Samia Ghali : Française à part entière, députée entièrement à part
«Am userdun, nnan -as ´´mand wa d baba -k?´´ yenna – sen ´´xali d yiss!´´.» «On a dit au mulet, ´´qui est ton père?´´, il répond ´´mon oncle maternel, c’est le cheval!´´.»
Ce proverbe chaouia est donné à dessein pour montrer que l’identité nous rattrape à un moment ou un autre. Je l’ai choisi pour illustrer le vain combat de Samia Ghali. Une tempête dans un verre d’eau, c’est ainsi que l’on pourrait qualifier la défaite en rase campagne de la pasionaria marseillaise qui a cru, à tort, que son heure de gloire était arrivée.
« Comme il fallait s’y attendre, écrit Yacine Farah, les résultats des primaires socialistes à Marseille ont donné, dimanche soir, Patrick Mennucci vainqueur avec 57,17% de voix contre 42,83% pour Samia Ghali, sénatrice et maire des 15e et 16e arrondissements de cette ville de la Méditerranée. Samia Ghali a accusé le gouvernement et le président Hollande d’avoir soutenu son rival. Intervenant au siège de sa campagne, Samia Ghali a décrété que le combat n’est pas fini. « Même si les chiffres parlent d’eux-mêmes, je veux vous dire que nous n’avons pas perdu. Notre combat était vrai, sincère et va se poursuivre avec vous. Vous, les Marseillais oubliés. Nous avons eu une victoire, car lorsqu’on est seule contre cinq autres candidats, en plus du gouvernement, je trouve qu’on n’a pas à rougir du résultat. » Nous avons gagné en dignité. Vous êtes des électeurs à part entière… S’adressant à Samia Ghali, le vainqueur Patrick Menucci dit: « Parfois ma chère Samia, mes mots ont pu te blesser et je veux te dire ce soir que si c’est le cas, je le regrette. Je veux que nous soyons en capacité d’offrir un nouveau destin. Le petit-fils d’immigrés italiens que je suis mènera le combat avec toi, la fille d’Algériens. » (1)
Samia Ghali en perdant martèle qu’elle défend des électeurs à part entière, mais il semble qu’ils sont entièrement à part. On se souvient qu’elle a drainé les habitants » beurs » en bus pour venir voter.
Qui est Samia Ghali?
Samia Ghali, née le 10 juin 1968 à Marseille, est une femme politique française, membre du Parti socialiste. Maire du huitième secteur de Marseille, conseillère municipale depuis 2001, elle est sénatrice des Bouches-du-Rhône depuis 2008. Ses parents sont algériens d’origine chaouie, des Aurès. Habitante du quartier populaire de Bassens à Marseille, elle adhère jeune à la section socialiste du 15e arrondissement, introduite par un de ses professeurs de lycée. Elle milite justement avec Patrick Mennucci dans ces anciens fiefs du PCF, dans lequel le Front national fait des scores grandissants. Vice-présidente du conseil régional en 2004, elle emporte la mairie du 8e secteur en 2008. Elle prône le recours à l’armée et le retour du service militaire pour les délinquants, suite à des règlements de comptes sur fond de trafic de drogue à Marseille, ce qui lui donne une grande visibilité médiatique. (…) Samia Ghali est mariée à Franck Dumontel, directeur de cabinet du président de la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole, et est mère de quatre enfants. Elle vit sur les hauteurs du quartier du Roucas Blanc. » (2)
L’ascension rapide et discutable de Samia Ghali
Bastien Bonnefous a analysé son ascension fulgurante et attribue cela à un style direct. » C’était écrit-il, à la fin de l’été dernier. Samia Ghali faisait une entrée fracassante sur la scène politique nationale alors qu’un énième règlement de comptes entre trafiquants de drogue venait d’ensanglanter la ville de Marseille. L’élue socialiste des quartiers Nord avait alors demandé l’envoi de l’armée dans les cités et provoqué une vive polémique. Au téléphone, sa conversation avec Manuel Valls avait viré à la « grosse engueulade ». « Tu veux pas que je t’envoie la 2e DB? », lui avait lancé, excédé, le ministre de l’Intérieur. (..) Samia Ghali sait qu’elle agace, mais sept mois plus tard, la sénatrice des quartiers Nord et de ses 96.000 habitants, non seulement ne regrette rien, mais persiste, se retranchant derrière le bon sens populaire. »Aucun Marseillais ne m’a jamais reproché d’avoir dit cela. J’ai parlé pour eux, mais aussi pour les voyous des cités, qu’ils sachent bien à quoi s’en tenir »,affirme-t-elle. » (3)
