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Science d’aujourd’hui : Les trous noirs engloutissent des milliards de dollars
Par Jeremy Dunning-Davies
Mondialisation.ca, 16 mars 2009
Thunderblogs 16 mars 2009
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https://www.mondialisation.ca/science-d-aujourd-hui-les-trous-noirs-engloutissent-des-milliards-de-dollars/12761

De plus en plus d’argent étant exigé pour des expériences scientifiques de plus en plus alambiquées, il devient de plus en plus important d’essayer d’expliquer la théorie de base sous-tendant ce travail à ceux qui, en fin de compte, payent la facture, à TOI, le grand public.

Beaucoup sont impressionnés et émerveillés lorsqu’on parle du Grand Colisionneur de Hadrons. Ils ont en réalité peu idée de ce que c’est et de ce qu’espèrent en tirer les responsables, mais sont emportés sur la vague d’enthousiasme fort probablement sincère de ceux qui sont concernés. Les lacunes scientifiques sont toutefois mises en relief par une véritable crainte ressentie par certains, qui pensent que, lors de sa mise en marche, cette puissante machine pourrait produire un trou noir qui engloutirait la Terre.

Aussi ridicule que cela puisse sembler, des gens pensaient ça et étaient véritablement stressés le jour de la mise sous tension. Le coût de cette machine, ainsi que les énormes dépenses de fonctionnement et d’entretien, sont quasiment au-delà de la compréhension du simple quidam.

Ensuite, il y a LISA, le Light Interferometer Space Antenna (antenne spatiale d’interférométrie lumineuse) ; un autre projet coûtant un immense tas d’argent et, encore une fois, un projet financé en fin de compte par un public qui ne comprend pas.

La question de savoir s’il s’agit d’une position éthique ou non doit être posée. Il semblerait aussi juste et convenable à tous ceux qui paient la facture d’avoir quelque idée du contexte général de chacun de ces grands projets. La nécessité de franchise totale, accentuée quand le sort de tant de malheureux souffrant d’une grave pénurie de nourriture ou en proie à quelque maladie ou affection incurable actuellement, est aussi considérée.

Il est très probable qu’il serait extrêmement difficile, voire inutile, d’expliquer en détail au grand public le point de vue sous-tendant certains de ces nouveaux projets, dans le domaine général de la cosmologie, par exemple. Ce n’est pas pour paraître élitiste ; c’est plutôt que le gros de l’arrière-plan théorique est si complexe que relativement peu de spécialistes en comprennent toutes les ramifications. Comment par conséquent expliquer le contexte à des gens peu au fait du monde scientifique ?

Ce n’est pas tâche facile, mais elle doit être tentée et entreprise en toute honnêteté. Honnêteté est censée vouloir dire nécessité d’expliquer TOUT le contexte. Ça  implique, dans le cas où elles existeraient, de mettre tout le monde au courant des théories et des explications alternatives aux effets et observations. Ce n’est malheureusement pas le cas actuellement.

 

Exposé du problème de fond

L’anxiété ressentie par beaucoup à l’approche du jour de la mise sous tension du Grand Colisionneur de Hadrons est largement due à l’absence de connaissance concernant la situation réelle, à cause d’au moins deux raisons. Premièrement, les explications sont forcément superficielles, car les concepts sont très complexes et exigent une grande somme de connaissances de base en physique pour avoir une véritable compréhension. Deuxièmement, quoi qu’il en soit, personne n’a été mis au courant des autres théories sérieuses qui abondent et rendent les inquiétudes inutiles.

Depuis plus de cent ans, la pensée scientifique semble maintenue dans une poigne de fer, sous l’emprise de deux théories : la relativité et la mécanique quantique. Mais, quels sont les doutes à propos de ces deux théories ?

La Relativité

Il est bien établi que nombre de scientifiques éminents ont nourri dès le début des doutes sur la validité de la théorie de la relativité restreinte et générale. Certains, comme Herbert Dingle, devenu très embarrassé par les aspects du fameux paradoxe des jumeaux, a conçu des doutes après avoir été au début un ardent défenseur de la théorie. Malheureusement, si le récit des événements décrits dans son livre Science at the Crossroads (1) est exact, il semble qu’après l’apparition de ces doutes, les écarter devienne de plus en plus difficile.

