Quelques réflexions autour de l’islam

l islam dans le monde 
Carte de l’Islam dans le monde
source : http://coranix.org/114bis/index.htm

Le Moyen-Orient est le berceau des trois religions monothéistes et les adeptes de ces trois religions  ont vécu côte à côte plus de quatorze siècles. Comment se fait-il qu’ils puissent se connaître si peu ? Que les responsables, les érudits, les ulémas aient tellement amenuisé les ressemblances et tellement exagéré les différences était-ce un hasard ? Cette question et beaucoup d’autres seront posées au cours de notre causerie.

Je voudrais aussi, pour éviter de prêter à confusion, faire la distinction entre choix politique et appartenance religieuse. Le choix politique engage un ensemble de citoyens dans une orientation déterminée indépendamment de leur appartenance religieuse. L’appartenance religieuse vous lie à une communauté, même si vous n’adoptez pas les mêmes options politiques.

Je ne cherche pas à relater l’histoire de l’islam, je n’ai pas la prétention d’être « spécialiste » dans ce domaine et je ne me permettrai pas d’ouvrir une nouvelle école d’interprétation de l’islam. Tout ce que j’ai envie d’exprimer sont quelques remarques qui peuvent être des sujets de réflexion,      autant aux croyants musulmans qu’aux personnes appartenant à d’autres religions. Peut-être mes réflexions pourraient-elles motiver des « spécialistes » à chercher à nous donner des réponses.

Aujourd’hui l’extrémisme, la violence, l’oppression de la femme, la haine de l’autre, sont jumelées avec  l’islam et colportés à travers le monde par les medias et sur le net.  Vrais ou faux, on est bien loin du message de l’islam.

Dieu a pourtant dit à Mahomet, parlant de ses messagers : « Wa ma arsalnakom illa ra7matan lil 3aalamin »,  qui signifie : «  Nous ne vous avons envoyé que par miséricorde pour l’humanité »Sourate les prophètes, verset 7. C’est par ces paroles que l’on doit comprendre aussi le message de l’Islam.

Pourquoi cet amalgame ? Qu’est ce que l’Islam ? D’où vient la Charia ?

Mouslim et mouslimoun

Sont musulmans (mouslimoun : pluriel de mouslem, et mouslima, le féminin) tous ceux qui ont reconnu l’unicité de Dieu dès avant l’Islam proprement dit, et qui ont suivi les principes d’une éthique universelle, dans leur conduite quotidienne, tout au long de leur vie. Ainsi, Abraham, le patriarche, le père des religions monothéistes est considéré « mouslem ». La vierge Marie également. Mouslem vient du verbe aslama, aslama lillah, mot arabe qui signifie, s’en remettre à Dieu.   

Étaient également « mouslimoun», tous les prophètes cités dans le Coran et qui ont vécu avant Mahomet. Après lui, l’acte de témoignage, la « chahada », signifie la reconnaissance de l’unicité de Dieu ainsi que la légitimité de la révélation qui fut faite à tous les prophètes et messagers depuis Adam.  Le croyant est celui qui croit en Dieu, en ses messagers et ses messages, ses anges, la destinée et le jour du jugement dernier.

Ainsi, en réalité, tout musulman croyant croit aussi en Moïse, Jésus et en tous les prophètes et leurs messages. L’islam est donc une foi et une conduite.

Pour les musulmans croyants, le Coran est une révélation divine et non un texte historique ; sinon, il perdrait sa valeur universelle et éternelle. Tout croyant est invité à le lire, le comprendre et à en appliquer les préceptes dans un contexte temporel. L’islam tel que suggéré par le Coran, incite la société et l’individu à faire le Bien, à se préserver du Mal ; il recommande la protection du maillon le plus faible de la société.

Il incite aussi à la protection de  toute vie, telle que la faune et  la flore, mais aussi le  respect de tout ce qui existe sur terre et de considérer les richesses de la nature comme un patrimoine universel, car, dans le concept de l’islam, tout appartient à Dieu, même notre corps et par conséquent la richesse devrait être gérée pour que ses rendements aillent à toute l’humanité et non à un groupe qui se permettrait de dominer les autres.

Et la Charia alors, qui représente les lois appliquées aux musulmans, dans les détails de leur vie, d’où vient-elle ? Que dit le Coran ?

