Pourquoi les pulsions de répression gouvernementales menacent l’équilibre de la justice française

Macron est clair : «Je réprime, et dès que c’est consolidé je réattaque».

Mes obsessions ne me quittent pas et je vais encore tonner contre les dérives liberticides de ce pouvoir illégitime, et cette volonté avérée de passer en force pour appliquer la feuille de route donnée à Emmanuel Macron par l’oligarchie qui l’a choisi et installé frauduleusement à la présidence de la république.

Je crois que le temps des circonlocutions est largement passé et qu’il faut appeler un chat un chat. Comme le disait Nelson Mandela : « C’est toujours l’oppresseur, non l’opprimé qui détermine la forme de lutte. Si l’oppresseur utilise la violence, l’opprimé n’aura pas d’autre choix que de répondre par la violence. Dans notre cas, ce n’était qu’une forme de légitime défense. »

Cela ne veut pas dire que destructions et pillages soient des armes légitimes, mais que la violence est bien du côté de ce pouvoir.

J’ai répondu aux questions d’Atlantico à propos de cette volonté clairement affirmée de durcir encore une répression déjà très violente.

On la trouvera ci-dessous. Ainsi que le lien qui mène à l’originale.

Regis de Castelnau


TENSIONS SUR L’ETAT DE DROIT

Pourquoi les pulsions de répression gouvernementales menacent l’équilibre de la justice française

Dernier épisode en date : le ministre de l’intérieur Christophe Castaner a déclaré vouloir faire payer la casse aux gilets jaunes Maxime Nicolle et Eric Drouet.

Atlantico : Dans un article publié le 13 mars, vous dénonciez la plainte déposée par l’Ecole polytechnique sous la pression du gouvernement envers un ancien étudiant accusé d’avoir manifesté au côté des Gilets jaunes en uniforme. Que traduit cette plainte de la stratégie du gouvernement dans la répression des Gilets jaunes ?

Régis de Castelnau : Effectivement, j’avais relevé une petite histoire prise dans le feuilleton « gilets jaunes » et qui me semblait symboliser assez précisément certains enjeux des événements qui se produisent dans notre pays depuis quatre mois. La révolte populaire qu’incarne ce mouvement a fait venir au jour de façon criante le considérable clivage social qui divise aujourd’hui notre pays.  Personne ne peut le contester, aujourd’hui c’est France d’en haut contre France d’en bas. Un ancien élève de polytechnique avait souhaité porter un message, celui du refus d’une partie des élites de pratiquer le mépris de cette France populaire et lui manifester sa solidarité. Inspiré du précédent du fameux bicorne reproduit par Delacroix dans son célébrissime tableau : « la liberté guidant le peuple », il s’est rendu à une des manifestations des gilets jaunes revêtu du fameux uniforme noir de cérémonie. Qui n’est pas un uniforme militaire et dont l’usage postérieur à la sortie de l’école n’est pas réglementé. Minuscule événement, sans aucune mention dans la presse, il n’en fallait pas plus pour que la fibre ultra répressive de Madame Belloubet s’enflamme. Ordre fut donné à la direction de l’école de déposer plainte entre les mains du procureur pour une incrimination inepte : « port illégal d’uniforme ». Ce que cette anecdote raconte c’est le choix fait par le pouvoir depuis la fin du mois de décembre de ne répondre au mouvement des gilets jaunes que par une répression violente. En dehors d’un débat national transformé en campagne électorale illégale et monologue narcissique, aucune solution politique quelle qu’elle soit n’a été envisagée ou proposée. Seulement une répression, destinée à punir et terroriser outils de la volonté inébranlable du président de continuer l’application de la feuille de route à lui fixée par les grands intérêts qui l’ont porté à la présidence. Dans la fameuse interview à l’occasion de laquelle il nous avait expliqué le parler des boxeurs gitans, la présence russe dans les manifestations, et annoncé sa volonté d’installer des commissaires politiques dans les rédactions, il y avait une petite phrase qui n’a pas été relevée : « Je ressoude, et dès que c’est consolidé je réattaque ». Pour ressouder, il faut apeurer le bourgeois, puis terroriser le mouvement par une répression judiciaire et policière sans précédent. Cela explique l’ahurissante attitude de Nicole Belloubet qui revendique triomphalement son bilan d’une répression de masse dont le praticien sait qu’elle ne peut être conforme à la loi et aux principes. Les arguments de ce pouvoir passent désormais par la revendication de quotas d’emprisonnés (!) ce qui n’est pas sans rappeler de très mauvais souvenirs. Cette volonté répressive se manifeste également par des poursuites invraisemblables contre des gens pour des motifs parfaitement futiles mais qui garantissent garde à vue et lourdes condamnations. Tel aura crié « Castaner assassin » dans une manifestation, tel autre aura partagé une page Facebook, tel autre encore aura tapé du tambour, et tous vont voir de quel bois se chauffe un corps judiciaire qui jusqu’à présent n’a vu aucun inconvénient à prendre en charge le sale boulot. Pour Emmanuel Macron, ressouder c’est réprimer violemment, réattaquer c’est reprendre l’entreprise de démolition en commençant bien sûr par les opérations open bar pour la finance que sont les privatisations des fleurons économiques de la nation.