Samia Ghali, la «Ségolène Royal» de Marseille
« Dans son fief, les 15e et 16e arrondissements lit on dans une contribution du Journal Le Monde, la sénatrice, 45 ans, ne peut faire un pas sans embrasser une connaissance. (…) « Marseille n’est pas prête à élire une femme d’origine maghrébine », juge-t-on dans l’entourage du maire UMP, Jean-Claude Gaudin, l’oeil tout de même très attentif à la progression éclair de la « petite Samia ». « Leur logiciel de compréhension de la ville n’est pas à jour, rétorque Franck Dumontel, ancien chef de cabinet de Michel Vauzelle à la région, mari et conseiller de la candidate. (…) La sénatrice passe aussi beaucoup sur les chaînes de télévision nationales. Franc-parler, critiques du gouvernement, accent marseillais, sourire éclatant…Depuis qu’elle en a appelé à l’armée pour pacifier les quartiers Nord en août 2012, la recette Ghali séduit. (…) L’équipe qui s’agite autour de Samia Ghali vient de tous les horizons. « C’était voulu, explique Franck Dumontel. Samia porte l’espoir d’une partie de la population marseillaise qui n’a pas été représentée jusqu’alors, mais elle souhaite aussi coller à la réalité de cette ville. » Il y a donc Rachid, Samira, enfants des cités du Nord, mais aussi Patrick, Christine ou David Richard Cohen, un ancien chirurgien, 68 ans, qui ne digère pas que ses amis lui disent « qu’ils ne voteront pas pour une musulmane ».
« Quel symbole cela serait qu’une Française d’origine maghrébine devienne maire! » (4)
Patrick Mennucci le vainqueur, l’adversaire paléo-italien « Je n’ai battu personne a déclaré le vainqueur. J’ai gagné pour battre Jean-Claude Gaudin et le Front national. Je n’ai pas d’adversaire au PS. Je n’ai que des amis. Mon souhait est de nous rassembler et de rassembler les Marseillais pour offrir un nouveau destin à Marseille. » A ses côtés, se tenait Samia Ghali, visage fermé, qui n’a pas esquissé un seul sourire, alors que le député faisait scander son nom. Au premier tour, Patrick Mennucci, 58 ans, élu du centre-ville au physique de géant et à l’accent rocailleux, était arrivé en deuxième position, avec 20,65% des suffrages contre 25,25% à Samia Ghali. Devant le ralliement de trois des quatre candidats battus (Marie-Arlette Carlotti, le président de la communauté urbaine, Eugène Caselli et le député Henri Jibrayel) à son rival, Mme Ghali et ses équipes avaient dénoncé un « front anti-Ghali », critiquant les « petits arrangements entre amis » et « la distribution des postes », et affirmant que « Matignon »était derrière le choix des uns et des autres « . (5)
« A 58 ans, le député des Bouches-du-Rhône est tout sauf un inconnu sur la Canebière. Petit-fils d’immigrés de Toscane (Italie), il grandit dans le quartier de La Cabucelle à Marseille. Depuis sa première élection comme conseiller municipal en 1983 sous le règne finissant de Gaston Defferre, M.Mennucci a tout connu de la vie politique marseillaise. Les victoires inespérées comme les défaites annoncées, Ce fils d’immigrés toscans a adhéré au PS en 1969, à 14 ans. (…) De tous les dirigeants socialistes marseillais, M.Mennucci, qui est membre du bureau national du PS, est sans doute un de ceux qui a le meilleur réseau dans l’appareil central. « Il est l’élu qui a le plus de contacts à Paris », Proche de Vincent Peillon, le député entretient d' »excellents rapports » avec Arnaud Montebourg, mais aussi avec Manuel Valls pour 2007. (…) Pour Mme Carlotti qui l’a rallié dès le lendemain du premier tour de la primaire. « Il a tendance à réécrire l’histoire. Si on l’écoute, le petit Jésus en haut de Notre-Dame-de-la-Garde, c’est son portrait craché! », explique la ministre. « Patrick promet tout à tout le monde, il est capable de vendre de la pluie au ciel! », ajoute Mme Ghali. » (5)
