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Schäuble appelle à la poursuite des politique d’austérité en Allemagne et en Europe
Par Peter Schwarz
Mondialisation.ca, 13 octobre 2017
wsws.org 12 octobre 2017
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Le ministre allemand des finances, Wolfgang Schäuble, utilise les derniers jours de son mandat pour réclamer la pérennisation de ses politiques d’austérité. Le politicien de l’Union chrétienne-démocrate (CDU), âgé de 75 ans, devrait démissionner dans les prochains jours, car il sera élu président du Bundestag (parlement fédéral) le 24 octobre. Cette semaine, Schäuble se réunira avec tous ceux qui ont leur mot à dire dans la politique monétaire et financière internationale.

Schäuble qui, comme aucun autre politicien, représente l’arrogance allemande et une politique de coupes budgétaires impitoyables dans l’intérêt des riches et qui a ruiné la vie de millions de personnes, veut s’assurer que ce cours continue après son départ en tant que ministre des Finances. Et il trouve beaucoup de soutien pour cela.

Lundi, M. Schäuble a rencontré les ministres des Finances de la zone euro à Luxembourg et a assisté mercredi à l’anniversaire du Fonds monétaire international à Washington où, aux côtés des ministres et des responsables de banques centrales de 189 États membres, de nombreux pontes du secteur financier et bancaire se rencontrent. Deux conférences de presse, ainsi que de nombreuses réunions bilatérales sont prévues.

Au Luxembourg, Schäuble a reçu les louanges de la part de ses 18 collègues. « Il nous manquera », a déclaré le chef de l’Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem. « C’était un grand collègue pour chacun d’entre nous, il a donné des conseils, parfois sollicités, parfois non. Il a toujours placé les intérêts à long terme d’une zone euro stable au premier rang. »

Le ministre italien des Finances, Pier Carlo Padoan, a qualifié Schäuble de « grand ministre des finances ». Le ministre français des finances, Bruno Le Maire, l’a qualifié de « grand européen », qui a « joué un rôle majeur dans le développement de la communauté européenne ».

Au milieu de ces éloges exubérants, le fait que Schäuble, considéré comme arrogant et cynique, ait finalement démissionné après huit années de service a été accueilli par un certain soulagement, même si l’admiration pour sa rigueur dans l’application des mesures d’austérité impopulaires est réelle dans le milieu des élites. Les attaques brutales contre la classe ouvrière dont le nom de Schäuble est synonyme, surtout en Grèce, détermineront la politique européen même après sa démission.

Schäuble, qui est né dans le sud de l’Allemagne en 1942, a rejoint l’Union de jeunes réactionnaire en 1961, à une époque où la plupart des jeunes se tournaient vers la gauche. En 1972, il est élu au Bundestag pour la CDU. En 1984, il devient ministre et dirige la chancellerie d’Helmut Kohl.

En 1990, en tant que ministre de l’Intérieur, Schäuble négocie l’accord sur la dissolution de la République démocratique allemande (RDA, ex-Allemagne de l’Est), ou plutôt il le dicte alors que les marionnettes de la CDU sont à la table de négociation du côté de la RDA. Les conséquences dévastatrices de la réunification – le démantèlement de l’industrie de l’Allemagne de l’Est ou sa vente pour une bouchée de pain, le chômage massif qui en a résulté – étaient en grande partie dues à Schäuble.

En tant que ministre de l’Intérieur – un poste qu’il a occupé sous Helmut Kohl de 1989 à 1991 et sous Angela Merkel de 2005 à 2009 – Schäuble a préconisé une politique répressive de l’État fort. Il a voulu déployer la Bundeswehr (forces armées) à l’intérieur et a demandé un amendement à la constitution pour y arriver ; entre autres choses, la Bundeswehr devait avoir le pouvoir d’abattre des avions civils dans des affaires de terrorisme. Il s’est opposé au contrôle parlementaire des services secrets et a préconisé l’abolition des droits fondamentaux pour les « terroristes ». Il a également proposé l’utilisation de déclarations obtenues sous la torture dans le cadre des enquêtes menées par les services de sécurité.

