Perspectives économiques mondiales et conséquences géopolitiques

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Alors que les médias mainstream se gargarisent encore de la bonne santé, plus virtuelle que réelle, de l’économie américaine et que les agences de notation anglo-saxonnes continuent de la surnoter, trois données importantes viennent d’être publiées. Elles indiquent que les perspectives économiques de court et moyen terme sont de plus en plus sombres pour les USA et leurs alliés occidentaux.

L’heure du crash de l’économie américaine, annoncé depuis longtemps par de très nombreux experts, semble bien se rapprocher.

Les conséquences de cet effondrement, désormais inéluctable, affecteront l’équilibre géopolitique du monde et pourraient entraîner des guerres dont nous tenterons, dans les lignes qui suivent de prédire la nature, l’ampleur et les enchaînements, ainsi que les régions les plus concernées.

Examinons donc ces trois données dont les effets se cumulent et se conjuguent.

1 – Les derniers chiffres, publiés, le 6 décembre, par le département du commerce US montrent que le déficit commercial US vis à vis de la Chine a, une fois de plus, pulvérisé son record historique à plus de 43,1 milliards de dollars sur le seul mois d’octobre (dernier chiffre connu). C’est le 4ème mois consécutif que les USA battent leur propre record de déficit commercial avec la Chine (1).

Cela montre que toutes les mesures prises depuis dix mois par les USA à l’encontre de la Chine, et visant à réduire le déficit commercial, ne fonctionnent pas et qu’en revanche, les contre-mesures chinoises : taxation des produits US, réduction des importations en provenance des USA, fonctionnent.

En clair, les USA sont en train de perdre toujours plus, mois après mois, la guerre commerciale qu’ils ont initiée avec la Chine en janvier dernier.

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que les USA sont plus dépendants de la Chine aujourd’hui pour leurs importations que la Chine ne l’est des USA. La Chine importe des produits US, notamment des produits gaziers ou pétroliers, qu’elle peut trouver ailleurs à moindre coût. Elle peut stopper lorsqu’elle le veut et sans grand dommage ce genre d’importation. C’est d’ailleurs ce qu’elle a fait au cours des quatre derniers mois en réduisant de 20% ses importations en provenance des USA. Celles-ci sont passées de 11,1 milliards de dollars en juin dernier à 9,1 milliards en octobre. Les entreprises US, elles, ont délocalisé une large part de leur production en Chine pour « faire de l’argent ». Elles ne peuvent pas, du jour au lendemain, rebâtir un outil de production sur le territoire US. Cela prend du temps. Or, le temps est aujourd’hui compté.

Le président Trump l’a bien compris puisqu’il a annoncé fin novembre, au sommet du G20, une trêve dans cette guerre qui lui coûte plus cher qu’elle ne lui rapporte et qui n’a pas réussi à perturber le moins du monde la croissance chinoise. Il a repoussé de trois mois la mise en place de la nouvelle taxation à 25 % d’une longue liste de produits chinois, une taxation sensée réduire enfin le déficit commercial US.

Cette guerre commerciale est déjà, et sera plus encore demain, perdue par les USA d’autant que la Chine, avec sérénité, constance et détermination, diversifie toujours plus ses partenaires commerciaux et continue de développer très fortement ses échanges avec le reste du monde par le biais de son nouvel outil : « La Ceinture et la Route » qui dope un commerce désormais omnidirectionnel.

2 – Le montant et le caractère incontrôlé de la dette publique US qui devrait tangenter les 22 000 milliards de dollars en fin d’année (107 à 108% du PIB) devient de plus en plus inquiétant et ne renforcent pas la confiance dans le dollar, considéré, encore aujourd’hui, comme la monnaie mondiale. La dette américaine est devenue un actif à risque. Pour pouvoir emprunter davantage, les autorités financières US doivent augmenter les taux d’intérêt, ce qui fait exploser le montant annuel du service de la dette US qui se monte, en 2018, à 333 milliards de dollars (10 fois le budget de défense de la France, seulement pour payer les intérêts de la dette US).

A ces dettes fédérales, il faut d’ailleurs ajouter les dettes de chacun des 50 états, les dettes des comtés, celles des municipalités et surtout les dettes des particuliers. Le total réel cumulé de ces dettes US de toute nature tangente aujourd’hui les 72 000 milliards de dollars soit 86% du PIB mondial et 3,5 fois le PIB US (2). En bref, le fonctionnement du pays repose, aujourd’hui, sur un océan de dettes.

La croissance de ces dettes qui échappent désormais à tout contrôle porte en germe un effondrement de ce « château de dettes et de dollars virtuels » tel que le monde n’en a jamais connu.

