Pence et Netanyahou utilisent la commémoration de l’Holocauste en Israël pour s’insurger contre l’Iran

Le vice-président américain Mike Pence et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou se sont joints jeudi à un rassemblement à Jérusalem. Officiellement organisé pour marquer le 75e anniversaire de la libération par l’Armée rouge d’Auschwitz, le camp de la mort nazi en Pologne. Ils en ont fait une plateforme pour exiger d’intensifier l’agression impérialiste contre l’Iran.

Pence a fait des remarques au Centre du souvenir de l’Holocauste de Yad Vashem. Il a comparé l’agression américaine contre l’Iran, un pays historiquement opprimé et anciennement semi-colonial, à la Seconde Guerre mondiale et à la lutte contre le Troisième Reich allemand des nazis.

Pence a déclaré: «Nous devons être prêts à nous tenir comme ils l’ont fait contre la vague de leur époque… Dans ce même esprit, nous devons également nous opposer fermement au principal État qui alimente l’antisémitisme. On doit s’opposer au seul gouvernement au monde qui nie l’existence de l’Holocauste en tant que politique d’État et qui menace de rayer Israël de la carte. Le monde doit se dresser fermement contre la République islamique d’Iran.»

La tirade anti-iranienne de Pence fait écho à celle de Nétanyahou, qui s’est exprimé peu avant lui. Le Premier ministre israélien a dénoncé «les tyrans de Téhéran», tout en louant l’Administration Trump pour «avoir affronté l’Iran». Il a ajouté, dans une remarque manifestement destinée aux puissances d’Europe occidentale, qui ont récemment menacé de révoquer les sanctions contre l’Iran, «Nous n’avons pas encore vu de position unifiée et résolue contre le régime le plus antisémite de la planète, un régime qui cherche ouvertement à développer des armes nucléaires et à anéantir le seul et unique État juif.»

Pence et Netanyahou ont pronocé leurs discours devant un public de chefs et de représentants de gouvernements de pays où la violence antisémite réelle est en hausse. C’est le cas notamment aux États-Unis, où le président Donald Trump a ouvertement encouragé et obtenu les faveurs d’éléments néofascistes et suprémacistes blancs qui ont perpétré des massacres dans des synagogues. Ni Pence ni Netanyahou ne peuvent citer une seule attaque de ce type en Iran, qui compte la plus grande population juive de tous les pays à prédominance musulmane.

Ils ont répété les calomnies d’«antisémitisme» et les affirmations sans fondement selon lesquelles l’Iran cherche à se doter d’armes nucléaires. Armes, d’ailleurs, qu’Israël a déjà. Ce n’est que de la propagande pour justifier une progression constante vers la guerre contre l’Iran. Le gouvernement Trump a porté les tensions entre Washington et Téhéran au bord d’un conflit à grande échelle le 3 janvier. Il a assassiné en toute illégalité le général iranien Qassem Suleimani avec un drone américain à l’aéroport international de Bagdad, ainsi que neuf autres Iraniens et Irakiens.

Bien que le gouvernement nationaliste bourgeois dirigé par des religieux en Iran s’est limité à une frappe de missile largement symbolique sur deux bases occupées par les États-Unis en Irak, frappe qui n’a fait ni morts ni blessés graves parmi le personnel américain, Washington a poursuivi ses provocations, tout en renforçant progressivement ses forces dans le Golfe persique pour la guerre.

S’exprimant jeudi au Forum économique mondial de Davos, en Suisse, le représentant spécial des États-Unis pour l’Iran, Brian Hook, a menacé que le successeur de Suleimani. Le général Esmail Qaani, «subirait le même sort» que Suleimani s’il y a «des attaques contre le personnel ou les intérêts américains dans la région».

Jeudi également, le chef du commandement central américain, le général de marine Kenneth McKenzie, a parlé à quelque 2000 marines américains à bord le navire d’assaut amphibie, l’USS Bataan. Le navire est actuellement dans le nord de la mer Rouge en direction vers l’Iran, leur disant qu’ils pourraient être là «pendant un certain temps». Depuis mai dernier, lorsque l’Administration Trump a commencé son escalade militaire contre l’Iran, le nombre de soldats américains déployés dans la région est passé d’environ 60.000 à plus de 80.000.

