Plus de la moitié des Irakiens n’iront pas voter

«Les élections du 30 janvier en Irak seront-elles démocratiques? Devant l’insécurité et les risques de guerre civile, l’occupation américaine n’est-elle pas un moindre mal?» nous demande-t-on ces derniers jours.

Démocratiques ces élections? On peut en douter fortement. D’abord, une majorité d’Irakiens n’iront pas voter. Même le général en chef des troupes américaines US en Irak, Thomas Metz, l’a admis. «Des parties significatives de 4 provinces irakiennes sur 18 ne sont pas assez sécurisées pour que le vote ait lieu» .Ces 4 provinces composent le coeur de l’Irak. La moitié de la population y vit.

Il s’agit des provinces de Bagdad et Anbar (comprenant Fallujah et Ramadi) à l’Ouest. De celle de Nineveh comprenant Mossoul, la deuxième ville du pays. Enfin de celle de Salahadin (comprenant Tikrit). L’exclusion de ces provinces du scrutin lui enlève déjà toute représentativité.

Ensuite, si 75 partis et 9 coalitions électorales participent au scrutin , plus de 70 partis le boycottent. Les figures les plus connues qui se présentent sont mises en avant depuis des mois par les médias pro-occupation contrôlés par les Etats-Unis. Et ces partis sont largement financés par des ONG américaines .

Et comble du comble, la plupart des candidats seront anonymes. Oui, vous avez bien lu: la plupart des 275 candidats qui composent chaque liste sont représentés sur le bulletin de vote par … rien du tout. Et l’immense majorité des affiches électorales aux murs des villes sont celles de personnes qui ne présentent pas. Celle du grand ayotallah Ali al-Sistani. Mais aussi celle de Qassem, président d’Irak de 1958 à 1963. Tandis que la «fédération générale de la jeunesse irakienne» qui se présente aux élections a pour tête d’affiche… Ronaldinho, le célèbre joueur de football brésilien!

Quant aux observateurs internationaux, obligatoires au Venezuela ou en Ukraine, ils seront absents d’Irak. Un organisme contrôlera le déroulement des élections depuis… Amman en Jordanie .

Enfin, last but not least, ces élections se déroulent après une modification profonde de toutes les lois irakiennes par l’occupant américain. Or «suivant les conventions de Genève et de La Haye, la force occupante n’a pas l’autorité de changer les lois d’un pays occupé».

Entre-temps, le Pentagone a mis sur pied des escadrons de la mort, dans une opération connue sous le nom de code «Option salvadorienne», en référence à ce qui s’est passé dans ce pays d’Amérique centrale dans les années 80. C’est-à-dire l’assassinat systématique de milliers d’opposants connus ou supposés du régime en place. . Ces élections démontrent ainsi ce qu’est la démocratie impérialiste américaine: le libre choix entre les différents partis pro-US, même si c’est par une petite minorité de la population, même si c’est par la terreur contre tous ceux qui s’opposent à l’occupation.

200.000 insurgés, affirme le chef de l’espionnage irakien

«Une minorité de terroristes sunnites veut empêcher la victoire de la majorité chiite»
affirment les grands médias à l’approche des élections irakiennes du 30 janvier. «Peut-on ainsi résumer la situation?» nous demandait récemment un journaliste de France-Info (chaîne d’info en continu)

La division en Irak ne se situe pas entre sunnites et chiites . Les 4 provinces qui ne participeront pas aux élections sont des régions multi-ethniques. La résistance opère aussi dans le Sud irakien, à majorité chiite. L’expert militaire américain Anthony Cordesman admet qu’il y a jusqu’à 7 attaques majeures par semaine à Bassorah, la principale ville du Sud.

Et des mouvements chiites importants s’opposent aux élections. Le 16 janvier, des milliers de manifestants, partisans du leader chiite Moqtada Al-Sadr, se sont rassemblés devant le Ministère du pétrole. Parmi eux des ouvriers du secteur pétrolier, qui protestent contre les pénuries d’électricité et de…pétrole. «Il est vraiment dérangeant de voir tous ces politiciens uniquement intéressés par les élections. Ils devraient plutôt rencontrer les besoins de base des gens» affirmaient les manifestants.

Le célèbre journaliste britannique Robert Fisk affirme que ce sont les élections organisées par l’occupant qui peuvent développer des divisions religieuses. «Le véritable problème, ce n’est pas tellement la violence. La plus grande menace pour la démocratie est qu’avec quatre provinces contenant la moitié de la population de l’Irak en état d’urgence et la plupart de ces villes dans les mains des rebelles, ces élections aggraveront les différences entre sunnites, chiites et kurdes comme jamais auparavant.» Car les Américains ont déjà prévu de désigner eux-mêmes des représentants sunnites comme «députés» de ces provinces.

Ces élections n’offrent pas d’espoir à la majorité des Irakiens qui se tournent toujours davantage vers la résistance. Le général Mohammed Shahwani, chef de l’espionnage irakien pro-US, a dû l’avouer: «Je pense que la résistance est plus importante que l’armée américaine. Je pense que la résistance est composée de plus de 200.000 hommes…» Interrogé sur les raisons de l’ampleur de cette résistance, il a admis: «Les gens en ont marre après deux ans sans amélioration. Ils en ont marre de l’insécurité, du manque d’électricité, ils sentent qu’ils doivent faire quelque chose. Et je dirai qu’ils ne sont pas en train de perdre.»

Les Etats-Unis ne sont pas en Irak pour résoudre l’insécurité et arrêter les dangers de guerre civile. Au contraire. Ce sont eux qui développent depuis deux ans les contradictions ethniques et religieuses. Ce sont eux qui sont la première cause d’insécurité et les principaux responsables des 100.000 morts Irakiens jusqu’à aujourd’hui.

«Armée US hors d’Irak»,
diront dès lors les manifestants qui protesteront contre la venue de George Bush en Belgique les 21 et 22 février prochains.



Articles Par : Mohamed Hassan et David Pestieau

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