La racine du mot « charia » signifie montrer un chemin, ouvrir une voie. La charia représente les règles établies par des législateurs. Elle a pour but d’établir des lois dans le sens de la de la protection  des plus faibles dans la société tels que l’enfant, la personne âgée, le handicapé ainsi que de toute personne  humaine que la vie a privée de l’opportunité d’un vie digne et décente.

La charia peut varier d’une interprétation à l’autre. C’est ainsi que se développèrent les quatre grandes écoles de jurisprudence islamique dès les premiers siècles de l’islam. Ces juristes et penseurs d’autrefois avaient relevé le défi de l’innovation continue, prenant leur source dans l’esprit universel du Coran et des exemples de la vie du Prophète Les différences résident dans l’interprétation de chacun d’entre eux, de ce qui convient le mieux à la société dans laquelle ils ont vécu. Ces  écoles essayaient de résoudre les problèmes conjoncturels de la société. Le dynamisme représenté par cet effort a permis la diffusion de l’islam dans des sociétés et des cultures aussi diverses que les Uigurs de la Chine que les Touaregs du Sahel. 

Un mot rapide pour mieux comprendre : ces écoles sont des écoles  sunnites, les sunnites représentant environ 80% des musulmans. Elles sont apparues dans l’ordre suivant : Malikite, Hanafite, Chafiite et Hanbalite.

Elles diffèrent par leurs sources, par l’acceptation ou non du « ijtihad » ou de l’opinion personnelle qui découle de la réflexion, de l’effort d’interprétation et du raisonnement par analogie pour adapter la charia aux besoins de la société, ils diffèrent par la rigidité plus ou moins grande dans l’application des dogmes. Toutes se basent sur le Coran sur sur le hadith qu’il est impossible de vérifier de façon absolue. Elles se sont aussi inspirées de la sunna connue principalement par les coutumes médinoises.

L’école Hanafite avec l’école Malikite est la plus ouverte et la plus souple dans son adaptation aux réalités locales et temporelles, à la réflexion personnelle et  à l’évolution du monde.

Abou Hanifa avait rejeté beaucoup de Hadith qu’il avait jugés douteux.

Ces écoles ne couvraient pas géographiquement les mêmes régions. Ainsi le rite Hanafite prévaut surtout en Turquie, au Proche-Orient, en Chine,tandis que le Hanbalite est plus diffusé en Iran, le Chafiite en extrême-orient, et le  rite Malikite, couvre surtout l’Afrique du Nord et de l’Ouest.

Le ijtihad  s’est poursuivi un certain temps, les ulémas continuant ainsi à s’adapter aux nouvelles réalités sociales.  Mais, malheureusement, de crainte d’aller trop loin il a été interrompu au début du second millénaire.

De nos jours, le nombre sans cesse croissant des musulmans, ainsi que la diversité des adeptes de l’islam rend nécessaire de relever le défi de la modernisation et de réformer les législations en cours pour les adapter selon le lieu et l’évolution de la société en question, sans toutefois trahir les principes universels du Coran. En dehors des grands principes fondamentaux, il ne saurait donc y avoir ni uniformité, ni rigidité.

On retrouve peu de préceptes clairs de la juridiction ou de la « charia » dans le Coran. Outre les règles générales d’éthique, de clémence et de justice ou celles qui respectent  l’intelligence humaine et  la science, communes à toutes les  religions monothéistes, on y retrouve des recommandations concernant la vie des hommes pour un monde meilleur.  Le message n’a d’autre objectif que le bonheur de l’humanité.  

Les hommes de religion et l’islam

Il n’y a pas de clergé dans l’islam. Il ne devrait pas y avoir, en principe, d’intermédiaire entre le croyant et Dieu.  D’une part parce qu’il incombe à l’individu de prendre la responsabilité de sa conduite et de ses actes dans sa vie, pour lesquels il sera jugé dans sa vie future, et d’autre part, pour écarter la domination de certaines personnes sur les autres, au nom de la religion ; mais aussi et surtout, parce que nul ne peut prétendre détenir la Vérité, nul ne peut se mettre à la place de Dieu et dire : « Voici l’explication, aucune autre n’est valable».

Historiquement, les ulémas étaient assignés pour porter conseil au gouvernant et lui éviter d’établir des lois qui contrediraient  l’esprit  et les recommandations du Coran lorsque la nécessité d’innover devenait pressante.

