Plaidoyer pour une Algérie Nouvelle en phase avec la marche du monde

 «Un homme politique pense aux prochaines élections, un homme d’état pense aux prochaines générations .»  James Freeman Clarke

L’Algérie est à une croisée de chemin. Elle se trouve confrontée à plusieurs défis et non des moindres sur le plan économique, financier et sanitaire. La situation actuelle se caractérise par un gouvernement constitué d’universitaires qui hérite d’une situation très délicate. De plus, le vote du 1er novembre avec la proposition d’une Constitution qui tranche d’avec celles d’avant en ce sens que beaucoup de prérogatives sont données aux organisations et institutions de contrôle qui ont un rôle accru à jouer. Il nous faut être honnête ! Cependant force est de constater que nous avons perdu ce feu sacré que la glorieuse Révolution de Novembre nous a transmis. L’Algérien de la double décennie du mépris, de la hogra et du népotisme pense que tout est pourri, il veut son baril de pétrole.  

On ne laissera pas tranquille un pays de 2387 642 km² — le premier pays d’Afrique après la partition du Soudan — avec sa profondeur stratégique, son potentiel énergétique, ses différents climats… son potentiel archéologique et touristique — l’environnement international n’est pas un espace de bienfaisance et de fairplay. C’est la guerre de tous contre tous et seules les nations scientifiquement développées et disposant de moyens de coercition dictent la norme aux nations faibles. Dans ce XXIe siècle de tous les dangers, des alliances se nouent ou se dénouent. Les civilisations millénaires faibles disparaissent dans l’indifférence.

La longue marche du peuple algérien vers la liberté  

L’histoire de l’Algérie , c’est l’histoire d’un peuple  qui s’est toujours battu pour exister . Pour les besoins de mon récit , et bien que je prenne quelques liberté avec l’Histoire, c’est un fait – même dans la bible  en parle-  un aguellid  ( roi) berbère se  serait battu contre un pharaon il y a près de trente siècles, s’y  seeait  installé, sur le trône et aurait  fondé une dynastie qui a duré  près de deux siècles. Bine plus tard, ce serait l’épopée des rois  Syphax et Massinissa le dernier grand aguellid qui serait battu contre les carthaginois se se serait allié à l’empire romain et uarait même été trahi par son père le roi  Bocchus  laissant à la postérité  un dicton célèbre pour graver dans le marbre l’ignominie : « A ki bkhass Rabbi »,  C’était  vers 100 avant Jésus  Christ « Que Dieu  révèle ton ignominie.  Le digne hériter de Massinissa  Jugurtha se battit contre les Romains et mourut à Rome dans un cachot ; Pendant près de six siècles Rome occupa l’Algérie  . 

Par la suite le peuple berbère accueilli  non sans mal  les conquérants arabes  porteurs d’une religion qui malgré plusieurs apostasie a réussi a gagné les cœurs  C’est dire si le peuple algérien ne connu jamais la pais  , toujours en conflit avec les nations européennes et par la suite américaines . On dénombre 85 conflits de l’Algérie  avec la France, l’Italie, l’Espagne. L’Angleterre et la sainte alliance dirigée par le pape  au nom de la croix  et ceci jusqu’à  l’invasion brutale sanguinaire et bestiale en 1830 , un formidable tsunami qui a failli faire disparaitre sociologiquement  le peuple algérien, n’était ce son attachement irréductible à l’Islam et qui nous a permit de perdurer pendant 132 ans

C’est un fait, même avec une indépendance confisquée en 1962, la révolte était latente, la revendication démocratique n’a jamais cessé. La singularité de l’Algérie est de faire ses «printemps» avant les autres. Dans l’Histoire et pour la période «récente» à l’échelle des millénaires de l’existence de cette terre bénie, souvenons-nous que  neuf hommes sortant des sentiers battus du jeu parlementaire des hommes politiques de l’époque décidèrent de faire entendre à l’occupant la seule langue qu’il comprend : la force.
Ce sera la glorieuse Révolution de Novembre qui continue à éclairer notre imaginaire quels que soient nos bords. Cette Révolution de Novembre qui s’inscrit dans une longue lignée de révolte pour la dignité algérienne depuis toujours. Cette Révolution a eu l’immense mérite d’avoir soudé les Algériens du Nord, du Sud, de l’Est et de l’Ouest, n’en déplaise aux diviseurs de tout poil !  

