Quand les journalistes s’entre-photographient aux distributeurs grecs
Tandis que la Grèce est « officiellement » déclarée en défaut de paiement et que le retrait d’argent est drastiquement limité, photographes et télés se ruent aux guichets pour filmer… les ruées aux guichets. Quitte à photographier… d’autres journalistes, comme le fait remarquer l’envoyée spéciale de Libération Maria Malagardis qui épingle sur twitter une illustration d’un article du site francetvinfo.fr sur laquelle elle apparaît avec trois de ses confrères.
« Quand des journalistes pressés photographient… des journalistes au lieu de Grecs «paniqués» » : envoyée spéciale à Athènes pour Libération, Maria Malagardis a eu la surprise de se découvrir – ainsi que trois de ses confrères – sur une photo illustrant un article du site francetvinfo.fr consacré au défaut de paiement. Un défaut « officiellement » annoncé hier par le Fonds européen de stabilité financière (FESF) suite au non-remboursement de la tranche de 1,5 milliards au Fonds monétaire international (FMI). Si cette annonce n’a pas de conséquence dans l’immédiat, elle intervient deux jours avant le référendum où les Grecs doivent décider s’ils acceptent ou non les conditions des créanciers.
Une annonce susceptible de pousser davantage les Grecs aux guichets alors que le retrait d’argent est limité à quelques dizaines d’euros par jour. Et ces files devant les banques font les délices des caméras : depuis l’annonce du référendum, les scènes de gens attroupés devant les distributeurs de billets font le tour du monde… quitte à photographier des confrères au lieu de vrais Grecs dixit Libé qui relaie la surprise de sa journaliste. Interrogée dans le cadre de notre enquête sur le travail des journalistes qui couvrent la crise grecque, Malagardis s’était d’ailleurs émue de voir autant de télés à l’affût de ces scènes : « les caméras sont parfois tellement proches des gens qu’elles filment le code composé par celui qui retire de l’argent » racontait-elle.
Si cette chasse à l’image sensationnelle n’est pas nouvelle – nous vous racontions en 2012 la façon dont les médias se ruaient aux guichets pour filmer une hypothétique panique bancaire – elle a le don d’exaspérer les Grecs, comme le fait remarquer Libération qui cite une photographe locale : « il y a une hostilité grandissante à l’égard de journalistes avides de sensationnalisme, qui ont l’air de se croire au zoo ». Et en matière de sensation, l’AFP a frappé fort hier en publiant la photo d’un homme en larmes assis par terre aux abords d’une banque.
L’agence de presse est revenue sur cette photo dans un instructif reportage d’ambiance sur les files d’attente, et en interrogeant la journaliste de la chaîne de télévision Alpha qui a elle-même suivi l’homme en question, un retraité qui « a éclaté en sanglots après avoir échoué, pour la deuxième journée consécutive, à retirer les 200 euros de retraite de son épouse ». On apprend ainsi que la journaliste a accompagné le retraité jusqu’à la banque où il s’est finalement procuré une carte de retrait, devant lui permettre de toucher l’argent de la pension de sa femme.
Comment travaillent les journalistes qui couvrent la crise grecque à Bruxelles ou à Athènes ? Lisez ou relisez notre enquête (arretsurimages.net)