Sur les rails du « Grand Reset » : le petit train de l’horreur…

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Comme nous l’avons déjà démontré, le Capital financier atlantiste a décidé d’utiliser la pandémie de COVID-19 comme prétexte d’un Grand Reset visant à sauver les meubles face à la contradiction majeure de notre époque : l’effondrement structurel inéluctable du marché intérieur des pays impérialistes occidentaux en déclin. Leurs élites, totalement impuissantes face à l’émergence multiforme de l’impérialisme chinois et à la substitution du « consommateur chinois » comme principal stimulant de la croissance économique mondiale, une perspective assumée publiquement par l’ancien premier ministre J.-P. Raffarin sur CCTV-F le 8 avril 2009, ont décidé que le temps était venu de finir ce qui a été commencé il y a plus d’une décennie : la destruction des chaînes dorées de l’esclavage salarié pour quelques centaines de millions de prolétaires occidentaux relativement privilégiés. En 2007, dans notre ouvrage Impérialisme et anti-impérialisme, nous insistions déjà sur les perspectives économiques et sociales structurellement défavorables :

« Il est essentiel de comprendre que dans les pays bourgeois-révisionnistes, l’octroi « d’acquis sociaux » de la part des exploiteurs dépend des conditions économiques internationales. La bourgeoisie d’un pays impérialiste puissant et dynamique peut accorder à ses travailleurs des « adoucissements » à l’exploitation. En revanche, une bourgeoisie dont les débouchés tendent à rétrécir de manière relative (par rapport à ses concurrents) ou absolue, fera tout pour réduire à néant d’anciens « acquis sociaux ». (…) Le blog internet d’un patron français relatait récemment son entretien avec un homologue chinois. Il rapportait qu’au cours de la conversation, il avait lancé au patron chinois que dans quelques années la Chine aurait une législation sociale et des acquis sociaux comme en France. Le patron chinois lui répondit lucidement, non sans ironie : « certes, mais à ce moment vous les aurez perdu en France » ! Ainsi donc la conscience de classe de la bourgeoisie impérialiste est actuellement beaucoup plus aiguisée que celle de beaucoup de camarades se réclamant du marxisme-léninisme ! (…) En outre au sein des vieilles puissances impérialistes, la concurrence croissante avec cette dynamique puissance impérialiste provoque déjà, et va inévitablement de plus en plus provoquer, l’exacerbation des contradictions sociales au sein même des métropoles impérialistes où la bourgeoisie commence déjà à être contrainte de « faire tomber les masques » et de détruire elle-même la base matérielle de l’opportunisme ». (Ouvrage cité, pp. 301-304)

L’année suivante, la crise des subprimes éclatait, suivie d’une décennie ininterrompue d’austérité budgétaire à grande échelle visant à sabrer dans les dépenses sociales pour tenter de redonner de la compétitivité à la main d’œuvre occidentale tout en repoussant l’éclatement de la bulle de la dette souveraine… Mais peine perdue : la « concurrence déloyale » livrée par l’impérialisme chinois permit à ce dernier de rester incomparablement plus compétitif, grâce à la rapide montée en gamme technologique combinée à l’accroissement vertigineux de la productivité du travail, tout en assurant plus d’une décennie de hausse aussi substantielle qu’ininterrompue des salaires, notamment dans les grandes métropoles industrielles. 

Selon les statistiques de la Banque Mondiale, le revenu mensuel brut par habitant de la Chine est passé de 125 à 868 dollars durant la période 2004-2019. En 2019, le salaire mensuel moyen dans 38 grandes villes chinoises a atteint 8 829 yuans, soit plus de 1 269 dollars, un chiffre en hausse de 9,1 % en glissement annuel ! Comment celui des travailleurs occidentaux a-t-il évolué dans le même temps ? Si le revenu mensuel brut par habitant de la France a augmenté de 2 535 à 3 533 dollars durant la période 2004-2019, il stagne littéralement depuis 2008, année au cours de laquelle il avait atteint 3 495 dollars… Voilà pourquoi, depuis plusieurs années déjà, la « sobriété heureuse » (des classes laborieuses), est brusquement devenue une idée à la mode ! Notre camarade Nicolas Bourgoin, docteur de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, enseignant-chercheur et auteur d’ouvrages analysant la « révolution sécuritaire » et le « virage autoritaire de la gauche libérale » qui ont accompagné plus de quatre décennies « d’économie de bazar », introduisait de la sorte l’article « De la signification des nouveaux « éloges de la pauvreté »… » que nous avions publié en 2014 :

« Comment l’impérialisme parvient-il à faire accepter à l’immense majorité des conditions de vie toujours plus dégradées alors que les profits capitalistes sont en progression continue ? Il y a la manière forte : lois sécuritaires, réduction des libertés publiques et violences policières. Il y a aussi la manière « douce » plus insidieuse et finalement plus efficace : formatage idéologique, désinformation et abrutissement culturel. La propagande déversée par les médias dominants a pour fonction d’amener les peuples à se satisfaire de leur sort, aussi dur soit-il. La pédagogie de la tempérance est la dernière mode médiatique destinée à faire passer un partage des richesses toujours plus inégalitaire : aux riches, le luxe, aux pauvres les vertus de la sobriété. Elle est professée par des intellectuels et des personnalités des arts et des spectacles. Vincent Gouysse en a sélectionné deux, Pierre Rabhi et ZAZ, dans son article que nous présentons ici ».