Les associations professionnelles juridiques l’accusent de sacrifier des droits fondamentaux sur l’autel de prétendus intérêts sécuritaires ; de mener une « attaque frontale contre la constitution » et de susciter des craintes au sein de la population afin « d’obtenir l’acceptation de pouvoirs étendus pour les services de sécurité ».

Schäuble a trouvé sa véritable vocation lorsqu’il est devenu ministre des finances en 2009. L’année précédente, la spéculation criminelle des banques avait conduit le système financier mondial au bord de l’effondrement et son prédécesseur, le social-démocrate Peer Steinbrück, les avait « sauvés » grâce aux milliards du Trésor public. Schäuble a ensuite commencé à récupérer ces milliards sur le dos de la classe ouvrière. Surtout en Grèce, au Portugal, en Espagne et dans d’autres pays lourdement endettés, il a imposé une politique de dévastation sociale que l’Europe n’avait jamais connue sauf en temps de guerre.

Schäuble semblait prendre un plaisir presque sadique à dicter une mesure d’austérité après l’autre au gouvernement grec dans des négociations nocturnes qui décimaient les moyens de subsistance de la population, privaient des millions de personnes âgées de leurs pensions de retraite durement acquises et détruisaient toute perspective pour l’avenir d’une génération de jeunes, tandis que les « crédits d’aide » étaient versés directement dans les coffres des banques internationales.

En Allemagne, Schäuble a insisté sur un budget équilibré. Alors que l’infrastructure s’effondrait, les soins de santé et les services aux personnes âgées étaient saignés, la pénurie d’enseignants devenait insupportable, et les salaires et les retraites chutaient, il s’est vanté pendant quatre ans du « zéro noir » (un budget équilibré).

L’éloge que Schäuble reçoit maintenant sur la scène internationale et nationale montre que la grande majorité de la classe dirigeante soutient cette politique. Schäuble lui-même a demandé un resserrement de la politique d’austérité dans un long entretien avec le Financial Times.

Lors de sa dernière rencontre avec les ministres des finances de l’eurozone lundi, Schäuble a apporté avec lui un « mauvais cadeau » (Die Welt), un document de travail de son ministère qui suggère que le fonds de Mécanisme européen de stabilité (MES) soit développé en un Fonds monétaire européen qui soutiendrait les politiques budgétaires et le respect des limites de la dette par les membres de la zone euro et qui jouiraient de pouvoirs de contrôle très étendus.

Schäuble veut ainsi déresponsabiliser la Commission européenne qui, selon lui, est sujette à trop d’influence politique et la remplacer par une institution à l’abri des pressions sociales et qui soumet toute l’Europe aux diktats financiers de l’Allemagne.

Son document vise également à déjouer les projets européens du président français Emmanuel Macron. Ce dernier a le soutien de Schäuble lorsqu’il attaque les acquis sociaux de la classe ouvrière en France, mais obtient une fin de non-recevoir de Schäuble lorsqu’il appelle à la mise en place d’un ministre des finances de l’UE avec son propre budget pour la zone euro.

« Moins d’État-nation, plus d’Europe, selon ses idées [de Macron] », écrit Die Zeit. « Schäuble veut plus de pouvoir pour un organe de contrôle européen qui suivrait la pensée allemande. Mais il devrait être moins subordonné à la commission mal aimée que les gouvernements nationaux. »

Ces contradictions risquent de s’intensifier si une coalition de la CDU / CSU avec les Verts et le Parti Démocrate Libre (FDP) se réalise en Allemagne et que le nouveau ministre des Finances est issu du FDP. Le FDP rejette non seulement les plans de Macron mais aussi ceux de Schäuble. Il veut abolir le fonds de sauvetage de l’euro mis en place en 2012 pour surmonter la crise financière et empêcher toute péréquation financière entre les pays de la zone euro.

Ce à quoi le futur gouvernement allemand ressemblera finalement n’est pas encore clair. Cependant, une chose est certaine : il poursuivra non seulement le cours d’austérité de Schäuble mais suivra également la devise « L’Allemagne d’abord » et intensifiera les contradictions nationales en Europe.

Peter Schwarz

Article paru en anglais, WSWS, le 12 octobre 2017

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