Justement, pour parler de la vraie nature de Patrick Menucci, il faut rappeler qu’il a été longtemps militant et de tous les combats avec Samia Ghali. Son appel rassembleur est battu en brèche par l’imitateur Gérard Dahan qui s’est amusé à monter un canular… Il a téléphoné aux deux candidats pour leur proposer de l’aide. » Leurs réactions respectives en disent long sur leur état d’esprit à quelques heures du scrutin. Surtout, elles donnent un aperçu de la conception qu’ils se font d’une élection. Quand il appelle Samia Ghali, l’humoriste se fait passer pour le vice-président de l’UMP Guillaume Peltier: » J’ai parlé avec Bruno Gilles et monsieur Gaudin. De notre côté, on préfèrerait vous avoir en face. » Réponse de la sénatrice socialiste, en train de faire campagne à la sortie d’une école: » Ce n’est pas mon problème. Je fais campagne pour gagner. » Le faux Peltier insiste. Il affirme qu’il y a » 200-300 personnes qu’on pourrait convaincre de venir voter « . Ghali ne tombe pas dans le piège. Sûre d’elle: » C’est gentil à vous mais je vais gagner sans ça. » Puis elle explique qu’elle préfère » de vrais électeurs « , vraiment convaincus, et qui reviendront voter pour elle en mars si elle gagne la primaire. » (6)
« De sa rivale Samia Ghali, Mennucci dit qu’elle est « complètement givrée ». Quand il lui demande comment il peut l’aider, Mennucci envisage plusieurs possibilités: » J’ai toujours besoin d’aide. J’ai besoin de gens intelligents pour tenir les bureaux de vote. » Si tu connais des gens à Marseille, tu leur passes des coups de fil et tu les envoies voter. « » Si Valls dit que c’est Mennucci le candidat le plus crédible, ce serait pas mal. « » Ce qui serait pas mal, c’est qu’il y ait un peu des ordres donnés à la préfecture de police des Bouches-du-Rhône pour mettre un peu des gens devant les bureaux […] chez Samia. Y aurait une voiture de police de temps en temps, ça ferait pas de mal. « (6)
La résilience et le courage
On le voit et quoi qu’on dise , même dans le canular, Samia Ghali a gardé sa dignité et voulait réussir ou échouer seules ,sans l’aide de personne ,si ce n’est des électeurs et lectrices de sa ville. Malgré tous les coups tordus, en tout genre et les accusations de puiser dans le fonds de commerce du communautarisme, la sénatrice Samia Ghali dénonce le soutien de Matignon à son rival, Patrick Mennucci, et se pose en « candidate antisystème ».
Dans un interview elle s’en défend: » Je ne suis pas isolée. Les Marseillais ont été clairs lors du premier tour. Cette union est celle de ceux qui ont l’habitude des petits arrangements du PS. J’ai gravi tous les échelons mais on ne m’a fait aucun cadeau. J’ai été aussi mise de côté au PS. Mais même quand il avait envie de m’éliminer politiquement, le PS a été contraint de se tourner vers moi. Il n’y a pas de vote communautaire. Il y a le vote de Marseillais qui se retrouvent dans mon histoire, parce que c’est la leur. (…) Le PS a un double discours sur cette question. On ne peut pas faire le front républicain à Brignoles et le front anti-Ghali à Marseille. » (7)
A la question: » Marseille peut-elle élire une maire d’origine maghrébine? elle répond: » En 2008, quand j’ai été désignée tête de liste à la mairie de secteur, on me posait déjà cette question. Les mêmes cadres du PS disaient: « Les Blancs ne voteront pas pour elle. » Je suis arrivée en tête dans tous les bureaux! Mes thèmes de campagne restent les mêmes: sécurité, éducation, transports. Bien sûr qu’il faut s’occuper d’économie et d’emploi… Mais sur la sécurité, il faut que le gouvernement apporte des moyens à Marseille, que la police municipale soit doublée et déployée dans tous les secteurs. » (7)