Pas grand chose ne semble avoir changé depuis ces débuts, et il reste apparemment toujours vrai que, contester la validité des théories de la relativité n’est pas un choix de carrière raisonnable. En fait, même montrer que le fameux test de la relativité générale peut s’expliquer autrement (2) est considéré par certains comme une attaque voilée contre la validité de la théorie d’Einstein.

La mécanique quantique

Il y a eu aussi les tracas exprimés sur certains points de la mécanique quantique quasiment dès sa naissance. Ça tourne souvent autour du rôle de l’observateur et sur si oui ou non la mécanique quantique est une théorie objective. Un homme qui a examiné longuement ces points est Karl Popper, sans doute l’un des philosophes de la science les plus connus. Bien qu’il ait beaucoup écrit sur ces thèmes, son livre Quantum Theory and the Schism in Physics (3) s’avère une excellente source d’informations sur son avis.

L’opinion qu’il formule est que l’observateur ou, comme il préfère l’appeler, l’expérimentateur, joue exactement le même rôle en mécanique quantique qu’en physique classique : il est là pour tester la théorie. C’est bien sûr totalement opposé à la fameuse Interprétation de Copenhague, qui fournit la position communément admise.

Ce point de vue alternatif affirme essentiellement que « la réalité objective a disparu » et que « la mécanique quantique ne représente pas les particules, mais plutôt nos connaissances, nos observations, ou notre conscience, des particules. » Comme le fait remarquer Popper, un grand nombre de physiciens très éminents se sont au fil des ans détachés du camp de Copenhague. Il cite parmi eux Louis de Broglie et son ancien élève Jean-Pierre Vigier, Alfred Lande et, à certains égards le plus important, David Bohm.

Bohm, reconnu lui-même comme un penseur profondément respecté, a écrit un livre publié en 1951 sur la théorie quantique, dans lequel il présentait dans les moindres détails le point de vue de Copenhague. Plus tard, apparemment sous l’influence d’Einstein, il est parvenu à une théorie « dont la cohérence logique démontrait la fausseté du dogme constamment répété, selon lequel la théorie quantique est ‘’complète’’ dans le sens où elle doit se montrer incompatible avec toute théorie plus détaillée. »

C’est cette question même, de savoir si oui ou non la mécanique quantique est « complète, » qui formait la base de la dispute intellectuelle entre Einstein et Bohr. Einstein disait « Non » ; Bohr affirmait « Oui. » Tout le problème est examiné de manière très détaillée par Popper et, pour ceux qui s’intéressent à cet important sujet, il ne peut y avoir meilleure référence que son livre, que nous avons déjà mentionné.

Il doit aussi être noté que des gens comme Dingle et Bohm, qui ont eu le courage de contester ce que l’on pourrait qualifier de sagesse scientifique classique, ont vu leur position remise en question au sein de la communauté scientifique.

Les trous noirs

Les deux entreprises très coûteuses mentionnées plus tôt, le Grand Collisionneur de Hadrons et LISA, ont beaucoup en commun et illustrent bien le besoin d’accroître la compréhension du public dans certains domaines abstrus de la science moderne. Beaucoup ont été troublés par la peur de la création de trous noirs capables d’engloutir la Terre. LISA cherchera les ondes gravitationnelles provenant des trous noirs géants. Les trous noirs sont donc mentionnés dans les deux projets, mais quelle idée se fait le public d’un trou noir et, à vrai dire, des ondes gravitationnelles, et comment est-on parvenu à cette conception ?

Depuis de nombreuses années maintenant, les trous noirs sont populaires dans la science-fiction et il est probable que, dans de nombreux cas, la perception du public concernant pareil objet provient des œuvres de science-fiction plutôt que de la science pure. Ce fait est renforcé par de nombreux programmes de télévision, se présentant semble-t-il comme de la science authentique. En vérité, ces programmes présentent de la science, mais généralement en mettant en avant une seule explication et en ignorant les autres possibilités.

La conception moderne très répandue du trou noir est pour ainsi dire le parfait exemple du fait d’induire le public en erreur quant à la réalité scientifique. Bien que l’idée d’un corps stellaire doté d’une vitesse d’éloignement égale ou supérieure à la vitesse de la lumière remonte à John Michell en 1784 (4), la version moderne de cette notion provient d’abord de la solution de Schwarzschild (5) à l’équation du champ de la relativité générale d’Einstein. Il y a au moins deux problèmes majeurs liés à cela et tout deux sont cachés au public.

