Scandale en Espagne autour des avions-prisons de la CIA
S’ils venaient à être confirmés, «il s’agirait de faits gravissimes et intolérables» qui pourraient affecter «le niveau de relations entre les deux gouvernements». Au moment où Madrid et Washington tentent de normaliser leurs relations après le retrait d’Irak des soldats espagnols (juin 2004), ces propos prononcés hier matin par le ministre de l’Intérieur José Antonio Alonso résonnent comme une menace. Ce dernier a assuré que ses services allaient enquêter sur les supposées escales secrètes d’avions de la CIA dans l’archipel des Baléares, effectuées entre le 22 janvier 2004 et le 17 janvier 2005.
Selon le quotidien local Diario de Mallorca qui a révélé l’affaire, deux Boeing 747 et deux Gulfstream V auraient assuré au moins dix liaisons entre Washington et des pays comme la Libye, la Roumanie, la Macédoine et l’Egypte. A en croire un rapport de la garde civile remis en juin au tribunal de justice des Baléares (TSJB), ces appareils transportaient des agents de la CIA et des prisonniers détenus illégalement soupçonnés d’être liés au terrorisme islamiste. Ces révélations sont d’autant plus explosives après les récentes informations publiées par le Washington Post selon lesquelles la CIA maintient enfermés et torture de présumés terroristes dans des prisons hors des Etats-Unis, notamment en Europe de l’Est.
L’affaire a commencé en mars dernier lorsque l’avocat de Majorque Ignasi Ribas a déposé une plainte au TSJB pour «détention illégale, enlèvement et tortures» ayant un lien avec les escales secrètes des avions américains à l’aéroport de Palma, aux Baléares. Toujours selon le Diario de Mallorca, les suspects kidnappés par la CIA, qui auraient aussi fait escale dans l’archipel des Canaries, étaient transférés vers des lieux de détention secrets. L’un de ces avions aurait notamment servi à transporter le citoyen allemand Khaled al-Masri vers une prison de Kaboul, en Afghanistan, sans aucun contrôle judiciaire. Idem pour l’Egyptien Mustapha Ossama Nasr, alias Abou Omar, enlevé à Milan en 2003.
En juin, affirmait hier El Pais, sur la base du rapport de la garde civile, les services secrets espagnols (CNI) auraient sommé la CIA de ne pas utiliser les aéroports espagnols pour transporter des prisonniers. De même source, la CIA ne reconnaît pas sa responsabilité dans ces vols.