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Printemps raté dans le « pays du pillage » ukrainien.
Par Pepe Escobar
Mondialisation.ca, 10 mars 2014
Asia Times
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https://www.mondialisation.ca/printemps-rate-dans-le-pays-du-pillage-ukrainien/5372830

Voici l’exceptionnelle promotion de la « démocratie » en action des Etats-Unis ; Washington a reconnu un « coup d’Etat » en Ukraine en un changement de régime d’un gouvernement démocratiquement élu- , pour toutes ses fautes manifestes

Et voici , le président russe Vladimir Poutine, déjà l’an dernier, discutant de comment la Russie et la Chine ont décidé de faire du commerce en roubles et yuan et soulignant comment la Russie a besoin de quitter le « monopole excessif » du dollar US. Il devait être conscient que l’Empire riposterait.

Maintenant il y a plus ; le conseiller du président russe Sergey Glazyev a dit à RIA Novosti, « La Russie abandonnera le dollar US comme devise de réserve si les États-Unis lancent des sanctions contre la Fédération de Russie. »

Donc l’Empire a riposté en donnant « un petit coup de pousse » au changement de régime en Ukraine. Et Moscou a riposté en prenant le contrôle de la Crimée en moins d’un jour sans coup de feu, avec ou sans les brigades d’élite de Spetsnaz (les Think tanks britanniques disent qu’elles y sont ; Poutine dit qu’elles n’y sont pas).

L’évaluation de Poutine à propos ce qui est arrivé en Ukraine est correcte dans les faits ; « une prise de contrôle anticonstitutionnelle et une prise armée du pouvoir ». C’est ouvrir une discussion sans fin, plutôt désagréable, que le Kremlin ait réagi de façon excessive ou non. Considérant le souvenir de diabolisation absolue tant de la Russie que de Poutine des années durant – et atteignant maintenant son plus haut niveau – la réaction rapide du Kremlin fut tout à fait mesurée.

Poutine a appliqué Sun Tzu à la lettre et joue maintenant les Etats-Unis d’Amérique contre l’UE. Il a précisé que Moscou n’a pas besoin « d’envahir » l’Ukraine. Le traité de partition d’Ukraine-Russie de 1997 permet notamment des troupes russes en Crimée. Et la Russie est enfin un partisan actif de souveraineté d’Etat ; c’est sous ce principe que Moscou refuse une « intervention » de l’Occident en Syrie.

Il a laissé la porte ouverte pour – oh cosmique ironie des ironies- une invention/intervention US (et cela, comme prévu, était non détectable par les grands médias de l ’Ouest) ; le R2P de l’ONU – « la responsabilité de protéger » – dans le cas où les fascistes et néo-nazis pro-ouest en Ukraine menacent des Russes ou des civils parlant russe par un conflit armé. Samantha Power devrait être fière d’elle.

N’ignorez pas l’intelligence russe.

« L’Ouest » a appris encore une fois qu’il ne faut pas se tromper avec l’intelligence russe, qui en un mot établit une réplique du coup à Kiev en Crimée, en grande partie précipitée par UNA-UNSO – un obscur groupe d’extrême droite de supers paramilitaires liés à l’OTAN en utilisant l’Ukraine comme base, comme l’expliqueWilliam Engdahl.

Et la Crimée était une opération encore plus glauque, parce que ces néo-nazis de l’Ukraine de L’Ouest étaient en tandem avec les djihadistes tatar (que la Maison de Saud sera grandement tentée de financer dorénavant).

Le Kremlin a raison dans les faits en montrant que le coup a été essentiellement condsuit par les fascistes et l’extrême droite « nationaliste » – le code de L’Ouest pour les néo-nazis. Svoboda (« Liberté) dont le membre Yury Noyevy a même reconnu ouvertement que l’utilisation de l’intégration d’UE comme prétexte « est un moyen de casser nos liens avec la Russie. »

Les grands médias de l’Ouest oublient toujours commodément que Svoboda – aussi bien que la droite fasciste – suit les pas du fasciste/terroriste Galicien, Stepan Bandera, un membre connu du panier des intel-agences de « L’Ouest ». Maintenant Svoboda a réussi à n’insérer rien de moins que six de ses huiles dans le cadre du nouveau régime à Kiev.

Puis, il y a les nouveaux gouverneurs régionaux nommés surtout dans l’est russophone et au sud de l’Ukraine. Ils sont – qui d’autres – les oligarques, tels que les milliardaires Sergei Taruta placé à Donetsk et Ihor Kolomoysky placé dans Dnipropetrovsk. Les gens à Maidan à Kiev protestaient surtout contre – qui d’autres – les kleptocrates oligarques. Encore une fois, les grands médias de L’Ouest – qui ont matraqué sans relâche un soulèvement « populaire » contre la kleptocratie – ne l’ont pas remarqué.

Une fois encore, suivez l’argent

Les réserves de devises étrangères de l’Ukraine, ont plongé seulement durant les quatre dernières semaines, de 17.8 milliards à 15 milliards de dollars. Quelqu’un veut il acheter un hryvnia ? Bien, pas vraiment ; la monnaie nationale est sur un plongeon cosmique contre le dollar US. C’est de drôlement bonnes nouvelles seulement pour les vautours du capitalisme du désastre.

Et dès le signal, le Fonds Monétaire International (FMI) envoie une « mission d’enquête » en Ukraine cette semaine. Les Ukrainiens de tous bords peuvent courir, mais n’échapperont pas à « l’ajustement structurel ». Ils pourraient toujours essayer de gratter assez pour un billet avec leur hryvnia sans valeur (être éligible pour un visa à l’arrivée en Thaïlande aide certainement).