Le combat de Samia Ghali contre la drogue est remarquable, certes il lui a permis d’arriver au Sénat. Luc Leroux du journal Le Monde en parle: » Le chemin parcouru par cette mère de quatre enfants depuis les cités des quartiers Nord de Marseille jusqu’aux marches du Sénat compte deux grands combats. Celui que Samia Ghali, 40 ans, a mené, dans les années 1980, contre « le fléau de la drogue », et son ascension au PS, dont elle a poussé la porte il y a vingt-cinq ans. Elle parle de sa jeunesse comme d’un élément fondateur de son engagement, ce qui lui permet de « garder les pieds sur terre ». Elevée par ses grands-parents, dans une très nombreuse famille de Berbères des Aurès, elle grandit à Bassens, cité pauvre de Marseille, en bordure de la voie ferrée. A Campagne Lévêque, dans la barre d’immeuble où sa famille s’installe, Samia Ghali découvre les dégâts de la consommation d’héroïne. « J’ai vu des mères souffrir de cette sale époque. La police, à laquelle elles demandaient de l’aide, leur rétorquait: « Ça fait rien, ils se tuent entre eux, ça en fera moins. » Ces mots-là, je les garderai toujours dans ma tête. » Avec Patrick Mennucci, figure de la fédération socialiste, elle aide à reconstruire le PS dans ce fief communiste sur lequel déferle la vague du Front national. (…) Tous les échelons sont gravis: conseillère d’arrondissement du maire (PCF) du 8e secteur, Depuis le fauteuil de maire du 8e secteur (96.000 habitants), elle continue à sillonner ces quartiers qu’elle connaît bien. (…): « Je préfère arrêter la politique plutôt que renier ce que je suis et d’où je viens. » (8)
Il y a quelque chose d’incompréhensible dans la posture de Samia Ghali: elle se présente en Maghrébine, mieux apte à défendre les quartiers Nord de Marseille, position politique inadmissible frisant pour ses détracteurs, le communautarisme et dans le même temps elle habite les beaux quartiers… Malgré tous les signes d’acculturation, malgré une allégeance à des valeurs d’un fond rocheux français et qui ne sont pas fondamentalement les siennes, Samia Ghali en brûlant ses vaisseaux originels a mesuré qu’elle est française jusqu’à une certaine limite, à partir de laquelle elle devient une Française entièrement à part. On ne se refait pas! Malgré toutes les envolées sur les droits de l’homme incantées par une » Gôche » de loin plus fourbe que la Droite. Tout a été fait pour que Les Français votent comme il faut et feront le bon choix, celui de Menucci le paléo-toscan plus proche culturellement contre Ghali la paléo-algérienne.
Les heurs et malheurs de cette « Icare » qui s’est trop rapprochée du Soleil du pouvoir au point de se faire brûler les ailes a oublié une petite chose : c’est qu’en tant qu’allogène même après la dixième génération c’est toujours une « beur » c’est inscrit dans ses gènes. Ainsi va le monde de la vieille «Europe » qui est plus que jamais sensible à ses vieux démons, sa destinée manifeste, et sa certitude que ses citoyens appartiennent à la race supérieure. La barrière invisible entre eux et les autres berce plus que jamais l’imaginaire des Français. Ce n’est pas demain que la France aura son Collins Powell ou son Obama. Une paléo-bicot maire de Marseille? Vous n’y pensez pas! Pitié pour la France de Jeanne d’Arc! Peuchère!
Professeur Chems Chitour
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
1. Yacine Farah: Patrick Mennucci remporte la primaire socialiste El Watan 22.10.13
2. Samia Ghali: Encyclopédie Wikipédia
3. Bastien Bonnefous: Samia Ghali, le style direct Le Monde 16.03.2013
4. Gilles Rofhttp : http//www. lemonde.fr/politique/article/2013/10/03/samia-ghali-la-segolene-royal-de-marseille-bouscule-la-campagne-ps_3489347_823448.html
5. Patrick Mennucci remporte la primaire socialiste à Marseille Le Monde.fr 20.10.2013
6. http://www.rue89.com/2013/10/19/marseille-gerald-dahan-piege-samia-ghali-patrick-mennucci-246769
7. Gilles Rofhttp : http//www. lemonde.fr/politique/article/2013/10/17/mme-ghali-m-mennucci-rassemble-les-elus-je-rassemble-lesmarseillais_3497057_823448.html
8. Luc Leroux: les combats de la « petite Samia Ghali » Le Monde 18.09.2008