Prolongement de la « mission » du Canada en Irak. un autre acte de guerre

La guerre en Irak semble interminable à l’instar de celle qui se prolonge en Syrie. Ce pays a été le théâtre de combats acharnés depuis 2003 sans oublier les deux premières guerres du Golfe et la guerre qui a sévi entre ce pays et l’Iran durant les années 1980.

Avec la destruction de la Syrie, les agressions armées d’Israël contre le Hezbollah en 2006 et contre la Bande de Gaza en 2009 et en 2014 le Moyen Orient semble le théâtre permanent des guerres livrées par l’US-OTAN, bref on pourrait penser qu’il s’agit d’un champ opérationnel de vérification de la portée et de la puissance de frappe des armements construits en Occident. Et le Canada, pour ne pas être en reste saisit cette opportunité en annonçant la prolongation de sa « mission » en Irak jusqu’au 31 mars 2019. Celui-ci continue ainsi d’agresser une nation autonome en proie à tous les envahisseurs susceptibles de tirer profit de cette guerre à l’instar des USA et des membres de l’UE.

 La prolongation de la mission du Canada en Irak. Une décision prise en catimini

 Selon les propos de Marie Vastel, correspondante parlementaire à Ottawa commentant cette annonce,

« La pratique est presque devenue coutume : c’est à coup de communiqué de presse que le gouvernement Trudeau a annoncé qu’il prolongeait la mission canadienne en Irak. Et ce, de deux ans. Les troupes libérales ne comptent pas soumettre le changement à un vote ou à un débat aux Communes. Ce qui a valu au premier ministre les critiques de l’opposition, qui l’a accusé de faire pire que son prédécesseur Stephen Harper en matière de transparence ».

« Or, le mandat de l’armée canadienne en Irak ne change pas. Nul besoin, donc, selon le ministre de la Défense, Harjit Sajjan, d’en débattre à nouveau. Les troupes canadiennes poursuivront jusqu’au 31 mars 2019 leurs efforts de « conseil et d’assistance » aux troupes locales. Jusqu’à 850 soldats pourront être déployés pour participer à la guerre contre le groupe armé État islamique — contre 830 à l’heure actuelle. Un avion de transport militaire CC130 Hercules sera mis à la disposition de la coalition. Le gouvernement dépensera 371 millions de dollars, sur deux ans, pour bonifier sa participation. »

(http://www.ledevoir.com/politique/canada/502353/ottawa-prolonge-sa-mission-contre-le-groupe-ei).

Comment justifier cette décision quand on prévoit l’éradication pure et simple du groupe terroriste État islamique avec la chute imminente de Raqqa et de Mossoul ? On ne peut donc plus invoquer la lutte contre l’EI (Daech).  Le justificatif imposé : Se conformer aux appels inlassables de Washington adressés aux membres de l’OTAN exigeant des ressources militaires additionnelles pour les guerres perpétrées par les États-Unis. 

Selon la même source, « notre mission dans son ensemble dans la région, avec l’opération Impact, a été débattue », a fait valoir le ministre Sajjan, évoquant les pourparlers qui ont entouré l’annonce de la première mouture de la mission canadienne sous l’ère Trudeau au printemps 2016.

« Et nous avons établi clairement que l’on demeurerait « un partenaire crédible », que l’on réviserait l’aspect militaire de notre mission chaque année afin de pouvoir mettre les bonnes ressources en place », a argué le ministre, en conférence téléphonique depuis Bruxelles, où il participait à une réunion des ministres de la Défense des pays membres de l’OTAN. Pas question donc de reprendre ce débat aux Communes lorsque les travaux reprendront à l’automne. » (ledevoir.com)

Bref, aucune consultation et aucun débat public. Le concept de la transparence semble s’être évanoui au cours de la dernière année pour reprendre le modèle du régime conservateur entre 2006 et 2015. Le Canada continue de commettre des actes de guerre dans l’indifférence. Il y a lieu d’être très inquiets.

