Quand la canicule devient un problème géopolitique

La canicule sans précédent devient l’une des plus grandes menaces pour la démographie, l’économie et même les intérêts géopolitiques de plus en plus de pays.

Selon les estimations du service Copernicus, de la Commission européenne et de la Banque mondiale, citées par The Economist, en 2020, la part moyenne de la population souffrant systématiquement de vagues de chaleur dans le monde a pratiquement doublé par rapport au début des années 1980. 24% de la population en Afrique était menacée par la canicule et presque 20% en Asie et en Océanie. Avec une moyenne d’environ 17% dans le monde. Près de 7% dans l’hémisphère Ouest et 2% en Europe. L’été actuel, selon les estimations préliminaires, a significativement augmenté cet indice pour la plupart des régions du monde.

Cette année, la température a battu des records en Chine, en Amérique du Nord et dans plusieurs pays européens. On ignore pour l’instant quelles seront les conséquences pour les forêts et les populations. Par exemple, l’année dernière, qui n’était pas aussi chaude, selon les estimations du World Resources Institute, les incendies ont détruit des forêts d’une superficie de 3 millions d’hectares supérieure par rapport à 2001, ce qui correspond approximativement au territoire de la Belgique. En 2003, l’année la plus catastrophique à ce jour pour l’Europe, la canicule a provoqué jusqu’à 70.000 morts, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Notre planète avait déjà subi des vagues de chaleur auparavant, mais ces dernières décennies elles sont de plus en plus fréquentes, longues et touchent de plus en plus de pays et de régions. Selon une autre étude citée par The Economist, actuellement, le nombre de jours de canicule dans l’hémisphère Nord a été multiplié par sept par rapport au début des années 1980.

Plus souvent les vagues de chaleur frappent des territoires à part, plus souvent elles atteignent des macro-régions qui n’étaient pas confrontées auparavant à des foyers aussi vastes de canicule. Selon les météorologues, des changements négatifs se produisent certainement dans le mouvement des flux aériens dans les couches supérieures de l’atmosphère, ce qui entraîne l’augmentation de l’afflux des masses d’air chaudes des zones équatoriales vers le nord. L’élargissement des zones de températures maximales promet des conséquences néfastes. D’immenses superficies agricoles sont touchées. La canicule dans plusieurs grandes régions agricoles à la fois crée le risque d’une crise alimentaire qu’il sera impossible à surmonter en compensant les mauvaises récoltes dans certaines régions par des excès de vivres dans d’autres.

L’Europe étant un exemple particulièrement sinistre de ces dernières années, où la précédente canicule a eu lieu en 2018. La chaleur de juillet-août 2018 était anormale. L’Allemagne, la France et l’Italie faisaient face aux pires récoltes du siècle. La sécheresse de plusieurs semaines a considérablement asséché les rivières et les fleuves. Des incendies de forêts ont éclaté en Grèce, en Espagne, au Portugal et en Suède. Plusieurs milliers de personnes sont mortes en UE. Le feu a détruit jusqu’à 150.000 hectares de forêt.

D’après les prévisions, cette année surpassera les sinistres records de 2018. En août, le Centre commun de recherche de la Commission européenne a constaté que les deux tiers de l’Europe étaient confrontés à la plus forte sécheresse depuis cinq siècles. D’après son rapport, jusqu’aux deux tiers des territoires de l’UE et du Royaume-Uni se sont retrouvés dans une situation critique. « Le sol s’y est complètement asséché cet été. » Les plus touchés sont l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, la Roumanie, la Hongrie, l’Irlande ainsi que la Moldavie, la Serbie et l’Ukraine.

Les canicules de plus en plus fréquentes soulèvent le problème de l’infrastructure industrielle et urbaine, dont une grande partie est mal ou pas du tout adaptée au travail lors des températures élevées. Ainsi, plusieurs régions du monde font face à des perturbations de transport ferroviaire, car les rails et les remblais se déforment dangereusement lorsque la température reste longtemps supérieure à 30°C. Au vu du réchauffement climatique, les autorités sont confrontées à des dépenses importantes et inévitables pour adapter des secteurs économiques entiers et les logements à un climat plus chaud. Ces dépenses représentent un fardeau important même pour les pays les plus riches.

Et la situation est bien plus difficile dans les pays à revenu moyen et qui plus est bas. Beaucoup d’entre eux se trouvent dans des zones climatiques plus chaudes, c’est pourquoi la nécessité de s’adapter à la hausse des températures est d’une importance capitale pour eux. Plusieurs régions dans de tels États, selon les experts, pourraient devenir inhabitables, ce qui engendre des craintes fondées quant à de nouvelles vagues de « réfugiés climatiques ».

Plus le temps est chaud, plus cela pose le problème de refroidissement des bâtiments publics et des équipements industriels. Et donc d’alimentation en électricité. L’imprévoyance des hommes politiques aggrave significativement la situation provoquée par le cataclysme naturel. L’Europe a déjà renoncé au charbon russe essayant de « punir » Moscou pour ses activités en Ukraine. En décembre entrera en vigueur un embargo partiel sur l’achat de pétrole et de produits pétroliers russes, alors qu’actuellement les pays européens en achètent activement. Enfin, les sept volets de sanctions contre la Russie ont conduit à une réduction significative des livraisons de gaz. Pas étonnant que les prix du gaz sur le marché de l’UE battent des records.

À la mi-août, l’électricité dans plusieurs grands pays de l’UE coûtait comme si un baril de pétrole valait plus de 1.000 dollars. La baisse du niveau des fleuves a conduit à une chute des approvisionnements en électricité de tous les barrages européens. Alors que l’absence de vent a également entraîné une baisse de la production d’énergie éolienne. Une réduction forcée de la consommation d’énergie par les entreprises commerciales et industrielles a commencé dans toute l’Europe.

Mais il existe un autre problème tout aussi grave. La hausse des températures moyennes sur la planète pose de plus en plus problème par rapport au manque d’eau. Contrairement à la plupart d’autres ressources naturelles, l’eau ne peut pas être remplacée. Elle est d’une importance critique pour la survie des gens ainsi que pour l’agriculture et la production d’électricité. Les voies maritimes jouent un rôle significatif pour le transport d’hydrocarbures, notamment de charbon et de fioul.

Les acheminements d’eau stables sont critiques pour refroidir les réacteurs nucléaires et désactiver le combustible nucléaire usé. Les centrales nucléaires françaises réduisent inéluctablement la production d’électricité cet été à cause d’une baisse des niveaux des fleuves, alors que la température y est trop élevée. Selon EDF, les fournitures d’électricité aux consommateurs en France et dans les pays de l’UE voisins ont déjà chuté à moins de 50% de la puissance établie. Dans des conditions extrêmes les réacteurs tombent plus souvent en panne, sachant que leur réparation coûte si cher qu’en juillet l’État a décidé d’établir le contrôle total sur le secteur nucléaire.

Dans un scénario où la hausse continue des températures moyennes provoquera des sécheresses de plusieurs années consécutives, plusieurs pays seront inévitablement confrontés à une pénurie d’eau. Ces crises conduiront à leur tour à une chute de la production alimentaire et électrique. La flambée des prix dans ce cas de l’eau potable, de la nourriture et de l’énergie ainsi que les perturbations dans les livraisons de composants et de matériaux risquent d’entraîner des troubles socio-économiques à l’échelle nationale et même continentale. Dans ces conditions, l’instabilité politique augmentera forcément et durera des années.

Le problème du réchauffement climatique se transforme rapidement en une question de sécurité nationale. 

L’information obtenue à partir de sources ouvertes



Articles Par : Observateur Continental

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