des terres ne peut être effectuée qu’à (a) l’Etat, (b) au FNJ, (c) aux autorités locales, s’il s’agit de terres urbaines et que si elles ont d’abord été proposées au FNJ et qu’il les ait refusées, et (d) à une «institution chargée des Arabes sans terre» prévue.
Une telle institution n’a jamais été établie, et la plupart des terres abandonnées ont été, en temps voulu, vendues à l’Etat et au FNJ.(16)

35. Lors de la création des Autorités de Développement en Juillet 1950 et en vertu d’un accord conclu en 1953, le Gardien a confié les biens immobiliers sous son contrôle aux Autorités de Développement.
Cette Autorité a été conçue comme un bouclier entre les propriétaires légaux (les Absents), et bien sûr l’ensemble de la communauté palestinienne, et les colons juifs installés sur ces terres, avec l’avantage que le titre nouvellement acquis par les colons était « immunisé de revendications légales » .17

Terres confisquées par le FNJ

36. Après l’adoption de la Résolution 194 le 11 Décembre 1948, qui entérinait le droit au retour des réfugiés, Ben Gourion a conclu un accord de vente fictif avec le FNJ pour que ce dernier «achète» les terres des réfugiés. L’objectif était de conserver ces terres entre les mains d’une organisation (juive) internationale, et non entre celles du gouvernement israélien afin d’éviter une pression internationale pour forcer le retour des réfugiés sur leurs terres.(18)

Le 27 Janvier 1949, les deux parties ont finalement conclu un accord majeur par lequel le FNJ «achèterait» 1 millions de dunums de terres appartenant aux réfugiés.
Voir tableau 4. Toutefois, un rapport du FNJ présenté lors du 23e Congrès de l’OSM en 1951, indiquait la quantité à 1.109.769 dunums: 1085607 dunums (terrains ruraux) et 24.162 dunums (secteurs urbains).

Tableau 4 : Liste des Terres des Réfugiés ‘Vendues’ au FNJ en Janvier 1949 (“Le Premier Million”)
Région : surface en Dunums
Couloir de Jérusalem : 2,000 dunums
Nord du Déset du Negev : 250,000 dunums
Plaine Côtière : 150,000 dunums
Plaine Sharon : 150,000 dunums
Sous-total : 552,000 dunums
Total comprenant le Bassin Hula et près de Baysan : 1,101,942 dunums
Source: Réforme Agraire Granott, pp. 107-111

37. Les Juifs américains ont été d’une importance cruciale dans la fourniture de fonds avec lesquels le FNJ a pu «acheter» des terres.
Entre 1910 et la mi-1948, les Juifs américains ont donné, à travers l’United Jewish Appeal, un total de 85.760.732 $. Les Juifs britanniques, canadiens et sud-africains ont donné une somme supplémentaire de 9 millions.
Une source peu probable de financement vital a été fournie par les banques américaines. La Banque d’America National Trust et Saving Association de San Francisco ont accordé un prêt de 15 millions de dollars au FNJ.
La Bank of America a accordé le prêt le 9 Juin 1949. Il est inhabituel pour une banque d’accorder un prêt à une entité britannique (le FNJ) afin d’établir des colonies dans un pays étranger (Israël) sur des terres qui n’appartiennent pas légalement ni au FNJ, ni à Israël.(19)

38. L’exécution de l’accord avec l’Etat et l’utilisation par le FNJ des terres ont pris un certain temps. Entre la signature de l’accord le 27 Janvier 1949 et le 31 Mars 1954, l’Etat n’avait légalement transféré que 35,9% des terres, soit 396149 donums. Pour sa part, le FNJ n’avait, à la fin 1952, proposé à l’utilisation que 770.271 dunums des terres qu’il avait « achetées » dans les villages complètement dépeuplées.(20)

39. Une deuxième vente a été finalisée le 4 Octobre 1950, ce qui a impliqué le transfert au FNJ de 1.271.734 dunums supplémentaires par le Gardien des Biens des Absents, pour le compte des Autorités de Développement, dont 99,8% (1271480 donums) étaient des terres rurales. Granott a plus tard fixé la quantité à 1.278.200 donums. Voir tableau 5.

