Qui est le tireur présumé du quotidien Libération interpellé?

Abdelhakim Dekhar, 48 ans, a été arrêté mercredi dernier. Il est soupçonné d’avoir blessé par balles lundi matin un photographe dans les bureaux parisiens du quotidien de centre-gauche Libération. Il a été placé en garde à vue sur présomption de tentative de meurtre et d’enlèvement.

La police l’aurait interpellé dans une voiture dans un état comateux à 19h dans un parking souterrain à Bois-Colombes près de Paris.

Christian Flaesch, chef de la police judiciaire a dit: « « Dans la nuit de mardi à mercredi, vers 1h30 du matin, l’hébergeur a vu Abdelhakim dekhar dans le hall de son immeuble. Il lui a dit qu’il l’avait reconnu à la télévision et qu’il ne souhaitait plus l’accueillir chez lui », a ensuite détaillé le procureur. Dekhar lui aurait alors avoué être l’auteur des coups de feu à Libération et confié son intention de se suicider. »

Apparemment cette personne ne se serait rendue au poste de police que plusieurs heures plus tard pour y rapporter la confession de Dekhar et informer la police de l’endroit où il se trouvait.

La police dit que Dekhar, actuellement en prison à Paris, avait pris une overdose de barbituriques peut-être pour tenter de se suicider. Mais jeudi vers midi le procureur de la République François Molins a déclaré qu’il était en état d’être interrogé et d’être informé sur ses droits.

La police dit que les analyses ADN ont établi que Dekhar était impliqué dans trois autres incidents hormis la fusillade dans les locaux de Libération, à savoir les coups de feu tirés en direction de la banque Société Générale dans le quartier d’affaires de la Défense et le détournement d’une voiture, tous deux après l’incident de lundi à Libération, ainsi qu’une incursion armée dans les bureaux parisiens de BFM-TV le vendredi précédent. Mais les policiers n’ont pas pu retrouver le fusil ni les divers vêtements qu’on le voit porter sur les images des caméras de surveillance successives.

Les premières informations données sur Dekhar sont contradictoires et posent davantage de questions sur les motivations présumées de l’individu concernant la fusillade et la manière dont il a réussi à échapper à la police.

Les autorités déclarent que « rien ne permettait à ce stade d’établir que le tireur présumé a agi par motivation politique. » Mais cela semble contredire les extraits d’une lettre que Dekhar aurait préparée avant les fusillades et qui ont été partiellement révélés à la presse. Une source policière les a balayés d’un revers de main disant que c’était « un galimatias » et Molins les a qualifiées de « confus. »

Néanmoins Molins aurait déclaré, «Outre la lettre d’instruction pour son enterrement retrouvée à ses côtés dans la voiture, les enquêteurs sont également en possession d’une lettre qui leur a été remise par l’homme qui hébergeait Dekhar. Dans ce courrier, le suspect évoque pêle-mêle « un complot fasciste », « le capitalisme », « la gestion des banlieues » qui s’apparente selon lui « à une entreprise de déshumanisation portant sur des populations dont le grand capital ne veut pas » et accuse les médias de participer à la « manipulation des masses » avec des « journalistes payés pour faire avaler aux citoyens les mensonges à la petite cuillère ».

Dekhar aurait eu des liens avec des cercles anarchistes petits-bourgeois. La police dit l’avoir identifié comme étant impliqué dans une fusillade meurtrière contre la police perpétrée le 4 octobre 1994 par un couple d’anarchistes, Florence Rey, 19 ans et son petit ami étudiant en philosophie âgé de 22 ans, Audry Maupin.

Dekhar aurait oeuvré dans les cercles anarchistes avec Rey et Maupin qui avaient été membres du groupe anti-fasciste « d’action directe » SCALP (Section carrément anti-Le Pen, référence au dirigeant néo-fasciste Jean-Marie Le Pen.) Etant plus âgé qu’eux, on le soupçonnait d’avoir un ascendant politique sur le jeune couple.

Lors de son procès, il avait nié les connaître et avait prétendu avoir pour tâche d’infiltrer les cercles anarchistes pour le compte des services secrets algériens afin d’identifier les terroristes islamistes.

Mais les médias français ont largement rejeté ces déclarations, qualifiant Dekhar d’« individu aux tendances affabulatoires et mythomaniaques qui font de lui un agent de l’ombre, investi d’une mission politique au service de la cause algérienne.»

Dekhar avait passé quatre ans en détention préventive puis jugé en 1998. Il avait été reconnu non coupable d’avoir fourni l’arme avec laquelle Maupin avait tué trois policiers en 1994, ni d’être un complice du couple. Il avait été reconnu coupable d’un chef d’accusation moins grave, celui d’association de malfaiteurs, mais avait immédiatement été remis en liberté ayant déjà purgé sa peine de quatre ans.

Une autre question reste à éclaircir : comment quelqu’un ayant le parcours de Dekhar a-t-il pu échapper à la surveillance policière ?

Le ministre de l’Intérieur Manuel Valls a déclaré jeudi que la police avait perdu la trace de Dekhar après sa sortie de prison en 1998 probablement parce qu’il « était parti à l’étranger. ».

Mais Dekhar aurait passé le plus clair de son temps depuis 1998 en Grande-Bretagne, à Ilford, et travaillé dans un restaurant à Londres et il aurait épousé une étudiante à Redbridge en 2000. Il se rendait souvent en France et restait chez des amis à Paris, où il était depuis le mois de juillet dernier en « vacances » prolongées.

Antoine Lerougetel

23 novembre 2013



Articles Par : Antoine Lerougetel

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