Révélation: La campagne de propagande secrète du gouvernement britannique en Syrie

Des documents obtenus par le MEE révèlent comment des entrepreneurs britanniques ont recruté des journalistes citoyens syriens - souvent à leur insu - pour promouvoir une "opposition modérée".

Le gouvernement britannique a secrètement établi un réseau de journalistes citoyens à travers la Syrie pendant les premières années de la guerre civile du pays afin de tenter de façonner les perceptions du conflit, en recrutant fréquemment des personnes qui ne savaient pas qu’elles étaient dirigées depuis Londres.

Un certain nombre de documents ayant fait l’objet d’une fuite et vus par Middle East Eye montrent comment l’initiative de propagande a commencé en 2012 et s’est intensifiée l’année suivante, peu après que le parlement britannique ait refusé d’autoriser l’action militaire britannique en Syrie.

Les militants syriens affirment que la campagne de propagande pro-rébellion a peut-être été contre-productive.

Grâce à des financements britanniques, étatsuniens et canadiens, des entrepreneurs du gouvernement britannique ont ouvert des bureaux à Istanbul et à Amman, où ils ont engagé des membres de la diaspora syrienne, qui ont à leur tour recruté des journalistes citoyens en Syrie.

Ces journalistes, dont beaucoup sont jeunes, ont été chargés de produire des séquences télévisées, des programmes radio, des médias sociaux, des affiches, des magazines et même des bandes dessinées pour enfants.

Alors que de nombreux Syriens se sont spontanément tournés vers l’activisme médiatique dès le début de la guerre, les documents décrivent la manière dont le gouvernement britannique a cherché à orienter une partie de leur production, considérant le journalisme citoyen comme un moyen d’influencer secrètement le public syrien.

Les documents précisent également que les personnes qui ont été recrutées ignoraient souvent qu’elles faisaient partie d’une initiative de propagande britannique.

Certains de ceux qui ont été recrutés ont toutefois défendu leur implication, affirmant qu’ils dépendaient du soutien occidental dans leurs efforts pour contrer les reportages pro-gouvernementaux dans les médias d’État syriens, et dans les médias soutenus par l’Iran et la Russie.

À un moment où la dernière enclave de l’opposition dans la province d’Idlib est attaquée par les forces pro-gouvernementales, ils se sont demandé si les pays occidentaux auraient pu apporter un soutien matériel plus important aux rebelles modérés.

Certains journalistes syriens se sont plaints que le soutien occidental à leur travail diminuait alors même qu’il était le plus nécessaire, après que l’entrée en guerre de la Russie en 2015 ait fait pencher la balance en faveur du président Bachar al-Assad.

Les documents ont été rédigés comme des plans pour l’initiative par un anthropologue travaillant dans la lutte contre le terrorisme au ministère des affaires étrangères à Londres. Ils ont été remis fin 2014 à un petit nombre d’entreprises de communication qui ont été invitées à soumissionner pour trois contrats pour la réalisation des travaux.

L’un d’entre eux déclare :

« L’objectif du projet est de contribuer à un changement positif d’attitude et de comportement ».

Cette définition a été complétée par :

« Renforcement du rejet populaire du régime Assad et des alternatives extrémistes ; promotion des valeurs modérées de la révolution ; promotion de l’identité nationale syrienne ».

Renforcement du rejet populaire du régime Assad et des alternatives extrémistes ; promotion des valeurs modérées de la révolution ; promotion de l’identité nationale syrienne.

Les documents montrent que l’objectif principal du projet de journalisme citoyen – et d’une série d’initiatives de propagande britannique interconnectées – était de promouvoir les intérêts stratégiques du Royaume-Uni en Syrie et au Moyen-Orient.

Ces intérêts sont définis dans les documents ayant fait l’objet d’une fuite comme « une Syrie plus stable et plus démocratique qui répond mieux aux besoins et aux aspirations de son peuple », le soutien à une solution politique au conflit, l’allégement de la souffrance humanitaire et le renforcement de la sécurité du Royaume-Uni.

En plus de développer un journalisme de base aligné sur les valeurs du gouvernement britannique, le Royaume-Uni et d’autres gouvernements occidentaux tentaient en même temps de construire une société civile dans les zones contrôlées par certains des opposants à Assad, en finançant et en formant des forces de police et des équipes de défense civile.

Le plan de l’anthropologue indique clairement que cela n’était pas seulement fait pour aider à maintenir l’ordre public et fournir une assistance humanitaire, mais aussi « pour instaurer la confiance dans une Syrie future libérée du joug extrémiste ».

Cependant, les documents reconnaissent les risques encourus par les jeunes journalistes qui ont été involontairement cooptés par le gouvernement britannique.

« La couverture médiatique du projet sera nettement malvenue en raison des risques encourus par les employés syriens et de l’efficacité du projet qu’il générerait », déclare l’un d’entre eux.

« L’exécutant n’est pas autorisé à parler publiquement (aux médias ou lors de conférences universitaires) de son travail sans l’autorisation explicite du gouvernement de Sa Majesté (HMG). Ceci sera mis en application par un accord de non-divulgation ».

Un certain nombre de jeunes journalistes citoyens syriens ont été détenus et assassinés par le groupe de l’État islamique (EI) après qu’il ait commencé à s’emparer de territoires dans le pays en 2015.

Le groupe a fréquemment dénoncé ses victimes comme des « espions » occidentaux, et certains journalistes syriens ont été poursuivis au-delà de la frontière turque et tués.

Si l’on pense que de nombreuses victimes n’étaient pas impliquées dans des projets parrainés par le Royaume-Uni, le MEE en connaît deux qui l’étaient.

Une campagne sur trois fronts

Le projet de journalisme citoyen du gouvernement britannique faisait partie d’une initiative de propagande à trois volets qui a été développée à Londres et qui, selon les documents, devait « avoir un effet synergique ».

Le premier volet, intitulé « Identité syrienne », visait à « unir les Syriens par l’affirmation positive de cultures et de pratiques communes et à rétablir la confiance entre voisins, tout en illustrant la force des Syriens en nombre », selon le plan directeur.

Les documents expliquent que le second volet, appelé Syrie libre, « cherche à instaurer la confiance dans une Syrie future libérée de la domination extrémiste »…

Lire la suite dans l’article original en anglais.

Ian Cobain

Alice Ross

Lire l’article original en anglais :

Revealed: The British Government’s Covert Media Propaganda Campaign in Syria

Middle East Eye le 19 février 2020

Traduction : le-blog-sam-la-touch.over-blog.com



Articles Par : Ian Cobain

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