Tout d’abord, une simple vérification de l’article original de Schwarzschild montre d’emblée que la « solution » si souvent citée et utilisée (6) n’est pas la solution de Schwarzschild. Il s’agit d’une version ultérieure, due à quelqu’un d’autre. L’original ne comporte pas la singularité mathématique conduisant au concept du trou noir.

La gravitation

Deuxièmement, les travaux les plus modernes dans ce domaine de la physique tournent autour de la promotion des explications dépendant uniquement de la gravité, les effets possibles des autres forces sont en réalité ignorés. Pourtant, dans l’Univers, la majorité de la matière se présente sous forme de plasma. En tant que tels, les courants électriques devront circuler et les champs magnétiques devront jouer un rôle.

La force électromagnétique est bien plus grande que la gravité, d’environ trente-neuf ordres de grandeur, et une école de pensée estime que c’est cette force qui joue un rôle dominant dans l’Univers, et non pas la gravité ! Les gens en faveur de cette alternative font remarquer que leur scénario n’a nul besoin des trous noirs pour décrire le fonctionnement de l’Univers. Soit dit en passant, ils notent également que des notions aussi ésotériques que la « matière noire » et l’« énergie sombre » sont tout aussi inutiles. Mais, contester les opinions à la mode n’est pas permis, car cela soulève en réalité des questions sur la validité absolue de la relativité et de la mécanique quantique.

Ça signifie, qu’au public, qui paie en fin de compte la facture de chaque scientifique, n’est pas présenté tous les faits avant de s’embarquer dans le financement de divers projets extrêmement coûteux. C’est une situation qui doit assurément être modifiée.

Conclusion

La science devrait être étudiée avec une ouverture d’esprit totale et toute avancée devrait être examinée de la même manière. L’objectif de toute quête scientifique est assurément de rechercher la vérité ? Sans doute, l’humanité se trouvera toujours en défaut intellectuellement, et toute solution à un problème n’aura rien de plus qu’un lointain rapport avec la vérité, mais les efforts doivent continuer dans tous les domaines pour trouver cette réponse complète insaisissable.

Dans l’intervalle, la diffusion de l’information scientifique dans le public doit être totalement honnête et ouverte. Quand plusieurs théories existent, ce fait doit être reconnu ouvertement, sans aucune pensée pour protéger quelque intérêt. La tâche sera extrêmement difficile à cause de la nature technique du langage et de la théorie en cause, mais elle doit être tentée. Si non, il se pourrait qu’un jour vienne où, déçu par la science et les scientifiques, le public refuse de continuer à financer les projets.

Références

 

(1) H. Dingle, 1972, Science at the Crossroads, (Martin Brian & O’Keefe, London)

(2) B. H. Lavenda, 2005, J. App. Sc. 5, 299 – 308

(3) K. R. Popper, 1982, Quantum theory and the Schism in Physics, (Hutchinson, London)

(4) J. Michell, 1784, Phil. Trans. R. Soc. 74, 35

(5) K. Schwarzschild, 1916, Sitzungsberichte der Königlich Preussischen Akademie der Wissenschaften zu Berlin, Phys-Math. Klasse, 189

(6) Voir par exemple :

R. Adler, M. Bazin, M. Schiffer, 1965, Introduction to General Relativity, (McGraw-Hill, New York)

Addendum

Depuis la compilation de l’article ci-dessus, j’ai eu à nouveau le privilège d’être convié à m’adresser à la Société Astronomique de Scarborough. J’ai donné une conférence intitulée « The Electric Universe, » et présenté aux membres les idées essentielles en cause. Si je puis m’exprimer ainsi, la conférence a été extrêmement bien reçue, notamment parce que des idées qui leurs étaient totalement inconnues ont été présentées aux personnes présentes. Considérant le rôle important joué au fil des ans par les astronomes amateurs pour l’avancée des connaissances, c’est, je crois, important et appuie la nécessité d’une bien plus grande ouverture envers les débats concernant toute idée sensée dans le domaine scientifique.

Original : www.thunderbolts.info/thunderblogs/archives/guests08/090313_jdd.htm

Traduction : Pétrus Lombard.

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