Plus tard, ce fut une autre insurrection, le 5 octobre 1988. Après vingt-six ans de parti unique, de corruption à tous les étages, le peuple sortait dans la rue pour demander justice. Ce sera les débuts balbutiants du multipartisme vite étouffés par la faute originelle d’avoir accepté de reconnaître les partis bâtis sur les invariants du pays, à savoir la religion et la culture qui, pourtant, sont consubstantielles à la Constitution de la Nation et, à ce titre, ne peuvent pas servir de fonds de commerce partisan. Résultat des courses, nous subîmes ensuite une décennie sanglante qui marque encore de nos jours la majorité des Algérien(ne)s à tel point que nous avons accepté le deal proposé, 200 000 morts plus tard. 

La belle Révolution Tranquille du 22 février 2019 

Par la suite, nous avons subi dans la douleur une double décennie du mépris, du népotisme, de la hogra et, naturellement, de la corruption du pouvoir. Nous ratâmes notre entrée dans le XXIe siècle. Malgré une manne insolente évaluée à 1000 milliards de dollars, c’est un pays exsangue en panne sur tous les plans, une corruption devenue un sport national et une tentative de faire passer en force un cinquième mandat. Ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Une autre révolution que celle du 22 février 2019 : le peuple dans son ensemble sortit dans la rue. Ce fut quelque chose d’exceptionnel qui a forcé l’admiration du monde pour la civilité et l’accompagnement par les services de l’ordre sans qu’il y ait aucun dérapage. Rien à voir avec ce qui se passait de l’autre côté de la Méditerranée. Le peuple a dit basta à l’aventure du cinquième mandat et a réclamé, ce faisant, un assainissement.

Pour avoir accompagné, à ma façon, cette belle révolution tranquille à la fois tout au long de la trentaine de contributions de différents passages dans les médias algériens et étrangers, j’ai eu la conviction que le peuple, enfin, pouvait être entendu et qu’enfin nous allions véritablement penser au futur. Cependant, passé les trois premiers mois, il y eut un glissement et un durcissement. La politique du pire qui, comme chacun le sait, est la pire des politiques, fit changer le cours.  

D’aucuns disent que cette Révolution a été concoctée, voire téléguidée à partir de l’étranger. Ce n’est pas impossible qu’il y ait une récupération ou un projet initial  après quelques mois au moment où l’essentiel des revendications était satisfait, voire surtout une tentative de récupération de cette belle révolution tranquille du 22 février 2019.  Il est vrai que le logiciel du  «  Régime  Change » a profité des méthodes  proposées par Gene Sharp. La littérature abonde et  Mais on ne m’enlèvera pas l’idée qu’au départ, c’était une belle Révolution généreuse qui a transcendé toutes les couches et sensibilités. C’était l’aggiornamento. Nous connaissons, il est vrai, les méthodes multiformes pour que «le régime change». Cependant, il est indéniable que pendant plusieurs mois, la beauté des manifestations, la civilité des manifestations que l’on a opposée à celle des «Gilets Jaunes» en cette efflorescence et cette respiration démocratique étaient belles à voir. L’Algérie a donné une leçon au monde de fierté, de dignité, non seulement du peuple de la Révolution tranquille mais aussi des corps de sécurité.  Naturellement on ne peut pas dire que les méthodes maitrisées par les hauts parleurs idéologiques, font appel aux thérories sur la psychologie des foules déjà décrites il  a près d’un siècle par le  docteur Gustave  Lebon

C’est un faite, pourtant,  l’armée – qui selon ces « logiciels » du chaos réorganisateur devrait en toute logique réprimer la foule pour produire le clash irréversible qu’attendent les architectes du chaos off  shore. Il n’en fut rien !  Au contraire  l’armée nationale populaire , observatrice bienveillante, accompagne avec les services de polices les marches hebdomadaires  sans encombre au contraire avec beaucoup de proximité. Cette armée a  en plus le difficile privilège de défendre le pays avec les armes du XXIe siècle de fait. Car elle est constituée de plus en plus d’Algériennes et d’Algériens universitaires au fait des mutations du monde et qui doivent parfaire ses missions de plus en plus techniques pour être toujours performante. 