Ainsi, avec le temps et la succession des gouvernants de la « oumma », les besoins d’innover ont multiplié les lois pour gérer des sociétés de plus en plus complexes. Ces législations, purement civiles, donc humaines,ont été attribuées à l’islam comme inhérente au dogme.  Certains ulémas avaient parfois montré quelque complaisance au Calife  ou Émir en place. Ainsi les lois de la charia ont été progressivement instituées, tantôt sévères et rigides,  tantôt plus accommodantes, selon la personnalité du « alem » en question (singulier de uléma) son sens éthique, son intelligence, sa culture et aussi son effort intellectuel. 

Ces doctes de l’islam ont parfois fait dire à la religion musulmane des hérésies et ont de par ce fait entraîné leurs adeptes vers un fanatisme, une déformation et une déviation complète de l’esprit de l’islam. Qui n’a pas entendu parler, par exemple, des « hachachines » ou « assassins » ?

Ceci nous amène à la question : faut-il accepter aveuglément l’interprétation humaine de la charia dans un monde aussi mouvementé, aussi varié et fluctuant?

Les textes des anciens chercheurs et  leurs interprétations du Coran sont la base de la charia d’aujourd’hui. La référence aux écritures transmises est devenue fondamentale et bien plus importante que le texte sacré lui-même. Cependant, s’il est acceptable de consulter les écrits des anciens chercheurs, le Coran devrait rester l’ultime référence.

Mais le monde a évolué et les sociétés, avec le développement des moyens de communications ont suivi cet élan et peu d’efforts sont faits par la classe cléricale musulmane, instituée de facto, pour suivre ce changement.

Au lieu d’adapter les lois aux besoins naissants de cette société nouvelle, et éviter les transgressions qui pourraient en résulter, on a l’impression d’une résistance de la part des chefs religieux, garants de la charia, pour empêcher les adeptes de l’islam de suivre cette évolution forcée. C’est comme si, ne sachant plus comment contenirune échappée possible à leur emprise, il valait mieux user de conservatisme. Par leur attitude, ils semblent refuser que les populations sous leur autorité puissent être influencées par cette marée montante.  Cette influence concerne principalement la libération de la femme, que les sociétés musulmanes refusent toujours d’accorder, invoquant la religion. Ils oublient que le Coran s’adresse aux femmes autant qu’aux hommes et que la femme est autant responsable de ses actes que l’homme devant Dieu, que nul n’a le droit de lui imposer ses décisions puisque c’est elle qui sera jugée et nul n’a sur elle un droit de tutelle! Dieu a envoyé Mahomet comme avertisseur et non comme mandataire de la parole divine ( mounzer wa laysa wakil), cela signifie bien que la liberté de l’individu est sacrée. Si Dieu a refusé au prophète lui-même, le droit de tutelle sur les gens comment admettre, sans la discuter, l’autorité de la classe cléricale sur les fidèles?

Le Coran nous dit : « Nous avons faits de vous des peuplades et  des tribus pour que vous vous découvriez » (ja3alnakom chou3oub wa qaba2el lita3arafou) ( Sourate al7oujrat, verset 13). Autrement dit, ne vous tournez pas le dos les uns aux autres. L’esprit du Coran invite les peuples à se rencontrer, à se connaître. Au lieu de cela, on observe des scissions même entre  musulmans. Si ces schismes datent de quatorze siècles, quel effort ont fait les ulémas pour aplanir les différences purement politiques qui se sont transformées en schismes religieux ? Qu’ont-ils fait pour rapprocher entre eux, les musulmans et les non musulmans ? Comment accepter comme guides  ou conseillers, des personnes qui ne combattent pas fermement les discours doubles, l’hypocrisie?

Aujourd’hui devant une classe cléricale, organisée en institution et devant la rareté de ulémas d’envergure, dans leur savoir,  leur audace, leur courage, pour adapter l’interprétation du texte sacré aux besoins actuels de la société, devant le sens éthiqueémoussé de certains ou de leur conduite quotidiennedouteuse, les musulmans ont été déviés de l’esprit du message. Une partie de la classe cléricale a été contaminée par le virus du pouvoir qui porte en lui les gènes de la corruption. Le rôle des chefs religieux ne sert plus qu’à inféoder une population croyante (mais surtout crédule) au bon vouloir des plus payants ou des plus puissants. Ainsi ces dernières années, on a entendu des fatwas, des délibérations, en dépit du bon sens à travers tout le monde arabe, pour plaire au chef politique ou tout au moins pour éviter de lui déplaire.

