Pétrole volé par Daech: plusieurs sociétés européennes pourraient être impliquées
Alors que le président russe Vladimir Poutine vient d’impliquer la Turquie et le clan Erdogan dans le trafic de pétrole de l’Etat Islamique, des compagnies maritimes grecques et russes pourraient participer au commerce illégal de la production de brut de l’organisation terroriste entre le port turc de Ceyhan et celui d’Ashdod en Israël.
Selon différentes enquêtes réalisées par le journal al-Monitor et al-Araby, le brut exploité par Daech sur les territoires qu’elle contrôle en Syrie et en Irak serait expédié par camions en Turquie où il serait ensuite camouflé dans la production illégale provenant du Kurdistan irakien, au niveau du hub pétrolier de Ceyhan. Le président russe Vladimir Poutine a confirmé dans une conférence de presse en marge de la COP21 ces informations, affirmant disposer de photos et vidéos tournées par l’aviation russe et montrant des « livraisons pétrolières en quantités industrielles à partir des territoires syriens usurpés par les terroristes. Il s’agit précisément de ces territoires, et pas d’autres. Nous voyons à partir des airs où vont ces véhicules. Jour et nuit, ils vont en Turquie »
Un officier de renseignement de l’Armée syrienne libre, Hosam Al-Awak, a en outre affirmé à l’agence de presse Sputnik news être en possession de photocopies de contrats pétroliers entre Daech et Ankara.
Le président turc Recep Erdogan serait impliqué à plusieurs niveaux, comme le révèlent les enquêtes menées par le journal al-Araby ou encore Zero hedge. Son fils, Bilal, participerait au transport international du pétrole illégal via sa compagnie maritime BMZ Group, à partir du port de Ceyhan. Son beau-fils, Berat Albayrak dirige la compagnie Powertrans qui a obtenu une licence d’exclusivité du gouvernement turc en 2011 pour le transport routier du pétrole provenant du Kurdistan irakien. Or, le Kurdistan irakien et la ville frontalière de Zakho constituent précisément la principale porte d’entrée des convois pétroliers de Daech en Turquie. Selon al-Araby, c’est près de Zakho que les convois de Daech seraient pris en charge par des chauffeurs turcs afin de passer la frontière…
La production de Daech serait impossible a identifier une fois parvenue au port de Ceyhan où elle serait mélangée à celle provenant du Kurdistan, importée illégalement. Le pétrole est ensuite chargé sur des tankers puis transbordé au large de Malte de bateau à bateau afin d’en masquer la provenance et d’éviter les poursuites pénales du gouvernement irakien. Une grosse partie de la production est ensuite livrée au port d’Ashdod en Israël, qui a fait du pétrole du Kurdistan irakien sa principale source d’approvisionnement selon le Financial Times. Une partie du brut disposant d’un statut légal serait ensuite revendue, notamment à destination du marché européen via l’Italie.
La compagnie de Bilal Erdogan ne serait cependant pas la seule impliquée dans ce trafic. Le nom de sociétés maritimes grecques et russes est également évoqué concernant le transport de ce pétrole illégal en méditerranée.
Selon Reuters, le premier tanker à avoir chargé du brut au port de Ceyhan fut le United Leadership, propriété de l’armateur grec Marine Management Services, suivit du United Emblem. Ce dernier aurait opéré un transbordement de son chargement au large de Malte au bénéfice du SCF Altai, appartenant à la principale compagnie maritime russe, Safety Comes First. Les faits remontent à juin 2014 et ont été rapportés par le Jerusalem Post, il s’agissait de la première livraison au port israélien d’Ashdod.
Ashti Hawrami, le ministre des ressources naturelles du Kurdistan irakien, qui tire la majorité de ces revenus de la vente illégale du pétrole de Bagdad, environ 500 000 barils par jour, a précisé à Reuters :
« L’année 2014 a été un large succès car seulement deux de nos tankers ont connu des difficultés, l’un aux USA et l’autre au Maroc […] Nous avons connu un changement remarquable dans nos relations avec la Turquie. Ils ont opéré un renversement stratégique et nous ont été incroyablement favorables. »
Et toujours selon Hawrami, une dizaine de pays accepteraient le pétrole provenant du Kurdistan, et donc potentiellement de Daech, parmi lesquels la Hongrie, selon l’agence Reuters.
Selon le site spécialisé convenient flags, un total de 40 tankers auraient ainsi chargé du pétrole provenant du Kurdistan irakien au port de Ceyhan à la fin 2014, un grand nombre d’entre eux appartient à la compagnie grecque MMS.
C’est également un tanker de MMS, le United Carrier qui aurait effectué une livraison au port d’Omisalj en Croatie en août 2014 pour le compte de la compagnie pétrolière hongroise MOL Group qui détient une partie des installations de raffinage.
La production de brut de l’Etat Islamique suit donc selon toute vraisemblance les réseaux illégaux d’acheminement du pétrole du Kurdistan irakien pour trouver des débouchés sur le marché international via le port de Ceyhan en Turquie qui constitue le terminal de l’oléoduc kurde. Plusieurs sociétés européennes contribueraient par ce biais à écouler la production de l’Etat Islamique, en participant à la filière opaque de commercialisation du brut provenant du Kurdistan, dont la principale serait la compagnie maritime grecque MMS dont les tankers effectuent régulièrement des chargements au port de Ceyhan à destination du port israélien d’Ashdod mais également pour le compte de sociétés pétrolières européennes, dont la compagnie hongroise MOL…
Guillaume Borel