Prof. Kari Polyani Levitt: Reconquérir la souveraineté du Canada. Le 14 juin 2023, nous célébrons le 100e anniversaire de Kari

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Ce week-end, amis et famille se retrouveront à Montréal pour célébrer le 100e anniversaire de Kari Polyani Levitt.

Bien que la santé de Kari soit fragile, elle reste ferme dans sa compréhension et son analyse incisive des événements mondiaux, engagée en faveur de la souveraineté nationale et des droits de l’homme fondamentaux.

Elle constitue une voix puissante dans la compréhension et l’analyse de l’hégémonie américaine et de l’économie politique mondiale.

Son premier livre, publié en 1970, s’intitule Silent Surrender : The Multinational Corporation in Canada, a prédit avec clairvoyance, il y a plus d’un demi-siècle, ce qui se passe aujourd’hui.

« Publié pour la première fois en 1970, Silent Surrender a contribué à former une génération d’étudiants à l’économie politique canadienne. Kari Polyani Levitt y détaille le contexte historique des investissements étrangers au Canada, leur accélération depuis la Seconde Guerre mondiale et la nature des intrusions des multinationales dans un État souverain ».

Plus de cinquante ans plus tard, voici le message qu’elle adresse aux Canadiens :

« Oui, je pense que ceux d’entre nous qui s’inquiétaient de la façon dont les entreprises canadiennes se vendaient aux multinationales américaines craignaient que cela ne conduise à une perte de souveraineté.

Et je pense que c’est le cas. C’est ce qui s’est passé. Nous avons moins de souveraineté qu’il y a quelque temps ». (Kari Polyani Levitt, 30 juin 2021)

Longue vie à Kari Polyani Levitt

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Kari Polanyi Levitt a concentré son attention sur la façon dont le Canada perd sa souveraineté et son indépendance sur la scène internationale et sur la façon dont nous pourrions revendiquer à nouveau l’âme d’une nation fière.

Cliquez ici pour télécharger l’audio (format MP3)en anglais

Transcription – Entretien avec le professeur Polanyi Levitt, 30 juin 2021

Global Research : Depuis que vous avez écrit votre livre il y a 50 ans jusqu’à aujourd’hui, il semble qu’il y ait eu plus d’intégration entre nos deux pays, n’est-ce pas ?

Kari Polanyi Levitt : Oui, en effet.

GR : Je veux dire que c’est quelque chose que vous auriez pu prévoir à l’époque ? Ou s’agit-il plutôt d’un, je veux dire, entre le moment où vous avez écrit ce livre et aujourd’hui, c’est à peu près le genre de résultat auquel vous vous attendiez ?

KPL : Oui, je pense que ceux d’entre nous qui s’inquiétaient de la façon dont les entreprises canadiennes se vendaient aux multinationales américaines craignaient que cela ne conduise à une perte de souveraineté. Et je pense que c’est le cas. C’est ce qui s’est passé. Nous avons moins de souveraineté qu’il y a quelque temps.

GR : La croissance depuis cette époque, je veux dire que nous avons eu leurs accords de libre-échange, n’est-ce pas ? Dans les années 1980, l’accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, l’ALENA, et nous avons eu des militaires… nos armées sont devenues de plus en plus étroitement liées. Nos armées sont devenues de plus en plus étroitement liées, ce qui a encore renforcé le continentalisme. Toutes ces décisions distinctes se sont-elles ajoutées aux investissements américains pour accroître le contrôle des États-Unis sur le Canada ou faisaient-elles partie d’un même schéma ? D’abord, on augmente les investissements, puis on tente une intégration de plus en plus poussée…

KPL : Je pense que oui, cela fait partie du même schéma.

GR : Oui, donc vous dites que, ce que je vous demande, c’est depuis combien de temps les différentes étapes de l’intégration ont-elles été planifiées ? S’agit-il d’une sorte de calendrier où l’on dit, maintenant ceci, puis cela, et ensuite nous ajouterons un accord de libre-échange lorsque le moment sera venu ? Ou bien l’idée du libre-échange et des autres aspects de l’intégration s’est-elle imposée au moment opportun ?