Malheureusement, les croyants ont été orientés, en général, vers des préceptes secondaires au détriment des fondements du message de l’islam, et plus ces chefs prennent de l’autorité, plus ils deviennent rigides, s’attachant à la forme plutôt qu’au fond, insistant davantage sur l’habit, la coiffure et autres symboles tout en ignorant la lutte contre la corruption, l’intolérance, l’obscurantisme, la superstition, l’injustice et l’oppression.

Ainsi, nous ne comprenons plus aujourd’hui cette inégalité entre garçons et filles tant au sein de la famille que dans la vie professionnelle. Nous ne comprenons pas la suprématie accordée aux garçons devant le rôle subalterne de la fille dans la plupart des foyers, inégalité, qui aboutit, dans le monde du travail, à une inégalité dans les revenus financiers à qualité et rendement, égaux  entre homme et femmes. Elle se traduit par la difficulté d’accès à des postes clés, tels que celui de directeur général,  de chef d’entreprise,  de chef de parti, et ainsi de suite…. Nous comprenons encore moins ce tollé soulevé par les hommes de religion lors d’un tentative de faire passer une loi contre la violence domestique ou leur résistance à l’application de textes qui visent à unifier les lois concernant l’état civil. Ce ne sont que quelques exemples pris au hasard, qui permettent aux hommes de se sentir privilégiés avec une tendance naturelleà en abuser, laissant aux femmes des sentiments de frustration et d’infériorité ce que contredit l’esprit universel du Coran qui prêche pour la bienveillance, l’équité, la justice et le bonheur de l’humanité.

Le côté énigmatique et symbolique du Coran nécessite un labeur et un perfectionnement continus  de la compréhension du texte ainsi que de la connaissance et du savoir en général. Le verset suivant dit : «laqad darabna lilnas fi haza alqour2an min koulli mathalen la3allahom yatazakaroun » , « nous avons donné aux gens, dans ce Coran, des exemples de tout bord, qu’ils s’en souviennent » (Sourate alzoumar, verset 27). Il faudrait donc faire des analogies, extrapoler. Dans ce sens, les législateurs de la charia ont du retard par rapport aux besoins présents de la société civile et, malheureusement, le message dans ses interprétations actuelles a considérablement perdu de sa force libératrice.

Comment comprendre le texte, à la lumière de la modernité ?

Prenons un exemple : celui de l’héritage des enfants.

Il est écrit dans le Coran que la part du fils équivaut à celle de deux filles avec, en contrepartie, des devoirs de la part du frère envers sa sœur. Or, les responsables de l’application de la charia ont fait appliquer aux adeptes de l’islam uniquement la part concernant la fille et ne se sont jamais préoccupés de l’application de la contrepartie. On devrait comprendre que si le frère n’honore pas sa partie du contrat, celui-ci tombe à l’eau.

De plus, il n’a été écrit nulle part que la fille ne puisse accéder à une part égale et sinon supérieure à celle de son frère, si elle est amenée à gérer le patrimoine d’un frère incompétent ou attardé par exemple.

Cet exemple et tant d’autres devraient faire réfléchir les législateurs. Le lecteur du Coran est en droit de se poser la question suivante: Comment accepter que le Coran, d’inspiration divine, n’eut pas prévu l’évolution et donné des parts égales aux successeurs des deux sexes ? C’est ce que les efforts des juristes devraient tenter d’expliquer.

Pour nous, en ce qui concerne l’exemple choisi, la part qui revient à la fille serait le minimum, exigé et pouvant être appliqué à cette époque-là, pour amorcer des réformes dans une société où la femme n’était considérée que comme un objet : l’histoire raconte qu’elle faisait partie de l’héritage au même titre que le bétail ou les biens matériels. Exiger qu’elle reçoive une part d’héritage était en soi, un acquis extraordinaire pour l’époque ; avec une part égale, le message n’aurait jamais pu passer.

