Russie et Etats-Unis, attaque ou défense ?

A la conférence sur « Démocratie et sécurité » à Prague, Bush a attaqué Poutine pour avoir déraillé des promesses de démocratie qu’il avait faites à ses concitoyens. Il a aussi attaqué la Chine avec une dureté inhabituelle. Les élites politiques est-européennes l’entouraient, heureuses, tandis que dans les rues de la ville on manifestait contre l’installation du radar nécessaire, officiellement, pour se défendre contre l’Iran et la Corée du Nord, et visant en réalité à ramener la Russie à un rang de puissance vaincue. 

   

Qui a commencé le premier à jouer à la guerre froide ? À se regarder à nouveau comme s’ils étaient des ennemis toujours à égalité ? Bush ou Poutine ? On est bien loin des bombes sur les marchés de Bagdad et de Kaboul. Entre les deux se trouvent leurs arsenaux nucléaires respectifs, l’un étant plus avancé dans quelque secteur, et l’autre dans tous les autres, et il agite en plus le panneau rouge du bouclier spatial. Comment Poutine en est-il arrivé à déclarer l’Amérique de Bush aussi dangereuse que l’Allemagne de Hitler et Bush à décider de financer quiconque  à l’est de l’Elbe est traditionnellement contre l’ex empire tsariste, l’ex Urss, et maintenant la Russie de Poutine ?

La réponse se trouve dans un « miracle » impossible à croire, en 1996, quand le Fonds Monétaire  International finança l’élection de Eltsine, ce garant de la braderie en cours des richesses de la deuxième puissance mondiale dès sa dissolution. Homme de Boris Eltsine, pendant des années personne ne se préoccupa de ce que Poutine avait l’intention de faire, jusqu’à ce qu’il arrive à le faire. Poutine a tiré profit de l’augmentation du prix du pétrole pour arrêter la braderie et commencer à remettre d’aplomb l’économie. Et il a en même temps reconstitué les bases pour exercer  le pouvoir dans une situation de dégradation mafieuse de l’autorité de l’état. Le monde s’est rendu compte qu’il existait. La clochette d’alarme a cependant sonné avec le cas Khodorkhovsky, quand un prétexte a envoyé en prison le financier qui vendait aux américains l’entreprise cœur de la richesse restante, la société des pétroles russes. Poutine l’a fait sans compromis avec ceux qui comptent, dans un monde où l’économie est au poste de commandement. Bref, il est devenu l’ennemi dont il fallait se garder. Et son pays un danger.

L’Amérique de Bush a entouré le territoire russe de bases, avec l’aide de l’Otan et des pays  d’Europe de l’Est, fiers de pouvoir se racheter de leur ancienne dépendance vis-à-vis de l’Urss et de l’échanger avec celle des Usa. En outre, elle a financé les révolutions « démocratiques » des jeunes états ex soviétiques pour qu’ils changent de patron de référence. Elle a enfin  utilisé tous les moyens pour faire croître une opposition interne russe. Les résultats jusqu’à présent sont moins que rares. Et pour l’opinion publique russe, les paroles de Bush à Prague feront monter la côte de Poutine, et pas seulement par orgueil national, mais parce qu‘elles seront considérées comme une provocation gratuite à quoi il faut donner une réponse adéquate. En fait, l’approche soviétique typique des critiques occidentales a changé : rejet  formel et consensus substantiel. Comme il l’a déjà fait, Poutine est capable de riposter : « Comment pouvez-vous vous gargariser de démocratie alors que vous avez le Patriot act, Guantanamo, la peine de mort, les tortures ? ».

En somme, l’attaque de Bush à Prague va servir à renforcer Poutine. On peut se demander qui a conseillé le président des Etats-Unis, plein d’ennuis chez lui, et si mal vu dans le monde. Et si le consensus des élites au gouvernement en Pologne, Estonie, Lituanie, Lettonie et de Prague, est réellement plus considérable que l’embarras de l’Allemagne et du reste de l’Europe. S’il est à ce point vrai que l’Union Européenne ne compte pour absolument rien à la Maison Blanche de Bush, au point de ne pas tenir compte des liens existants avec la Russie. Au point qu’elle pousse les plus hauts fonctionnaires à participer à la campagne de dénigrement de ce qui est en train d’arriver dans le pays en reprise (Pologne, NDT). Il faut par la volonté des Usa être victimes des jumeaux polonais et ne pas se préoccuper  de chercher de compromis sur le contentieux entre la Pologne et la Russie. Un contentieux « ridicule », sur de la viande clandestine arrivant d’Asie et vendue comme polonaise avec les subventions de l’Ue. Et c’est sur une telle vétille que se creuse l’écart entre la méchante Russie qui la refuse (la viande, NDT), et la pauvre Pologne, sa victime.

Les médias ont revêtu la méchante Russie de ses anciens habits d’autocrate, mais on nous explique que grâce à la passion de Bush pour la démocratie nous sommes tous plus en sécurité. Et si en plus on a le bouclier… L’Irak, l’Afghanistan, la Palestine sont quasiment sortis de scène, avec la guerre globale à la terreur et tout le reste. Sur scène, il y  a maintenant le vieil ennemi retrouvé, la Russie. Qui ne va pas accepter de jouer ce rôle et va essayer de renverser son image. Dans le passé, en tant qu’Urss c’était difficile, il y avait alors, vraiment, la guerre froide. Mais aujourd’hui il suffit de regarder les jeunes qui se promènent sur la Perspective Nevsky pour comprendre que nous sommes dans une autre époque.

Edition de mercredi 6 juin 2007 de il manifesto

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio



Articles Par : Rita Di Leo

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