40. La somme de 266 millions de dollars aurait été versée sur une période de dix ans. Il y a des informations persistantes selon lesquelles le FNJ n’aurait, en fait, jamais versé les sommes qu’il devait au titre des deux transactions motivées politiquement. Cela coïncide avec l’objectif sous-jacent des accords.(21)

Tableau 5 : Utilisation par le FNJ du “Second Million” de Dunums de Terres des Réfugiés ‘Achetées’ en 1950
Utilisation – Surface en Dunums
Achèvement de la construction des nouvelles colonies : 500,000 dunums
Expansion des colonies existantes : 500,000 dunums
Boisement : 160,000 dunums
Divers besoins agricoles : 100,000 dunums
Logements des colonies : 16,200 dunums
Logements urbains : 2,000 dunums
TOTAL : 1,278,200 dunums
Source : Réforme Agraire Granott, pp. 108, 111

41. La Carte 3 montre l’emplacement approximatif des terres palestiniennes transférées au FNJ grâce à l’accord de vente fictif conclu en 1949 et en 1950 avec le gouvernement israélien, qui s’approprie les biens des réfugiés

Map3 Selling Lands

La Carte 4 montre la position approximative des terrains cédés et l’emplacement des environ 100 parcs plantés par le FNJ. Les terres des 372 villages palestiniens dépeuplés (5.687.342 donums) ont été entièrement ou partiellement prises en charge par le FNJ. Le nombre de réfugiés enregistrés venant de ces villages représentaient le chiffre de 2.191.556 réfugiés (2005), en exil, soit 54% des réfugiés enregistrés par l’ONU.

MAP 4 Selling Lands

Différend entre le FNJ et l’État

42. Au cours des dix premières années d’occupation de la Palestine (1950-1960), une querelle juridique a eu lieu entre le Fonds National Juif (JNF) et le nouveau gouvernement israélien.
Le FNJ avait acheté des terres pendant la période du Mandat Britannique au nom du «peuple juif».
Le gouvernement israélien avait saisi les terres palestiniennes et avait l’intention d’en acquérir les titres au nom de l’Etat en reconnaissance de «la victoire de la Haganah et de la fuite des Arabes».(22)
Le FNJ a maintenu que ces terres devraient être remises au «peuple juif», et non à l’Etat, puisque celui-ci, étant donné les conditions politiques et démographiques instables de l’époque, ne pouvait pas garantir suffisamment une possession juive durable.

43. Le différend a été réglé par la formulation des lois suivantes le 25 Juillet 1960 : la Loi Fondamentale: Terres d’Israël, La Loi sur les Terres d’Israël et la Loi sur l’Administration des terres d’Israël. «Israël» signifie le gouvernement d’Israël, et non le peuple juif. Les règles du FNJ limitant les transactions aux seuls juifs, ont été adoptées par l’État.
Les terres palestiniennes, qu’elles soient acquises par le FNJ ou saisies par l’Etat, seraient administrées par une seule autorité, l’Administration des Terres d’Israel (ILA), pour le bénéfice des deux parties en vertu des anciennes règles d’utilisation du FNJ réservées exclusivement aux Juifs du monde entier.

44. Ainsi, l’ILA gère 93% de la superficie d’Israël, qui sont principalement des propriétés palestiniennes. Ces terres sont louées à des locataires juifs. Aucune de ces locataires n’a de droit sur les terres louées. La durée de bail initial était de 49 ans, renouvelable.

45. Le tableau 6 présente les diverses estimations des terres sous contrôle de l’ILA, que plusieurs sources évaluent à entre 18.754.000 et 19.508.000 dunums, (ce dernier chiffre est affiché sur le site officiel de l’ILA), ce qui montre une augmentation régulière des terres confisquées. La superficie totale des terres détenues par le JNF après la vente des terres est de 3124000 donums mais il est démontré qu’elle est de 3.570.000 dunums (Ref: 2 dans le tableau 6) et ce chiffre est fréquemment cité comme représentant 13% de la superficie d’Israël, soit 2.633.000 Dunums.
Cela montre que 446000 ou 491000 dunums supplémentaires ont été acquis par le JNF par des moyens inexpliqués, ce qui pourrait être un autre «vente» des terres palestiniennes. En dehors des 750.000 dunums achetés par le FNJ pendant le Mandat Britannique, le reste des terres détenues par le FNJ sont des terres palestiniennes.