Dans le même état d’esprit, si un délit est commis qui  nécessite, dans les mentalités des arabes du sixième siècle, des sanctions physiques maximales, le Coran recommande, avant de procéder aux sanctions, d’apporter des preuves irréfutables et  vérifiables avec nombre de témoins à l’appui, avant de procéder à l’application de la peine, tout en exhortant à la clémence et la réhabilitation en priorité.

C’est comme si, sans interdire  clairement ce qui avait cours à l’époque, il fallait élever devant les  juristes des barrières impossibles à franchir pour appliquer ces sanctions. Les sanctions physiques qui étaient une coutume au sixième siècle sont devenues inadmissibles de nos jours et ne contredisent absolument pas le texte sacré  puisque  clémence et réhabilitation priment.

Il n’est pas de notre propos de reprendre tout le texte coranique pour l’expliquer mais de montrer que la charia peut et doit être évolutive, sans entrer en contradiction avec l’esprit du Coran et qu’à l’époque du Prophète, pour faire admettre le message il eut fallu le faire progressivement. Les fondements étaient posés ; il incombait aux hommes de faire évoluer la juridiction dans l’esprit de justice, de clémence, de bonté, pour consentir la modernité et pour un monde meilleur.

Sans ce message, la  société arabe tribale, n’aurait jamais pu sortir de son moyen-âge, ni être diffusée aux quatre coins du monde. C’est cet appel universel de l’islam, et son essence  libératrice de la peur, de l’injustice, de la superstition, ainsi que son appel à la solidarité  entre les hommes, à la justice sociale, qui l’ont permis.

Toute question que peut se poser l’individu de nos jours est légitime et justifiée. Justifiée pour qui refuse la violence contre les femmes, justifiée pour le  débat sur le port du voile, ou la polygamie ; justifiée pour qui milite pour le mariage mixte ou pour la liberté individuelle. A-t-on le droit, de nos jours, de refuser une loi réclamée par la société civile qui stipule l’égalité des citoyens ?

C’est cette résistance contre l’évolution qui a fait que la charia aux yeux de certains, est devenue une sorte de geôle spirituelle qui séquestre tout sujet appartenant à la religion musulmane, qui lui interdit de penser, d’objecter,  d’arguer et même d’évoluer dans sa foi et dans ses actes, sauf avec ce qui correspond à l’interprétation des doctes.  Suivre la charia telle quelle, à la lettre, de nos jours, est devenu difficilement acceptable et contesté par la logique, la raison. Il s’en est suivi une désertion de l’islam : désertion complète pour certains : le regard qu’ils portent sur l’islam est celui que porte n’importe quelle personne  pour des traditions révolues. Pour d’autres, l’islam se réduit à des mœurs et des coutumes, suivies et appliquées par habitude ; il représente davantage une culture qu’une foi,laquelle prend une importance secondaire. La majeure partie, reste dominée par les superstitions et les menaces de l’enfer que leur inculquent les hommes de religion. Pour eux, suivre les dogmes et les rites garantit leur vie future : ils peuvent pécher, par exemple, un nombre illimité de fois, il leur suffit d’aller au pèlerinage  à la Mecque une fois par an pour que Dieu leur pardonne, croient-ils. C’est malheureusement une déformation du message que ne rectifient pas les hommes de religion assignés, en principe, pour expliquer le message divin,  et qui  prêchent tous les vendredis.

Seule une petite partie des musulmans, grâce à une éducation ouverte et responsable, à un esprit critique, utilisant la raison et l’intelligence, vivent leur foi, comprise dans son essence.

Les pratiques de l’Islam et la foi

L’islam dogme est basé sur 5 pratiques personnelles : la chahada ou témoignage qu’il n’y a d’autre  dieu que Dieu et que Mahomet est son messager, la prière, le jeun durant le mois du Ramadan, la zakat ou l’aumône (la donation, et enfin le pèlerinage à « la maison » (la Mecque), pour qui en a les moyens.

La  prière consiste à réciter des versets du Coran. Elle est l’occasion pour chaque individu de se recueillir, de se remettre en question, de rectifier son parcours. C’est une opportunité pour se retrouver entre lui et sa conscience. C’est la prière qui va faciliter le fait de rester dans le droit chemin. Récitée à cinq reprises durant la journée, elle implique la sourate Al Fati7at, la première sourate du Coran dans laquelle l’homme implore Dieu de lui montrer la voie de la rectitude.

