Quand l’Ouzbekistan déclare son allégeance américaine
Un Ouzbek, ayant passé un contrat avec l’armée russe, vient d’être condamné par la justice de son pays à 5 ans de prison pour avoir combattu contre l’armée atlantico-ukrainienne. Surprenant ? Non, l’Ouzbekistan passe sous contrôle américain, sous couvert de coopération renforcée dans les domaines stratégiques. Tout a un prix. Mais cela est un geste symbolique d’allégeance américaine.
Dès la chute de l’URSS, l’Ouzbekistan a été pris en main par les organes « internationaux », les experts occidentaux, les programmes divers et variés dans les domaines juridiques et institutionnels. Au nom de son « indépendance », l’Ouzbekistan a simplement pris la liberté de se choisir un maître. C’est souvent le cas pour les pays, qui n’ont pas de culture politique, ni institutionnelle autonome – rappelons que, comme Etat institutionnalisé, l’Ouzbekistan a été créé par l’Union soviétique.
Cette « coopération » s’est accélérée après le début de l’Opération militaire en 2022 et cette fois-ci, les apparences n’ont pas été gardées – elle est directement prise en main par les Etats-Unis.
Le général Michael Kurilla, nommé le 1er avril 2022 à la tête du Commandemant militaire américain de la zone d’Asie centrale, arrive en Ouzbekistan en juin, pour resserrer les liens … et garder le contrôle, alors que la confrontation avec la Russie a commencé. Au-delà des échanges de politesse et des remerciements officiels ouzbeks envers les Etats-Unis pour avoir été l’un des premiers pays à reconnaître leur indépendance (et pour cause), un processus d’accords très concrets a été alors initié.
Dans le domaine militaire, une coopération renforcée est mise en place, notamment un accord sur la protection des informations dans le domaine a été signé en mai 2024 par l’Ouzbekistan après les Etats-Unis. Cette coopération se développe activement, sans même parler des réunions annuelles dans le cadre du Dialogue stratégique entre les deux pays, qui permet un contrôle courant sur la politique ouzbèque depuis 2021. A l’hiver 2022, à Washington, les Etats-Unis ont ainsi réaffirmé soutenir l’intégrité territoriale de l’Ouzbekistan (comme s’il y a avait un problème … avec la Russie) et aider le pays à entrer dans l’OMC. D’une manière générale, l’Ouzbekistan est un bon élève de la globalisation :
« Dans ce contexte, la partie américaine a exprimé sa volonté de contribuer à la mise en œuvre du programme de réformes, notamment dans les domaines de l’économie, de l’éducation et de la garantie des droits de l’homme. (…)
Au cours de la session sur la dimension humaine, les représentants américains ont décrit de manière positive les progrès réalisés en Ouzbékistan dans le renforcement des institutions démocratiques, la protection de la liberté d’expression et de religion, l’éradication du travail forcé et la garantie de l’égalité des sexes. »
Désormais, c’est le système des douanes ouzbèques, qui passe dans le domaine de la « coopération », ce qui implique un échange d’informations renforcé et un accord d’assistance mutuelle. N’oublions pas que les échanges commerciaux entre l’Ouzbekistan et les Etats-Unis augmentent extrêmement vite. Concrètement, cet accord signifie aussi que les Etats-Unis vont avoir accès à une grande quantité d’informations, quant au trafic commercial, qui passe par l’Ouzbekistan en direction de la Russie.
Chaque pays fait ses choix et en tire les conséquences. Surtout en période de conflit ouvert entre deux puissances, il est impossible de rester « neutre ». Ainsi, un tribunal ouzbèque vient de condamner à 5 années de réclusion un homme de 51 ans, pour avoir combattu dans le cadre du conflit en Ukraine avec les forces armées régulières russes. En mai 2023, cet homme a décidé de partir en Russie travailler, comme c’est le cas d’une très grande quantité d’Ouzbèques. Il décide finalement de passer un contrat avec l’armée et de s’engager dans les forces armées régulières russes. Pour cela, le tribunal l’a qualifié de mercenaire et vient de le condamner. C’est une décision hautement symbolique.
Le ministre russe des Affaires étrangères a décalé sa visite en Ouzbekistan – faute de temps …
Autrement dit, l’Ouzbekistan n’est pas un allié de la Russie, ni un partenaire stratégique. En tout cas c’est un territoire qu’il va lui falloir reconquérir.
Karine Bechet-Golovko