Reportage sur place: le gouvernement de l’Équateur collabore avec Washington pour s’emparer des affaires personnelles de Julian Assange
Des responsables équatoriens ont perquisitionné illégalement les biens personnels du fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, à l’ambassade du pays à Londres hier. Une déclaration publiée en ligne a confirmé que la perquisition avait eu lieu à la demande des États-Unis pour obtenir une «assistance judiciaire» dans le cadre de ses efforts pour extrader Assange.
La perquisition a eu lieu 40 jours après que Assange ait été enlevé par une force d’intervention policière et traîné hors de l’ambassade alors qu’il bénéficiait de l’asile politique obtenu en 2012. Il a été contraint de laisser sur place toutes ses affaires personnelles, y compris ses documents personnels, juridiques et médicaux, ainsi que ses appareils électroniques. Assange est enfermé dans la prison à sécurité maximale de Belmarsh, après avoir été condamné cruellement le 1er mai à une peine de cinquante semaines d’emprisonnement pour une légère violation d’une liberté sous caution.
Police métropolitaine dans la rue adjacente à l’ambassade équatorienne
Les soutiens d’Assange se sont rassemblés dès 8 heures devant l’ambassade afin de témoigner et dénoncer la perquisition.
Quelques manifestants devant l’ambassade
Des membres du Comité de la défense de Julian Assange et du Parti de l’égalité socialiste figuraient parmi ceux qui s’étaient réunis après l’ annonce que l’opération débuterait à 9 heures. El Pais a écrit: «La perquisition de la pièce scellée d’Assange aura lieu le 20 mai dans le cadre d’une requête d’entraide judiciaire adressée au gouvernement de l’Équateur par le ministère de la Justice des États-Unis.» Elle serait organisée «sous la surveillance de le chef de la police Diego López et le second sergent Milton Jaque», décrit comme un «expert en informatique».
Un membre du personnel de l’ambassade d’Équateur en conversation avec un agent de protection diplomatique du SO6 (dans une voiture banalisée)
Au cours de la journée, des policiers de Londres, dont plusieurs policiers de la protection diplomatique SO6, se sont positionnés près de l’ambassade et se sont approchés à un moment de l’entrée principale du bâtiment. SO6 est une unité de police armée. Les policiers ont refusé de répondre aux questions des manifestants, sauf pour dire qu’ils «maintenaient la paix».
Une voiture de police arrive à l’ambassade vers 10h
Vers 10 heures du matin, une voiture de police s’est garée en face de l’ambassade avant de partir. Plus tard, un fourgon de la police est arrivé et s’est garé à côté de l’entrée latérale de l’ambassade, avant qu’un certain nombre d’officiers ne se soient dirigés vers le devant du bâtiment de l’ambassade. Les supporters d’Assange ont exigé de savoir ce qu’ils faisaient et ont scandé: «Honte à vous!», « Gangsters!», «Julian Assange est innocent!» Et «C’est du vol, halte au crime!»
La remise à la police des affaires personnelles d’Assange par l’Équateur est un acte criminel de proportion ahurissante.
WikiLeaks a rapporté que toute la défense juridique d’Assange contre l’extradition américaine avait été laissée à l’ambassade. Dans un communiqué de presse publié tôt hier matin, WikiLeaks a indiqué le moment de la perquisition et de la saisie, à peine trois semaines avant le dernier délai du 14 juin permettant aux États-Unis de déposer leur demande d’extradition définitive au Royaume-Uni. Les persécuteurs d’Assange sont venus fouiller ses biens alors que les représentants de son équipe d’avocats et même un responsable des Nations Unies ont été empêché d’y être présents.
La police métropolitaine s’installe devant l’ambassade
«La chaîne de possession a déjà été brisée», a souligné WikiLeaks, ce qui signifie que les indices auraient pu être falsifiés et ne devraient pas être admissibles devant un tribunal.
«Le matériel comprend deux de ses manuscrits, ainsi que ses papiers juridiques, ses dossiers médicaux et son appareil électronique. La saisie de ses biens constitue une violation des lois protégeant le secret médical et le secret juridique et la protection de la presse.»
«Plus tôt cette semaine, le rapporteur spécial des Nations unies sur la protection de la vie privée, qui avait rencontré M. Assange à la prison de Belmarsh le 25 avril, a demandé à être présent pour surveiller la perquisition des biens d’Assange. L’Équateur a inexplicablement refusé la demande.»
Pour souligner les efforts de haut niveau visant à envoyer Assange dans une prison américaine, le communiqué de presse indiquait vendredi que «le président [équatorien] Lenin Moreno a instauré un état d’urgence qui suspend les droits des prisonniers à « l’inviolabilité de la correspondance, la liberté d’association, de manifester et la liberté d’information » par le décret exécutif 741.»
