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Protestations en Israël contre la guerre à Gaza
Par Jean Shaoul
Mondialisation.ca, 23 juillet 2014
wsws.org
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Alors que le premier ministre israélien Benyamin Netanyahu annonçait une « extension significative » de l’invasion terrestre de Gaza « pour aussi longtemps qu’il serait nécessaire », ses forces de sécurité, sa police et les éléments d’extrême droite interviennent pour casser les manifestations contre la guerre si petites soient-elles, intimider les Palestiniens citoyens israéliens et réprimer les Palestiniens de Cisjordanie.

Vendredi dernier, la police a arrêté et menotté Hanin Zoabi, député israélien palestinien, et trente autres manifestants alors qu’ils participaient à un rassemblement dans la ville portuaire d’Haïfa au nord d’Israël pour dénoncer l’assaut meurtrier lancé contre la population sans défense de Gaza.

Plus d’un millier de Palestiniens juifs et israéliens prenaient part à ce rassemblement organisé sur les médias sociaux par le parti Balad, dont Zoabi est adhérent, et d’autres groupes. Les manifestants criaient des slogans s’opposant à Netanyahu et à la complicité du président de l’Autorité palestinienne (AP), Mahmoud Abbas, dans les projets meurtriers d’Israël.

La police arrêta les manifestants après que des échauffourées eurent éclaté entre des manifestants et le groupe néo-fasciste Kahane, classé comme groupe terroriste droitier par le FBI aux Etats-Unis en 2001. Les extrémistes de droite scandaient: « mort aux arabes », « Mohamed est mort » et « nous brûleront vos villages ».

La police affirma que le rassemblement n’était pas autorisé et que les organisateurs n’en avaient pas averti les autorités. Un certain nombre de manifestants, dont le député Jamal Zahalka et quelques policiers, furent légèrement blessés. Il y eut également des manifestations à Accra, Tamra et dans les communautés arabes israéliennes de la région de Wadi Ara.

Un rassemblement bien plus important, auquel participèrent principalement des Israéliens juifs, s’est tenu à Tel Aviv le 17 juillet, appelant à une fin des bombardements et du siège de Gaza. Ils furent provoqués par des nationalistes droitiers qui criaient : « Vos mères sont des putains », « Mort aux arabes », et « Qu’un missile vous frappe maintenant ». Il y eut des affrontements qui permirent à la police d’expulser les manifestants anti-guerre de la place où se tenait le rassemblement.

Il y a une semaine, une manifestation anti-guerre ayant lieu le samedi soir a du être annulée l’armée ayant interdit les rassemblements de plus de 500 personnes quand les sirènes avertissent de possibles attaques de roquettes.

Le mois dernier, le gouvernement Netanyahu a utilisé la disparition de trois jeunes Israéliens en Cisjordanie pour museler la presse. Sachant dans les trois heures que les trois jeunes étaient morts, le gouvernement a utilisé les semaines qui ont suivi l’enlèvement pour échauffer les esprits par une campagne effrénée contre le Hamas, le groupe islamique militant qui dirige Gaza. Sans une once d’évidence, Hamas fut accusé de l’enlèvement et plus tard, de la mort des trois adolescents.

Des centaines de membres et de partisans du Hamas et ont été arrêtés, y compris des prisonniers libérés en vertu de l’échange Gilad Shalit et en violation de l’accord passé avec l’Egypte. Les maisons de deux familles d’Hébron qu’il a faussement accusées d’avoir tué les jeunes furent démolies.

La campagne initiée par le gouvernement mena au meurtre vil d’un jeune Palestinien, Mohammed Abu Khdeir par des colons juifs le 2 juillet, mettant en branle une vague d’affrontements et de heurts entre des Palestiniens israéliens et des colons israéliens et d’autres forces droitières dans les limites de la Ligne Verte, la frontière entre Israël et la Cisjordanie, établie après la guerre des six jours de 1967.

Ces terribles événements suivent une vague de violence de la part des extrémistes sionistes encouragés par les slogans sans cesse répétés par Netanyahu insistant qu’Israël était un Etat Juif. Même Amir Peretz, un ministre de la coalition du Likoud de Netanyahu, avait mis en garde de ce que la violence devenait « une épidémie dangereuse ».

Au mois de janvier dernier, un rapport de l’Office des Affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) avait documenté 2100 incidents violents dus à des colons en Cisjordanie et à Jérusalem-Est depuis 2006, 93 de ces attaques faisant des blessés en 2013. La police ne faisant rien pour réduire ces attaques, les colons agissent avec impunité et avec l’approbation évidente du gouvernement. Cela sert à accroître la violence qui est souvent qualifiée d’attaques « prix attaché » indiquant que si les Palestiniens veulent résister cela leur en coûtera.

Il y eut également des heurts violents dans plus de trente villes et agglomérations de Cisjordanie entre des Palestiniens et les forces de sécurité israéliennes et palestiniennes, qui ont été dénoncées avec véhémence pour avoir imposé les diktats de Tel Aviv. Cela a conduit à ce que des dizaines de Palestiniens ont été blessés par des balles réelles ou des balles en caoutchouc.

