Sécurité aérienne – Atteinte à la liberté et sécurité des voyageurs

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Photo : Agence Reuters Rick Wilking
Les voyageurs aux États-Unis doivent choisir entre les scanneurs corporels et la fouille manuelle.

Le projet de loi C-42, présentement à l’étude au Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités, permettra aux compagnies aériennes de remettre toutes les informations qu’elles détiennent sur les passagers au département de la Sécurité intérieure (Homeland Security) des États-Unis pour les vols qui ne font que survoler le territoire des États-Unis. Les compagnies devront remettre ces informations à Homeland Security avant le décollage et ne pourront permettre aux passagers de monter à bord avant d’avoir reçu l’approbation de celui-ci.

Les médias se repaissent d’histoires croustillantes depuis que les voyageurs aux États-Unis sont contraints de choisir entre les «scanneurs corporels» et la fouille manuelle, qui exige que les agents de sécurité palpent leurs fesses, leurs parties génitales et leurs seins. Étant donné que l’inspection, visuelle ou manuelle, de ces parties du corps est une violation grossière de la dignité et de l’intimité des personnes et qu’elle n’apporte aucun avantage en matière de sécurité au dire de nombreux experts, le tollé qui secoue, à juste titre, l’opinion publique ne cesse de prendre de l’ampleur. Cependant, chaque fois que l’on a voulu discuter de ces questions à froid, le débat s’est limité à définir ce qui constituait des mesures de sécurité sensées et raisonnables. Il est donc impératif d’examiner les conséquences pour la population canadienne du Programme de protection des passagers des États-Unis, connu sous le nom de Secure Flight Program.

Objectif principal

Le projet de loi C-42 actuellement à l’examen devant le Comité des transports du Parlement canadien vise à modifier la Loi sur l’aéronautique afin de permettre aux transporteurs aériens canadiens de communiquer les informations concernant les passagers à des États tiers. Il va sans dire que les passagers doivent fournir certaines informations personnelles aux autorités de pays étrangers afin de pouvoir y entrer. Mais, en l’occurrence, il ne s’agit pas de cela. Le projet de loi consisterait à se conformer aux exigences du programme Secure Flight en fournissant un tas de renseignements personnels sur les passagers même si ceux-ci se trouvent à bord d’un avion qui ne fait que traverser l’espace aérien des États-Unis.

Malheureusement, le débat sur le projet de loi s’est tant attardé sur des questions de vie privée et d’information et sur les pratiques de rétention des données qu’on a fini par perdre de vue l’objectif principal du programme Secure Flight. Il est urgent que la population canadienne saisisse que l’enjeu ne se limite pas à savoir si le Canada s’acoquine ou pas avec les États-Unis pour décider que tel passager peut traverser l’espace aérien américain.

Avec le programme Secure Flight, la plupart des voyageurs canadiens devront demander l’autorisation des États-Unis pour se rendre en Europe, dans les Caraïbes ou en Amérique du Sud et en revenir. Grâce à ces prétendues mesures de sécurité, les voyageurs canadiens ne se rendant pas aux États-Unis seront soumis au système de la liste de surveillance notoirement arbitraire et artificiellement gonflée de ce pays; ainsi, on portera atteinte non seulement à leurs libertés, mais aussi à leur sécurité puisque ce n’est qu’une question de temps avant que d’innocents Canadiens se retrouvent coincés à l’étranger, dans l’impossibilité de rentrer au pays parce qu’on les aura classés sous la rubrique «terroristes». De fait, à ce jour, rien ne prouve que les listes d’interdiction de vol améliorent la sécurité du transport aérien; toutefois, une chose est sûre: elles représentent un excellent moyen de surveillance et de contrôle des voyageurs.

Violation de droit

On nous serine à l’envi que les États-Unis ont un «droit» souverain sur leur espace aérien, que l’on n’y peut rien et que l’on devrait même être reconnaissant de ce que les passagers sur les vols intérieurs canadiens qui traversent le territoire américain ne sont pas soumis à la liste de surveillance des États-Unis. Nous l’avons échappé belle! Le peuple souverain du Canada peut encore se déplacer d’une ville canadienne à l’autre sans devoir demander l’autorisation d’un pays tiers.

Mais on peut se demander pour combien de temps encore. Le Canada a pris des dispositions pour «harmoniser» ses normes de sécurité aérienne avec celles de son voisin, mais rien ne semble pouvoir freiner les exigences de plus en plus draconiennes de celui-ci. La liste canadienne de personnes interdites de vol était censée prévenir l’imposition de la liste des États-Unis, mais il semble bien que rien moins qu’une autorisation de voyage émise par les États-Unis pour les voyageurs canadiens puisse satisfaire ce pays.

Le régime d’interdiction de vol des États-Unis est illicite. Il ne prévoit ni procédure d’application équitable, ni arbitrage indépendant, ni voie de recours. De telles atteintes à la primauté du droit constituent une violation du droit international et de la Constitution canadienne. Il est tout simplement faux de prétendre qu’on n’y peut «rien». À travers le programme Secure Flight, on assiste à la naissance d’un ordre inédit de souveraineté sur l’espace aérien qui finirait par paralyser les échanges et les transports internationaux si chaque pays se mettait en tête d’adopter des mesures de réciprocité.

Aucun pays au monde ne peut tolérer un tel abus de souveraineté; la controverse en cours au Canada doit être portée à l’attention de la communauté internationale et des instances intergouvernementales, notamment les Nations unies. De par son emplacement géographique, le Canada est celui qui a le plus à perdre dans l’affaire et il devrait prendre l’initiative de porter le débat sur la scène internationale. Le Canada doit prendre position avant qu’il ne soit trop tard.

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Ont signé ce texte: Dominique Peschard (Ligue des droits et libertés), Roch Tassé (Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles), Stuart Trew (Conseil des Canadiens) et Micheal Vonn (Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique).



Articles Par : Collectif d'auteurs

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