Ce ne sont pas seulement les foules qui font les révolutions réussies, ce sont aussi les hommes. Souvenons-nous ! Souvenons-nous, justement, du déclenchement de la glorieuse Révolution de Novembre que nous allons fêter dans quelques jours. À peine neuf simples citoyens décident de changer le cours des choses sans les moyens actuels de Facebook, mais avec la conviction que les choses doivent changer. Quelques fusils contre 500 000 hommes armés par l’Otan, il fallait le faire, ils l’ont fait. !

On peut comprendre cependant  cette pugnacité du peuple de la Révolution tranquille, vacciné d’avoir été trompé pendant 57 ans et d’avoir subi une double decennie du mépris de la hogra et de la corruption  ne se lassa pas tout au long de la quarantaine de Vendredi, même si après quelques mois les Algériennes et Algériens  ne se déplacèrent plus en masse  . Berthold Brecht avait coutume de dire : «On dit d’un fleuve emportant tout qu’il est violent, mais on ne dit jamais rien de la violence des rives qui l’enserrent.» 

Qu’en est-il de cette Révolution tranquille actuelle ? 

Le Hirak, «canal historique» celui porté par le peuple du 22 février 2019 avec sa révolution tranquille, est vivant dans nos cœurs et doit le rester à l’instar de la glorieuse Révolution du 1er Novembre. Abed Charef analyse lucidement les débuts de cette formidable aventure que fut cette Révolution tranquille soutenue par tout un peuple petits et grands, son corps de sécurité, son armée.  Il décrit ensuite les dérives de tentatives de récupération qui ont détourné le fleuve de cette Révolution du sourire. Il avance que le Hirak est à la fin d’un cycle. Il écrit : «Le hirak a achevé son cycle de vie. Même si l’esprit du mouvement à l’origine de  la démission d’Abdelaziz Bouteflika le 2 avril demeure, et s’il continuera d’animer la vie politique du pays pour de longues décennies, il faudra bien que l’Algérie accepte cette réalité.»

«La formidable révolte pacifique, qui a mis fin à l’ère Bouteflika et détruit le cœur de l’ancien pouvoir en envoyant une partie de l’ancienne nomenklatura devant la justice, a achevé son cycle au bout d’une année, après avoir débloqué une situation politique figée jusqu’à l’absurde. C’est un résultat inespéré, obtenu sans violence, ce qui est suffisant pour en faire un événement majeur dans l’histoire récente du pays.» Dire que le Hirak est arrivé au terme de son cycle naturel n’occulte pas le saut qualitatif majeur qu’il représente dans l’histoire du pays. Il ne s’agit pas non plus de conclure à un échec du Hirak, bien au contraire. Il s’agit de reconnaître que le Hirak est arrivé à son terme, tout comme les personnalités «historiques» à l’origine du déclenchement de la Révolution du 1er Novembre 1954 contre la France,  un formidable sigle, le FLN, explosait alors à la face du monde. Pendant une décennie, il allait constituer une signature singulière, un repère comme on en avait rarement vu en ce milieu du XXe siècle. Le FLN était plus qu’un parti, il était devenu une identité, une marque de fabrique, une signature.  d’autoritarisme.»(1)

«L’armée ne s’y trompe pas. (…) Ce faisant, l’armée revient à ce qui fait sa vocation, son histoire. Pas de cinquième mandat pour le Président Bouteflika, retour à la souveraineté du peuple à travers les articles 7 et 8 de la Constitution, engagement que pas une goutte de sang ne coulera, et promesse d’une grande campagne de lutte contre la corruption. Ce deal, proposé par l’armée, était inimaginable deux mois auparavant.  

Il semble répondre aux aspirations de la majorité des manifestants. L’opinion est particulièrement sensible à un fait inédit dans l’histoire du pays : des dizaines de ministres, de hauts responsables, dont des patrons des services spéciaux et des Premiers ministres, ainsi que des dizaines de pontes de l’administration, de l’armée et des services de sécurité sont traduits devant des tribunaux ! C’est tout simplement inimaginable !»(1)

Abed Charef ajoute comme nous le subodorions : « Des courants et des appareils politiques ont progressivement réussi à se substituer au Hirak, pour s’imposer comme sa nouvelle expression et parler en son nom. Ils lui ont imposé leurs propres mots d’ordre. Mais dans la rue, le consensus qui a fait la force du Hirak est rompu (…)»(1)

Si les élections n’avaient pas eu lieu  

Dans l’une de mes dernières contributions en novembre 2019, j’avais donné mon avis que pour le bien du pays, il fallait qu’il y ait rapidement des élections en affirmant que l’Algérie n’a pas de plan B. Imaginons, à Dieu ne plaise, le cas suivant. En décembre dernier, les élections auraient été décalées aux calendes grecques pour la troisième fois. Que se serait-il passé ? Sans nul doute nous aurions ouvert une période d’instabilité maximale qui aurait fragilisé le pays ! Qu’on se le dise ! Nous ne serons pas épargnés, notre tour est programmé. Sarkozy plastronnait : «L’Algérie dans un an, l’Iran après.» C’est un sommeil trompeur que de croire à la bénédiction conjoncturelle de l’Occident qui viendrait au secours de celles et ceux qui le sollicitent ! Car Il ne faut surtout pas dire que nous sommes immunisés, que nous avons déjà «donné» 200 000 morts, que nous sommes invulnérables et que tout s’arrangera comme par un coup de baguette magique. L’Occident n’en a cure. Pensons-nous honnêtement que les choses se seraient réglées par Khatem Sidna Souliman «la Bague de Salomon» ! Que celles et ceux qui n’attendaient que l’Algérie tombe pour procéder à la curée. Ce n’est pas impossible comme scénario !  

D’autant qu’avec la survenue de deux dangers maximaux, la chute drastique des réserves de change et le Covid, nous serions devenus, à Dieu ne plaise, une terre grise comme hélas la Libye, la Syrie, le Yémen. Dieu sait que l’Algérie fait des envieux et que nous ne savons pas réellement ce que nous avons comme richesse. Un pays riche du point de vue de l’Histoire : l’un des berceaux de l’humanité se trouve à Aïn Hnach, il y avait une humanité vieille de 2,4 millions d’années. Mieux, la Nasa en juin dernier a publié  une étude où elle informe le monde qu’elle a trouvé l’équivalent des acides aminés précurseurs de la vie dans une météorite recueillie dans le Sahara algérien. Si on y ajoute une jeunesse exubérante à plus de la moitié, on se pose la question : pourquoi nous n’arrivons pas à connaître nos intérêts dans un monde qui ne fait pas de place aux faibles ? Ce qui nous unit est de loin plus important que ce qui nous divise comme nous allons le voir.

Qui sommes-nous ?

Pour pouvoir parler  des défis du pays et dans un souci d’apaisement , je veux tenter de donner mon point de vue concernant les non dits du projet de société. Un bref rappel qui explique en creux les crispations actuelles concernant les langues : quand le premier dirigeant qui a pris le pouvoir par effraction déclare sur un ton compulsif «nous sommes arabes», il a semé les graines de la discorde en ouvrant la boîte de Pandore que les Constitutions ont tenté de juguler en vain.  En effet, dès l’indépendance, deux visions de l’Algérie se faisaient, laïcs ou musulmans. Aucun de ces deux logiciels qui prônent une prééminence d’un pôle sur un autre ne s’est intéressé à l’Algérie profonde, celle d’un melting pot millénaire qui fait qu’honnêtement, il est impossible de savoir exactement si nous sommes des Amazighs de la première heure il y a 2 950 ans, ou des descendants des conquérants arabes . Ce qu’il y a d’admis est que le fond rocheux est amazigh qui était là dix huit siècles avant la conquête arabe porteurs du livre sacré  – Il est devenu consubstantiel de la dimension arabe.

Il peut sembler être une gageure que de parler de l’Histoire si on occulte quelques repères importants du récit algérien. Il y a deux mille ans, l’Europe — exception faite de Rome et de la Grèce — était encore plongée dans les ténèbres. Au Maghreb actuel, il y avait des nations avec des attributs d’États, — Massinissa battait monnaie —, il y a 22 siècles de cela. Pourquoi n’en sommes-nous pas fiers tous ensemble ? Pourquoi la Tunisie fête Massinissa Hannibal et pas nous ?

Pour témoigner de la présence des parlers berbères dans l’histoire de l’Algérie depuis près de trente siècles, nous allons rapporter le témoignage du professeur Mostefa Lacheraf à propose de l’acculturation croisée entre le tamazight et l’arabe. Il écrit : «Noms berbères anciens et berbères punicisés par l’attrait culturel de Carthage. Noms berbères arabes berbérisés ou greffés d’amazigh. Noms arabo-berbères de la vieille tradition des patronymes ethniques confondus depuis les débuts de l’Islam en terre africaine et le souvenir fervent des premiers Compagnons du Prophète, Sahâba et Ta-bi’in»(2). 