Tableau 6 : Terres palestiniennes et Juives détenues par le FNJ
No. – Détenteurs des Terres (km2)
1.1 – Détenues par des Juifs privés : 801 km2 (Ref 1)
1.2 – Total détenu par des privés (Arabes et Juifs : 1,668 (Réf. 1) – 1,480 (Réf. 2)
2.1 – Terres acquises par le FNJ en Janvier 1949 : 1,102 km2 (Réf. 3)
2.2 – Terres acquises par le FNJ en Octobre 1950 : 1,272 km2 (Réf. 3)
2.3 – Total appartenant au FNJ après 1948 : 2,633 km2 (Réf. 3)
2.4 – Total appartenant au JNF : 3,570 km2 (Réf. 2)
3 – Autorités de Dévelopment (DA)
4 – Total Terres d’Etat & DA : 18,754 km2 (Réf. 1) – 15,205 km2(Ref 2)
5 – Total géré par l’ILA : 18,754 – 18,775 – 19,281
6 – Surface Totale d’Israel : 20,422 – 20,255
Notes :
Réf. 1: en 1949 : Abu Hussein, Hussein, Accès Refusé: Palestinian Land Rights in Israel, Londres: Zed Books, 2003, p. 135
Ref 2: en 1962 – Lehn, Walter et Davis, Uri, Le Fonds national Juif, Kegan Paul . International, London et New York, 1988, p. 114.
Ref. 3: en 2000 – Rapport d’ILA en 2000, cité par Abu Hussein (Ref. 1), p. 150.

46. La Loi fondamentale: Terres d’Israël du 19 Juillet 1960 annule toutes les autres lois. Son but est de légaliser la saisie des terres palestiniennes, afin d’empêcher leur vente possible à tout moment dans l’avenir et d’en interdire l’utilisation par toute entité non-juive. La Loi sur les Terres d’Israël, qui a suivi six jours plus tard, a permis le transfert des terres aux Autorités de Développement ou à d’autres parties dans des circonstances exceptionnelles, qui ont été rarement invoquées.
Le même jour, la Loi sur l’Administration des Terres de 1960 a été adoptée. Son but est d’administrer toutes les terres saisies selon les mêmes principes que les règles du FNJ.
Le Conseil des Terres d’Israël a été formé pour administrer les terres sous le contrôle d’Israël. Le conseil compte 22 membres, dont 10 sont membres du FNJ. Ce conseil supervise le fonctionnement de l’ILA.

47. Tel fût l’issue d’un différend qui a duré 10 ans entre le FNJ et l’État. L’accord entre les deux a été légalisé par le «Pacte» signé le 28 Novembre 1961, entre le FNJ (Keren Kayemeth LeIsrael) et l’État d’Israël avec l’approbation de l’Organisation Sioniste Mondiale.

Le résultat évident est que les terres saisies des réfugiés ont été mises à la disposition des Juifs du monde entier, même s’ils ne sont pas citoyens israéliens et elles ne sont pas disponibles pour les Palestiniens, même s’ils sont citoyens israéliens.

Kibboutzim Capitaliste

48. Un développement intéressant a eu lieu lorsque les nouveaux immigrants, surtout les orientaux, traditionnellement engagés dans des transactions monétaires et le commerce, ne se sont pas mis à des activités agricoles de plein gré. Ils n’étaient pas disposés à être des agriculteurs « retournant à la terre», comme le voulait l’idéologie sioniste. Ils se sont tournés vers leurs occupations traditionnelles et ont loué les terres qui leur étaient attribuées à des agriculteurs arabes pour qu’ils partagent les récoltes.
Les fermiers arabes, qui ont été expulsés de leurs terres mais sont restés en Israël, étaient très désireux de cultiver ces terres, qui leur appartenaient souvent, en les louant ou en partageant les récoltes.
Ainsi, la Loi sur la Présence Agricole (Restrictions sur l’utilisation des terres agricoles et de l’Eau) de 1967 a été adoptée pour empêcher cette pratique. (23)

49. La réticence des nouveaux immigrants juifs, dépourvus de ferveur sioniste, à reprendre l’agriculture et à utiliser les vastes zones de terres palestiniennes saisies ont conduit à une diminution du mouvement des kibboutzim. Avec l’échec abject des kibboutz en tant qu’idéologie et moteur économique, les agriculteurs des kibboutzim ont été autorisés à posséder et à construire sur une partie des terres qui leur étaient louées. En contrepartie de l’utilisation de «leur» terre, ils seraient généreusement indemnisés à hauteur d’au moins de 20% de la valeur du terrain.

L’ordonnance 533, remplacée plus tard par la 611, qui a été adoptée quand Sharon était ministre du Logement, offrait aux agriculteurs la meilleure opération. Alors que les immigrants russes commençaient à affluer, il fallait des logements et c’était pratique de les envoyer dans le district du Sud presque vide et le District du nord peuplé principalement d’Arabes.