Des guerres qui se prolongent en Syrie, en Irak et au Yémen. Une source « intarissable » pour les industries de l’armement

« L’année 2016 et les premiers mois de 2017 ont été fastes pour l’industrie de l’armement et le Moyen-Orient a constitué son marché privilégié. Les États-Unis ont apporté la plus importante aide militaire de tous les temps à Israël d’une valeur de 39 milliards de dollars. Ils viennent de vendre 160 missiles Patriot aux Émirats et ont conclu des accords avec l’Arabie saoudite pour une somme totale de 380 milliards de dollars. En jetant un coup d’œil sur les données compilées par le SIPRI on comprend que les guerres perpétrées au Moyen-Orient s’avèrent la constitution d’un marché florissant pour les industries de la défense. » (mondialisation.ca)

Une guerre qui pourrait prendre de l’ampleur

Selon les propos de Peter Symonds,

« l’ultimatum de 10 jours lancé au Qatar la semaine dernière par l’Arabie saoudite et ses alliés – l’Égypte, les Émirats arabes unis et le Bahreïn – représente une escalade considérable de leur confrontation avec le petit État du Golfe Persique, suscitant la perspective d’un conflit militaire ».

Il conclut :

« ce qui a été révélé, ce sont les lignes de faille émergentes d’une guerre qui peut bien entraîner rapidement les puissances régionales et les puissances majeures et plonger l’humanité dans une catastrophe. Un tel conflit est inévitable, quel que soit le déclencheur particulier en Europe, en Asie ou au Moyen-Orient, à moins que la classe ouvrière intervienne, sur la base de son propre programme socialiste et internationaliste, pour mettre fin au système capitaliste et au système des États-nations, qui sont les causes profondes de la guerre » (mondialisation.ca).

 Dans le nouveau contexte toutes les armées qui opèrent en Irak et en Syrie devraient effectuer un retrait immédiat et laisser le Moyen Orient en paix. Mais il semble que ce n’est pas souhaité. Ces guerres auxquelles on ajoute celle qui sévit au Yémen sont une source intarissable de commandes pour les armements de l’Occident et celui-ci en a besoin pour son économie. Enfin, la recherche d’une position favorable dans cet environnement stratégique n’invite personne à se retirer.

Dans les faits, tant que les USA, le principal protagoniste de ces guerres, n’auront pas obtenu ce qu’ils recherchent, soit le contrôle absolu de ce territoire les guerres vont se poursuivre et c’est dans ce contexte que le Canada aurait prolongé sa présence en Irak pendant encore deux ans.

Jules Dufour

 

Références

DUFOUR, Jules. 2016. Canada. Dix années de gouvernance conservatrice rétrograde et destructrice des valeurs canadiennes (2006-2015). Mondialisation.ca. Le 25 janvier 2016, En ligne : http://www.mondialisation.ca/canada-dix-annees-de-gouvernance-conservatrice-retrograde-et-destructrice-des-valeurs-canadiennes-2006-2015/5503571

DUFOUR, Jules. 2016. Le Canada s’active sur le marché mondial de l’armement et sur les théâtres de guerre. Mondialisation.ca. Le 5 août 2016. En ligne : http://www.mondialisation.ca/le-canada-sactive-sur-lemarche-mondial-de-larmement-et-sur-les-theatres-de-guerre/5539835

DUFOUR, Jules. 2017. Le retour des avions de combat du Canada dans l’espace aérien de la Syrie. Un autre acte de guerre. Mondialisation.ca. Le 1er mars 2017. En ligne :

Le retour des avions de combat du Canada dans l’espace aérien de la Syrie. Un autre acte de guerre.

DUFOUR, Jules. 2017. Les ventes d’armements au Moyen-Orient en continuelle expansion. Les destinataires privilégiés : Israël, l’Égypte, l’Arabie Saoudite, le Qatar et les Émirats. Mondialisation.ca. Le 23 mai 2017. En ligne : http://www.mondialisation.ca/les-ventes-darmements-au-moyen-orient-en-continuelle-expansion/5591253

MEYSSAN, Thierry. 2017. Ajustements au Moyen-Orient. Le 20 juin 2017. En ligne : http://www.voltairenet.org/article196878.html

SYMONDS, Peter. 2017. Le Moyen-Orient au bord d’une guerre plus large. wsws.org, le 26 juin 2017 et Mondialisation.ca, le 28 juin 2017. En ligne : http://www.mondialisation.ca/le-moyen-orient-au-bord-dune-guerre-plus-large/5596620

VASTEL, Marie. 2017. La mission de l’armée canadienne en Irak prolongée sans discussion. Journal Le Devoir, le 30 juin 2017. En ligne : http://www.ledevoir.com/politique/canada/502353/ottawa-prolonge-sa-mission-contre-le-groupe-ei

 



Articles Par : Prof. Jules Dufour

A propos :

Jules Dufour, Ph.D., C.Q., géographe et professeur émérite. Chercheur-associé au Centre de recherche sur la Mondialisation, Montréal, Québec, Canada.

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