SO6 Officiers de la protection diplomatique et police métropolitaine devant l’ambassade d’Équateur
«L’administration Trump incite ses alliés à se comporter comme si c’était le Far West», a déclaré Kristinn Hrafnsson, rédacteur en chef de WikiLeaks.
«L’Équateur est dirigé par des criminels et des menteurs. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que l’Équateur, indépendamment ou à la demande des États-Unis, a trafiqué les affaires personnelles qu’il enverra aux États-Unis.»
Baltasar Garzon, coordinateur juridique international pour la défense de Julian Assange et WikiLeaks, a ajouté que les documents d’Assange étaient «remis à l’agent de persécution politique à son encontre, les États-Unis. Il s’agit d’une attaque sans précédent contre les droits de la défense, la liberté d’expression et l’accès à l’information révélant d’énormes violations des droits humanitaires et la corruption.»
Aitor Martinez, un autre avocat d’Assange, a déclaré: «L’Équateur commet une violation flagrante des normes les plus élémentaires de l’institution de l’asile en remettant tous les effets personnels du demandeur d’asile au pays dont il était protégé – les États-Unis.»
Dans un autre acte de persécution, Eva-Marie Persson, le substitut du procureur général suédois, a demandé à un tribunal de district suédois une ordonnance de mise en détention pour Assange «en son absence, pour cause probable soupçonnée de viol».
À ce jour, Assange n’a jamais été inculpé d’aucun crime lié à des allégations fabriquées d’inconduite sexuelle remontant à un voyage de 2010 qu’il a effectué en Suède. Même maintenant, il n’y a aucune mention d’accusations. Si l’ordonnance de mise en détention est accordée, toutefois, ce sera la première étape dans l’émission d’un mandat d’arrêt européen (MAE) visant à ce que Assange soit livré à la Suède.
Persson a souligné qu’elle ne voyait aucune raison à ce que la décision de la Suède soit en contradiction avec la demande d’extradition des États-Unis, étant donné que «les autorités britanniques décideront de l’ordre de priorité».
Sur le plan politique, l’action des procureurs suédois a permis de détourner l’attention du complot criminel mis en place hier par l’Équateur, les États-Unis et le Royaume-Uni. Cependant, Craig Murray, ancien ambassadeur britannique et défenseur des droits de l’homme, a formulé des observations importantes sur les considérations juridiques à la base de la demande de Persson.
Il a souligné qu’un mandat d’arrêt européen «doit être délivré d’un pays à un autre par une autorité judiciaire». Toutefois, la demande suédoise initiale d’extradition d’Assange «n’a pas été émise par un tribunal, mais simplement par le procureur».
«L’appel initial d’Assange devant la Cour suprême du Royaume-Uni était en grande partie basé sur le fait que le mandat ne venait pas d’un juge mais d’un procureur, et que ce n’était pas une autorité judiciaire.»
Murray a poursuivi: «Je ne doute pas que, si toute autre personne au Royaume-Uni avait été accusée, les tribunaux britanniques n’auraient pas accepté le mandat d’un procureur. […] Ma thèse est corroborée par le fait qu’immédiatement après la défaite d’Assange (en mai 2012) contre le mandat de la Cour suprême, le gouvernement britannique a modifié la loi pour préciser que les mandats futurs doivent émaner d’un juge et non d’un procureur.»
Un manifestant devant l’ambassade
Dans ce que Murray décrit comme «un raisonnement absolument sans précédent et franchement incroyable… Lord [Nicholas] Phillips a conclu que, dans le texte anglais du traité MAE, « autorité judiciaire » ne pouvait pas inclure le procureur suédois, mais que dans la version française « autorité judiciaire » pourrait inclure le procureur suédois. Lord Phillips, les deux textes ayant la même validité, a décidé de préférer le texte français au texte anglais, une décision absolument stupéfiante dans la mesure où les négociateurs britanniques pourraient être présumés avoir travaillé à partir du texte anglais, de même que les ministres et le parlement britanniques lors de la ratification du jugement.» [surlignement dans l’original]
En d’autres termes, s’agissant du sort de Julian Assange, les plus hautes autorités judiciaires ne font que modifier la loi et l’inventer au besoin.
Pour souligner la nature de la criminalité officielle, l’avocat d’Assange, Per Samuelsson, a déclaré à Reuters qu’aucune procédure judiciaire ne devrait avoir lieu en Suède, comte tenu du fait que le Royaume-Uni refuse d’accorder aux avocats d’Assange l’accès à leur client à Belmarsh.
«Depuis qu’il est en prison en Angleterre, il n’a pas encore été possible de lui parler par téléphone», a déclaré Samuelsson. Il informerait le tribunal de district suédois que ce dernier ne pourrait pas traiter la demande du procureur avant que l’avocat d’Assange n’ait eu la possibilité de s’entretenir avec son client et appris s’il souhaitait s’opposer à une ordonnance de mise en détention.
Chris Marsden et Robert Stevens
Article paru en anglais, WSWS, le 21 mai 2019