Russie: le tribunal médiatique remis en cause par les professionnels

Ces derniers temps, toutes les accusations médiatiques portées par la presse et servant la campagne anti-russe atlantiste s’écroulent les unes après les autres dès que les professionnels ne peuvent plus détourner les yeux. Les enquêteurs de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) ne cessent de se promener à Douma en Syrie, en vain. Ils n’ont pu non plus établir la provenance du produit qui est censé avoir temporairement touché les Skripal à Londre. Sans parler du revirement incroyable dans l’affaire du dopage russe, dont la « preuve » n’a pas été considérée comme établie par le Tribunal arbitral du sport.

Le tribunal médiatique occidental qui demande haut et fort la tête de la Russie se trouve mis à mal depuis que les professionnels mènent l’enquête.

La mise en scène de Douma, Syrie

A Douma en Syrie, les experts de l’OIAC vont retourner une deuxième fois chercher la moindre trace de produit chimique. Pour l’instant, ils reviennent les poches vides. Ce qui confirme les accusations portées par la Russie de mise en scène de la soi-disant attaque chimique, afin de provoquer une intervention armée non pas contre les terroristes, mais contre Assad (voir notre texte ici).

Il est vrai que l’histoire est portée par les Casques Blancs, une institution très intéressante, fondée par des anciens des services spéciaux britanniques et co-financées par la très américaine USAID, l’Arabie Saoudite et l’UK Conflict Security and Stability Fund:

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La disparition des Skripal

Dans la série des accusations scabreuses, la palme d’or revient à l’étrange empoisonnement de l’ancien espion russe Skripal retourné par le MI6 et de sa fille, qui en pleine forme après qu’une cousine russe ait voulu les voir (voir notre article ici), ont mystérieusement … disparu. Ce que souligne S. Lavrov, lorsqu’il rappelle que les Britanniques ne donnent aucune information sur les Skripal, qu’aucun contact direct n’a pu être établi. La Russie soupçonne la Grande-Bretagne de les avoir fait enlever.

La CIA avait parlé de les exfiltrer … et de leur donner une nouvelle identité. Sont-ils seulement en vie?

Ici aussi, alors que les politiques accusent la Russie d’avoir mené une attaque chimique sur le territoire d’un Etat étranger, que la presse occidentale reprend en choeur sans jamais oser le bon sens, les policiers britanniques affirment qu’il leur faudra quelques mois d’enquête, le laboratoire chimique de Porton Down, qui menait – ou mène – des expérimentations chimiques pour l’armée, a déclaré qu’il était impossible de préciser l’origine de la substance utilisée, et l’OIAC n’a pu non plus aller plus loin.

Ici aussi, le journalisme a condamné avant la justice, pour que celle-ci soit sommaire, qu’elle corresponde au temps politique.

Dopage, marche arrière toute

La dernière décision du Tribunal arbitral sportif aura le plus marqué les revirements concernant les accusations diverses et variées portées contre la Russie. Rappelons-nous que toute la presse, à la suite de la vendetta du « journaliste » allemand Hajo Seppelt, a condamné la Russie pour un dopage d’Etat sur les seuls dires de Rodchenkov, qui était en charge du contrôle anti-dopage en Russie, accusé en Russie, exfiltré aux Etats-Unis avant son jugement, où il ne cesse de donner des interviews et de faire publier son journal intime … accusant la Russie. En conséquence de quoi, la Russie a été privée de JO, l’AMA a fait pression sur le CIO, même les paralympiques ont été sanctionnés. Il paraît que les sportifs russes sur demande du ministre des Sports prenaient un super cocktail à base d’alcool et de dopants (ils sont Russes, ils doivent boire) et le FSB passait à travers les murs pour changer leurs urines en urines propres et garantir ainsi leurs victoires et leur immunité. C’est en tout cas de cette manière que très sérieusement les accusateurs ont expliqué les victoires russes aux JO de Sotchi et la nécessité de retirer leurs médailles aux sportifs russes.

Dans la grande majorité des cas, le TAS a réhabilité les sportifs et leur a rendu leur médaille. Mais cette fois-ci, il est allé encore plus loin. Peut-être un sursaut d’orgueil. Ou l’instinct de survie face à l’absurdité. Dans la décision elle-même, il a expliqué que la manière de collecter les preuves était inacceptable devant un tribunal, que cela reposait sur du ouï-dire non vérifié et non établi:

 The Panel has not made a ruling on whether and to what extent the alleged doping scheme during the Sochi Games existed and how it operated (…) the Panel did not consider it possible to conclude that the existence of a general doping and cover-up scheme, even if established, would inexorably lead to a conclusion the Athlete committed the ADRVs alleged by the IOC

Il faut dire que Rodchenkov et McLaren furent très mal à l’aise lors des auditions devant les juges sportifs. C’est une chose de faire de grandes déclarations devant les journalistes, c’est autre chose de frôler le parjure.

Rodchenkov n’a jamais pu affirmer devant les juges ses accusations:

Au cours de ses auditions, qui avaient commencé fin janvier, ce dernier a en effet admis n’avoir jamais distribué le cocktail Duchesse, n’avoir jamais vu un athlète prendre le fameux cocktail, pas plus qu’avoir été témoin d’instructions données aux sportifs et entraîneurs d’en faire usage. Grigory Rodchenkov a également admis qu’aucun test sur l’efficacité du cocktail Duchesse n’avait été fait, et lorsqu’il a été interrogé sur sa composition exacte, il a simplement déclaré qu’il avait besoin de cinq minutes pour s’expliquer… et s’est abstenu de le faire. (…) S’il a répété qu’une équipe de «responsables», surnommée les «Magiciens», avait développé une technique pour ouvrir les flacons d’échantillons conçus pour être inviolables, il a précisé n’avoir «jamais vu un flacon être ouvert», ajoutant qu’il ne connaissait pas la méthode employée.