KPL : Eh bien, les accords de libre-échange du type dont nous parlons étaient un phénomène mondial, ils n’étaient pas propres au Canada. Mais nous avons connu ce que l’on appelle la mondialisation, ce qui signifie en fait… le pouvoir du capital international, en particulier du capital financier. Ce dont j’aimerais que nous parlions, c’est qu’à l’approche de la fête du Canada, beaucoup de gens se demandent s’ils doivent la célébrer ou plutôt se préoccuper du phénomène des pensionnats et des jeunes gens dans les tombes anonymes. J’aime parler du présent et de ce qui s’est passé depuis que j’ai écrit ce livre. C’est un livre important. Et il reste important.

GR : Il est certain qu’en 2021, nous reconnaissons aujourd’hui que les pensionnats ont joué un rôle important dans notre passé. Mais en sommes-nous vraiment arrivés au point où… quelque chose de spécial se produit maintenant, ou est-ce que nous voyons simplement notre ensemble, est-ce que nous voyons simplement notre ensemble… trouver un moyen de déplacer notre dépendance envers les pensionnats vers quelque chose d’autre. Parce qu’il semble que, malgré tout ce que dit le premier ministre, les peuples indigènes sont toujours soumis à des choses brutales, comme la représentation plus élevée que la moyenne dans les prisons, par exemple. Qu’en pensez-vous ?

KPL : Le fait est que ce pays a été construit par des gens qui voyaient les peuples autochtones de manière très négative. Les pensionnats n’auraient jamais existé s’ils ne faisaient pas partie de la culture de ce pays. Et je pense que beaucoup de gens se rendent compte que c’est regrettable et mauvais. Et qu’il faut faire quelque chose pour améliorer les relations entre les communautés de colons qui constituent la population canadienne et les peuples indigènes.

GR : Oui, est-ce que vous… est-ce que les signes montrent que nous allons aller dans cette direction ?

KPL : Je n’en suis pas sûr. Il est évident qu’un nombre croissant de Canadiens n’en apprennent que maintenant l’existence et qu’ils sont inquiets. Mais pour vous dire la vérité, lorsque vous m’avez appelé pour parler de politique étrangère, j’ai pensé que c’était ce que nous allions faire. Et ce que je pense, c’est que le Canada, à bien des égards, jouit d’une bonne réputation dans le monde, mais que nous n’agissons pas de notre propre initiative. Nous suivons le sillage des États-Unis en matière de politique étrangère. Et je pense qu’il s’agit d’une situation très dangereuse parce que, même si je considère l’existence de défis auxquels l’humanité est confrontée, l’un d’entre eux est de savoir comment nous empêcher de nous engager dans une destruction mutuelle par l’utilisation d’armes atomiques. Et parce qu’il est membre de l’OTAN, le Canada ne mène pas une politique étrangère indépendante, mais s’aligne sur les préoccupations actuelles des États-Unis. J’aimerais que nous exercions notre indépendance, et c’est l’un des avantages d’avoir des nations.

GR : L’armée est… il n’y a pas de division claire entre les armées, mais voyez-vous la nation d’une manière ou d’une autre… je veux dire, sommes-nous si unis que nous ne puissions pas nous détacher même si nous le voulions ? Lorsqu’il s’agit de voter à l’ONU sur les missiles nucléaires ou sur d’autres sujets de ce genre, avons-nous encore le pouvoir de nous opposer aux Etats-Unis ?

KPL : Nous en avons autant ou aussi peu que par le passé. Nous n’en avons pas moins. Même si le scandale des pensionnats est négatif. Il réduit la légitimité avec laquelle le Canada peut jouer un rôle sur la scène internationale. C’est une tache sur notre bilan. Et pour toutes sortes de bonnes raisons, il faut faire quelque chose. Mais je pense surtout à ce que le Canada pourrait faire en tant que puissance moyenne dans le monde, jouissant d’une bonne réputation, et à son engagement envers les Nations unies. Et je pense que nous devrions examiner ce qu’a été notre politique étrangère.

GR : Y a-t-il une politique étrangère particulière où nous pourrions commencer à exprimer notre mode de pensée indépendant et prendre nos distances par rapport aux États-Unis ?

KPL : Eh bien, la plus évidente est le domaine de la diplomatie, je veux dire que nous avons développé beaucoup de relations économiques et politiques indépendantes avec la Chine, qui est la puissance montante du siècle prochain.