Les banques européennes – qui selon le Bank for International Settlements (BIS) [Règlements internationaux pour les banques] détiennent plus de 23 milliards de dollars en prêts exceptionnels – pourraient perdre gros en Ukraine. Les banques italiennes, par exemple, ont prêté presque $6 milliards de dollars.

Sur le front des Pipelineistan, l’Ukraine dépend lourdement de la Russie ; 58 % de son approvisionnement en gaz. Elle ne peut pas vraiment le diversifier et commencer à acheter au Qatar demain – avec livraison via qui ? Les Compagnies aériennes du Qatar ?

Et même si 66 % de gaz russe exporté vers l’UE transite par l’Ukraine, le pays perd vite son importance comme plateforme de transit. Tant le Nord Stream que les pipelines du Sud Stream- la Russie pas sur la terre mais sous les mers – évitent l’Ukraine. Le Nord Stream, fini en 2011, relie la Russie avec l’Allemagne sous la Mer Baltique. Le Sud Stream, sous la Mer Noire, sera prêt avant la fin 2015.

Géo-économiquement, l’Empire a besoin de l’Ukraine pour qu’elle soit hors de l’union économique eurasienne promue par le Kremlin – qui inclut aussi le Kazakhstan et la Biélorussie. Et géopolitiquement, quand le Secrétaire général de l’OTAN, la vaine marionnette Anders Fogh Rasmussen, a dit qu’un package du FMI-UE pour l’Ukraine serait un « booster important pour la sécurité Euro-Atlantique », c’est ce qui l’a déclenché ; la seule chose qui importe dans ce jeu global est l’OTAN « annexant » l’Ukraine, comme je l’ai expliqué plus tôt.

Cela a toujours été à propos de l’Empire des Bases – comme l’encerclement de l’Iran ; comme le « pivot » en Asie traduit à travers encerclement de la Chine ; comme l’encerclement de la Russie par des bases et « le bouclier anti-missiles ». Par dessus le cadavre du Kremlin, bien évidemment.

Allons-z-y, pillons ce terrain vague

Le Secrétaire d’Etat US John Kerry accusant la Russie « d’envahir l’Ukraine », en « violation du droit international » et « de retour au 19ème siècle », est si spectaculairement pathétique dans son hypocrisie – une fois encore, regardez le palmarès des Etats-Unis d’ Amérique – cela ne suscite commentaire d’aucun observateur informé. Incidemment, c’est aussi pitoyable que son offre d’un misérable milliard de « prêt garanti » – qui paierait à peine les factures de l’Ukraine pendant deux semaines.

L’administration d’Obama – surtout l’adorable néo-cons du « F ** k l’UE » – a perdu son jeu de pouvoir. Et pour Moscou, il n’y a aucun interlocuteur à Kiev parce qu’il considère illégaux ceux qui ont changé le régime . Moscou considère aussi « l’Europe » comme un bouquet de perdants pleurnichards gâtés – sans politique étrangère commune.

Donc toute médiation dépend maintenant de l’Allemagne. Berlin n’a pas le temps pour des « sanctions » – sacro-saint exceptionnalisme mantra US ; la Russie est un marché somptueux pour l’industrie allemande. Et malgré toutes les vociférations de The Économist et du Financial Times, la City de Londres ne veut pas non plus de sanctions ; le centre financier se nourrit des généreux fonds politico/oligarchiques russes. Quant à la « punition » de l’Ouest pour la Russie en menaçant de l’expulser du G8, c’est une plaisanterie. Le G-8, qui ne comprend pas la Chine, ne décide rien de pertinent ; le G-20 lui le fait.

Si un large sondage devait être conduit aujourd’hui, il révélerait que la majorité d’Ukrainiens ne veut pas faire partie de l’UE – autant que la majorité d’Européens ne veulent pas de l’Ukraine dans l’UE. Ce qui est parti pour les millions d’Ukrainiens c’est la vampirisation par le vampire FMI, dûment approuvée par « Yats » (comme le Premier ministre Yatsenyuk est désigné par Vic « F ** k l’UE » Nuland). L’Ukraine se traine vers une fédéralisation. Ceux qui ont changé le régime de Kiev n’auront pas de mot à dire sur la Crimée autonome – qui restera certainement comme partie de l’Ukraine (et la Russie à propos économisera 90 millions de dollars de loyer annuel pour la base de Sébastopol, qui était payé jusqu’à présent à Kiev.)

La fin de partie est tout sauf écrite ; Moscou contrôle une Crimée autonome gratuitement, et le « contrôle » US /UE ou essayer de piller, dans le style du capitalisme du désastre, sur le terrain vague de l’Ukraine de l’Ouest « dirigé » par une bande de marionnettes de L’Ouest et d’oligarques, avec des notions de néo-nazis.

Alors, que va faire ce duo de maîtres stratèges Obama/Kerry ? Commencer une guerre nucléaire ?

Pepe Escobar

Article original en anglais : « Spring fails in Ukrainian plunder land », Asia Times , 5 mars 2014.

Traduit de l’anglais pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi, El Correo. Paris, le 8 mars 2014.

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Pepe Escobar est  journaliste .  Il est aussi l’auteur de : « Globalistan : How the Globalized World is Dissolving into Liquid War » (Nimble Books, 2007) ; « Red Zone Blues : a snapshot of Baghdad during the surge » ; « Obama does Globalistan  » (Nimble Books, 2009).

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