Scientifique du CERN arrêté: «Adlène H. n’est pas le terroriste qu’on décrit!»

Un billet du Professeur Jean-Pierre Lees

Un physicien qui a côtoyé quotidiennement le scientifique du CERN et de l’EPFL alors qu’il préparait sa thèse témoigne. Pour lui, le Franco-Algérien, accusé de terrorisme, n’a rien d’un dangereux extrémiste.



© pascal frautschi | Le professeur Jean-Pierre Lees. «Qu’Adlène soit victime d’une erreur, lui coûtant sa carrière, serait ignoble! Mon intime conviction est qu’il est innocent, même si je n’ai pas de preuve.»

Jean-Pierre Lees «ne croit pas une seconde en la culpabilité d’Adlène H.» De 2000 à 2003, le directeur adjoint du Laboratoire de physique des particules d’Annecy-le-Vieux (LAPP), a côtoyé quotidiennement le scientifique aujourd’hui détenu en France et suspecté de terrorisme. A l’époque, le Franco-algérien de 32 ans officiant aujourd’hui au CERN de Genève et à l’EPFL, préparait sa thèse.  

Croyez-vous que votre ancien étudiant versait dans le terrorisme?

Non. Lire dans les journaux qu’il voulait organiser un groupe terroriste me fait doucement rigoler. Adlène est solitaire et individualiste. Le contraire du quelqu’un capable d’organiser un réseau. Quant à fabriquer une bombe, lui qui savait à peine contrôler les niveaux de sa voiture! Tant que la police n’apporte pas de preuves sérieuses, pour nous il est innocent. J’aimerais que les collègues qui l’ont côtoyé ces derniers mois au CERN ou à l’EPFL, apportent également leur témoignage. Adlène le mérite.

Les descriptions faites de lui dans les médias correspondent-elles à la réalité?

Adlène n’était pas aussi borné qu’on le fait croire. Oui il était discret et parfois naïf dans ses convictions, mais c’était un gentil gars et surtout un excellent étudiant, bosseur et passionné par son travail. Il était aussi superréglo. Je lui avais par exemple prêté une fois un petit chargeur de batterie qu’il avait malencontreusement égaré, il avait tenu mordicus à m’en racheter un autre. Côté loisirs, il aimait marcher en montagne ou regarder des films avec Louis de Funès, dont il était très fan.

Son absence prolongée de ces derniers mois semble avoir contribué à éveiller les soupçons…

Depuis quatre mois, il souffrait d’une hernie discale, était alité et se faisait faire des infiltrations. Je le sais par le directeur du LAPP qui le croisait parfois au CERN. Voilà l’explication de sa «mystérieuse» absence.

Qu’il soit victime d’une erreur, lui coûtant sa carrière, comme son beau-frère avant lui, serait ignoble! Mon intime conviction est qu’il est innocent, même si je n’ai pas de preuve.

A quoi ressemblait Adlène H.?

Côté look, il ne tranchait pas: jeans et baskets. Physiquement, il était plutôt petit, basané et barbu (ndlr: à l’époque). Le cliché du parfait terroriste. On en plaisantait même entre nous. Mais les véritables terroristes, eux, sont plus discrets.

Dans le cadre de nos recherches, Adlène était venu plusieurs fois avec l’équipe aux Etats-Unis. C’était après les attentats du 11 Septembre et il n’a jamais eu le moindre problème à la frontière.

Vous parlait-il parfois de sa foi musulmane?

Non. Mais on voyait bien qu’il était très croyant. Son pot de thèse fut par exemple sans alcool (rires). C’est vrai aussi qu’il était distant avec les femmes, surtout au début, mais tout en restant poli. C’est vrai aussi qu’il était parfois un peu borné, mais rien de bien méchant.

Lors d’un voyage professionnel à San Francisco, il avait par exemple refusé de traverser Castro, le fameux quartier homosexuel. Cela nous avait fait sourire. Nous le charrions un peu tout en respectant ses convictions.

Comment expliquez-vous son côté «un peu ours»?

Adlène est issu d’une cité de Vienne. Avant de faire des études supérieures, les seuls «Européens» avec qui il avait des contacts réguliers étaient les policiers patrouillant dans son quartier. Avec un pareil background c’est déjà formidable qu’il ait réussi si brillamment.

Qu’il gâche tout ça en se lançant dans le terrorisme n’aurait pas de sens. Ses parents l’ont poussé à faire des études. Tous ses frères et sœurs s’en sont également bien sortis. Adlène était très famille. Il téléphonait par exemple souvent à l’un de ses cadets qui préparait le bac pour l’aider. C’est quelqu’un qui avait envie de s’en sortir. Pas un terroriste!

 



Articles Par : Laurent Grabet

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