«Les topiques ou toponymes et lieux-dits à travers toute l’Afrique du Nord constituent, quant à eux, un véritable festival de la langue berbère et l’on bute sur ses noms devenus familiers aux vieilles générations d’Algériens connaissant leur pays dans les moindres recoins du sous-continent maghrébin avec ses montagnes, ses coteaux, ses cols défilés et autres passages ; les menus accidents du relief, les plantes sauvages et animaux de toutes sortes. Ne serait-ce que pour cela (qui est déjà énorme ), cette langue devrait être enseignée à tous les enfants algériens afin de leur permettre de redécouvrir leur pays dans le détail. La pédagogie scolaire et de l’enseignement supérieur».(2)

L’avènement de l’Islam donnera une vitalité à l’expression du génie berbère en lui donnant une langue : l’arabe qui a permis le foisonnement de tous les modes d’expression de la science et de la culture. L’apport de la nouvelle langue n’a pas réduit ou même annihilé les coutumes locales et la langue primitive. Mieux encore, pour mieux pénétrer les cœurs des indigènes qui ne connaissent pas la langue arabe, des tentatives, certes modestes, ont été faites pour traduire en berbère le livre sacré du Coran. D’abord, il y eut Mohammed Ben Abdallah Ibn Toumert, fondateur de la dynastie Almohade. Il traduisit en berbère des ouvrages qu’il avait composés lui-même en arabe. Un autre exemple à citer est celui d’un petit résumé de la théorie du «Taouhid», qui a été composé en Kabylie dans la tribu des Beni Ourtilane à la zaouia de Sidi Yahia Ben Hammoudi. Il est transcrit en arabe et c’est, en fait, une traduction sommaire du traité de Abou Abdallah Mohammed Ben Mohammed Ben Youssef Essenoussi : «la Senoucia»(3).

La beauté de la langue arabe  

Nous  avons le privilège de posséder une autre belle langue quand on se rend compte de toute l’étendue des domaines que les savants musulmans écrivant en arabe embrassèrent dans leurs expérimentations scientifiques, leurs pensées et leurs écrits. On voit que sans les scientifiques musulmans utilisant l’arabe comme langue du savoir, la science et la philosophie européennes ne se seraient pas développées à l’époque comme elles l’ont fait. S’agissant de la beauté de cette langue, l’illustre Jacques Berque explique dans Les Arabes et nous que la fonction de la langue pour les Arabes est différente, supérieure à celle qu’elle remplit pour les Occidentaux. Il donne un exemple : ainsi, en arabe, les mots se rapportant à l’écrit dérivent tous de la racine k. t. b. : Maktûb, maktab, maktaba, kâtib, kitâb. En français, ces mêmes mots sont : écrit, bureau, bibliothèque, secrétaire, livre. Les mots français sont tous les cinq arbitraires, mais les mots arabes sont, eux, «soudés par une transparente logique à une racine qui seule est arbitraire». «Alors que les langues européennes solidifient le mot, le figent, en quelque sorte, dans un rapport précis avec la chose, le mot arabe reste cramponné à ses origines. Il tire substance de ses quartiers de noblesse.»(4)

Pour un récit national prélude un projet de société fasciné par la quête du savoir

Maintenant que nous avons traité de la consubstantialité des deux langues, il nous sera utile de traiter du projet de société. Faisons attention, développons nos deux langues car elles peuvent disparaître avec le torrent de la mondialisation. Que nos querelles sont vaines ! Sans le vouloir nous faisons le jeu de tout les diviseurs qui ne veulent pas d’une Nation Algérienne  et d’un peuple algérien  Pour évoluer et nous lancer vers le futur,  nous devons tous ensemble aller les uns vers les autres et nous enrichir de nos mutuelles différences. Cette Algérie plurielle  a l’immense privilège d’être arrimée aussi à la civilisation arabo-musulmane mais elle a également un vécu trois fois millénaire. Notre récit national nous devons l’assumer. Massinissa, Jugurtha font partie de notre Histoire au même titre que Yaghmoracen, l’Émir Abdelkader… Ben Mhidi. C’est un capital dont nous ne devons négliger aucune facette. L’arabité est consubstantielle de la personnalité algérienne. Une acceptation apaisée de l’amazighité et un vivre-ensemble côte à côte sont un puissant facteur d’intégration qui permettra de barrer la route aux aventures pour enfin ce mettre au travail. Nous devons tout faire pour favoriser le brassage universitaire et revoir l’implantation des spécialités et faire en sorte que l’étudiant ait à se déplacer pour connaître son pays et ses concitoyens comme ce fut le cas du creuset unique du service national.

