Seule l’action diplomatique est raisonnable en Syrie

Lettre à un ami

Cher ***,

Notre dernière rencontre a été marquée par une divergence d’opinion sur la situation en Syrie. Aussi, pour éviter qu’un malentendu ne perdure, voudrais-je résumer ce qui me paraît ressortir des informations qui nous parviennent.

Les troubles en Syrie s’inscrivent dans la ligne du « printemps arabe », dû à la lassitude des peuples face à l’accaparement du pouvoir et des richesses par une frange étroite de la société. Concentration inéquitable, et d’autant moins acceptée que des populations en expansion démographique ne peuvent tolérer indéfiniment des perspectives de vie qui leur paraissent bouchées. Quel que soit le pouvoir en place, qu’il soit parasitaire ou qu’il tente d’améliorer le bien-être, il est évidemment tenu responsable de la situation générale. Il n’y a donc pas de raison de douter qu’une volonté de changement se soit manifestée en Syrie comme ailleurs.

Il se trouve que je connais un peu la Syrie pour y avoir deux fois voyagé. J’y ai, bien entendu, surtout jeté le regard du touriste de passage, mais il y est assez facile de discuter avec les gens, soit en baragouinant un arabe élémentaire avec les gens du peuple, soit en parlant français ou anglais avec les gens instruits (je dirais volontiers « la petite bourgeoisie », mais ce serait déjà un début d’analyse sociologique dépassant ma compétence). Plusieurs faits m’avaient frappé : la fierté évidente d’un passé glorieux confusément connu, et l’accent mis sur les appartenances religieuses et locales. On est d’abord « grec » (orthodoxe de rite grec) ou sunnite, ou alaouite etc., puis Alépien ou Palmyrénien. Puis on est membre de la grande nation arabe dont la Syrie est évidemment, pour les Syriens, le centre. Pour les Syriens, leur patrie est bien plus étendue que le territoire de l’État syrien : elle englobe Antioche, la Jordanie, la Palestine et le Liban, hormis peut-être le pays chrétien. Mais, bien entendu, il ne s’agit que de ce que j’ai pu percevoir à travers le filtre de mes propres connaissances historiques et politiques.

J’y suis allé au temps d’Assad-père, un dictateur à l’ancienne qui affirmait sans sourire que ses prisons ne renfermaient pas de prisonniers politiques. Il avait raison. A quoi bon entretenir des prisonniers ? Nul n’avait envie de sourire, et la crainte de la police était sensible parmi la population. Pour mater les Frères musulmans, il n’hésita pas à faire attaquer une ville au canon. Assad-fils n’est pas de la même trempe. Après la mort de son frère, il a été placé par les clans au pouvoir à un poste qu’il ne briguait pas. Sa fonction est d’éviter que les clans les plus puissants ne soient forcés de rivaliser de crainte d’être évincés par les autres. Son pouvoir consiste donc sans doute à arbitrer plutôt qu’à décider. Le régime actuel en Syrie est ainsi plus proche d’une royauté que d’une dictature comme celle de Saddam Hussein, lançant son pays dans des guerres et gazant des populations minoritaires. Ce n’est pas non plus la chefferie de trafiquants de pétrole et d’opium des frères Karzaï. Sans doute, si l’on est né dans une famille sunnite, ne faut-il pas espérer faire prospérer une entreprise de travaux publics à Lattaquié, fief alaouite, mais le communautarisme n’est cependant pas la seule forme d’organisation politique, car la Syrie a un État assurant un peu de cohésion sociale et une esquisse de laïcité.

Néanmoins, dans les pays dont les sociétés sont structurées par des appartenances communautaires, l’État national doit arbitrer d’abord entre des communautés confessionnelles constituées depuis des siècles, qui sont chacune le lieu de luttes de clans et de classes. Les groupes sociaux et économiques sont des structures secondaires, et la hiérarchie du pouvoir ne coïncide que lâchement avec la stratification sociale. La guerre civile au Liban l’a prouvé : dans des systèmes politiques fondés sur l’équilibre des communautés, tout important changement économique, démographique ou social aboutit à une crise. La démocratie fondée sur le vote de citoyens individuels – un homme, une voix – n’y a donc pas de sens. Ces pays doivent trouver eux-mêmes une organisation politique qui leur convienne. La nôtre est fondée sur une histoire culturelle et politique tout à fait différente.

