Plan des opérations anti-État islamique de l’armée arabe syrienne

L’armée arabe syrienne, équipée d’armes russes, poursuit sa libération du pays occupé par des groupes jihadistes financés par les puissances de l’Otan et du Golfe. Valentin Vasilescu analyse la méthode des Syriens et pronostique la suite des opérations.

Les près de 9 000 missions de bombardement de l’aviation russe ont neutralisé la majorité des réseaux de tunnels et de galeries grâce auxquels l’Armée syrienne libre (ASL), le Front Islamique et Jabhat Al-Nosra (c’est-à-dire Al-Qaïda) ont réussi à surprendre l’armée arabe syrienne. Au stade actuel, les groupes terroristes sont tellement affaiblis qu’ils ne peuvent plus déclencher d’offensive pour changer les rapports de force en Syrie [1]. Des conflits sont apparus entre la Brigade des Martyrs de Yarmouk, soutenue par Israël et la France [2], et ses alliés de l’ASL et du Front islamique, soutenus par les États-Unis, la France pour le premier et l’Arabie Saoudite et le Royaume-Uni pour le second. Ils se massacrent les uns les autres pour le contrôle d’une zone située au sud-ouest de la ville de Deraa. Dès que la trêve est entrée en vigueur le 27 février 2016, plusieurs groupes de djihadistes autres que le Front islamique et Jabhat Al-Nosra avaient commencé à déposer les armes ou avaient accepté de combattre au sein des unités de l’armée arabe syrienne. Cela a permis à cette dernière de déployer plusieurs unités renforcées en plus grand nombre que l’État islamique. La situation serait encore bien meilleure si l’armée arabe syrienne pouvait se retirer des 15 fronts dans le nord-ouest et le sud-est, où se trouve la majorité des troupes, afin de les utiliser contre l’État islamique.

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En libérant l’autoroute Alep-Ithriyah-Hama-Homs, dans les premiers jours de mars 2016, l’armée arabe syrienne a réussi à empêcher la coopération entre les groupes terroristes, isolant le territoire compact des islamistes du Front Al-Nosra (Le front de soutien), de l’ASL et du Front islamique (Jabhat al-Islāmiyyah) dans le sud de la province d’Alep et la totalité de celle d’Idlib, du territoire occupé par l’État islamique dans le centre et l’est de la Syrie. Les miliciens kurdes ont à leur tour créé une zone tampon à la frontière avec la Turquie, où l’État islamique ne contrôle plus qu’une bande de 90 km.

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La ville de Palmyre est considérée par le lieutenant général Sergey Rudskoy, chef des opérations de l’état-major de l’armée russe, comme un centre stratégique du groupe État islamique, en raison de l’importance des intersections de voies de communication dans le désert. Le général estime que le déclin total de l’État islamique commencera avec la libération de Palmyre. À la suite des batailles livrées dans le désert par l’armée arabe syrienne pour le contrôle des voies de communication, et des bombardements aériens, l’État islamique n’a plus les moyens de transport suffisants pour assurer sa mobilité, et est forcé d’adopter un dispositif défensif dans quelques grandes villes dans le territoire contrôlé. Cela donne à l’armée arabe syrienne une totale liberté d’action pour porter des offensives simultanément dans plusieurs directions et utiliser les moyens aériens pour encercler tous les foyers de résistance de l’État islamique.

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L’armée arabe syrienne a lancé une étape intermédiaire de la bataille pour Palmyre, le 7 mars 2016, avançant depuis Homs avec la 67ème Brigade de char et le 64ème Régiment d’artillerie de la 18ème Division de chars, renforcés par un bataillon de fusiliers marins. Il s’en est suivi la libération des champs pétrolifères de Shaer, Mahr, Jihar et Jazl, à l’ouest, au nord et au sud de Palmyre. L’armée arabe syrienne réussissait ainsi à envelopper le flanc d’un avant-poste de l’État islamique, situé à 20-25 km à l’ouest de Palmyre, composé de 1 500 combattants (Zone 1). Un groupe tactique constitué autour de la 67ème Brigade blindée, comprenant 3 000 soldats, s’était donc infiltré entre Palmyre et cet avant-poste, coupant les voies de retraite vers le nord (Rakka) et l’est (Palmyre-Deir ez-Zor) des 1 500 djihadistes dans une manœuvre d’encerclement. La 18ème Division, qui avait été tenue en réserve stratégique par l’armée arabe syrienne, est entièrement équipée d’armes modernes, et a bénéficié d’un programme de formation organisé par les conseillers militaires russes [3]. La 67ème Brigade blindée qui a attaqué à l’ouest de Palmyre était dotée d’environ 90 chars, 40 véhicules de combat d’infanterie (BMP-1) et de systèmes modernes de missiles antichars.

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Puis, le 18 mars 2016, le bataillon Tigre des Forces spéciales de l’armée arabe syrienne arrive dans la zone, rejoignant le commando des Faucons du désert, une milice composée d’officiers et sous-officiers syriens mis en réserve, formée et préparée par les Iraniens et les Spetsnaz, équipée et armée pour combattre en milieu désertique. Le groupe tactique des Tigres et des Faucons du désert se compose de 2 000 hommes, dotés de fourgons blindés facilement manœuvrables armés de mitrailleuses lourdes KPV calibre 14,5mm, avec un canon double GS-23 calibre 23 mm, et des missiles antichars russes guidés par faisceau laser. Ce groupe attaque à partir du sud de Palmyre.

