Québec: Nouvelle stratégie des gazières et des pétrolières

Nouvelle offensive de charme des porte-paroles de la filière des hydrocarbures au Québec! Samedi dernier, devant un parterre de gens d’affaires réunis par la Chambre de commerce de Montréal, M. Michael Binnion, président de l’Association pétrolière et gazière du Québec, tentait de convaincre les décideurs et le gouvernement de la nécessité d’implanter des projets pilotes pour qu’on puisse enfin obtenir des données sérieuses sur les avantages et les inconvénients de l’exploitation du gaz du schiste[1].

Le même jour, M. Yves-Thomas Dorval, président du Conseil du patronat du Québec (CPQ), dans une entrevue au journal Le Soleil, préconisait le démarrage de « deux ou trois » projets pilotes d’exploitation de gaz de schiste à l’île d’Anticosti et dans la plaine du Saint-Laurent, et invitait le Québec à cesser de « niaiser avec le puck » au sujet du développement de ses ressources naturelles[2].

Mais pourquoi devrait-on lancer de tels projets pilotes si, de l’avis même de M. Thomas, « de l’information, on en a déjà en masse »? C’est la stratégie des petits pas? On veut convaincre (acheter?) une à une les municipalités d’accueillir des sites d’exploitation gazière pour qu’elles puissent enfin comprendre à quel point cela leur apportera bonheur et prospérité? La richesse instantanée? La solution à tous les problèmes?

On peut avoir des doutes. De l’information, justement, nous en possédons aujourd’hui « en masse ». Aujourd’hui même, l’Organisation météorologique mondiale nous apprenait que la concentration de CO2 dans l’hémisphère Nord a battu un record ce printemps, signe incontestable de l’accélération du réchauffement climatique, imputable surtout à la combustion d’énergies fossiles[3].

Le signal d’alarme du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ne laisse aucune place au scepticisme : la planète subit des bouleversements climatiques qui s’annoncent catastrophiques si rien n’est fait pour réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre générées par l’activité humaine. Même la NASA américaine le confirme.

Ce n’est pas en se lançant dans une course effrénée pour l’exploitation de nouveaux hydrocarbures que l’on assurera la croissance, la prospérité et l’indépendance énergétique du Québec, mais en amorçant dès maintenant un virage radical en vue de réduire progressivement notre dépendance vis-à-vis des énergies fossiles. Mais les politiques et les gens d’affaires restent sourds, obnubilés par les hypothétiques retombées économiques de ces nouveaux hydrocarbures non conventionnels, dont l’exploitation s’inscrit dans le court terme et a des allures de bulle financière.

Devant un dossier aussi complexe, il est tentant de chercher des réponses simples (voire simplistes) qui ne remettent pas en question le modèle économique dominant. Mais cela ne ferait que retarder la mise au point de modes de production et de consommation plus sobres, plus efficaces et plus respectueux à la fois de notre écosystème et de notre intérêt à long terme. Bref, cela ne ferait que repousser notre rendez-vous avec la réalité : le réchauffement climatique se poursuit et s’aggrave. Décidément, le gaz et le pétrole de schiste ont tout du cadeau empoisonné.

François Prévost

Membre du Comité de vigilance Gaz de schiste de Roxton Falls
Regroupement interrégional sur le gaz de schiste de la vallée du Saint-Laurent (RIGSVSL)



Articles Par : François Prévost

Avis de non-responsabilité : Les opinions exprimées dans cet article n'engagent que le ou les auteurs. Le Centre de recherche sur la mondialisation se dégage de toute responsabilité concernant le contenu de cet article et ne sera pas tenu responsable pour des erreurs ou informations incorrectes ou inexactes.

Le Centre de recherche sur la mondialisation (CRM) accorde la permission de reproduire la version intégrale ou des extraits d'articles du site Mondialisation.ca sur des sites de médias alternatifs. La source de l'article, l'adresse url ainsi qu'un hyperlien vers l'article original du CRM doivent être indiqués. Une note de droit d'auteur (copyright) doit également être indiquée.

Pour publier des articles de Mondialisation.ca en format papier ou autre, y compris les sites Internet commerciaux, contactez: [email protected]

Mondialisation.ca contient du matériel protégé par le droit d'auteur, dont le détenteur n'a pas toujours autorisé l’utilisation. Nous mettons ce matériel à la disposition de nos lecteurs en vertu du principe "d'utilisation équitable", dans le but d'améliorer la compréhension des enjeux politiques, économiques et sociaux. Tout le matériel mis en ligne sur ce site est à but non lucratif. Il est mis à la disposition de tous ceux qui s'y intéressent dans le but de faire de la recherche ainsi qu'à des fins éducatives. Si vous désirez utiliser du matériel protégé par le droit d'auteur pour des raisons autres que "l'utilisation équitable", vous devez demander la permission au détenteur du droit d'auteur.

Contact média: [email protected]