Selon les informations de la presse occidentale, corroborées par celles que me donnent des amis franco-libanais dont une partie de la famille vit en Syrie, des armes arrivent des quatre points cardinaux, à partir de l’étranger : de l’Est via l’Irak, du Sud via la Jordanie, de l’Ouest via le Liban et du Nord via la Turquie. Non seulement des armes, mais aussi des combattants entraînés au maniement d’armes d’une puissance très supérieure à celles dont disposent d’ordinaire des civils révoltés. L’OTAN ne se cache pas d’utiliser la base d’Incirlik pour coordonner les actions militaires, et des camps d’entraînement ont été observés au Liban et en Turquie, animés par des formateurs français et britanniques. L’ingérence étrangère est donc avérée, de l’aveu même des partisans d’une aide à la révolte. Les combattants ainsi entrés en Syrie ont été surtout recrutés par les gouvernements d’Arabie saoudite et du Qatar, si l’on accorde créance à leurs propres déclarations, corroborées par la presse occidentale. Peu de gens dans le monde, sans doute, considèrent ces deux États comme des partisans actifs de la libéralisation des sociétés et de la démocratie politique. Les témoignages dont nous disposons sont sujets à caution, mais ceux issus des quelques enclaves où les mouvements armés anti-gouvernementaux se maintinrent pendant plusieurs semaines, à Alep, Homs, ou dans d’autres villes, ne mentionnaient pas de libéralisation politique (certes difficile en temps de troubles).

Si l’on y regarde bien, la plupart des informations sur les combats que publient les journaux des pays occidentaux provient d’une source unique : l’observatoire syrien des droits de l’Homme, ONG basée à Londres. Le seul fait d’être basée à Londres sonne étrangement, tant les « droits de l’Homme » ont été utilisés depuis vingt ans par les puissances anglo-saxonnes pour couvrir des expéditions de pillage, au point d’être devenus une expression galvaudée.

Les forces militaires qui agissent contre le gouvernement en place lancèrent déjà quatre offensives, au printemps, au début de l’été et à l’automne 2012, ainsi qu’au début de 2013. Toutes ont échoué. Une cinquième est en cours et paraît fléchir. Selon des renseignements qui seraient à vérifier, le commandement de l’OTAN aurait, plusieurs fois au cours de l’été 2012, ordonné aux combattants de se regrouper pour lancer des offensives. Or l’armée syrienne a été organisée pour affronter l’armée israélienne ; malhabile face à une guérilla, elle est donc tout à fait apte à écraser des bandes regroupées, ce qu’elle n’a pas manqué de faire. L’absurdité apparente de ces regroupements, qui offrirent des cibles à l’armée syrienne, signifie peut-être que le gouvernement étasunien profite de cette affaire pour éliminer les plus gênants de ses alliés islamistes. L’action indirecte est tout à fait le style de l’équipe d’Obama. L’emploi de gaz, dont l’origine n’est jusqu’à présent pas déterminée, pourrait donc être une provocation.

Nulle personnalité syrienne capable de maintenir l’intégrité du pays ne s’est révélée parmi l’opposition. Dans ces conditions, l’accession de cette opposition au pouvoir ne pourrait que répandre sur tout le pays, pendant des années, les malheurs de la guerre civile, et accroître les tensions internationales. Affirmer ce fait de simple bon sens n’est évidemment pas soutenir une dictature. Bien entendu, les Alaouites qui tiennent le pouvoir depuis plusieurs décennies ne le céderont que s’ils sont assurés de ne pas subir de représailles. Sinon ils se battront furieusement, par peur que leur communauté soit massacrée et les survivants contraints à l’exil. De même les Chrétiens ont tout à perdre au renversement d’un régime qui, malgré ses défauts, a maintenu un État. Une guerre civile les forcerait à partir sans espoir de retour. C’est certainement ce que veulent les Wahabites, et peut-être aussi ce que souhaitent sans le dire certains cercles de réflexion politique, dans le dessein de contrôler les peuples en les opposant. Mais un tel épilogue ne serait conforme ni à une pensée humaniste ni aux intérêts de la France. Tout au contraire, notre pays a un triple intérêt à maintenir la laïcité qu’il a instaurée, à rester la référence culturelle des communautés chrétiennes de cette région du monde, et à y maintenir son influence et sa langue plutôt que de les abdiquer au profit de l’obscurantisme de l’Arabie saoudite, du mercantilisme de l’Angleterre et du matérialisme des États-Unis d’Amérique.

Bien évidemment, la Syrie est proche du Caucase, et il n’y a pas à s’étonner que la Russie veille à ce qu’un régime qui lui soit hostile ne s’y installe pas. C’est un souci légitime de la part du gouvernement d’un État, quelle que soit l’opinion que l’on ait sur le régime politique russe, qui est l’affaire des Russes.

Qu’ils inspirent du regret ou du soulagement, ces faits ont des conséquences politiques. Pour calmer l’affaire, les dirigeants étasuniens, russes et chinois pourraient bien conclure un accord faisant partir Assad (qui partira certainement et ne demande sans doute que cela, pourvu qu’il ait la vie sauve, un exil confortable pour lui et ses proches, et des garanties pour les Alaouites) tout en laissant en place le pouvoir syrien, voire même laissant Assad en place si l’armée syrienne tient bon. Le résultat d’un tel revirement serait que les puissances qui ne se seraient pas retirées à temps de ce guêpier en paieraient le prix politique. Que cette crise débouche sur la guerre civile, sur une tentative d’instaurer un régime intégriste islamique en Syrie, ou bien qu’un revirement des Anglo-saxons aboutisse au maintien du pouvoir en place, la France aurait tout à perdre à s’entêter dans une ingérence d’un autre âge. Que cette crise aboutisse – autre possibilité quoique peu vraisemblable- à installer un régime docile à l’OTAN et, outre de graves et durables tensions politiques, c’est l’élimination de la France hors du Proche-Orient qui en résulterait. Dans tous les cas, c’est l’action politique et non militaire qui serait sage.

Or en la personne du président de la République en exercice, les autorités françaises se sont engagées à reconnaître un gouvernement formé de personnalités d’opposition, avant que ces personnalités soient connues et avant même qu’une telle équipe ait commencé à se constituer. C’est certainement une première en diplomatie, et c’est soit une absurde imprudence, soit une grossière impudence en même temps qu’un aveu de vassalité. De même, le langage employé par le ministre des Affaires étrangères pour parler d’un chef d’État étranger – fût-il un despote – est sans précédent : « Boucher qui ne mérite pas d’être sur terre, et je pèse mes mots… [dont le pouvoir] doit être abattu au plus vite ». On pensait ce genre de langage l’apanage de la maison Bush et consorts. Cette régression de la pensée et de l’expression politiques parmi nos gouvernants est d’autant plus inquiétante qu’elle atteint aussi une grande partie des gens dont les convictions sont traditionnellement « à gauche ». Même la CGT appelle à renverser Assad par les armes. Fouchtra ! Que vient faire une centrale syndicale dans cette galère ?

Comme tous les pays jadis sous mandat ou colonisés, la Syrie est depuis plusieurs décennies reconnue comme un État souverain. Une résolution de l’ONU serait donc la seule base juridique d’une intervention dans ses affaires intérieures. Chacun peut, certes, faire connaître son opinion, voire sa désapprobation, publier des articles ou soutenir moralement des groupes politiques, mais les décisions en Syrie appartiennent aux Syriens. Cette vérité élémentaire paraît parfois échapper à nos contemporains. Souhaiter que la démocratie s’étende est une chose, faire la guerre dans le but de changer le régime politique de pays indépendants en est une autre.

Le premier article du serment d’Hippocrate est de ne pas nuire. Des gouvernements qui se conformeraient aux règles politiques fondamentales devraient, avant d’envisager toute action,  penser aux effets de leur intervention, comme y pensent les citoyens soucieux des actions de leur pays. Or le bilan des interventions récentes est accablant :

– La ruine de la Yougoslavie. Loin de moi la pensée que Milosevic ait été un démocrate, mais il n’était pas pire que Tudjman, et chacun savait qu’une guerre en Yougoslavie susciterait des atrocités balkaniques. Or le procès a été instruit uniquement à charge contre les Serbes et à décharge pour tous les autres. La chronologie de la crise, et cette inégalité de traitement, révèlent pourtant le dessein politique de cet éclatement voulu et organisé. La France a laissé l’Allemagne détruire la Yougoslavie, et a même aidé (mollement, consolons-nous, cela prouve qu’il y a encore des esprits lucides parmi nos gouvernants) l’OTAN à ravager la Serbie, se résignant à laisser disparaître la dernière trace du traité de Versailles et se rendant complice de l’écrasement d’un allié historique. Elle a laissé créer au Kossovo, qui n’est que le pourtour du camp Bondsteed, un État mafieux, épicentre d’épouvantables trafics, abcès durable en Europe.

– Un million de morts, plus d’un million de réfugiés, et une guerre civile en Irak, après un demi million de morts pendant dix années de blocus. Et comme discours justificatif, alternativement « Nous leur apporterons la démocratie » et « Nous les ramènerons à l’Âge de pierre ».

– Dix années de guerre supplémentaires en Afghanistan, dans un pays déjà exsangue, sans l’ombre d’un prétexte ni l’esquisse d’une pensée politique. Que fait la France dans cette affaire ?

Un millier de soldats français tués ou blessés, et combien d’Afghans ? Tout cela par suivisme envers les Etats-Unis, et dans un pays dont nous formions traditionnellement les professeurs et les médecins.

– Entre cinquante et soixante mille morts en Libye ; c’est-à-dire des familles entières brûlées vives ou ensevelies sous les décombres de leur maison, en notre nom, sous prétexte de les protéger d’un dictateur qui aurait menacé des opposants politiques. Dictateur dont au demeurant le monde avait fini par fort bien s’accommoder, après qu’il ait joué le trublion brouillon pendant quarante ans. Un ennemi de la France, certes, mais qui y avait été invité en grande pompe, avait piqué sa tente à côté du Soldat Inconnu, descendu les Champs-Élysées à dos d’éléphant et noué la bride de son cheval à l’obélisque. Un chef d’État dont l’élimination coïncide curieusement avec sa décision d’émettre une monnaie gagée sur les DTS concurremment avec l’or. Un homme qui fut assassiné en public tandis que le pays était livré à la guerre civile et aux massacres ethniques. Tout cela sent plutôt le pétrole que la libération des peuples ; ne s’agissait-il pas de dédommager Total de son éviction hors d’Irak ?

Cette guerre fut décidée en 2011 par le précédent président, seul (mais sous influence), au mépris de la Constitution, sans réunion du Parlement ni même des commissions de la défense et des affaires étrangères des assemblées. Son héraut fut un histrion perdu de réputation, qui se revendique lui-même comme agent de deux puissances étrangères. L’action entreprise outrepassa de beaucoup le mandat du Conseil de sécurité de l’ONU, en violation des résolutions et au mépris des volontés de deux des principales puissances mondiales. Cette guerre mobilisa la flotte, occasionna dix mille sorties aériennes aux dires de l’état-major français, usa le matériel, vida les arsenaux et laissa le territoire français sans couverture. De cette guerre, l’effet – et peut-être bien le but – fut de placer l’armée française sous commandement étasunien et de la contraindre à se rééquiper en matériel OTAN. La vassalité politique se double désormais de la subordination militaire. Cette guerre fut menée au sol par des barbouzes encadrant des mercenaires, qui furent ensuite recrutés pour agir en Syrie ou partirent dévaster le Mali, comme jadis les grandes compagnies. Ainsi l’insécurité s’étend dans l’Ouest de l’Afrique, encore en quelques lieux francophone et francophile. À cause de l’action de la France, et pour une cause qui n’était pas la sienne !

Une agression impérialiste aussi évidente que celle menée contre Libye en 2011, dans le style du XIXe siècle, aurait suscité naguère encore en France une vive opposition. Que la marine et l’armée françaises soient envoyées dans un pays maghrébin pour y renverser le régime politique, quel qu’il ait été, aurait fait descendre trois cent mille personnes dans les rues il y a trois décennies. Or à l’été 2011, place de la République à Paris, pour protester contre cette expédition qui nous ramène un siècle en arrière, nous fûmes à peine plus de trois cent : cent cinquante Gaulois et cent cinquante Métèques. L’agent des RG téléphonait au vu et au su des participants, faisant tranquillement son rapport oral à ses chefs. Voilà où nous en sommes, dans un pays réputé pour l’indépendance d’esprit de son peuple. Nous acceptons la guerre … où sont donc passés les anti-impérialistes des années 60-70 ?

Si encore la situation était nouvelle, nous aurions quelques excuses d’être naïfs, mais les guerres se répètent et aboutissent chaque fois à aggraver les difficultés qu’elles étaient censées résoudre. Or voici qu’on nous refait le coup du dictateur à évincer de toute urgence ! Si ce n’est  pas la sixième fois, c’est la septième ! Jusqu’à quand nous laisserons-nous ainsi entraîner à consentir ? Face à de tels désastres, l’évidence s’impose : la guerre doit être impérativement refusée pour résoudre les problèmes politiques. Celles qui sont menées depuis plus de vingt ans en notre nom sont contraires en tout aux intérêts et à l’honneur de notre pays.

Il y aurait encore beaucoup à nuancer et à ajouter, notamment sur la dangerosité de la politique rigide menée contre l’Iran, contrastant avec le laxisme envers les faucons israéliens. Mais je ne veux pas allonger davantage cette missive et n’espère pas te convaincre. De quoi d’ailleurs voudrais-je te convaincre, sinon que mes opinions, si discutables soient-elles, ne sont ni infondées ni irraisonnées, et que face à des événements d’une telle gravité l’émotion doit céder à la raison ? Ceci dans l’intérêt même de la paix et de la liberté.

En somme, la situation peut être résumée en quelques phrases :

– Le gouvernement précédent et le gouvernement présent nous ont embarqués dans une agression contre la Syrie, qui, si elle réussissait, plongerait les peuples de la région dans la guerre civile, les soumettrait à des régimes réactionnaires, forcerait les Chrétiens à l’exil, substituerait l’influence anglo-saxonne à l’influence française sur la côte du Levant et infligerait un camouflet à la Russie. Nous y soutenons des « djihadistes » (?) au service de Wall street et des dirigeants les plus extrémistes (les plus suicidaires ?) de Tel Aviv.

– Le gouvernement précédent nous a embarqués dans une agression contre la Libye. Nous y soutenions des « djihadistes » (?) au service de la Cité de Londres. A présent ces vaillants combattants de la liberté libyenne sont (re)devenus des terroristes, mais sont restés au service de la Cité de Londres, qui entend bien chasser définitivement d’Afrique le vieux rival français. Le gouvernement présent s’en est avisé. Il n’a donc fallu que deux années à nos gouvernants pour réfléchir, ce qui prouve d’encourageants progrès.

– Depuis vingt ans, les événements montrent qu’Al Qaida est un bras armé des Etats-Unis, émanant de l’Arabie saoudite, dynastie protégée de Washington. Cette organisation est à l’oeuvre à présent en Syrie, tandis que l’autre branche de mercenaires, ceux venus de Libye, est financée par le Qatar, marionnette de Londres.

Je n’ai jusqu’à présent pas entendu nos politiciens commenter ces quelques broutilles…

Et pendant ce temps-là…

– Pendant ce temps-là en Europe, les banquiers font la loi, et les rentiers applaudissent à les voir étrangler peu à peu la poule aux oeufs d’or. Pour Neuilly l’important est d’être plus riche que la canaille, quitte à ramper devant mille fois plus riche que soi (ramper procure manifestement des plaisirs délicats). L’an dernier, un Président du Conseil italien fut nommé par la banque. Des fonctionnaires allemands dirigent les ministères grecs. L’austérité induit mécaniquement la régression économique. La suppression des contrôles démocratiques du pouvoir, imposée par l’organisation bruxelloise, est ratifiée par les parlements, contre la volonté des peuples.

On reparle d’une grande zone de libre-échange transatlantique.

– Pendant ce temps-là en France, la CFDT et la CFTC signent un accord historique de régression sociale, suite à des négociations commencées sous Sarkozy, interrompues par Hollande-candidat et relancées par Hollande-président. L’anglicisation de l’école, de la culture et de l’administration a été beaucoup accélérée. Toute velléité de politique industrielle a été abandonnée.

Les gauchistes sont en extase : du moment que ça change… L’intendance étant laissée à l’Union européenne, la classe politique française peut se lancer dans de vrais débats : le mariage pour tous, et bientôt le droit de vote pour tous. L’orgasme pour tous est en cours d’étude.

Bon, tout Marx c’est trop long à lire, mais peut-être au moins le premier tome….

Les rivalités des impérialismes, la volonté de remonter le taux de profit, les manoeuvres de diversion, la division du peuple, la corruption des chefs opposants… c’est l’actualité, non ?

Ce n’est pas à nous, qui avons laissé détruire la République par l’économisme et l’européisme, de nous mêler de donner des leçons de démocratie. Enfin le « droit d’ingérence »   – l’ingérence des forts dans les affaires des faibles – cache mal la volonté impérialiste des classes dominantes qui gouvernent l’empire anglo-saxon, dans lequel nous avons, par lâcheté, laissé inclure la France, à la satisfaction de nos propres classes dominantes. Qui ne voit qu’il s’agit tout simplement d’élargir l’aire de prédation des firmes supra-nationales ? Qui ne sait que cette extension supprime le débat politique et empêche l’action collective ? Qui ne comprend que c’est l’asservissement des sociétés qui est en cours, sous couvert de l’alliance des droits de l’Homme et de la liberté du commerce ?

C’est dans une toute autre direction que nous devons agir pour rétablir notre liberté collective et aider, par l’exemple, d’autres peuples à établir la leur.



Articles Par : Christian Darlot

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