Quant à McLaren, sa situation n’est pas plus enviable. Lors des auditions il a affirmé que son but n’était pas de démontrer si tel ou tel sportif russe avait concrètement été dopé, mais s’ils auraient pu théoriquement tirer un bénéfice du système de dopage russe (qui lui non plus n’a pas été démontré), sans pour autant signifier qu’ils en ont bénéficié. Sa déclaration est très claire, son rapport ne prouve strictement rien (pt. 322 et suivant de la décision):

At the outset of his testimony, Prof. McLaren expressly emphasised that, insofar as wrongdoing by individual athletes was concerned, he was not asked, nor had he attempted, to determine whether any individual athlete had committed an ADRV. Instead, he was “merely asked to identify those who may have benefited from the systems” described in the McLaren Reports. (…)

Prof. McLaren went on to explain that, in this respect, if his investigation obtained evidence that a particular athlete may have benefited from the scheme, then “It didn’t mean that they did benefit. It didn’t mean that they committed [an] anti-doping rule violation.” Prof. McLaren’s mandate simply required him to identify athletes who may have benefited from the scheme. He was not, however, a result management authority with respect to particular athletes.

La réponse de McLaren concernant l’exclusivité de la source d’information, Rodchenkov, est dans la droite ligne des diverses accusations: il y a eu aussi des témoins, mais secrets et je ne peux pas vous dire de qui il s’agit:

During examination-in-chief by the IOC’s counsel, Prof. McLaren was asked for his response to the suggestion that the McLaren Reports were based only on the testimony of Dr. Rodchenkov. Prof. McLaren responded that this was not an accurate characterisation. In particular, he explained that he had sought to corroborate everything that Dr. Rodchenkov said to him. To this end, Prof. McLaren had consulted confidential witnesses, numerous documents and an array of forensic scientific testing. With respect to the confidential witnesses, Prof. McLaren explained that during the course of his investigation he had spoken to four individuals who provided information on condition that their identities would remain confidential, in view of the serious risks they would face if their cooperation with Prof. McLaren became known

Chose également surprenante, McLaren refusait de suivre une procédure écrite avec les sportifs russes. Pourquoi? Pour ne pas laisser de traces? De même, il ne se souvient plus de qui a authentifié la base de données compromettante:

Prof. McLaren had received the data as an image of the data in Russian language from a laptop. The authenticity of the data was examined from that image by an expert whose name he could not remember.

Sur la crédibilité de Rodchenkov, McLaren a déclaré qu’au début, il avait des doutes. Mais à partir du moment où il est entré sous protection du FBI, « il ne pouvait plus dire que la vérité, il avait trop peur d’être expulsé des Etats-Unis ». Soit, mais le meilleur est à venir: aucune vérification sérieuse, tel n’était pas le but. Voici ses déclarations:

Prof. McLaren was cross-examined by the Sochi Appellants’ counsel. During the course of that cross-examination, Prof. McLaren stated, among other things, that: · He had not specifically checked whether or not each of the athletes listed on the Duchess List had, in fact, gone on to compete at the Sochi Games. · He did not know whether any of the individual athletes named on the Duchess List had, in fact, competed after consuming the Duchess Cocktail. · He had not instructed any experts to analyse the likely composition, dosage and effects of the Duchess Cocktail. · He confirmed that Dr. Rodchenkov’s testimony was that “most” of the “protected athletes” were on doping programmes. Prof. McLaren considered it “reasonable to assume”, therefore, that Dr. Rodchenkov’s testimony was that not all “protected athletes” were on doping programmes. Prof. McLaren was unable to identify which of the athletes were, and which were not, on doping programmes. · He had not attempted to contact any of the Russian individuals, such as Mr. Kudryavtsev or Mr. Yuri Chizhov, who were named in the McLaren Reports as having been integral participants in the doping and cover-up scheme described in the reports. CAS 2017/A/5379 Alexander Legkov v. International Olympic Committee (IOC) – Page 70 · In view of his mandate, he had not investigated whether any of the individual Sochi Appellants had failed to comply with doping control procedures. Nor had he spoken to any of the Sochi Appellants with a view to obtaining information about potential ADRVs.

L’on pourrait continuer longtemps. Evidemment, ces déclarations n’ont pas convaincu les juges sportifs, plus exigeants que les journalistes et manifestement plus concernés par leur réputation.

Donc si l’on résume. En Syrie, aucune attaque chimique soutenue par Assad à Douma n’est prouvée, mais des preuves de sa mise en scène ont été apportées. Les Skripal ont disparu après être sortis de l’hôpital en pleine forme et personne ne sait ce qui leur est arrivé. Le TAS remet en cause toute « l’enquête » menée par McLaren suite aux déclarations du journaliste Zeppelt, qui a manifestement rempli sa commande.

Je suis curieuse de savoir si un jour des excuses seront présentées à la Russie (question rhétorique).

Karine Bechet-Golovko

 



Articles Par : Karine Bechet-Golovko

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