Scandale en Israël : le chef de l’armée a spéculé en bourse sur la défaite
« Achetez au canon, vendez au clairon ! », dit un vieil adage des spéculateurs boursiers, signifiant par là qu’une déclaration de guerre est généralement bonne pour les valeurs cotées, et qu’inversement, la fin des hostilités est synonyme de repli.
Eh bien, c’est tout le contraire qu’a fait le chef de l’armée israélienne, le général Dan Halutz, apparemment plus compétent dans la gestion de son bas de laine que dans celle des opérations, où plus de 100 de ses soldats ont été tués et des centaines d’autres blessés.
La presse israélienne a révélé que Halutz, passablement décrié depuis un mois pour sa piètre performance militaire, s’était empressé de vendre ses propres actions, quelques heures seulement avant le déclenchement de l’attaque israélienne, le 12 juillet dernier.
Halutz s’est ainsi précipité le mercredi 12 juillet, à midi exactement, dans son agence bancaire, où il a donné l’ordre de vendre un portefeuille d’actions, d’une valeur de 120.000 shekels (20.000 € environ).
C’est-à-dire, trois heures après avoir pris connaissance de l’incident frontalier (la capture des deux soldats israéliens par des combattants du Hezbollah) qui allait servir de prétexte à la guerre, et trois heures avant la déclaration officielle de l’attaque contre le Liban par le gouvernement israélien !
Halutz a confirmé le fait, mais a évidemment été incapable de justifier un tant soit peu son comportement. « J’ai vendu mes actions, parce que la bourse avait déjà baissé, et que j’avais déjà perdu 25.000 shekels sur mon capital initial ; cela n’avait rien à voir avec la situation politico-militaire », a-t-il mollement déclaré.
En réalité, et tout le monde en Israël l’a compris car cela saute aux yeux, le chef de l’armée était par définition au courant de ce qui se tramait ce jour-là au plus haut niveau, étant lui-même partie prenante à la décision de déclencher la guerre. Ce qui ne l’a donc pas empêché, entre réunions de crise, appels téléphoniques incessants et conférence de presse sur « la mission sacrée de défense des fils d’Israël », de faire un saut à la banque du coin.
En spéculant, malgré ses discours de fort en gueule, sur les déboires à venir de ses propres troupes, puisque la bourse de Tel-Aviv a effectivement très mal réagi à la guerre, et n’a commencé à se redresser qu’à l’annonce du cessez-le-feu dimanche dernier.
Au regard des pertes monstrueuses, humaines et matérielles, qu’aura provoquées sa guerre, la spéculation personnelle de Halutz fait de lui, c’est vrai, un gagne-petit.
Selon de premières estimations lancées par des économistes depuis le début de la semaine, et qui se gardent de « valoriser » les pertes humaines (plus de 1.000 et 5.000 blessés Libanais, 150 morts et 1.000 blessés Israéliens), le coût de la guerre se chiffre en effet déjà en milliards, et plus probablement encore en dizaines de milliards d’euros.
Au Liban, ce sont toutes les infrastructures d’un pays de 4 millions d’habitants qu’Halutz et les siens ont détruites, en même temps que 14.000 maisons et immeubles d’habitation.
En Israël, la facture était estimée mardi à 5 milliards d’euros, dont la moitié pour les dépenses militaires (mais des émissaires israéliens sont déjà en route pour Washington afin de demander une rallonge à l’aide militaire américaine annuelle de 2,5 milliards d’euros), et l’autre moitié en pertes de recettes (tourisme en chute libre, paralysie de l’activité économique générale dans le nord du pays, entre autres).
Issu de l’armée de l’air, Dan Halutz est ce général qui déclarait cyniquement, en 2002, que le largage d’une bombe d’une tonne sur Gaza, où 15 enfants avaient été tués dans la même nuit, ne l’empêchait pas de dormir sereinement. Lors de la guerre contre le Liban, il n’a cessé, pendant les premières semaines, de répéter que ses avions, en ensevelissant tout un pays sous les bombes, étaient capables à eux seuls de « faire le travail ». On connaît la suite : pour faire bonne figure, le général a alors troqué sa tenue bleue d’aviateur pour un uniforme kaki de l’armée de terre, histoire d’être plus près « des petits gars qui en bavent sur le terrain ». Sans plus de succès.
Ses jours à la tête de l’armée sont probablement comptés, estimaient mardi plusieurs commentateurs israéliens. L’éviction de Halutz aurait au moins un avantage pour ses collègues : avec un bouc émissaire aussi évident, ils pourraient espérer éviter d’avoir à rendre compte de leurs propres agissements.