Les agriculteurs des kibboutz ont reçu des avantages supplémentaires. Ils ont été autorisés à racheter les terres louées pour 15% de la valeur de la rémunération qu’ils obtenaient des terres. Ils ont été ainsi transformés d’agriculteurs en faillite à l’idéologie dépassée en riches agriculteurs possédant beaucoup de biens immobiliers.

50. La soudaine richesse des agriculteurs a suscité la critique des anciens sionistes, comme le FNJ, qui a insisté pour que les terres palestiniennes soient la propriété des « Juifs de partout à perpétuité ». La vente aux particuliers, disaient-ils, pourraient en pousser certains à vendre des terres aux Arabes.
A la fin des années 1990, des extrémistes juifs de Lydda ont terrorisé un voisin juif qui avait vendu sa villa à une famille israélo-palestinienne.
Pour résoudre ce problème, une série d’ordonnances a été adoptée (640 et 727) et finalement, un comité dirigé par le professeur Boaz Ronen a été formé pour déterminer le pourcentage des terres, le mécanisme et les procédures de vente des terres palestiniennes louées par l’ILA aux agriculteurs kibboutzim.
En Juin 1997, les recommandations du comité ont été approuvées à l’évident plaisir de Sharon. En conséquence, la «propriété» de 600.000 appartements a été transférée du Gardien de l’Etat aux locataires.
Le gouvernement israélien, via l’ILA, a obtenu 700 millions de dollars rien qu’en 1997 pour sa part dans le déroulement des évènements. (24)

51. En 1997, le ministre des Infrastructures Nationales, Sharon, avait prévu de construire 50.000 logements, 30.000 ont été vendus, 3130 sont restés invendus, les autres étaient à divers stades d’appel d’offres. Il est à noter que la première étape de la construction a été conçue pour briser la continuité monolithique palestinienne en Israël par des constructions autour des villes arabes comme Oum al Fahm, Nazareth, Shafa Amr et Taibeh.

Confiscation des terres à Beer Sheba

52. Sur un autre front, la saisie des terres palestiniennes se poursuivaient sans relâche. En un seul coup, Israël a confisqué 12.500 kilomètres carrés situés dans district de Beer Sheba, à l’exception des bandes de terres isolées, sous prétexte que ces terres étaient inhabitées, non cultivées et étaient donc des terres mewat selon le code foncier Ottoman de 1858.
L’ordonnance Land Rights Settlement de 1969 définit l’ensemble des terres du district de BeerSheba, ainsi que dans d’autres endroits ailleurs comme étant des «terres d’Etat». Ainsi, en vertu de cette seule ordonnance, plus de 61% de la superficie d’Israël a été saisie par l’Etat. (25)

53. L’occasion de la signature du Traité de paix entre l’Egypte et Israël en 1979 a été un nouveau prétexte pour s’emparer des terres du district de Beer Sheba. Le prétexte était de réinstaller les bases aériennes qui avaient été établies dans la partie occupée du Sinaï, à l’intérieur du district de Beer Sheba.
La Loi sur l’Acquisition des Terres du Néguev (Traité de paix avec l’Egypte) a été votée par la Knesset en 1980 pour atteindre ce but.

Confiscation des terres en Cisjordanie

54. L’occupation israélienne de la Cisjordanie et de Gaza en 1967 a accéléré la confiscation de terres palestiniennes, non seulement à l’intérieur de la Ligne d’Armistice de 1949, mais aussi dans les terres occupées en 1967.
Le même processus alambiqué de saisie des terres par une formulation juridique a été utilisé, cette fois à travers des Ordres militaires. (26) Les colonies de Cisjordanie, y compris celles de Jérusalem sont une manifestation claire de la confiscation des terres. (27) Cette confiscation fait l’objet de nombreuses déclarations politiques et de reportages dans les journaux mais rien n’a réussi à arrêter ces colonies illégales.

55. La Cour Internationale de Justice, la plus haute juridiction au monde, dans son avis consultatif du 9 Juillet 2004, a décidé que la Cisjordanie, y compris Jérusalem, était un territoire occupé et que le Mur [de l’Apartheid] devait être démantelé et que les propriétaires des terres confisquées devaient être dédommagés. (28)
L’Assemblée générale des Nations-Unies a approuvé l’Avis Consultatif et le Secrétaire Général a crée un bureau pour mesurer et évaluer les dommages dus à la construction du Mur. Mais aucun résultat tangible n’a été observé.

