Pourquoi la Corée du Nord rejette les pourparlers avec la Corée du Sud

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Il n’y a aucune raison pour le Nord de tenir des pourparlers avec le Sud puisque Pyongyang n’a aucun besoin de ce qu’offre Séoul en ce moment

L’information selon laquelle la Corée du Nord aurait demandé 6 millions de dollars US à Séoul pour financer un recensement pourrait être considérée comme un dégel de Pyongyang pour les discussions avec le Sud. Ce serait faux.

C’est le Sud qui cherche activement à parler avec le Nord, proposant de discuter avec les militaires de Pyongyang et de négocier au sujet des familles séparées par la guerre de Corée.

Le refus de Pyongyang de s’engager peut se comprendre si l’on considère ce que peuvent lui apporter ces discussions.

Un point de départ pourrait être le besoin d’une aide alimentaire en raison de la sécheresse actuelle. Mais, depuis l’arrivée de l’aide en provenance de la Russie, et des ONG ainsi que d’autres agences assurant une aide supplémentaire non liée à des conditions, aucune discussion sur ce sujet n’est nécessaire.

Ensuite, il y a le besoin de produits pétroliers, mais ce besoin est couvert par la Chine – Pékin n’est pas prête à laisser Pyongyang s’effondrer.

On pourrait faire valoir que les pourparlers pourraient entraîner un allégement des sanctions, mais il n’y a aucune probabilité que les sanctions se terminent bientôt et, de toute façon, elles ne semblent pas avoir beaucoup d’effet, selon des rapports récents qui montrent que l’économie du Nord en réalité a progressé l’année dernière.

Du point de vue de Pyongyang, la Corée du Nord est dans une position supportable avec très peu de besoins et ne voit donc aucune nécessité d’aller chercher quoi que ce soit à Séoul.

Obtenir de l’argent pour financer un recensement dans le Nord serait le jackpot. Comme le Sud cherche à obtenir ces informations pour la planification de l’unification, la position de Pyongyang est que Séoul devrait payer pour cela.

Examinons la situation

Considérons plutôt les raisons pour lesquelles Pyongyang ne s’engagera pas dans les discussions à ce stade.

En faisant durer le suspense, Séoul est forcé de continuer à faire des supplications. Ainsi, lorsque le Nord répondra enfin, il exigera de plus en plus de concessions en échange de tout ce que le Sud demandera – les rassemblements familiaux, la fin des incidents de la DMZ (zone démilitarisée) ou la coopération sur le commerce intercoréen.

Ce que le Nord ne proposera pas dans la discussion, ce sont ses armes nucléaires ou ses programmes ICBM de longue portée. Ceci, bien sûr, se déplace à Washington, car c’est le seul problème dont les États-Unis sont prêts à discuter.

L’histoire récente est en faveur du fait que Pyongyang croit dur comme fer que ses armes nucléaires et ses vecteurs sont sa seule garantie de sécurité. Cela pourrait suggérer que les positions resteront, mais cela aussi peut être discuté.

De nombreux experts occidentaux estiment que la Corée du Nord est proche d’atteindre – si ce n’est déjà fait – la miniaturisation de ses dispositifs nucléaires pour compléter ses ICBM qu’il a montrés récemment.

 

Portées estimées de missiles nord-coréens connus.

En outre, d’autres observateurs croient qu’il ne faudra pas longtemps avant que le Nord ait un missile capable d’atteindre l’ensemble du continent américain.

Pyongyang travaille également sur des armes thermonucléaires, qui ont plusieurs fois la capacité de destruction des engins de classe Hiroshima / Nagasaki que l’on pense qu’ils possèdent déjà.

La question de savoir si les missiles du Nord soient aussi précis que les ICBM américains n’est pas pertinente. Même s’ils ne sont pas lancés avec une précision de pointe sur les bases américaines continentales, ils pourraient quand même exploser au-dessus de Seattle ou Honolulu.

Les responsables hawaïens n’ont pas manqué de noter cet aspect ; ils remettent au goût du jour leurs anciens exercices de sécurité de la Guerre froide.

Il est trop tard pour inverser les réalisations déjà atteintes par Pyongyang et une fois que ses objectifs sur les vecteurs des armes  nucléaires seront atteints, la relation entre la Corée du Nord et ses ennemis sera modifiée.

Kim Jong Un contrôlera son monde, c’est-à-dire que c’est Pyongyang qui choisira le moment où il sera intéressé à s’asseoir pour des pourparlers.

Robert E. McCoy

 

Source : Why North Korea is rejecting talks with South Korea, Asia Times, 24 juillet 2017

Traduction : AvicRéseau International

Photo : Le leader nord-coréen Kim Jong-un inspecte la fusée balistique stratégique à longue portée Hwasong-12 (Mars-12), image non datée. Photo: KCNA via Reuters

 

Robert E. McCoy est un retraité de l’US Air Force spécialiste de la Corée du Nord qui a vécu en Asie pendant plus de quatorze ans.

 



Articles Par : Robert McCoy

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