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Pas au nom d’Allende, ni du socialisme
Par Pablo Sepúlveda Allende
Mondialisation.ca, 22 septembre 2015
DiarioUchile
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Inacceptables et douloureuses, sont, les déclarations de la présidente du Parti socialiste du Chili contre la condamnation de Leopoldo López, le dirigeant d’opposition (du Venezuela) déclaré coupable d’incitation à la violence et divers délits dans le cadre d’un plan ouvertement séditieux appelé « La Salida » -La Sortie- qui a amené à une forte vague de violence de rue à tendance fasciste durant plusieurs mois et qui a coûté la vie à 43 personnes aux quelles s’ajoutent des pertes matérielles de plusieurs millions.

Des déclarations aussi malheureuses que désinformées de la part de la Sénatrice, et fille de Salvador Allende qui dit : « Je ne réussis pas à comprendre qu’un opposant qui mène une action qui n’a aucune violence, qui manifeste son opinion critique envers un gouvernement, puisse être emprisonné »

Comment lire, comment comprendre les dites affirmations en tenant compte de l’histoire récente du Chili, de son histoire personnelle et de notre propre histoire familiale ? Une histoire qui a été justement marquée par ce type de violence effrénée et pleine de haine. Le condamné dirigeant politique Leopoldo López a fait un appel ouvert et public, clairement dirigé, à l’insurrection, « au soulèvement », à « rester dans les rues jusqu’à obtenir le départ du gouvernement », « jusqu’à ce que nous réussissions à sortir ceux qui nous gouvernent » ; qui comme nous le disions a conduit à plusieurs mois de violence politique cherchant le renversement d’un gouvernement légitimement élu et ayant un fort appui citoyen, comment dire que l’action préméditée du plan séditieux « La Sortie » [1] est « une action qui n’est pas violente » que seulement elle « déclare son opinion critique envers un gouvernement ».

Pis encore, comment qualifier Leopoldo López comme « prisonnier de conscience » quand en plus de ce qui a été dit, il a été l’un des protagonistes les plus visibles et violents de la répression du régime « conjuré » qui a renversé pour 48 heures Hugo Chávez en 2002. Pourquoi faire de telles déclarations malheureuses, si réductrices, si désinformées, si à double standard ? « à titre personnel » et « en tant que Présidente du Parti Socialiste du Chili », sachant parfaitement que celle qui parle est la fille de Salvador Allende. Pourquoi parler de Leopoldo López et se taire sur les multiples crimes et les atrocités qui sont commis tous les jours au nom de la supposée lutte antiterroriste, la démocratie et la liberté ?

Je crois qu’il y a des réponses davantage de fond et qui ont à voir avec l’idéologie, sur des concepts de Socialisme et de Néolibéralisme, etc. … mais dans ce cas surtout, est manifeste un double standard, quand on parle de la Démocratie et des Droits de l’Homme, il y a une évaluation et un jugement qui condamne a priori quand on parle de ces sujets dans les cas du Venezuela et de Cuba, et que d’un autre côté rien n’est dit, ni signalé, sur les fosses communes de l’Uribisme en Colombie, ni qu’on condamne par exemple, les crimes de lèse-humanité commis par l’État d’Israël contre le Peuple Palestinien, les tortures dans la prison du Guantanamo, la terrible disparition de 43 étudiants au Mexique il y a un an ! …, parce que le silence devant les prisonniers politiques Mapuches, l’assaut et la répression brutale des Communautés Mapuche de la part du gouvernement qu’elle représente ? Ou simplement les guerres génocides provoquées et abritées par le gouvernement des Etats-Unis d’Amérique dans le monde, etc. … là il n’y a pas de plaintes, il y a seulement du silence.