Malheureusement, pour certains elle n’est plus qu’une pratique de routine. Tous les pratiquants, qui récitent ces versets se posent-ils toujours la question de savoir s’ils sont  réellement entrain de chercher cette voie et de l’appliquer dans leur vie ?

Certes, on donne beaucoup de bonnes raisons en faveur du jeun du Ramadan. Une sorte de diète qui est bonne pour la santé, ou souffrir de la faim et de la soif pour penser à ceux qui en sont privés, etc. Je pense que c’est aussi et surtout un exercice pour que l’esprit apprenne à maîtriser le corps, à dominer ses envies. C’est un effort de volonté qui ne peut qu’affermir la personnalité pour mieux  supporter les aléas de la vie et éviter de tomber dans les pièges de la facilité.

Pour mieux comprendre l’aumône, la « zakat » je propose de recourir à l’excellente étude du Dr Ziad Hafez sur « l’éthique dans l’économie telle qu’évoquée dans  le Coran ». ( al alkhlaq fi al2iqtisad kama ja2a fi alqour2an alkarim ). L’article a été publié dans la revue Al-Adaab il y a quelques mois. C’est tout un système  de solidarité qui peut arriver, s’il est correctement appliqué, à éradiquer la pauvreté dans le monde et ce n’est pas peu dire. La zakat est une contribution au bien-être général, une sorte d’impôt consenti sur la fortune bien avant l’institution des impôts dans n’importe quelle société occidentale.

Le pèlerinage, lui, est un lieu où tous les hommes mettent de coté leurs différences sociales et se retrouvent égaux devant Dieu, sans distinction de race, de couleur ou de  statut économique, c’est le lieu du symbole de la modestie. Au lieu de perfectionner cette pratique dans sa forme, et tout en en expliquant le symbolisme, le pèlerinage pourrait  être un atout extraordinaire pour la rencontre des musulmans. Il pourrait devenir une occasion pour la tenue d’un congrès annuel des spécialistes de la charia afin de discuter des changements à introduire selon les besoins du moment. Il pourrait être accessoirement l’occasion d’échanges constructifs des sociétés, sur le plan culturel, intellectuel, scientifique et même pourquoi pas commercial ; cecipourrait faciliter l’évolution des esprits et le développement de ce monde dit musulman (et arabe en particulier) au lieu de le laisser à la traîne.

Ces pratiques ne sont en réalité, que des moyens, des outils, qui aident le croyant à trouver le droit chemin et essayer de le suivre, elles ont été confondues avec l’essence de l’islam. C’est à ce niveau que les musulmans sont induits en erreur.  C’est cette confusion qui facilite la déviation du droit chemin. L’individu qui pratique ces dogmes sans se soucier d’aller plus loin, se croit à l’abri pour sa vie future.

Pour certains, ces contraintes dans la pratique du dogme, semblent avoir pour contrepartie, un certain laisser aller qui ne pèse guère sur la conscience de ces personnes qui croient  avoir rempli leur partie de contrat avec Dieu.

Avant de clore le chapitre des relations entre l’islam et les musulmans, je voudrais dire un mot sur « l’État musulman ».  Dans le Coran, il n’y a pas de règles pour la fondation d’un état islamique. Il n’y a que des conseils apportésaux individus qui forment la société pour plus de solidarité entre eux, pour un mieux être général, en établissant des droits qui n’existaient pas, en recommandant la protection des plus faibles, en bannissant l’exagération, l’extrémisme, dans les deux sens, pour agir au mieux pour la société.

Malgré ces recommandations, très peu de dirigeants du monde musulman qui se sont succédés à travers les siècles ont réellement suivi les préceptes de l’islam. Ils ont laissé dominer leur soif de pouvoir, leur avidité ; ils ont eu recours à des ruses ou même des assassinats, pour éliminer leurs concurrents, au même titre que tous les dirigeants du monde à travers l’histoire.

Ce qui distingue les hommes les uns des autres c’est leur conduite et non leur religion. 

Rien n’empêche aujourd’hui l’accès des citoyens du monde musulman à la modernité : les préceptes du Coran n’en sont certainement pas une entrave. Rien n’empêche l’évolution vers la vraie démocratie. Rien n’empêche la libération de l’homme de ses préjugés, au contraire, c’est ce qu’on reconnaît sous le nom du jihad el akbar, l’effort le plus grand, celui qui est fait contre soi, pour se débarrasser de tout ce qui empêche l’épanouissement de l’individu. Quant à l’État islamique, il n’a aucune raison d’exister en tant que tel, sinon par la conduite des ses croyants.