L’Autorité palestinienne a installé des barrages routiers et déployé ses forces près des barrages et des camps israéliens pour se protéger des jeunes Palestiniens en colère. Abbas a justifié cela en affirmant qu’il ne permettrait pas aux attaques d’Israël de provoquer un troisième soulèvement ou Intifada. Mais à la suite du bombardement de Gaza par Israël, les affrontements ont augmenté tant en ampleur qu’en intensité.

Divers dirigeants militaires et politiques on fait référence à l’offensive terrestre, aérienne et navale contre la bande de Gaza l’appelant la « tonte du gazon » et témoignant par là de l’état nauséabond de la vie politique israélienne. Cette politique de la terre brûlée a pour objectif de détruire l’infrastructure sociale, économique et politique, déjà réduite, de Gaza.

Plus de 400 personnes ont déjà été tuées, parmi elles de nombreux enfants; 3000 personnes ont été blessées, tandis que des milliers d’autres ont été forcées de fuir leurs foyers. Des centaines de maisons, d’hôpitaux, de conduites d’eau et d’installations électriques ont été détruits en flagrante violation du droit international.

Les affirmations de Netanyahu selon lesquelles cela serait nécessaire pour détruire les tunnels utilisés par les militants palestiniens pour faire passer des armes est tout simplement risible. Les roquettes du Hamas et du Jihad Islamique ne sont guère plus que des armes inefficaces d’amateurs qui ne sont pas à la hauteur de l’Iron Dome, le bouclier défensif israélien. De plus, la plupart des tunnels les plus sophistiqués on été construits depuis Rafah, au sud de Gaza, en direction de l’Egypte pour contourner le blocus illégal de Gaza par Israël et par l’Egypte et pour passer en contrebande de la nourriture, du carburant et des matériaux de construction. La plupart ont été détruits depuis le coup d’Etat de l’an dernier par les forces de sécurité égyptiennes.

Netanyahu lui-même préside à une coalition droitière divisée, tributaires de forces plus extrêmes encore, et qui ces derniers mois, s’est trouvée au bord de l’écroulement.

Alors que des personnalités droitières du cabinet appellent à l’annexion de la Cisjordanie, Yair Lapid, le dirigeant du parti Yesh Attid et ministre des Finances avait lui, menacé le mois dernier de faire tomber le gouvernement, appelé à un gel de la construction des colonies et à déterminer les frontières futures d’Israël.

Lapid dit qu’il n’y avait aucune raison de continuer à construire des colonies qui ne resteraient, dans aucun accord futur, à l’intérieur des frontières d’Israël et portaient dommage aux relations d’Israël avec le reste du monde. C’était là une perte d’argent qui pouvait être mieux dépensé en réduisant les impôts, en augmentant la sécurité et en améliorant les services sociaux.

Cela faisait implicitement allusion au rapport de la Sécurité sociale israélienne qui a révélé qu’un quart des Israéliens – plus de 1,6 millions de personnes – vivait sous le seuil de pauvreté. Selon ce rapport, la pauvreté affecte à présent un enfant sur trois, une augmentation de 20 pour cent ces cinq dernières années.

Selon une étude commanditée par le Bureau central israélien des statistiques, 14 pour cent des Israéliens de plus de 20 ans, soit environ 555.000 personnes, ont évité d’acheter de la nourriture l’année passée à cause de difficultés financières. Près de 19 pour cent des enfants juifs d’Israël vont au lit l’estomac vide au moins une fois par semaine, tandis que 13 pour cent d’entre eux souffrent de malnutrition. Ces chiffres seraient au moins aussi mauvais, sinon pire, s’ils concernaient les Palestiniens qui sont citoyens israéliens.

Ces chiffres expliquent la vague sans précédent de préavis officiels de grèves émanant de la fédération syndicale Histadrut, bien que celle-ci ait fait de son mieux pour les désamorcer et les isoler. Le principal syndicat du secteur public d’Israël a repoussé indéfiniment une grève fixée au 8 juillet et qui aurait fermé tous les postes de contrôle aux frontières à cause de la guerre à Gaza.

Netanyahu a recherché des discussions avec les partis de la droite religieuse pour tenter de consolider sa fragile coalition et de former un gouvernement d’unité nationale. Sa demande a été rejetée tant que le gouvernement insisterait sur une conscription des étudiants des séminaires religieux et refuserait d’augmenter les prestations sociales pour leur base sociale.

La semaine dernière, Netanyahu a limogé son vice-ministre de la défense et collègue du Likoud, Danny Danon, une chose sans précédent durant une guerre et un rappel des réservistes, Celui-ci fait partie des nombreux politiciens qui ont fustigé le premier ministre pour avoir approuvé le prétendu cessez-le-feu annoncé par l’Egypte sans aucune consultation avec le Hamas à Gaza, un stratagème concocté par Netanyahu et utilisé pour justifier sa guerre contre l’enclave palestinienne.

Le limogeage de Danon suivit le départ, le 9 juillet, du parti Yisrael Beiteinu du ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman de l’alliance électorale avec le Likoud. Celui-ci, comme Danon, est apparu à la télévision dénonçant Netanyahu comme un dirigeant faible et lâche et appelant les forces armées israéliennes prendre le contrôle intégral de Gaza.

Jean Shaoul

Article original, WSWS, paru le 21 juillet 2014

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