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Pourquoi les bombardements d’Ashkelon sont l’ironie la plus tragique.
Par Robert Fisk
Mondialisation.ca, 07 janvier 2009
The Independant 7 janvier 2009
Url de l'article:
https://www.mondialisation.ca/pourquoi-les-bombardements-d-ashkelon-sont-l-ironie-la-plus-tragique/11667

Comme c’est facile de briser l’histoire des Palestiniens, pour effacer le récit de leur tragédie, éviter une ironie grotesque sur Gaza dont – dans autre conflit – les journalistes écriraient dans leurs premiers reportages : que les propriétaires originaux, légaux de la terre israélienne sur laquelle les roquettes du Hamas explosent, vivent à Gaza.

C’est pourquoi Gaza existe : parce que les Palestiniens qui ont vécu dans Ashkelon et les champs autour – Askalaan en arabe – ont été dépossédés de leurs terres en 1948 quand Israël a été créé et qu’ils sont finis sur les plages de Gaza. Ils – ou leurs enfants et petits-enfants et arrière-petits enfants – sont parmi les un million et demi de réfugiés palestiniens entassés dans la fosse d’aisance [1] de Gaza, 80% de ces familles ont vécu autrefois dans ce qui est maintenant Israël. Cela, historiquement, est la vraie histoire : la plupart des gens de Gaza ne viennent pas de Gaza.

Mais en regardant le spectacle des infos, vous croiriez que l’histoire a commencé hier, qu’une poignée de déments Islamistes barbus antisémites a surgi subitement dans les bidonvilles de Gaza – une sorte de décharge publique de gens indigents d’aucun origine – et a commencé à tirer des missiles vers un Israël paisible, démocratique, seulement pour se trouver face à la vengeance de droit de l’aviation israélienne. Le fait que les cinq sœurs tuées dans le camp de Jabalya avaient des grands-parents qui sont venus de la même terre, et que les propriétaires plus récents les ont maintenant bombardent à mort, n’apparaît absolument pas dans l’histoire.

Tant Yitzhak Rabin que Shimon Peres ont affirmé au cours des années 1990 qu’ils auraient juste voulu que Gaza parte, englouti dans la mer et vous pouvez voir pourquoi. L’existence de Gaza est un rappel permanent de ces centaines de milliers de Palestiniens qui ont perdu leurs maisons en Israël, qui ont fui ou qui ont été amené par la peur ou le nettoyage ethnique israélien il y a 60 ans, quand un raz-de-marée de réfugiés avaient quitté l’Europe à la suite de la Deuxième Guerre mondiale et quand une poigné d’Arabes ont été renvoyés de leur propriété cela n’a pas inquiété le monde.

Bon, le monde devrait s’inquiéter maintenant. Entassés dans quelques km carrés les plus surpeuplés au monde vivent des gens dépossédés qui ont vécu dans les ordures et les eaux usées et, depuis les dernier six mois, dans la faim et l’obscurité et qui ont été punis par nous, l’Ouest. Gaza a toujours été un endroit de rébellion. Il a fallu deux ans pour que la « pacification » sanglant d’Ariel Sharon, commencé en 1971, soit achevé et Gaza ne va pas être apprivoisé maintenant.

Hélas pour les Palestiniens, leur voix politique la plus puissante – je parle du défunt Edward Said, pas du corrompu Yassir Arafat (et comment doit-ils leur manquer aux Israéliens maintenant) – est silencieuse et leur situation difficile, en grande partie inexpliquée par leurs porte-parole déplorables, fous. « C’est l’endroit le plus terrifiant dans lequel j’ai jamais été », s’est exprimé Said à propos de Gaza. « C’est un endroit horrifiant de tristesse à cause du désespoir et de la misère dans lesquels les gens vivent. Je n’étais pas prêt à voir les camps qui sont bien pires que tout ce que j’ai vu en Afrique du Sud. »

Évidemment, on a laissé au Ministre des Affaires étrangères israélienne, Tzipi Livni, admettre que « quelquefois, les civils aussi, paient le prix », un argument qu’elle ne serait pas le sien, évidemment, si le nombre des morts était inversé. En effet, c’était instructif d’entendre hier un membre de l’American Enterprise Institute – en répétant comme un perroquet fidèlement les arguments d’Israël – défendre le nombre scandaleux de morts palestiniens en disant qu’il était « inutile de jouer au jeu de chiffres ». Pourtant si plus de 300 Israéliens avaient été tués – contre deux Palestiniens morts – soyons sûrs que le « jeu des chiffres » et la violence disproportionnée auraient été des plus importants. Le fait est que les morts palestiniennes importent beaucoup moins que les morts israéliennes. C’est vrai, nous savons que 180 de ces morts étaient des membres du Hamas. Mais le reste ? Si le chiffre prudent de l’ONU de 57 morts civiles est correct, le nombre de morts continue encore à être une honte.

Voir tant les Etats-Unis que la Grande-Bretagne s’abstenir de condamner l’attaque israélienne en blâmant le Hamas n’est pas surprenant. La politique étasunienne du Moyen-Orient et la politique israélienne sont indissociables maintenant et Gordon Brown suit avec la même dévotion du chienchien pour l’administration de Bush que son prédécesseur.

Comme d’habitude, les satrapes arabes – en grande partie payés et armés par l’Ouest – sont silencieux, en demandant grotesquement un sommet arabe sur la crise qui va (même s’il a lieu), nommez un « comité d’action » pour établir un rapport qui ne sera jamais écrit. Car c’est la ligne avec le monde arabe et ses dirigeants corrompus. Quant au Hamas, ils apprécieront, évidemment, l’embarras de ces potentats arabes attendant cyniquement Israël pour leur parler. Ce qu’ils feront. Effectivement, d’ici quelques mois, nous entendrons dire que Israël et le Hamas ont eu des « pourparlers secrets » – comme on l’a été le cas autrefois entre Israël et la chaque fois plus corrompue OLP. Mais d’ici là, les morts auront été enterrés depuis longtemps et nous ferons face à la crise suivante depuis la dernière.

Article original en anglais: Robert Fisk: Why bombing Ashkelon is the most tragic irony, The Independant, 30 décembre 2008.

Traduction de l’anglais pour El Correo de : Estelle et Carlos Debiasi.

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