Atlantico : Après les violences survenues lors de l’acte 18 des Gilets jaunes, Christophe Castaner a annoncé vouloir poursuivre Eric Drouet et Maxime Nicolle. Le ministre de l’intérieur a notamment souhaité qu’ils assument « financièrement » le coût des dégâts. Juridiquement, cette volonté est-elle fondée ?

Régis de Castelnau :  En général, plus personne n’écoute Christophe Castaner, ridiculisé depuis déjà longtemps et qui chaque jour ajoute un épisode à un feuilleton particulièrement accablant. Ministre de l’intérieur, « sept jours sur quatre (!) » comme il l’a affirmé sur LCI, il va s’exhiber faisant la bringue en galante compagnie, les soirs de manifestation. Qui peut le prendre au sérieux ? Le problème est qu’il n’est pas le seul à avancer ce genre de proposition que l’on entend souvent reprises par les préposés habituels de la macronie.

Sur le plan juridique par application de l’article 433–10 du Code pénal les poursuites sont possibles contre ceux qui auront provoqué à la rébellion. Avec cette particularité que si cette provocation a été réalisée par voie de presse (écrite ou audiovisuelle), c’est l’article 24 de la loi de 1881 qui s’applique. Cet article est beaucoup plus répressif que celui du code pénal, il sanctionne tous les appels à la commission des crimes et délits prévus par le Livre IV du Code pénal intitulé : des crimes et délits contre la nation, l’Etat et la paix publique. Ces outils répressifs remaniés récemment, ne sont pas à la gloire de notre pays où l’on n’aime pas beaucoup la liberté d’expression. Et leur rédaction permet en général d’incriminer ce qui en relève normalement. Mais il s’agit là d’infractions en elles-même et qui peuvent être réprimé comme telles.

En revanche l’utilisation à tort et à travers du terme « complicité », par exemple très récemment par Aurore Bergé est très inquiétant. En droit pénal la complicité implique des actes positifs contribuant à la commission de l’infraction. Le fait de justifier les violences, d’appeler à les commettre, ou de les approuver a posteriori ne relève en aucun cas du concept juridique de « complicité ». Or c’est sur celui-ci que Christophe Castaner et d’autres s’appuient pour menacer de faire supporter à des gens qui n’ont en rien participé directement à la commission des délits eux même, la charge financière des préjudices subis. Rappelons un principe fondamental, la responsabilité collective en matière pénale est absolument prohibée. Par conséquent, on ne peut être condamné à réparer un dommage que si on l’a commis directement ou participé à sa commission. Je dis que l’utilisation du terme complicité est inquiétante dans la mesure où on ferait d’un propos, un élément constitutif du délit commis par les manifestants violents avec lesquels on n’a aucun rapport. Aurore Bergé parle elle « d’armement intellectuel » ! Et comme ce pouvoir nous en a donné l’habitude avec une Assemblée nationale complètement caporalisée, le moment de doit pas être loin où elle sera saisie d’un texte établissant une responsabilité collective permettant de condamner pénalement et financièrement toute personne exprimant soutien ou compréhension à un mouvement populaire quelconque, pour peu que les manifestations de celui-ci aient donné lieu à des débordements. Et allez savoir pourquoi, je n’ai pas une confiance excessive dans un Conseil constitutionnel présidé par Laurent Fabius et que vient d’intégrer Alain Juppé…

Atlantico : Emmanuel Macron a limogé le préfet de police de Paris et l’éxécutif a annoncé vouloir interdire certaines manifestations. Alors que 39% des Français pensent que seule une révolution pourrait changer la situation (sondage IFOP du 20 mars), la stratégie de fermeté d’Emmanuel Macron peut-elle désamorcer les tensions ou au contraire marque-t-elle une dérive autoritariste pouvant provoquer une escalade ?

Régis de Castelnau :  Toujours la même stratégie, refus d’écouter, d’entendre, de changer quoi que ce soit, de renoncer à des comportements insupportables aux couches populaires et n’opposer à des revendications légitimes qu’une répression, violente si nécessaire. L’interdiction des manifestations sera la prochaine marche, mais Emmanuel Macron soyons en sûr en montera d’autres. Le préfet Delpuech a été limogé parce que les forces de police auraient utilisé modérément cette fois-ci les fameux LBD dont l’usage a provoqué tant de blessures graves et scandalisé l’opinion publique internationale. Le préfet n’a pas été assez violent, donc dehors, voilà le prétexte avancé, et il en dit long.

La dérive autoritaire, et la violence des répressions policières et judiciaires relèvent du constat d’évidence. Les nier relève soit d’un soutien politique sans faille au système Macron, celui que l’on retrouve chez tant d’éditorialistes, soit d’un aveuglement incompréhensible. Surenchère dans la répression judiciaire de masse avec un bilan inconnu depuis la guerre d’Algérie, adoption de textes liberticides par une Assemblée nationale aux ordres, au plan des libertés publiques, la France du locataire de l’Élysée a vraiment très mauvaise mine.

Je suis de ceux qui ont considéré qu’en raison du financement de sa campagne et des manœuvres judiciaires qui l’ont émaillée, la légitimité juridique de l’élection d’Emmanuel Macron était particulièrement faible.

Force est de constater, et toutes les études en rendent compte, que sa légitimité politique est-elle aussi désormais très faible. Refuser toute réponse politique et ressouder par une répression de masse pour réattaquer ?

Ce Président nous emmène sur des chemins dangereux.

Mâitre Régis de Castelnau



Articles Par : Me Régis de Castelnau

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