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À l’Est de Palmyre, l’offensive est menée depuis le 24 mars 2016 par un dispositif commandé par des instructeurs militaires d’Al-Qods (Jérusalem) c’est-à-dire des Forces spéciales iraniennes, composé de 1 800 combattants des Forces de défense nationale de la Syrie, du Hezbollah libanais et des groupes paramilitaires irakiens Harakat Hezbollah al-Nujaba (Le mouvement des nobles du parti de Dieu), Liwa Imam Ali (La Brigade de l’imam Ali), Kata’eb Hezbollah (Le Bataillon du parti de Dieu). Ces trois principaux groupes tactiques ont neutralisé tous les points d’appui de l’État islamique situés sur les hauteurs autour de Palmyre et qui constituaient le deuxième cercle de défense des islamistes. Ils coupent ainsi toute possibilité de retraite des djihadistes s’enfuyant de la ville. Maintenant, l’armée arabe syrienne a réussi à percer la défense, le troisième cercle, à la périphérie de Palmyre et à pénétrer à l’intérieur de la ville pour une libération rue par rue (Zone 2).

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Les points d’appui de l’État islamique creusés dans les rochers situés sur les hauteurs qui contrôlent l’accès de la ville de Palmyre ont été frappées par des avions Su-22, L-39 Albatros et MiG-23 des bases aériennes syriennes de Shayrat (20 km au sud-est de Homs) et de Tiyas (40 km à l’ouest de Palmyre), auxquels se sont joints d’autres avions et hélicoptères d’attaque Mi-24V russes. Entre le 20 et 23 mars 2016, la force aérienne russe a exécuté 41 missions, frappant 146 cibles de l’État islamique à Palmyre, mettant hors de combat 6 centres de commandement, 5 chars, 6 pièces d’artillerie, 2 dépôts de munitions, 15 pick-up armés, et tuant 320 jihadistes. Aucun des 180 avions de la Coalition anti-Etat islamique dirigée par les États-Unis ne participe à l’opération de Palmyre.

Quelles seront les conséquences de la libération de Palmyre ?

1. Dans le sud de la Syrie jusqu’à Palmyre, il n’y a qu’une seule route au milieu du désert, avec une longueur de 150 km, qui est actuellement sous le contrôle de l’État islamique (Zone 3). Avec la libération de Palmyre, un groupe de l’État islamique constitué de 3 000 combattants, déployé dans une zone située entre le sud de Palmyre et la frontière jordanienne, à l’est et au nord-est de la ville de Soueïda, resterait isolé de la capitale de l’État islamique, Rakka.

2 . La ville de Deir ez-Zor est défendue par la 104ème Brigade de parachutistes, la 137ème Brigade d’artillerie de l’armée arabe syrienne, et les combattants des forces de Défense nationale, avec un effectif de 4 000 soldats. Le groupe tactique de Deir ez-Zor agit indépendamment de l’armée arabe syrienne, à 90 km de Palmyre.

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Le soutien aérien de ce groupe tactique est assuré par la base aérienne d’Al-Nassiriya, dotée de bombardiers Su-24M3. La libération de Palmyre permettrait à l’armée arabe syrienne de contrôler l’autoroute M20, entre Palmyre et Deir ez-Zor, longue de 90 km, le seul moyen de communication situé en plein désert, forçant les combattants de l’État islamique à se replier vers le nord (Zone 4). Ces derniers jours, le groupe tactique de l’armée arabe syrienne à Deir ez-Zor a été vigoureusement attaqué par le sud par des combattants de l’État islamique. Pour repousser cette offensive, l’armée arabe syrienne a envoyé des renforts d’environ 1 000 soldats et des munitions par voie aérienne.

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Après ces attaques de l’État islamique, la 104ème Brigade de parachutistes a réussi à briser le blocus qui avait été mis en place par les combattants islamistes, et a progressé vers le sud-est sur l’autoroute M4 (reliant Alep à Al-Bukama, à la frontière avec l’Irak), sur le tronçon Deir ez-Zor-Al Mayadeen. Le contrôle total de ce tronçon de l’autoroute empêcherait le transfert de combattants de l’État islamique en Irak vers la Syrie. Les troupes syriennes de Palmyre pourront faire la jonction avec celles de Deir ez-Zor, en direction du nord-est vers Hassaké, renforçant les miliciens kurdes pour sécuriser entièrement la frontière avec l’Irak (Zone 5).

3. L’occupation de Palmyre et la jonction avec le groupe tactique de Deir ez-Zor permettrait d’attaquer la ville de Rakka, la capitale de l’État islamique, par l’armée arabe syrienne dans trois directions : à l’ouest, au sud et à l’est (Zone 6), et neutraliser complètement tous les groupes terroristes en Syrie, dans un délai de cinq à six mois.

Valentin Vasilescu

Traduction : Avic Réseau International 

Photo: Palmyre, la cité mythique de la reine Septimia Bathzabbai Zénobie, est le symbole d’une civilisation raffinée dans laquelle toutes les religions étaient libres et égales, résistant au despotime de l’Empire romain. Partiellement détruite par l’État islamique, elle a été libérée le jour de Pâques 2016 par l’armée arabe syrienne et devrait être reconstruite par les Monuments historiques syriens.

[1] « Le piège tendu par Poutine en retirant le contingent russe de Syrie », Valentin Vasilescu, Traduction Avic, Réseau international, 18 mars 2016.

[2] “We have no beef with Israel, Syrian Islamist rebel group says”, Ilan Ben Zion & Agam Rafaeli, Times of Israël, July 1st, 2013.

[3] « Le retour de l’Armée arabe syrienne », par Valentin Vasilescu, Traduction Avic, Réseau Voltaire, 4 mars 2016.



Articles Par : Valentin Vasilescu

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