D’un autre côté, il y a le coté pragmatique de la politique, le fait de dévier l’attention des problèmes internes ; quand le gouvernement du Chili traverse ses pires moments en termes de légitimité face à la citoyenneté. Quand la classe politique est évaluée d’une façon si négative. Quand les scandales de la corruption structurelle de la politique au Chili (si, de ce Chili qu’on suppose si incorruptible) sortent à la lumière. Nous la nommons corruption structurelle et immorale (et d’une certaine façon jusqu’à « légalisée » dans l’actuelle Constitution héritée de Pinochet), parce que maintenant on sait jusqu’à quel niveaux la politique s’est prostituée face au pouvoir économique des grandes entreprises, des familles les plus puissantes, des grandes fortunes économiques qui financent les campagnes des hommes politiques à tous les niveaux et dans presque tous les secteurs et de presque tous les partis politiques.

Mais le pire et le plus immoral, c’est quand des entreprises spoliées et aliénées à l’état chilien pendant la dictature de Pinochet, des entreprises stratégiques qui ont été confiées, par exemple au gendre de l’époque de Augusto Pinochet, Julio Ponce Lerou, et qui à travers l’entreprise Sociedad Química Minera de Chile (SOQUIMICH) se trouve faire parvenir des millions aux campagnes des hommes politiques des partis de l’actuel gouvernement, y compris à des gens du Parti Socialiste, le même parti que fondait Salvador Allende, des gens comme le sénateur Fulvio Rossi (qui a eu une entrevue avec Enrique Capriles lors de sa dernière visite au Chili) qui a été appelé à la barre pour des facturés adressées à l’entreprise contrôlée par l’ex-gendre de Augusto Pinochet ; de même avec Milton Lee Guerrero, ex-trésorier du Parti Socialiste. D’un autre côté, ces gens comme Enrique Correa, dirigeant politique important pendant le Gouvernement de l’Unité Populaire et qui est maintenant un important lobbyste de la societé de conseil Imaginacion, qui a conseillé la SOQUIMICH, le groupe Penta et le groupe Lucsik, tous des groupes économiques de financiers de la politique chilienne et qui en plus dans une absolue incohérence idéologique et éthique, est Vice-président de la Fondation Salvador Allende.

Enfin, on ne peut laisser passer à propos des déclarations de Felipe González, pour qui « Pinochet respectait beaucoup plus les droits de l’homme que Maduro », des opinions comme celles-ci, qui sont une véritable insulte aux droits de l’homme et à l’Histoire, et une insulte à des millions de victimes des dictatures latinoaméricaines. Ces déclarations prennent place dans la campagne internationale contre le Venezuela, dont laquelle la sénatrice Isabel Allende s’est malheureusement fait l’écho. Ceci n’est pas un hasard, parce que monsieur Felipe González et le Parti Socialiste espagnol sont le référent idéologique du Parti Socialiste du Chili de la post-dictature. On peut demander à la direction du Parti Socialiste du Chili, qui a souffert dans sa propre chaire des horreurs et des atrocités de la dictature de Pinochet, si elle est d’accord pour qu’un tel caméléon politique, qui avec ces déclarations a montré sans vergogne son manque total d’éthique, continue d’être son mentor politique.

Pablo Sepulveda Allende

Article original en espagnol: « No en nombre de Allende ni del Socialismo », DiarioUchile, le 20 septembre 2015.

Traduit par Estelle et Carlos Debiasi pour El Correo de la diaspora latinoamericaineParis, 22 septembre 2015.

Pablo Sepúlveda Allende, est médecin et petit-fils du Président Salvador Allende.

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Notes

[1] Le plan « La Salida » -La Sortie- s’est exprimé directement dans des manifestations violentes, les dites « guarimbas » qui ont déferlé sur des villes du Venezuela pendant plus de deux mois, où la haine politique s’est emparée des secteurs importants de l’opposition, alors que dans beaucoup d’endroits où les ‘guarimbas’ étaient menées, on pendait par le cou des mannequins habillés de rouge aux poteaux et aux feus de croissement, allusion aux sympathisants du chavisme, il y a aussi eu beaucoup de harcèlement et de menaces sur des familles connues comme sympathisantes du gouvernement dans les quartiers où prédomine l’opposition et où les ‘guarimbas’ étaient menées, des quartiers de classe moyenne haute à haute.

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