Quand l’Ukraine devient officiellement nazie

Par décision de son Parlement (la rada) du jeudi 9 avril 2015, l’Ukraine qualifie d’héroïque son passé nazi. Ce n’est pas la première fois, mais cette fois-ci elle le fait de façon solennelle, c’est-à-dire qu’elle « refonde » l’État ukrainien en mettant hors-la-loi le parti communiste, en déclarant comme « criminelle » toute référence au communisme, à ses fondateurs et à ses dirigeants, aux mots et aux symboles de son passé communiste, ainsi qu’à ses décisions politiques.

Il y a également dans cette loi, en guise de feuille de vigne, la mise au même niveau du communisme et du nazisme. Parfaitement stupide, cette mise sur le même plan a été rapidement effacée en déclarant comme « héros officiels » tous les membres des formations paramilitaires, et des organisations politiques nationalistes. En somme, toutes ces personnes sont officiellement reconnues comme « combattants pour l’indépendance ukrainienne. » Même ceux qui massacrèrent des dizaines de milliers de juifs en Galice. Sans parler des fusiliers, démolisseurs, membres de la rada centrale, de l’armée de la République populaire ukrainienne, des forces armées du Hetmanat, de l’armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA), de l’organisation des nationalistes ukrainiens (OUN), et des membres du Mouvement populaire (Rukh) jusqu’en 1991.

Autrement dit, tout ce qui s’est passé depuis octobre 1914 : « au cours des 100 dernières années – s’est écrié devant la Parlement Jurij Shukevic, digne héritier de Roman, son père nazi – où nous avons été en guerre contre l’impérialisme russe, contre l’occupation russe. »

La loi a été présentée devant le parlement ukrainien par ce même Shukevic, accompagné du directeur de l’Institut de la Mémoire nationale, Vladimir Vjatrovic. S’en est fait également écho le porte-parole adjoint de la Rada, Andrej Parubij, celui qui mena le pogrom anti-russe le 2 mai 2014 à Odessa. « Le moment est venu de reconnaitre tous ceux qui ont combattu sous le drapeau bleu et jaune au trident comme des combattants pour l’existence de l’État ukrainien. »

Un autre député, Igor Moijsichuk, a exalté le « moment historique » du rétablissement de la vérité historique, « celle qui a été piétinée le 30 juillet 1941 et jusqu’à aujourd’hui. » Autrement dit, celle de la République populaire d’Ukraine qui s’était alliée aux nazis lors de la Seconde Guerre mondiale. Et on a pu entendre les vociférations du député Oleg Medunitsa : « Celui qui ne vote pas est un ennemi de l’Ukraine, et travaille pour l’ennemi. »

On comprend mieux dans quel climat s’est déroulé ce « vote historique. » En fait, tout le monde s’est levé, y compris la soi-disant opposition, les représentants d’une population qui est pratiquement russe pour moitié, tandis qu’on qualifiait la Russie et les Russes d’ennemis éternels. Le vote a fait l’unanimité : 254 favorables, aucun contre, aucune abstention.

J’aurais deux commentaires assez banals. Il sera intéressant maintenant de voir comment Bruxelles va soutenir l’idée d’une prochaine entrée de l’Ukraine dans l’OTAN et dans l’Union européenne. En fait, il s’agit d’inclure dans l’Europe un pays qui efface, par une loi, toute l’histoire de l’Ukraine unie et de ses racines antinazies. Deuxième chose, il conviendra de rappeler aux nazis ukrainiens que, si l’on devait les prendre au mot, l’Ukraine actuelle n’existerait plus. La Crimée, par exemple, serait russe, puisque ce qui l’a fait devenir ukrainienne fut un acte « délictueux » du « criminel » Nikita Khrouchtchev . Et toutes les régions de l’Ouest des Carpates, dont une grande partie de la Galice, ne pourraient pas faire partie de l’Ukraine, puisque ce fut Staline – un criminel communiste bien connu – qui, par une décision tout aussi « délictueuse », les inclut (pacte Molotov – Ribbentrop), au sein des frontières de l’Ukraine. Et l’Ukraine devrait aussi abandonner son titre de pays fondateur des Nations Unies (et sa place comme membre de l’ONU) : ces deux titres et ce rôle ont été obtenus suite à une décision de l’ex-URSS, encore une fois « criminelle », et donc à effacer.

En somme, l’Ukraine d’aujourd’hui, en se reconnaissant nazie, a cessé d’être l’État qu’elle était quand Euromaïdan a commencé.

Giuletto Chiesa

Article original : Megachip, dimanche 12 avril 2015

Traduction : Christophe pour ilFattoQuotidiano.fr



Articles Par : Giuletto Chiesa

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