 Pourquoi une Constitution ?

Que voulons-nous pour ce pays ? Dans cette affaire importante, il est bon aussi d’avoir comme cap la rédaction d’une Constitution en phase avec le XXIe siècle dans tout ce qu’il comporte de transparence, de mutations rapides et d’incertitudes. Comme l’écrit Renan : «Une nation repose à la fois sur un héritage passé qu’il s’agit d’honorer, et sur la volonté présente de le perpétuer. Toute Constitution est perfectible.»
L’Algérie permettra graduellement  de régler harmonieusement l’appel permanent au vivre-ensemble. Être algérien au XXIe siècle, c’est avant tout aimer l’Algérie et le prouver au quotidien, quel que soit l’horizon d’où nous venons. Il est tout à fait vital, alors, d’asseoir le socle du vivre-ensemble.  

Cette transition vers l’idée de nation est justement l’objet du chantier de la Constitution. Pour éviter l’usure du pouvoir et les dérives, le nombre de mandats est limité à deux. Seules des conditions de liberté politique sous toutes ses formes, des libertés de délibération, d’expression, d’une part, et des élections libres et transparentes, d’autre part, permettent à l’économie de progresser.

Quels sont les droits fondamentaux que peut raisonnablement revendiquer un Algérien ?

Ce plaidoyer pour l’unité étant fait, je crois qu’il y a un consensus global sur le fait que le premier des droits est celui de vivre dans la dignité, qu’il n’ y ait pas de hogra, de la justice et plus largement des libertés. Cet aspect a été largement consacré dans la proposition de Constitution. Mais il a aussi d’autres droits tout aussi déterminants pour l’épanouissement de l’Algérienne et de l’Algérien, celui de prétendre à juste titre à une vie décente, à une bonne éducation, à la possibilité d’aspirer par son labeur à un logement et aussi à des soins ; en définitive, aussi à la possibilité de trouver un emploi, l’Etat, en stratège, devant mettre en œuvre l’égalité des chances et les conditions de création de richesses.
À côté des droits, quels sont les devoirs que nous avons vis-à-vis de notre pays ? Faisons-nous ce qu’il faut en termes de loyauté ? Pourquoi sommes-nous toujours, en règle générale, à trouver des excuses pour ne pas faire notre devoir ? Dans une célèbre conférence, le Président américain John Kennedy s’adressant à des étudiants leur tint ce langage : «Avant de demander ce que peut faire le pays pour toi demande-toi ce que toi tu peux faire pour le pays.» C’est aussi cela que la dette de chaque citoyen pour son pays. Le citoyen devra honnêtement s’acquitter de sa tâche et le fil rouge de la défense et de l’unité du pays devrait être un horizon indépassable.

Il nous faut nous occuper de tous les Algériens(e)s. Allons honnêtement parler aux besogneux de manatiq adhal (zones déséhéritées) et plus largement de ces Algériennes et Algériens qui n’ont pas le smig de dignité. S’il est vrai plus que jamais que les invariants de liberté, de respect, d’alternance soient respectés, le besogneux a plus besoin d’un toit, d’un job, de se soigner, de pouvoir faire profiter ses enfants de l’École de la République. Les aspirations premières sont celles-là. Il nous faut veiller à ce que les élections se fassent dans la transparence. L’autorité en charge a la lourde responsabilité de crédibiliser les élections.

Conclusion

S’il est vrai que l’avenir de l’Algérie appartient à tous les Algériens, ils devront accompagner, à travers leurs engagements et leurs compétences, l’avènement d’une Algérie nouvelle en occupant, par des voies légales notamment durant les législatives, tous les espaces de délibération où devra se dessiner en creux l’avenir de l’Algérie. Il n’y aura pas de place à l’aventure, pas de place aux interférences et aux partisans du «y-a-qu’à». l’Algérie nouvelle se construit pas des actes.