3 – La dette fédérale de 22 000 milliards de dollars est détenue à 72% par les Américains eux-mêmes, les 28 % restant sont détenus par les pays étrangers (6 200 milliards de dollars ). Plus du tiers de la part de la dette US détenue par les pays étrangers est détenu par deux pays : La Chine, Hong Kong inclus (1343 milliards de $) et le Japon (1028 milliards de $).

Jusqu’à un passé récent, de nombreux pays étaient encore acheteurs de ce produit sur les marchés, en raison, notamment, des taux d’intérêt attractifs. Les derniers chiffres publiés par le département du trésor US montre que les pays étrangers détenteurs de la dette US ont réduit leur exposition à ce produit à risque de 63 milliards de dollars sur le seul mois de septembre. Un mouvement vendeur de cette ampleur, sur une période aussi courte, n’a jamais été constaté dans le passé. Il témoigne d’une crise de confiance dans le dollar et dans l’économie américaine. Il témoigne aussi du fait qu’un nombre toujours plus grand de pays n’apprécie pas le fait que le dollar soit utilisé comme une arme au service de la politique étrangère US et qu’il permette aux USA d’imposer au monde l’extraterritorialité de leur législation.

La dette fédérale US continuant d’augmenter de 3 milliards de dollars par jour et les pays étrangers devenant globalement vendeurs de ce produit à risque, la part détenue par les Américains eux-mêmes (72%) s’accroît de jour en jour. Les citoyens américains seront donc, et de très loin, les premières victimes lorsque l’effondrement surviendra.

Ils le seront d’autant plus que la majeure partie de la dette détenue par les grandes institutions américaines sont aux mains des organismes de sécurité sociale, d’assurances médicales, et de fonds de pensions qui ont placé les cotisations de leurs adhérents sur cet actif à risque parce qu’il est rémunérateur. Elle est aussi détenue par les banques qui ont placé l’épargne de leurs clients dans ce produit douteux pour les mêmes raisons.

On peut imaginer sans peine ce qui arrivera au moment du crash : plus de sécurité sociale, plus de Medicare, plus de versement des pensions de retraite publiques ou privées, évaporation de l’épargne…

En guise de conclusion sur les constats qui précèdent, on peut aujourd’hui oser les prévisions suivantes :

Avec notre expérience récente des Gilets Jaunes à la française, chacun peut s’imaginer ce que sera la version US des Gilets Jaunes qui devrait logiquement suivre le crash. Il faut bien sûr prendre en compte le fait que le pays est aujourd’hui divisé en deux camps, aux effectifs quasi égaux, qui se haïssent à un niveau jamais atteint depuis la guerre de sécession et que 300 millions d’armes à feu sont en circulation dans le pays…

A ceux qui évoquent en permanence le risque d’une guerre nucléaire entre les grands (USA, Russie, Chine), je réponds que je n’y crois pas, à court ou moyen terme, parce qu’aucun Etat n’aspire vraiment à « la destruction mutuelle assurée » et qu’aucun Etat n’est aujourd’hui sûr de gagner ce type de guerre qu’il aurait initiée et surtout n’est prêt à accepter le coût très élevé de la riposte à une première frappe.

En revanche, je crois qu’une véritable guerre civile est aujourd’hui parfaitement envisageable aux USA, lorsque surviendra la crise de la dette et du dollar. Cette crise aura évidemment des conséquences mondiales, comme celle de 1929, mais en pire…

L’Europe sera affectée, comme en 1929 et 2008. Les difficultés économiques et sociales très graves qui s’ensuivront seront probablement très mal supportées dans une Union Européenne, déjà fort divisée. Des guerres civiles ne sont donc pas à exclure dans plusieurs pays de l’UE (dont la France)…

La Chine et la Russie seront inévitablement affectées, elles aussi. Mais les populations de ces deux pays, moins « accrocs » aux droits acquis et au confort, supporteront probablement mieux que les Européens les souffrances et les privations découlant de la crise mondiale. Par ailleurs, les gouvernances de ces deux pays s’appuient sur des régimes forts et des forces armées nombreuses et puissantes qui « tiennent encore la route » et qui devraient pouvoir maîtriser la situation mieux que d’autres.

Dans ces conditions, chacun peut imaginer qui sortira vainqueur et qui sortira grand vaincu de cette épreuve. On ne peut que souhaiter bonne chance aux USA, à l’Union Européenne et à la France, ainsi qu’au président français qui semble déjà fort embarrassé alors que le pire est encore à venir…

Général Dominique Delawarde

 

Notes

(1) https://www.census.gov/foreign-trade/balance/c5700.html
(
2) http://www.usdebtclock.org/

(3) http://ticdata.treasury.gov/Publish/mfh.txt



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