56. Sans contrôle, ni par le droit international, ni par une pression des gouvernements américains et européens, Israël a fait plus que de continuer sa confiscation silencieuse mais constante des terres palestiniennes en Cisjordanie. Un tribunal israélien a rendu un jugement disant que la Loi sur les Absents était applicable en Cisjordanie puisqu’elle se trouve en Israël de 1948.
La décision du tribunal israélien suppose que la loi israélienne s’applique aux plusieurs villages palestiniens situés à l’est des frontières de 1967, comme aux Israéliens vivant dans le territoire contesté (sic)…. [ce qui] signifie qu’Israël pourrait confisquer les terres appartenant aux Palestiniens qui résident dans la région [en Cisjordanie] et sont aujourd’hui des réfugiés, conformément à la loi sur les Biens des Absents « . (29)

57. Israël est allé plus loin: il a ouvertement et publiquement confisqué des terres sur les rives de la mer Morte. Le 28 Juin 2009, le Bureau d’enregistrement des Terres de la colonie de Ma’ale Adumim en Cisjordanie a publié 12 avis publics pour l’enregistrement de 139.000 donums le long des rives nord et ouest de la mer Morte, à l’intérieur de la Cisjordanie, au nom du Gardien des Terres d’Israël. Il a ouvert les portes aux «objections» dans les limites de 45 jours.
En pratique, cette possibilité d’opposition n’est pas pertinente car Israël considère que cette terre est «abandonnée» ainsi que toutes les «terres communes» en Cisjordanie sous le Mandat Britannique et la domination jordanienne.
Cette volonté, bien sûr, coupe court à toute possibilité pour les Palestiniens de regagner une souveraineté d’un Etat palestinien dans la zone C des accords d’Oslo. Cela élimine également le droit des Palestiniens à exploiter les rives et les minéraux de la Mer Morte. (30)

58. En Juin 2009, la vieille idée d’échange de terres d’ »Etat » entre le FNJ et l’ILA a refait surface. L’idée principale est d’échanger des terrains appartenant au FNJ de la région centre contre les terrains des réfugiés en Galilée et à Beer Sheba qui ont été classés «terres d’Etat» (31)
La raison à cela en est le besoin accru pour l’expansion urbaine de la région centre et la diminution de l’intérêt pour les terrains agricoles qui appartiennent aux réfugiés. (32) Avec cet échange/vente, le FNJ en obtiendrait beaucoup d’argent qu’il utiliserait pour judaïser la Galilée et Beer Sheba. Pour attirer de nouveaux colons juifs dans ces régions, il faudra confisquer davantage de terres palestiniennes en Galilée et continuer à refuser aux Palestiniens les droits à la propriété des terrains de Beer Sheba.
Il est donc clair que non seulement la confiscation des terres des réfugiés dans les années 50 a été une perte importante, mais que cet échange entre deux confiscateurs israéliens est une perte supplémentaire pour les citoyens palestiniens d’Israël.

Vente massive des terres des réfugiés

59. Maintenant, une loi permettant la vente en masse des terres confisquées aux Palestiniens en Israël est déjà passée en troisième lecture à la Knesset.(33)
La loi permet la «privatisation» des «terres d’Etat», en d’autres termes, la vente des terres des réfugiés à des entités juives privées.(34)
La confiscation et la vente de biens palestiniens à des Juifs ne sont pas limitées aux terres agricoles des villages dépeuplés. Les ventes de maisons individuelles de réfugiés dans certaines villes ont été annoncées, alors que leurs propriétaires sont en exil, incapables de revenir pour reprendre possession de leurs maisons.(35)

60. La frénésie de vente du butin de guerre de 1948 va au-delà de toute formulation juridique et des décisions de l’Etat. Il y a une forte campagne auprès de l’opinion publique israélienne pour qu’ils achètent des propriétés arabes et expulsent les citoyens palestiniens d’Israël.(36) L’ensemble de la communauté israélienne est imprégnée d’une forte idéologie raciste, ce qui a propulsé au pouvoir des dirigeants extrémistes.

61. La montant total de la valeur et des pertes des biens palestiniens confisqués par Israël en 1948 a été estimé par Hadawi et Kubursi.