Qu’en est-il de l’islam et des non musulmans ?

Le Coran est un message qui s’adresse à l’humanité entière.  Rappelons le texte : « arsalnakon ra7matan lil3alamin » ; « al3alamin » c’est le monde dans son ensemble. Toutes les règles de l’islam, conduisent vers ce qu’on appelle le droit chemin (alsirat almoustaqim): Le droit chemin commence par un abandon libérateur en Dieu dont personne n’est exclu et qui est à la portée de chacun ; c’est une conduite d’éthique, de tolérance de générosité de bonté de justice, de solidarité, qui s’applique autant aux musulmans qu’aux non musulmans.

Mahomet a dit : « ji2tou li2outamim makarem al2akhlaq » « je suis venu compléter  les bienfaits de l’éthique ». Ces bienfaits ont une portée universelle. Ce message laisse aux individus la liberté de l’adopter ou non, sans contrainte aucune. D’ailleurs, dans le verset 236 de la sourate La Vache, Dieu fait dire à Mahomet : « La ikrah fi aldin ». L’entière liberté en est laissée aux hommes. Ceci confirme le respect de la liberté individuelle.

Si le droit chemin préconisé par le Coran tend vers l’idéal, il n’est pas l’apanage des musulmans. Toutes les religions tendent vers un monde meilleur et vers la perfection. Même les religions autres que monothéistes tendent vers le même but, vers l’accomplissement suprême, vers le Nirvana.   Le chemin est ouvert à toute personne qui veut accéder à cette chose qui dépasse les hommes, à cette chose suprême qu’est Dieu. C’est pour appliquer des principes de justice, d’équité, de solidarité entre les hommes que la charia a été instituée sur terre, c’est en l’appliquant avec amour que les hommes pourraient se rapprocher de Dieu.

Pour terminer, on n’a pas besoin de se convertir pour être musulman. Notre conduite quotidienne si elle suit le droit chemin, suffit. Ainsi l’abbé Pierre, fondateur des « chiffoniers d’Emmaüs » est mouslem, mère Térésa, qui a consacré sa vie aux plus démunis en Inde, est mouslima,  toute personne qui se conduit dans sa pratique quotidienne avec justice générosité et bonté et surtout si elle tend activement à combattre l’injustice, est mouslima. En revanche beaucoup de personnes inscrites comme musulmanes dans le registre de leur état civil, sont loin des préceptes de l’islam. Dieu nous a créés libres, il nous a donné l’intelligence et la raison ainsi que la liberté de choix. A nous d’assumer nos responsabilités en toute liberté, dans notre monde terrestre et Dieu seul restera juge dans l‘autre.

Tout en confirmant les messages précédents, Dieu, à travers Mahomet, a posé les prémisses du chemin à suivre dans notre vie terrestre pour une harmonie plus satisfaisante entre les hommes. Les éléments de base ont été prescrits, aux hommes de les faire progresser avec l’époque qu’ils seraient amenés à vivre dans le futur. (Sourate : Le temps ( al 3asr). Cette complémentarité terrestre des précédentes religions monothéistes signifie bien la fin du message à travers ces mots que Dieu a fait dire au prophète : « Alyawm akmaltou lakom dinakom » (Ce jour, j’ai complété pour vous votre religion).

Il y a certainement des détails que j’ai manqués ou que je n’ai pas compris lors de ma lecture du Coran. En effet chaque nouvelle lecture m’a fait découvrir de nouveaux aspects, de nouvelles possibilités d’explications. Des personnes plus compétentes ont pu y trouver beaucoup plus d’éléments. Pour ma part, j’ai simplement tenté de  dire que l’islam n’est pas incompatible avec la modernité. Si dans la charia, il y a des lacunes, c’est que les juristes ont pris du retard pour réformer les textes  afin qu’ils puissent impliquer l’ensemble des citoyens.  D’ailleurs, si nous devons admettre que le message du Coran est universel, c’est ainsi qu’il doit être compris.


Ghada El Yafi

Beyrouth, le 5 decembre 2011



Articles Par : Ghada El-Yafi

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