Sommet pour la démocratie: les Etats-Unis jouent avec le feu
Les Etats-Unis font participer à la confrontation militaire d’autres États parce qu’eux-mêmes, comme toujours, sont prêts à attendre de l’autre côté de l’océan pour tirer de nouveau profit de la guerre. L’histoire américaine a montré deux exemples horribles pour l’Europe, quand le sang versé sur des fronts étrangers se transformait en rivières d’or remplissant Fort Knox et en commandes militaires pour le capital américain. L’économie américaine s’enrichissait toujours sur le sang des autres.
L’Amérique a réussi à entrer dans la Première Guerre mondiale à temps: les soldats américains ont évité les batailles les plus sanglantes de 1914-1917, et en automne 1918 il s’est avéré que l’intervention militaire massive des Américains n’était plus nécessaire. Sachant que les revenus moyens annuels des compagnies américaines pendant les années de guerre étaient supérieurs de presque 5 milliards de dollars par rapport à la moyenne annuelle des trois années avant la guerre. Pendant la période de guerre, le nombre de millionnaires américains a triplé, et les Etats-Unis se sont transformés d’un débiteur des banques européennes en leur créditeur. À la fin de la guerre, l’Europe devait aux États-Unis la somme astronomique de 15 milliards de dollars, sachant que les plus grandes communications ferroviaires et maritimes, des centrales électriques, des mines et d’autres infrastructures de l’Amérique du Sud appartenant à des compagnies européennes sont devenues la propriété de compagnies nord-américaines.
La Seconde Guerre mondiale n’a fait qu’aggraver la dépendance de l’Europe des Etats-Unis. Les Etats-Unis ont pris possession de 60% des capacités industrielles des pays européens, leur part dans les exportations mondiales est passée de 14 à 33%. Les exportations de marchandises américaines dans les pays en guerre ont conduit à la fin de la guerre à la concentration aux Etats-Unis des deux tiers des réserves d’or mondiales.
Mais les guerres locales rapportent également du profit à Washington. Au début des années 1950, l’intervention des Etats-Unis en Corée a assuré une croissance industrielle de 40% grâce aux dépenses militaires du gouvernement quia avaient quadruplé. Le nombre de guerres menées par les Etats-Unis partout dans le monde a déjà dépassé la barre des 300. Rien que la Chine, entre la révolte des boxers au début du XXe siècle et jusqu’à la guerre de Corée, a été envahie par les militaires américains 16 fois. Les forces américaines sont présentes aujourd’hui dans 177 des 195 pays et comptent plus de 300.000 hommes.
Tout cela n’est pas nouveau. En revanche, Joe Biden a déjà annoncé en quelque sorte la date de la prochaine guerre.
Les 9 et 10 décembre prochains se déroulera ce qu’on appelle le sommet pour la démocratie. Le département d’Etat américain a publié une liste de 110 pays invités à y participer. Elle ne contient pas la Russie ni la Chine, or Taïwan est invitée au sommet. Ce qui est une violation des droits souverains de la Chine sur l’île chinoise.
La politique d’une « Chine unie » est devenue une norme de la communication, notamment pour les Etats-Unis, qui ont établi des relations diplomatiques officielles avec Pékin en 1979 et ont rompu les relations officielles avec Taïwan. Cependant, la même année, les Etats-Unis ont adopté une loi sur les relations avec Taïwan s’engageant à aider Taïwan à se défendre. Les Etats-Unis continuent de livrer des armes sur l’île.
Donald Trump a été le premier à créer des tensions dans les relations avec la Chine au sujet du dossier taïwanais. Transgressant la pratique établie, en décembre 2016, il s’est entretenu par téléphone avec la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen, montrant que « tout est permis » aux Etats-Unis. Alors que Joe Biden a déclaré que les Etats-Unis défendraient Taïwan en cas de confrontation avec la Chine. Maintenant, écritInformation Clearing House, si le sommet pour la démocratie se tenait avec la participation de Taïwan, ce serait une mise sur une confrontation militaire à part entière entre les États-Unis et la Chine.
Les médias parlent de la liste des invités s’étonnant de ne pas y voir des alliés de l’Otan tels que la Hongrie et la Turquie, ainsi que l’Egypte, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam. Seuls Israël et l’Irak sont invités du Moyen-Orient, sans l’Arabie saoudite, la Jordanie, le Qatar et les Emirats arabes unis. La présence de tous les alliés ne semble pas importante pour Washington. Plus importants sont ceux qui sont prêts à défendre la « démocratie » sous le drapeau de la « libre navigation » dans le détroit de Taïwan.
En novembre, le président chinois Xi Jinping a qualifié la politique américaine vis-à-vis de Taïwan de « jeu avec le feu » et a tracé une « ligne rouge ». L’invitation de Taïwan au sommet pour la démocratie signifie que le jeu dangereux continue.
Dans le même temps, en trois décennies, l’armée chinoise a élargi son parc de chasseurs de cinquième génération, de porte-avions, de sous-marins nucléaires, elle a modernisé le système de commandement et le service de renseignement. Possédant la plus grande flotte navale avec de tout nouveaux navires de garde côtière dépassant les capacités opérationnelles des États voisins, la Chine élargit sa présence dans la région indopacifique, en évinçant les Etats-Unis.
Les missiles antinavires chinois ASBM (tueurs de porte-avions) rendent impossible toute invasion par la mer. Et les nouvelles capacités de missiles hypersoniques décuplent le danger d’une réponse asymétrique de la Chine.
L’objectif final de la Chine consiste à gagner toute guerre sans entrer dans une grande bataille, en rendant toute ingérence potentielle des États-Unis « pour défendre » Taïwan trop coûteuse pour l’Amérique. La prise en compte de cet aspect par Joe Biden pendant le sommet pour la démocratie montrera si l’organisation du sommet sera un point de départ dans le déclenchement du plus grand conflit armé depuis la Seconde Guerre mondiale.
Alexandre Lemoine