Un grand chantier fait de travail de sueur de nuits blanches, de résilience face à un monde qui ne fait pas de cadeau aux faibles nous attend tous autant que nous sommes. En 1984, Steve Jobs rencontre François Mitterrand et affirme : «Le logiciel, c’est le nouveau baril de pétrole.» La quête continue du savoir doit être la préoccupation essentielle de nos dirigeants qui doivent penser aux prochaines générations… Qu’on se le dise, l’Algérie est convalescente et a besoin de la bienveillance de tous ceux qui croient en elle.  Il faut sauver l’Algérie de ses vieux démons mais aussi lui tracer une perspective de consolidation du vivre-ensemble. Le Graal, c’est arriver à redonner à l’Algérien cette fierté d’être algérien et réconcilier ce peuple avec lui-même ; prôner en toute chose l’altérité. Ne voulant pas d’une autre patrie de rechange, il nous faut inventer un modus vivendi loin du miroir aux alouettes constitué par un mode de vie à l’européenne, débridé, loin de notre identité et loin aussi d’une métropole moyen-orientale qui est à des années-lumière de notre génie propre. Il ne faut pas compter sur le pétrole dont les prix vont de plus en plus plonger. La transition énergétique vers le développement humain durable est la seule voie qui permette, d’une autre façon, de respecter cette nouvelle Constitution en créant de la richesse, de l’emploi, en donnant une utopie à ces jeunes par le développement de grands chantiers. 

Cette Révolution du 22 février 2019 ne devrait pas perdre son capital symbolique, pour ne pas être banalisée comme les révolutions arabes instrumentalisées. Pour moi, elle devrait être celle de l’humilité et de l’honnêteté. Nous avons à construire la deuxième République en mettant en place des institutions qui résistent aux hommes et qui, je le souhaite, propulsera notre pays dans la modernité. La Révolution tranquille du 22 février est sans conteste du bon côté de l’Histoire. Nous devons aller vers le vivre-ensemble mais aussi vers le faire-ensemble. Antoine de Saint-Exupéry nous donne le secret : «Force-les à bâtir ensemble une tour et tu les changeras en frères.»

Nous devons bâtir une nouvelle tour ensemble, une Algérie nouvelle basée sur le savoir, une autre révolution de Novembre basée sur le savoir. En effet, une transformation profonde de nos organisations et nos modes de fonctionnement. Nous sommes à la veille d’un changement de paradigme… Le Covid déconstruit ce que la civilisation humaine a mis des millénaires à bâtir et est en train de voler en éclats. Parallèlement le Big Data, qui est la capacité de manipuler de plus en plus facilement de très grandes masses de données, s’impose avec l’intelligence artificielle. Enfin, les changements climatiques, la transition énergétique pour sortir de l’ébriété énergétique actuelle pour aller vers la sobriété énergétique et le stress hydrique sont une réalité. Autant de chantiers qu’il nous faut aborder sans tarder. Un système éducatif à l’abri des convulsions partisanes qui doit proposer ce qui a de mieux pour cette jeunesse qui doit être la prunelle de nos yeux. On l’aura compris, seul le parler vrai et l’exemple permettront de convaincre cette jeunesse.

La nation, ce plébiscite de tous les jours  constamment adaptable et servant constamment de recours et que Cheikh Nahnah avait résumé par une phrase célèbre : «Nous sommes algériens min ta latta. Min Tlemcen li Tebessa oua min Tizi-Ouzou li Tamanrasset.» Cela devrait être notre credo. Il n’y a pas, de mon point de vue, que des Algériens qui sont ensemble depuis 1400 ans et qui ont connu le meilleur et le pire, comme l’a montré la glorieuse Révolution de Novembre.(5)

Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique Alger

 

Notes :

1. Abed Charef https://www.middleeasteye.net/fr/ opinionfr/algerie-hirak-fin-de-cycle-revolution-tebboune 16 octobre 2020
2. Chems Eddine Chitour http://www.alterinfo.net/L-apport-de-la-culture-amazighe-a-l-identite-des-Algeriens_a26176.html
3. Mostefa Lacheraf: Des noms et des lieux. Éditions Casbah 2004
4.Jacques Berque: http://www.islam-fraternet.com/maj-0598/berq.htm
5..http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur _ chitour/216447-les-autres-acteurs-oublies.html

Article de référence Chems Eddine Chitour https://www.lesoirdalgerie.com/contribution/plaidoyer-pour-une-algerie-en-phase-avec-la-marche-du-monde-49926  le 19.10.2020

 



Articles Par : Chems Eddine Chitour

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