Paysages croisés : Mogadiscio comme Bagdad
Cela peut sembler étrange, mais la tragédie des peuple somalien et irakien ont quelques ressemblances essentielles : le conflit dans les deux pays a commencé en 1991 ; les deux pays ont eu une expérience de dictatures répressives de longue durée, Siad Barré pendant 21 ans et Saddam Hussein, 33 ans. Les deux dictatures ont laissé une marque indélébile dans les cultures des deux sociétés. La matrice religieuse représente dans les deux pays un facteur de division, d’alliances et de capital social ; dans les deux pays existent des forces d’occupation étrangère, en Somalie les Ethiopiens, et en Irak les Etasuniens. Les deux conditionnent tout processus sincère de réconciliation. Les forces étasuniennes et éthiopiennes exercent en fait un contrôle incomplet du territoire, les deux bombardent sans discrimination les populations civiles ; les deux gouvernements sont faibles et s’affrontent à une résistance populaire, ils ont des alliances en opposition et interdépendantes dans les pays voisins, et les crises ne prévoient pas de voies d’issues immédiates.
Les deux pays se différencient économiquement et stratégiquement.
La Somalie a une économie de subsistance et elle est pauvre, mais le pays occupe une position stratégique dans la Corne d’Afrique, essentielle pour le trafic marchand. Alors que l’Irak a une économise fondée sur le pétrole qui conditionne beaucoup la politique internationale des pays occidentaux. En outre, la communauté internationale ne s’est intéressée que timidement à la crise somalienne, en particulier après la défaite de la mission Unosom et des Etats-Unis en1995.
A l’heure actuelle, les deux crises représentent deux politiques de matrice différente au niveau international. Etasuniens et Ethiopiens croient dans la solution militaire immédiate et en des gouvernements choisis par eux ; pendant que l’Europe recherche timidement une solution parmi les différentes factions en Irak et en Somalie. Les deux crises ont beaucoup en commun. Avant tout leur ressemblance d’un leadership faible, factieux et qui ne croit qu’à la solution militaire, au lieu d’unir touts les forces nationales qui croient en une voie de réconciliation pacifique, nationale et démocratique.
En Somalie, nous avons Abdullahi Yusuf, un militaire qui s’est distingué ces 30 dernières années en dirigeant depuis l’Ethiopie un mouvement armé pour arriver à occuper la présidence. En Somalie, le pouvoir est disputé par les ex seigneurs de la guerre chassés misérablement par les Tribunaux islamiques, mais qui sont revenus et se sont alliés avec Yusuf après la défaite des Tribunaux ; les Tribunaux, eux même divisés et dispersés entre modérés, radicaux et shabaab (jeunes militants islamistes, NDT); les myriades d’ex-politiciens de Siad Barré subdivisés en clans, factions et intérêts économiques ; les professionnels et la diaspora qui sont divisés et dispersés eux aussi en clans, idéologie et intérêts de carrière.
Le président Yusuf se conduit comme s’il était encore à Puntland, où il a gouverné avec brutalité. Il devrait comprendre que la ville de Mogadiscio est le siège de toutes les forces qui s’opposent à des dictatures personnelles, aux occupations étrangères, aux intérêts économiques et mercantiles, et où la population est lasse des seigneurs de la guerre. La ville de Mogadiscio représente le seuil de l’Enfer de Dante « Laissez toute espérance ô vous qui entrez ».
En Irak, nous avons Al –Maliki et sa clique chiite, contrôlée par la faction de Al-Sadr, que les Étasuniens suspectent de vouloir créer un gouvernement de matrice chiite sur un modèle iranien guidé par eux.
Les deux gouvernements sont formés de dirigeants, forces et alliances qui n’ont pas de vision unitaire, politique et stratégique. Il semble qu’ils s’enrichissent derrière ce massacre quotidien. De ce fait, vont continuer à l’infini le génocide des civils à Bagdad, le bombardement sans discrimination de la population civile par les Ethiopiens, de leurs gouvernants et forces d’opposition, à Mogadiscio. Les deux crises paient la myopie politique de la guerre à la terreur de Bush et de ses alliés.
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio