Soyons prudents, gardons les écoles ouvertes
Dans une lettre ouverte une centaine de médecins ont demandé de garder les écoles ouvertes au Québec. (Une centaine de médecins implorent Québec de garder les écoles ouvertes) L’Association des pédiatres avaient déjà supplié le gouvernement de ne pas fermer les écoles durant le confinement qui se poursuivra jusqu’au 18 février 2021.
Le gouvernement québécois a finalement décidé de maintenir les écoles ouvertes suite à la pression exercée par les médecins.
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À ce jour, on n’a aucune donnée épidémiologique pour affirmer que la réouverture des écoles primaires et secondaires augmentera significativement le fameux Rt (taux de reproduction efficace). En effet, les fermetures des écoles, ou leurs variantes (p. ex. réouverture partielle avec ou sans enseignement à distance, devancement ou prolongation des congés scolaires) font partie des mesures dont l’efficacité pour contrôler le virus est très mal documentée. Pourtant, les conséquences négatives sur le bien-être des enfants et leur réussite éducative sont, quant à elles, bien démontrées.
Au Québec comme ailleurs, les écoles sont des milieux qui restent relativement peu à risque, comparativement à d’autres milieux (p. ex. rassemblements privés, milieux de travail). La transmission dans les écoles est avant tout le reflet de la transmission communautaire, sans y contribuer fortement. Bien que les écoles soient fermées depuis trois semaines, on n’a vu aucun ralentissement dans le nombre quotidien de cas déclarés de COVID-19. Si les écoles étaient au cœur de la pandémie, les cas auraient chuté de manière importante durant le temps des Fêtes. Attention, cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de transmission dans les écoles. Juste avant les vacances en décembre, il y avait un grand nombre d’éclosions en milieu scolaire, mais la grande majorité d’entre elles étaient de faible envergure (5 cas ou moins). Les données publiques sur les cas de COVID-19 dans les écoles semblent souvent impressionnantes, car on diffuse le nombre de cas qui exposent une classe, et non pas le nombre de cas acquis dans une classe… La nuance est très importante. Des études à l’international tendent à montrer que les cas liés aux écoles sont peu associés aux cas sévères de COVID-19 (hospitalisations et décès), ceux qui nous intéressent réellement.
Pourquoi les écoles sont-elles des milieux à faible risque ?
Deux explications se dégagent de la littérature publiée sur cette question de grand intérêt. D’une part, les enfants, surtout les plus jeunes, sont moins atteints par la COVID-19 que les adultes. Ils font des symptômes plus légers et de plus courte durée, ce qui expliquerait qu’ils transmettent moins le virus que les adultes. D’autre part, les écoles sont des milieux où la détection des cas et l’intervention auprès des contacts sont faites très rapidement (souvent en moins de 24 heures). Grâce à la bonne collaboration entre la Santé publique et le milieu scolaire, les éclosions dans les écoles sont facilement détectées et contrôlées. Les écoles sont également « victimes » d’une surveillance accrue et très médiatisée. Contrairement à d’autres lieux où les éclosions sont probablement sous-détectées (p. ex. rassemblements clandestins entre adolescents), les écoles sont des milieux contrôlés où il est facile de comptabiliser tous les cas et les éclosions.
Non seulement les fermetures des écoles semblent peu efficaces pour limiter la transmission communautaire de la COVID-19, mais on observe même sur le terrain des effets paradoxaux pouvant mener à une augmentation de la transmission du virus. Par exemple, certains parents mal pris doivent absolument aller travailler et font garder leurs enfants par les grands-parents. Les fermetures d’écoles peuvent aussi contribuer aux pénuries de personnel de la santé, car plusieurs travailleurs de la santé doivent faire des choix déchirants entre leur travail et leur rôle parental. Et que dire des adolescents qui n’en peuvent plus d’être privés de leurs amis et qui défient les consignes en se rassemblant sans masque ni distanciation lorsque les écoles sont fermées ?
Des conséquences négatives bien démontrées sur les enfants
Alors que les données épidémiologiques d’ici et d’ailleurs montrent que les fermetures d’écoles sont peu efficaces pour limiter la propagation de la COVID-19, des études sortent chaque jour sur les conséquences inacceptables qu’elles entraînent chez les jeunes. Du côté scolaire, une hausse importante d’échecs et de décrochage est anticipée partout. À chaque semaine d’école manquée, les écarts se creusent chez les élèves défavorisés et ceux qui sont en difficulté d’apprentissage. Malgré tous les efforts faits par les enseignants, l’enseignement à distance ne peut remplacer l’école en présentiel.
Les impacts sur l’éducation ne sont que la pointe de l’iceberg des effets négatifs de la fermeture des écoles sur le développement socioaffectif et la santé mentale des enfants. Depuis le début de la pandémie, les consultations médicales sont en grande augmentation pour des troubles anxio-dépressifs chez les adolescents. La littérature montre que plus l’isolement social est long, plus les impacts sur la santé mentale des jeunes sont graves et durables. Les écoles jouent également un rôle crucial pour protéger les enfants contre la violence et la pauvreté. Les fermetures des écoles sont non seulement associées à des situations plus à risque de violence à la maison, mais également à une baisse importante des signalements à la DPJ par les intervenants scolaires. Pour les enfants vivant en situation de précarité socio-économique, chaque semaine d’école manquée entraîne son lot de stress toxique supplémentaire.
Des solutions pour améliorer la situation de nos écoles
Garder les écoles ouvertes même lorsque la transmission locale est élevée ne signifie pas qu’il ne faut rien faire de plus dans le milieu scolaire, mais il est possible d’améliorer la situation dans nos écoles sans sacrifier la santé et le développement des enfants. Par exemple, on pourrait recommander le port du masque en classe pour les enfants vivant avec une personne vulnérable (ex. un aîné, une personne avec maladie chronique). On pourrait aussi encourager le plus possible les enseignants à sortir avec les groupes-classes, pour des activités sportives et éducatives, même en plein hiver. Cela permettrait de faire bouger davantage nos enfants tout en limitant les contacts dans les classes. Il serait également souhaitable d’améliorer la ventilation dans nos écoles, vu la contribution des aérosols qui est plus grande que ce qu’on pensait initialement.
À ce stade-ci de la pandémie, chaque décision gouvernementale doit faire l’objet d’une analyse en profondeur pour viser le double objectif de freiner la transmission du virus tout en protégeant nos enfants des effets pervers des mesures de santé publique. À notre avis, la fermeture des écoles primaires et secondaires n’est pas une option acceptable considérant le manque de preuves qu’une telle mesure aiderait à diminuer significativement les cas graves de COVID-19. Connaissant les nombreux impacts négatifs à priver les enfants d’école plus longtemps, notre analyse scientifique et éthique fait pencher la balance pour une réouverture immédiate des écoles, malgré la situation épidémiologique actuelle.
Dre Catherine Dea
Professeure adjointe de clinique, Département de médecine sociale et préventive, École de santé publique de l’Université de Montréal, médecin spécialiste en santé publique et médecine préventive *
* Sont aussi cosignataires de ce texte :
- Dre Élyse Allard, omnipraticienne ;
- Dre Madeleine Auclair, gastro-entérologue ;
- Dre Christine Bastien-Chrétien, psychiatre ;
- Dre Kim Beauchemin, omnipraticienne ;
- Dre Mélanie Beauregard, gynécologue-obstétricienne ;
- Dre Marie-Ève Bédard, pneumologue ;
- Dre Virginie Bédard, omnipraticienne ;
- Dre Maud Bélanger, chirurgienne plastique ;
- Dre Dominique Belisle, psychiatre ;
- Dre Myriam Bellazzi, omnipraticienne ;
- Dre Anne-Catherine Belliveau, omnipraticienne ;
- Dre Mona Ben M’rad, néphrologue ;
- Dr Francis Bonenfant, cardiologue ;
- Dre Catherine Bouchard, omnipraticienne ;
- Dre Isabelle Bouchard, médecin d’urgence ;
- Dre Marie-Christine Boucher, omnipraticienne ;
- Dre Solange Bourque, néphrologue ;
- Dre Sophie Breton, soins palliatifs ;
- Dre Nadine Brunet, omnipraticienne ;
- Dre Hélène Bustamante, omnipraticienne ;
- Dre Rosemarie Chénard-Soucy, psychiatre ;
- Dre Jihane Cherkaoui, chirurgienne générale ;
- Dre Caroline Couture, interniste ;
- Dre Émilie Croteau, physiatre ;
- Dre Josiane Demers, omnipraticienne ;
- Dre Catherine Deschênes, omnipraticienne ;
- Dre Isabelle Deschênes, rhumatologue ;
- Dre Hélène Desens, omnipraticienne ;
- Dre Julie Desjardins, omnipraticienne ;
- Dre Andreanne Dion, omnipraticienne ;
- Dre Véronique Dion, médecin d’urgence ;
- Dr Marc-André Dorais, médecin d’urgence et soins intensifs ;
- Dre Nicole Dorion, omnipraticienne ;
- Dre Marie-Laure Drivod, omnipraticienne ;
- Dre Julie Drouin, rhumatologue ;
- Dre Geneviève Dubuc, omnipraticienne ;
- Dre Myriam Dubuc, anesthésiologiste ;
- Dre Geneviève Dumais, médecin d’urgence ;
- Dre Catherine Dumont, omnipraticienne ;
- Dre Marie-Eve Fontaine, omnipraticienne ;
- Dre Marie-Chantal Fortin, néphrologue ;
- Dre Catherine Hamel-Pâquet, omnipraticienne ;
- Dre Isabelle Gagné, pathologiste ;
- Dre Véronique Gauthier, médecin d’urgence ;
- Dre Jeanne-Marie Giard, hépatologue, MPH ;
- Dre Sarah Giraldeau, omnipraticienne ;
- Dre Myrrha Goulet, omnipraticienne, spécialité itinérance et toxicomanie ;
- Dre Maud Gravel, omnipraticienne ;
- Dre Stéfanie Grenier, orthopédiste ;
- Dre Lynda Hammam, omnipraticienne ;
- Dre Anaïs Heneman, omnipraticienne en CHSLD ;
- Dre Caroline Henry, omnipraticienne ;
- Dre QueChi Hoang, omnipraticienne ;
- Dre Anne-Sophie Houle, omnipraticienne ;
- Dre Geneviève Labelle, gynécologue ;
- Dre Marie-Josée Lacelle, interniste ;
- Dr Guillaume Lafond, gastro-entérologue ;
- Dre Laurie Lafontaine, médecin d’urgence ;
- Dre Judith Lajeunesse, omnipraticienne ;
- Dre Marie-Josée Laganière, omnipraticienne ;
- Dre Isabelle Latreille, omnipraticienne ;
- Dre Julie Laverdure, pédopsychiatre ;
- Dre Caroline Lavigne, omnipraticienne ;
- Dre Mélanie Lavigne, omnipraticienne ;
- Dre Janie Lavoie, ORL ;
- Dre Majorie Lavoie, omnipraticienne ;
- Dre Géraldine Layani, omnipraticienne ;
- Dre Maude Lebel, médecin d’urgence ;
- Dre Rachel Leclerc, omnipraticienne ;
- Dre Isabelle Lecours, médecin d’urgence ;
- Dre Junie Lecours, radiologiste ;
- Dr Marc Lee, omnipraticien ;
- Dre Isabelle Lepage, médecin d’urgence ;
- Dr Jordan Leroux-Stewart, omnipraticien ;
- Dre Marie-Pier Levreault, omnipraticienne, urgence et CHSLD ;
- Dre Nathalie Major, urgentologue ;
- Dr Benoit Malouf, médecin d’urgence ;
- Dre Marie-Hélène Masson-Roy, omnipraticienne ;
- Dre Marie Mathieu, omnipraticienne ;
- Dre Marie-Ève Mondor, anesthésiologiste ;
- Dre Audrey Moreau, omnipraticienne ;
- Dre Audrée Morin, pédopsychiatre ;
- Dre Maya Naccache, omnipraticienne ;
- Dre Véronique Ouimet, omnipraticienne ;
- Dre Maude Pagé, cardiologue ;
- Dre Isabelle Paradis, omnipraticienne ;
- Dre Andrée-Anne Paré-Plante, omnipraticienne ;
- Dre Amélie Phan, omnipraticienne ;
- Dre Kim Pion, médecin d’urgence ;
- Dre Marie-Claude Poulin, omnipraticienne ;
- Dr Gabriel Proulx-Chantal, omnipraticien ;
- Dre Stéphanie Racine, médecin d’urgence ;
- Dre Audrey-Morin Robitaille, omnipraticienne ;
- Dre Christiane Roy, omnipraticienne ;
- Dre Sarah Russell, neurologue ;
- Dre Judith Simoneau-Roy, endocrinologue ;
- Dre Irena Stikarovska, pédopsychiatre ;
- Dre Mariève Tétreault-Deslandes, omnipraticienne ;
- Dre Caroline Têtu, psychiatre ;
- Dre Sylvie Théodore, neurologue ;
- Dre Jade Thériault, psychiatre ;
- Dre Audrey Thibault, omnipraticienne ;
- Dre Émilie Thibault, omnipraticienne ;
- Dre Maryse Tremblay, anesthésiologiste ;
- Dre Sophie Truchon, radiologiste ;
- Dre Majorie Vadnais, pédopsychiatre ;
- Dre Catherine Vaillancourt, omnipraticienne.Notions d’économie politique : les contradictions internes fondamentales du capitalisme et ses implications contemporaines…