Voir tableau 7. Cette valeur a été revalorisée en 1998, c’est-à-dire pour le cinquantième anniversaire de la Nakba. Ce tableau n’a pas pour but de solliciter des indemnisations. Car il est clair que la patrie n’est pas à vendre, comme le montre l’histoire des Palestiniens au cours des 60 dernières années. Le but de ce tableau est de montrer l’ampleur des pertes qui, à part la patrie elle-même, ouvre droit à des dédommagements selon la Loi de Compensation et Réparations pour Crimes de Guerre.

Tableau 7 : Estimation des biens palestiniens et des réparations dues selon Hadawi et Kubursi

1 – Biens Matériels Individuels
A) Terrains ruraux : Montant estimé à 398.600 millions de Livres minimum
Estimation basée sur diverses méthodes, notamment la fiscalité, pour 1945. Le montant varie entre 329 et 436 millions de Livres. La valeur la plus basse a été réévaluée à la date de 1948 et il a été ajouté une estimation approximative de 25 millions de Livres pour Beer-Sheba.
B) Propriétés en zones urbaines : Montant estimé à 130.259 millions de Livres
Revu par Hadawi à partir de valeurs irréalistes de l’ONU.
C) Fortunes privées : Montant estimé à 66.800 millions de Livres
50% de la valeur estimée en supposant que les réfugiés sont partis avec 50%.
D) Capital agricole : Montant estimé à 45.000 millions de Livres minimum
Comprend les bovins et une valeur revue des structures.
E) Capital commercial : Montant estimé à 45.900 millions de Livres
F) Biens financiers : Montant estimé à 12.500 millions de Livres
Net après que l’Arab Bank ait payé les dépôts et qu’Israël ait rendu 1.0 millions de Livres.
G) Capital industriel : Montant estimé à 11.400 millions de Livres
H) Restaurants et Hotels Montant estimé à 10.500 millions de Livres
I) Véhicules et Equipements : Montant estimé à 0.95 millions de Livres
SOUS-TOTAL 1 : 731.1 millions de Livres

2 – Biens Matériels Publics
A) Transport (Routes, Ports, Aéroports, Voies ferrées : 12.100 millions de Livres (minimum)
Hypothèse : 50% du total, bien que les Arabes représentaient les 2/3 de la population et qu’ils ont payé pour cela bien plus longtemps que les Juifs.
B) Carrières et Mines : NA
C) Pêcheries et côtes : NA
D) Eau et pétrole : NA
E) Lieux de culte et Waqf : NA
F) Services Publics/Infrastructure : NA
SOUS-TOTAL 2 (sauf NA) : 12.1 millions de Livres
SOUS-TOTAL 1 + 2 (sauf NA) : 743.2 millions de Livres

3 – Biens individuels non matériels
A) Sécurité personnelle : NA
B) Dispersion des familles : NA
C) Tués, Blessés, Emprisonnés et Expulsés : NA
D) Torture et mauvais traitements : NA
E) Souffrance dans la Diaspora : NA
SOUS-TOTAL 3 (grosse sous-estimation) : 5,750 millions de Livres (min)

4 – Biens publics non matériels
A) Perte des enregistrements et des documents : NA
B) Perte de nationalité et d’identité : NA
C) Terrorisme, Oppression et Discrimination : NA
D) Massacres : NA
E) Transfert de Population : NA
F) Refus de vivre dans sa patrie : NA
Note: Les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les Crimes contre la paix ne sont pas répertoriés, devraient suivre la pratique établie par l’ONU.
TOTAL 1 – 4 (sauf NA) : 748,950 millions de Livres

5 – Capital humain
A) Perte du capital humain : 439,100 millions de Livres
à savoir la perte de profits, le chômage, les charges financières sur les parents et les Etats voisins, supposé en % du PIB pour 1944, ajusté pour 1949.

6 – TOTAL
A) TOTAL (1948) : 1,188,050 millions de Livres
B) TOTAL EN DOLLARS US (valeur 1998) : 562,048 millions de dollars
Sources : 1) Hadawi et Kubrusi, droits et pertes des Palestiniens en 1948: une étude approfondie. Londres: Al Saqi Books, 1988. 2) Sayigh, Yusuf, L’Economie Israélienne. Cairo: The Arab Studies Institute, 1966 [en arabe].


Article original : Dividing War Spoils : Israel’s Seizure, Confiscation and Sale of Palestinian Property, Plands.org, août 2009.

Traduit de l’anglais par MG pour ISM.

Salman Abu Sitta, Palestine Land Society, Londres, [email protected], www.plands.org

 



Articles Par : Salman Abu Sitta

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