Pourquoi le Venezuela a-t-il surpris les déstabilisateurs néocoloniaux ?
Les annonces récentes du président Hugo Chavez pour son troisième mandat ont délié la paranoïa de la presse hégémonique, la répulsion de Washington et la panique des investisseurs. Une mise en scène préalable à l’orage.
Les cinq axes stratégiques qui marqueront la politique du gouvernement vénézuélien pendant les prochaines six années indiquent le saut qualitatif qui prétend donner la Révolution Bolivarienne. Chavez essayera d’approfondir le processus révolutionnaire qui a été entamé il y a déjà huit ans pour obtenir une refondation politique, économique, culturelle et sociale sur de nouvelles bases, de manière collective, afin de démonter les structures néolibérales qui freinent toute avance souveraine vers la véritable transformation et la justice sociale.
D’abord, on plaidera pour une « Loi Habilitante », qui permettra de concrétiser les nationalisations des services électricité et téléphonie, ainsi que le traitement du brut lourd dans les bouches de l’Orénoque. Ce sont des mesures qui devraient permettre de reprendre le contrôle des ressources stratégiques, actuellement entre les mains des multinationales étrangères, dans un processus semblable à celui qui a été mené en 2001 sur le secteur pétrolier.
D’autre part, on fera la promotion d’une réforme constitutionnelle pour introduire des changements juridiques – définis par le gouvernement bolivarien comme « complets et profonds » – autour du projet socialiste que propose Chavez.
L’éducation sera un autre des axes fondamentaux, afin de produire « un choc moral » qui transcende le cadre scolaire et comprend tous les espaces d’interaction sociale.
Le quatrième point propose de réviser la division politico-territoriale du Venezuela, afin d’obtenir une nouvelle distribution du pouvoir politique, économique, social et militaire, et qui termine, au même temps, avec la marginalisation dont souffrent certaines régions du pays.
Le dernier axe a été appelé « Explosion Révolutionnaire du Pouvoir Communal », dans une tentative pour créer des instances de participation démocratique depuis les bases communales pour remplacer progressivement les espaces institutionnels bourgeois.
Ces linéaments concrets, qui seront complétés la création du Parti Socialiste Uni du Venezuela, ont provoqué la surprise de divers secteurs du pouvoir international, comme si Hugo Chavez avait décidé d’approfondir la Révolution Bolivarienne du jour au lendemain.
Les moyens hégémoniques de communication n’ont pas économisé d’adjectifs pour décrire la surprise (« panique », « alarme », « polémique », « autoritarisme », etc.), ils se sont appuyés sur les indices négatifs de la Bourse de Caracas pour transmettre une sensation d’instabilité économique et ont parlé avec la partialité de l’opposition putschiste comme s’ils transmettaient le sentiment du peuple vénézuélien.
Mais les mesures annoncées par Chavez et ses positions pour le socialisme du XXIème Siècle ne peuvent surprendre personne qui suit la politique vénézuélienne avec une certaine régularité.
Le gouvernement bolivarien débat sur le socialisme depuis, au moins, deux ans. « Nous sommes en pleine transition vers le socialisme du nouveau siècle pour un nouveau Venezuela », a assuré le président Chavez dans le discours du 1er de mai 2005.
Pendant ce temps, plusieurs fonctionnaires américains ont critiqué la nationalisation des services et la modification des contrats pétroliers dans la Bande de l’Orinoco, comme le porte-parole du Département d’État, Sean McCormack ; le secrétaire d’Énergie, Samuel Bodman ; ou le porte-parole du Conseil de la Sécurité Nationale, Gordon Johndroe.
Tous sont sortis en défense de leurs propres multinationales (Verizon, AES Corp, ExxonMobil, Chevron et Conoco), qui seront les principales touchées par les nationalisations. Toutes se sont chargées de mettre bien en évidence qu’elles espèrent que le Venezuela assume des compensations « rapides » et « justes ». Et elles l’ont fait avec un certain ton menaçant.
N’est pas un hasard, dans ce cadre, le rapport présenté hier par le directeur d’Intelligence Nationale, John D. Negroponte, devant le Comité d’Intelligence du Sénat, dans lequel il a identifié Hugo Chavez et Evo Morales comme des « menaces » pour la sécurité des Etats-Unis. « Le plus grand risque pour la démocratie est le Venezuela et la Bolivie », a dit Negroponte (Celui qu’avait mis l’Amérique Centrale à feu et à sang dans les années 80).
Le fonctionnaire a aussi ajouté que « Chavez figure parmi les dirigeants anti étasuniens les plus voyants du monde » et qu’ « il continuera à essayer à miner l’influence des Etats-Unis non seulement au Venezuela mais sur le reste d’Amérique Latine ».
Ces considérations de l’intelligence étasunienne sont à peine la démonstration que, malgré ses problèmes au Moyen Orient, Washington est décidé à ne pas perdre le contrôle sur l’Amérique Latine. Il sait, sans doute, que l’approfondissement de la Révolution Bolivarienne aura un écho dans le cadre de l’intégration régionale sud-américaine et il aura recours à tous ses moyens pour résister au processus d’un peuple qui souhaite forger les chemins de sa propre destiné.
C’est pourquoi, il est nécessaire de comprendre que la surprise qui a été « retransmise » pendant les derniers jours fait partie d’une mise en scène médiatique qui prétend préparer le terrain pour la déstabilisation.
APM. La Plata. Argentina, 11 de Enero de 2007.
Traduction de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi.