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Sarko offre des bombes nucléaires à Berlin
Par Ralf Beste et Stefan Simons
Mondialisation.ca, 20 septembre 2007
Spiegel 20 septembre 2007
Url de l'article:
https://www.mondialisation.ca/sarko-offre-des-bombes-nucl-aires-berlin/6824

Depuis que Nicolas Sarkozy est devenu président français il n’a fait que surprendre le gouvernement allemand par ses idées les plus controversées les unes que les autres. La dernière choquante ? Le nouvel homme à Paris a offert à la Chancelière allemande Angela Merkel des armes nucléaires françaises.

Le président français Nicolas Sarkozy n’a pas mentionné la bombe d’entrée de jeu. Au lieu de cela il a fait un petit détour par le biais de l’énergie nucléaire : quiconque est sérieux pour éviter le réchauffement climatique mondial devrait construire plus de centrales nucléaires, a –t-il dit à la chancelière Angela Merkel et au ministre des affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier lors d’une rencontre informelle la semaine dernière au Palace de Meseberg, la résidence d’hôtes du gouvernement allemand au nord de Berlin. Puis est venue l’offre surprenante.

Alors qu’ils continuaient à discuter des bénéfices du tout atomique, se faisant, le président français a fait aussi une autre suggestion : parce que le parapluie nucléaire français protège les voisins de la France de même que « La Grande Nation », peut être que les allemands pourraient considérer une prise de participation politique dans l’arsenal atomique français ?

La chancelière et son ministre des affaires étrangères sont restés bouches bées. L’idée de posséder des armes nucléaires est taboue en Allemagne. Le prédécesseur de Sarkozy, Jacques Chirac, avait prudemment abordé le sujet il y a douze ans, mais avait rapidement réalisé qu’il était inutile d’insister.

Steinmeier a été le premier à récupérer ses esprits, expliquant que l’Allemagne ne cherchait pas à devenir une puissance nucléaire, c’était pourquoi le pays avait signé le Traité de Non Prolifération en 1975. Merkel a offert un sourire amical et soutenu son ministre des affaires étrangères.

Des séries de surprises

Depuis que Sarkozy a pris ses fonctions il y a 4 mois, il a constamment surpris Berlin en prenant une initiative après l’autre. Certaines pourraient être utilisées, mais le président hyperactif a aussi tendance à s’occuper de problèmes diplomatiques sensibles avec toute la finesse d’un Bunny Emergizer. Il est tellement surexcité que les journaux français ont reçu des demandes pour introduire au moins une journée par semaine sans Sarkozy – ce qui, nul doute, serait fort apprécié de Berlin.

Passé le temps où on considérait l’hyperactivité politique de Sarkozy comme simple exubérance due à son entrée en fonction toute fraîche. Merkel, Steinmeier et le ministre des finances allemand Peer Steinbrück ont également été continuellement surpris, coincés, ennuyés et estomaqués par ses propositions. Mais encore pire, c’est quand Sarkozy semble avoir délibérément pris la mouche contre Berlin tout simplement parce qu’il n’aime pas la façon dont les allemands le traitent.

Ainsi, ce n’est pas surprenant que Steinmeier a refusé l’offre d’armes nucléaires françaises, en prenant la précaution de la faire aussi poliment que possible. Il voulait éviter à tout prix de provoquer Sarkozy, car le dirigeant français a fait clairement comprendre qu’il se souciait peu des ministres allemands qui prennent les choses de haut.

Le collègue au cabinet du ministre des affaires étrangères Steinbrück a appris cette leçon de façon brutale il y a quelques semaines, après avoir osé contredire Sarkozy pendant une discussion sur l’indépendance de la Banque Centrale Européenne lors d’une rencontre de l’UE. Tandis que Steinbrück parlait, Sarkozy a fait un geste en direction du vice ministre des finances Thomas Mirow et s’est insurgé en français qu’il devrait stoppé son chef, disant, « ce n’est pas comme cela qu’on parle à un président. » Abasourdi, Mirow s’est rassis et est resté silencieux.

Sarkozy ensuite s’est empressé de téléphoner à Merkel pour demander que Steinbrück soit réprimandé publiquement. Mais elle a fait remarquer qu’elle pouvait difficilement critiquer l’un de ses ministres simplement parce qu’il défendait la position officielle du gouvernement allemand sur le sujet.

Le français a relaté en colère l’histoire au gouverneur sortant de Bavière, Edmund Stoiber, qui a récemment rendu visite à Sarkozy au Palais de l’Elysée à Paris. Peu de temps après il y a eu des fuites auprès des journaux allemands que Merkel « tapait de plus en plus sur les nerfs de Sarkozy ».

Mais les Allemands et les Français ne s’affrontent pas seulement sur des questions de style – des questions portant sur le fond mènent aussi à des fissures dans le partenariat le plus important de l’Union Européenne. Le ministère des affaires étrangères allemand a été complètement surpris par la récente visite du ministre des affaires étrangères français Bernard Kouchner à Bagdad pour exprimer la nouvelle volonté de la France de soutenir les américains là bas. Sarkozy s’est aussi empressé d’être le héro de la libération des 5 infirmières bulgares détenues pendant des années en Libye, alors que le gouvernement allemand a joué un rôle clé pour arriver à cette libération. Il a alors profité de l’occasion pour annoncer un accord nucléaire controversé avec la Libye – – naturellement sans en informer ses partenaires européens à l’avance.

Et cela pourrait mener au prochain affrontement. Sarkozy veut forcer l’Union Européenne à imposer des sanctions en extra sur l’Iran (en plus de celles du CS de l’ONU ndlt). Mais au lieu de travailler avec l’Allemagne sur un plan d’action comme partenaire privilégié, Paris a simplement informé Berlin de ses intentions via une note diplomatique, comme si c’était n’importe quel autre membre de l’UE.

Pendant la rencontre à Meseberg, Steinmeier a fait remarquer que les allemands avaient déjà dramatiquement réduit leurs intérêts d’affaires en Iran. Au lieu de demander plus de sanctions, Paris devrait appeler les banques françaises, les compagnies énergétiques et les constructeurs automobiles de réduire d’abord leurs activités (avec l’Iran ndlt) au niveau de celles des allemands. Depuis, le ton est devenu quelque peu plus dur entre les deux poids lourds européens.

Des diplomates à Paris répandent l’histoire que Merkel, une conservatrice, soutient l’initiative de Sarkozy, mais qu’elle en est empêchée par ses ministres du centre gauche sociaux démocrates, Steinmeier et Steinbrück – – ce que Berlin nie.

Actuellement les deux gouvernements essaient d’éviter que la prise de bec franco allemande ne s’envenime encore plus. « Les relations entre les deux sont vraiment bonnes » affirme Merkel confiante.

Mais Sarkozy aura besoin de se montrer quelque peu conciliant. Il a dit à son cabinet mercredi dernier que Merkel était « une femme de l’Est » en référence à ses racines est allemandes.

Le Palais de l’Elysée a essayé rapidement d’atténuer la gaffe : apparemment Sarkozy essayait simplement de faire remarquer qu’ayant grandi en Allemagne de l’est cela voulait dire que Merkel n’avait pas la « même affection pour la France que les gens de la Vallée du Rhin voisine. » 

Article original en anglais, Der Spiegel Online/International, 17 septembre 2007.
Copyright Der Speigel 38/2007

Source de la version française: Planète non violence. 

Introduction et traduction bénévole de l’article pour information à caractère non commercial Mireille Delamarre pour www.planetenonviolence.org  

Note

Les Etats Unis ont environ 480 bombes nucléaires déployées en Europe. Actuellement, l’Allemagne reste le pays européen le plus nucléarisé avec 3 bases nucléaires notamment la base américaine de Ramstein (qui aurait récemment été prise pour cible d’une attaque terroriste selon les medias) et un stock estimé à 150 bombes nucléaires.

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