GR : Et en termes de politique militaire, sortir de toute relation avec les Etats-Unis sur l’abattage de missiles, essentiellement ce que fait NORAD, vous savez, est-ce quelque chose dont nous pourrions sortir ?

GR : Je sais que… il y a des élections qui vont avoir lieu cet automne, je me demande si votre point de vue sur la nécessité pour le Canada de se distinguer pourrait jouer un rôle dans ces élections et pour qui vous seriez plus enclin à voter ?

KPL : Je ne sais pas… je ne pourrais pas l’annoncer. Je sais que je ne voterais pas pour les conservateurs. Je ne leur fais pas confiance. Je ne sais donc pas encore pour qui je vais voter. Mais ce que j’aimerais voir le gouvernement du Canada faire, c’est prendre l’initiative d’interdire les nouvelles armes nucléaires. Il y a quelques mois, une motion a été présentée à l’Assemblée générale des Nations unies à cet effet. Et le Canada, honteusement, n’a pas exprimé d’opinion en faveur de ce qui est clairement l’opinion populaire de la majorité des États membres de l’ONU.

GR : Kari Polanyi Levitt, j’ai vraiment apprécié tout ce que vous avez dit aujourd’hui, et je sais que nous arrivons à la fin de votre temps de parole, mais je voulais juste vous donner l’occasion de conclure avec des réflexions que vous pourriez avoir, et auxquelles nous, en tant que Canadiens, pourrions être plus attentifs alors que nous nous dirigeons vers les prochaines élections et au-delà de celles-ci.

KPL : Eh bien, je pense que le Canada devrait certainement considérer son adhésion à l’OTAN parce que, l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, et c’est une alliance militaire et ces dernières années, elle a été impliquée dans des conflits militaires dans les régions du Moyen-Orient qui n’ont vraiment rien à voir avec l’Atlantique Nord. Et je ne pense pas que…. Je pense que nous devons, que nous devrions reconsidérer, et les raisons pour lesquelles il pourrait être difficile pour le gouvernement canadien de prendre position contre les armes nucléaires sont précisément parce que l’Amérique du Nord est si étroitement intégrée aux États-Unis, et que les États-Unis n’accepteraient jamais une telle demande. Je pense que je vais m’arrêter là.

GR : Professeur Polanyi Levitt, je pense que nous sommes arrivés à la fin, et je voulais savoir comment, je me sens extrêmement privilégié d’avoir eu cette conversation avec vous, et je vous souhaite le meilleur pour les années à venir.

KPL : C’est très gentil de votre part, merci. J’apprécie beaucoup le travail de Global Research. Je ne suis pas d’accord avec eux sur certaines choses, sur le réchauffement climatique, mais c’est tout, un désaccord mineur, à mon avis. Autre chose. Pour qu’en tant que Canadien, je puisse à nouveau me sentir fier, être un ressortissant de ce pays, notre gouvernement doit prendre des mesures, que ce soit dans le domaine de la diplomatie internationale ou dans un autre domaine, parce que je ne considère pas qu’il soit responsable d’avoir seulement honte du gouvernement du Canada pour ce qu’il a fait dans ses relations avec les peuples indigènes. J’aimerais avoir une bonne opinion de ce pays, qui a beaucoup de bonnes choses à offrir.

GR : Oui, c’est une bonne façon de conclure la fête du Canada. Eh bien, prenez soin de vous et, encore une fois, merci beaucoup pour cet entretien.

KPL : Merci !

*

Kari Polanyi Levitt (née le 14 juin 1923 à Vienne) est professeur (émérite) d’économie à l’université McGill de Montréal.

Kari est une économiste et une analyste géopolitique hors pair, engagée en faveur de la souveraineté économique et de la réduction de la pauvreté et des inégalités sociales dans le monde. Elle est la fille de Karl Polanyi [(1866-1964) économiste hongrois, l’un des fondateurs de l’anthropologie économique] .

 

Transcription originale en anglais : Prof. Kari Polyani Levitt: Regaining Canada’s Sovereignty: June 14, 2023 We Celebrate Kari’s 100th Birthday

Traduit par Mondialisation.ca avec DeepL

Voir également (entrevue en anglais) :



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