Préserver les forêts grâce au marché du carbone

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Les changements climatiques ne sont plus un phénomène à venir, mais une réalité à laquelle nous sommes désormais confrontés comme en font foi notamment les récentes inondations qui ont durement touché la région de Baie St-Paul et les incendies forestiers qui attaquent notre patrimoine forestier. En effet, le Québec est en voie de connaître sa pire année de feux de forêts depuis des décennies et de vastes étendues de forêts sont affectées par la tordeuse des bourgeons de l’épinette. La question sur toutes les lèvres : Est-il possible de prévoir une stratégie qui contribuera à diminuer la vulnérabilité de nos forêts ?

Rappelons que le récent rapport sur l’état des forêts du Canada démontre que les forêts canadiennes sont devenues depuis une vingtaine d’années de nettes émettrices de CO2 en raison de leur mauvaise gestion face aux changements climatiques. Est-il possible de renverser cette tendance?

Par manque de moyens, de vastes étendues forestières laissées à elles-mêmes sont systématiquement détruites par les insectes, les maladies et les incendies qui retournent dans l’atmosphère des quantités phénoménales de carbone séquestrées par ces arbres. La préservation et la résilience des forêts passent par un aménagement forestier durable qui met à profit la science et les technologies les plus avancées (télédétection, modélisation, interventions locales) et permet d’identifier à la fois les zones d’intervention prioritaires (foyers d’infection, zones à risque d’incendies) et les zones de protection. 

Par la diversification des plantations et un prélèvement ciblé de la ressource forestière dans des zones adéquatement aménagées, il est possible tout à la fois d’augmenter la résilience de la forêt et mettre en marché une source d’énergie renouvelable, un matériau de construction carboneutre et des  crédits compensatoires.

La production de crédits compensatoires de carbone forestier mise en effet sur un plan d’aménagement qui protège mieux le territoire contre les feux de forêts, les infestations d’insectes et les chablis. Ce type d’aménagement régi par des protocoles de certification rigoureux favorise la biodiversité, la productivité et la pérennité de la forêt face aux aléas climatiques tout en procurant des revenus substantiels et des possibilités d’emploi aux parties concernées. Dans une analyse récente, la firme Price Waterhouse Coopers estime que le prix des crédits compensatoires pourrait plus que doubler d’ici 2030,[1] faisant de ce secteur d’activité l’un des domaines d’investissement les plus rentables.

En 2018, en réaction au Bilan quinquennal sur l’aménagement durable des forêts, le Forestier en chef du Québec recommandait d’accroître la contribution de la forêt dans la lutte contre les changements climatiques en intensifiant son aménagement pour hausser sa productivité et la séquestration de carbone; de favoriser la recherche, le développement de nouveaux produits et de marchés; et d’utiliser l’ensemble des statuts d’aires protégées reconnus par l’Union internationale pour la conservation de la nature qui permettent une utilisation durable de la ressource.  

L’aménagement des forêts en vue de produire et vendre des crédits compensatoires permet de répondre à ces propositions du Forestier en chef et de financer les travaux d’aménagement, de suivi  et d’intervention. Un rapport du CERFO (Centre d’enseignement et de recherche forestière) publié en 2013 démontrait déjà l’intérêt de créer des aires protégées d’aménagement durable de catégorie VI où des interventions forestières ciblées favoriseraient la résilience de la forêt, la protection du caribou forestier et la pérennité de l’industrie forestière.

Alors que le Québec vient de publier un protocole régissant la production de crédits compensatoires en forêt privée, il est temps d’envisager une stratégie en vue de la production de crédits carbone en forêt publique et de l’aménager en conséquence pour le bénéfice de notre patrimoine forestier et de la société québécoise. 

Jacques Prescott

Gaston Déry

 

Note :

1.Considerations for accessing high-quality carbon offsets as part of the Net Zero transition – PwC UK

Jacques Prescott, M.Sc., biologiste, professeur associé à la Chaire en éco-conseil de l’UQAC 

Gaston Déry, ing.f., M.Sc., C.M.,C.Q. Conseiller stratégique, développement durable

 



A propos :

Jacques Prescott, M.Sc. est consultant international et professeur associé à la Chaire en éco-conseil de l’Université du Québec à Chicoutimi; ex-fonctionnaire au ministère de l’Environnement, il a été au cœur de la démarche de développement durable du Québec.

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