Pendant ce temps, une force de frappe composée de six bombardiers à longue portée B-52 Stratofortress s’approchait de la région. L’Administration a ordonné leur déploiement contre l’Iran immédiatement après l’assassinat de Suleimani. Cette force est arrivée sur l’île de Diégo Garcia dans l’océan Indien. L’île est une possession coloniale britannique qui se trouve à une distance de frappe de l’Iran — mais qui est hors de portée des missiles à plus longue portée de l’Iran. Ces bombardiers lourds sont capables de transporter jusqu’à 31 tonnes de munitions, y compris des missiles de croisière à longue portée à tête nucléaire.

L’événement de jeudi à Jérusalem, s’est tenu sous la bannière «Se souvenir de l’Holocauste, combattre l’antisémitisme». On a signalé qu’il était le plus grand rassemblement de chefs d’État étrangers dans l’histoire du pays. Le président israélien Reuven Rivlin a prononcé un discours d’ouverture obséquieux devant l’assistance internationale réunie, s’adressant à «Vos Altesses royales, rois et reines, présidents et premiers ministres».

Il est remarquable qu’aucun représentant du reste du Moyen-Orient, de l’Asie ou de l’Afrique n’ait assisté à la réunion. Un seul représentant d’Amérique latine, le président argentin Alberto Fernandez, y a assisté.

Beaucoup de ceux qui ont pris la parole ont prononcé des platitudes vides de sens sur le fait de «ne jamais oublier» l’Holocauste. Le prince Charles, qui représentait la Grande-Bretagne, a été typique en déclarant que «la haine et l’intolérance sont toujours présentes dans le cœur des hommes».

L’idée maîtresse de l’événement était toutefois de mettre sur le même plan l’opposition au sionisme et à l’État d’Israël, et l’antisémitisme. Ceci, tout en minimisant les menaces très réelles et croissantes que fait peser sur les Juifs et les autres la promotion de mouvements et d’idéologies fascistes par les gouvernements capitalistes du monde entier.

Des manifestations à l’extérieur du Centre du souvenir de l’Holocauste de Yad Vashem La cérémonie ont accueilli le rassemblement de dignitaires internationaux. Les foules dénonçaient la transformation en «célébration» d’un prétendu souvenir du massacre des Juifs d’Europe. Le rassemblement a provoqué de la colère, car on a révélé que seule une poignée des quelque 212.000 survivants de l’Holocauste en Israël — dont un tiers environ vit dans la pauvreté — avaient reçu l’autorisation d’y assister.

Certains Israéliens ont décrit Yad Vashem comme une «machine à laver». Le gouvernement Netanyahou y invite des dirigeants d’extrême droite à des séances de photos. C’est dans le but de se débarrasser de la puanteur de l’antisémitisme en soutenant le gouvernement de droite d’Israël.

Avant même la fin des cérémonies à Jérusalem, Trump est intervenu en annonçant qu’il avait invité Nétanyahou et son adversaire électoral, l’ancien chef des Forces de défense israéliennes, Benny Gantz, à Washington. Le but était de discuter de son prétendu «plan de paix» au Moyen-Orient. La télévision israélienne a décrit l’accord proposé comme «la proposition la plus généreuse» jamais présentée par Washington. Elle accorde à Israël une souveraineté illimitée sur tout Jérusalem. Aussi, la proposition donnera le «droit» d’annexer l’ensemble des colonies sionistes de Cisjordanie occupée. Par dessus tout cela l’État d’Israël aura le droit de refuser «le droit au retour» des réfugiés palestiniens. En outre, les Palestiniens seront exclus de toute supervision de leurs propres frontières. Il s’agit donc d’un mini État de type bantoustan comme il en existait en Afrique du Sud.

La date fixée par Trump pour la discussion de ce «plan de paix»,, est le 28 janvier. Le même jour, la Knesset israélienne doit voter pour un comité qui rejettera la demande d’immunité de Netanyahou. Il l’avait formulée afin d’échapper à de multiples accusations de corruption qui pourraient l’envoyer en prison. Ce plan ne peut que provoquer une intensification de la résistance palestinienne ainsi qu’une crise plus profonde au sein même d’Israël. En mars, Israël doit faire face à sa troisième élection en moins d’un an, car aucune des grandes factions politiques ne s’est montrée capable de former un gouvernement.

Bill Van Auken

 

 

Article paru d’abord en anglais, WSWS, 24 janvier 2020



Articles Par : Bill Van Auken

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