À qui profite l’escalade du chaos en Irak ?
Saddam Hussein est mort. De même que trois mille Américains.
Le régime irakien est tombé. Pourtant la victoire ne sera pas proclamée : non seulement la guerre se poursuit, mais elle est sur le point de s’intensifier. Évidemment, la confusion en Irak est pire que jamais, et la plupart des Étasuniens ne sont plus disposés à accepter les coûts, humains et économiques, associés à cette guerre.
Nous sommes en Irak depuis 45 mois. Beaucoup plus d’Étasuniens ont été tués en Irak que durant les 45 premiers mois de notre guerre au Viêt-nam. J’étais dans l’armée de l’air US en 1965, et je me rappelle bien quand le Président Johnson a annoncé une augmentation des troupes au Viêt-nam pour précipiter la victoire. Cette guerre s’est poursuivie pendant une autre décennie, et avant que nous en soyons finalement sortis, 60.000 Étasuniens étaient morts. Dieu sait que nous aurions dû en sortir dix ans plus tôt. » L’augmentation des troupes » signifiait une escalade importante.
Les élections sont terminées et les Étasuniens ont parlé. Assez, c’est assez ! Ils veulent la fin de la guerre et ramener nos troupes à la maison. Mais c’est plutôt le contraire qui risque de se produire, et avec un soutien biparti. Jusqu’à 50.000 soldats supplémentaires seront envoyés en Irak. Le but n’est plus de gagner, mais juste de sécuriser Bagdad ! Tant a été dépensé avec si peu de résultats.
À qui profite sans doute l’escalade du chaos en Irak ? Sans se laisser décontenancer, les néoconservateurs ont montré en quoi ce chaos pouvait favoriser leurs buts. Oussama Ben Laden a certainement tiré bénéfice de l’agitation en Irak, tout comme les chiites iraniens qui sont maintenant en meilleure position pour prendre le contrôle du sud de l’Irak.
Oui, Saddam Hussein est mort, et seuls les sunnites pleurent. Tous les ennemis de Saddam Hussein, à savoir les chiites et les Kurdes, de même que les Iraniens et -surtout- Ben Laden, célèbrent sa mort. Nous avons rendu un énorme service à Ben Laden et à Ahmadinejad, et il nous en aura coûté d’abondance. La violente réaction à notre complicité dans l’exécution de Saddam Hussein reste à venir.
Trois mille militaires étasuniens sont morts, plus de 22.000 sont blessés, et des dizaines de milliers seront mentalement traumatisés par leur mission en Irak. Sans compter les centaines de milliers de civils irakiens tués dans cette guerre. Nous avons dépensé 400 milliards de dollars jusqu’ici, sans même apercevoir notre objectif final.
C’est de l’argent que nous n’avons pas. Tout est emprunté à des pays comme la Chine, qui réussissent de mieux en mieux dans l’économie mondiale, tandis qu’une lourde imposition et une inflation insidieuse drainent la richesse de nos concitoyens. Notre base industrielle a maintenant quasiment disparu.
Tout le monde fait des conjectures sur la provenance des renforts US en Irak. Mais ils ne seront sûrement pas redéployés à partir du Japon, de la Corée, ou de l’Europe. Nous devons au moins faire semblant que notre empire en faillite est intact. Et rappelons-nous par ailleurs que l’empire soviétique semblait intact en 1988.
Quelques membres du Congrès, qui souhaitent répartir équitablement la souffrance sur l’ensemble de la population des États-Unis, veulent rétablir la conscription. Les responsables de l’administration nient avec véhémence établir des plans concrets de conscription. Mais pourquoi devrions-nous les croire ? Regardez ce qui est arrivé quand tant de gens ont cru les raisons invoquées pour notre invasion préventive en Irak.
Les fonctionnaires du service de sélection admettent travailler à la vérification de leurs listes de jeunes hommes disponibles. Si la conscription est rétablie, nous inclurons sans doute des jeunes femmes pour ainsi bien servir le dieu de » l’égalité « . La conscription s’apparente purement et simplement à l’esclavage et elle a été rendue illicite par le 13ème amendement, qui interdit la servitude involontaire. Une recrue militaire peut très bien être tuée, ce qui fait de la conscription une sorte d’asservissement très dangereux.
Au lieu de tester l’efficacité du système de service sélectif et d’envoyer plus de troupes au loin dans une guerre que nous sommes en train de perdre, nous devrions faire renaître notre amour de la liberté. Nous devrions abroger la loi du service sélectif. Une société libre ne devrait jamais dépendre de la conscription obligatoire pour se défendre.
Nous nous attirons des ennuis en ne suivant pas les préceptes de liberté ou en n’obéissant pas à l’autorité de la loi. Les guerres préventives non déclarées et déclenchées sous de faux prétextes mènent tout droit au désastre. Si une déclaration de guerre remplie par le Congrès avait été exigée comme la Constitution le stipule, cette guerre n’aurait jamais eu lieu. Si nous ne créions pas de crédit à partir du vent, comme la Constitution l’interdit, nous n’aurions jamais convaincu certains contribuables de soutenir cette guerre directement avec leurs économies. Combien de temps cette mascarade financière pourra-t-elle continuer ? Difficile à dire. Mais quand la fin viendra, elle ne passera pas inaperçue des Étasuniens.
Ron Paul est un élu républicain du Texas au Congrès.
Original : http://www.informationclearinghouse.info/article16098.htm
Traduction de Pétrus Lombard