La crise sanitaire (et économique !) actuelle constitue l’étape finale du processus de déclassement à grande échelle qui a débuté en 2008. Plus encore que les politiques mises en œuvre au cours de la dernière décennie, celles mises en place au cours des derniers mois sont particulièrement actives et volontaristes. Il ne s’agit pas d’assister passivement à ce déclassement inéluctable, mais de le favoriser et de l’accélérer de manière extrêmement proactive afin de le diriger dans la direction voulue. Par conséquent, il faut voir le cocktail de mesures pseudo-sanitaires caractérisant « l’absurdistan autoritaire » non pas comme une formidable accumulation d’erreurs et d’incompétence, mais comme une volonté de démolition économique et sociale contrôlée. Pour les observateurs intelligents familiers avec les principes de l’économie politique, il s’agit d’une « volonté froide, calculatrice et délibérée d’éradiquer toute la classe moyenne de notre société ».

La fraction sincère des communistes utopiques que sont les conseillistes remarquent avec raison le lien étroit entre le télétravail et le statut de l’auto-entrepreneur. Ce dernier est depuis sa création un artisanat au rabais, qui fait du salarié (qui bénéficiait d’un contrat de travail relativement stable et sécurisant), un entrepreneur individuel en proie à la précarité et à l’incertitude. Le télétravail offre assurément les meilleures conditions pour le patronat lui permettant de généraliser à grande échelle un statut de contractant travaillant à domicile en lieu et place des traditionnels contrats de travail entrepreneur/salarié où ce dernier travaille pour son employeur de manière relativement encadrée, sécurisante et routinière. Selon une enquête récente de Malakoff Médéric Humanis, près de trois télétravailleurs sur quatre se disent « satisfait du télétravail », malgré certains dangers soulignés par le cabinet : près de la moitié des télétravailleurs « avouent avoir eu des difficultés à se déconnecter du travail » et plus d’un tiers ont constaté « une augmentation de leur niveau de stress et de leur charge mentale ». 

Le travail à domicile, s’il peut au premier abord sembler davantage « libérateur » et « flexible », ne s’en retournera pas moins inévitablement contre le « libre-contractant » qui l’aura adopté. Il sera en effet facile à l’employeur de généraliser le paiement à la tâche plutôt qu’en fonction du temps de travail : « il faut absolument me faire ça, ça et ça », quand bien même l’exécution de ces tâches viendrait à s’étaler sur 10, 12 ou même 14 heures quotidiennes… Pour le Capital financier occidental confronté à la crise, seule la généralisation du télétravail permettra de s’affranchir rapidement et durablement des contraintes légales de la législation du travail et donc de réduire drastiquement le coût du travail. Elle permettra au Capital de faire travailler ses esclaves plus longtemps tout en rendant impossible le contrôle de la durée du travail (reléguée à la sphère privée et qui sera de toute façon jugée comme « librement consentie »…) et cela tout en brisant les capacités de résistance des « contractants » individuels. Comment se révolter de manière organisée quand on travaille seul chez soi ?! C’est assurément la plus efficace des stratégies afin de prévenir la naissance et l’essor de la solidarité et de l’organisation de classe qui ont caractérisé le prolétariat lorsqu’il travaillait dans de grandes unités industrielles… C’est également le moyen imparable de réduire à néant les organisations syndicales réformistes jugées désormais non seulement inutiles mais nuisibles ! 

Cette destruction préventive et systématique des moyens de résistance promet d’être d’autant plus efficace si les moyens de communication virtuels sont surveillés et verrouillés par les « élites » en cas de fronde d’individus isolés récalcitrants. Assurément, une société hybride totalitaire à mi-chemin du Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley et de 1984 de Georges Orwell est sur le point d’advenir ! Le télétravail promet donc d’être la panacée pour le Capital financier Occidental : elle lui permettra d’accélérer la dégradation des conditions de travail et d’abaisser le niveau des salaires réels et relatifs, notamment en ce qui concerne le cheptel des cadres pour lesquels il est en général assez facile à mettre en œuvre, tout en s’assurant de briser la capacité de résistance de ce néo-prolétariat travaillant pour autrui à son domicile… Un retour « moderne » à la perspective du salaire à la pièce perçu par les ouvrières à domicile de l’industrie textile anglaise au 19ème siècle… Comme le remarquent également les conseillistes (mais sans en tirer toutes les conclusions logiques), les milieux d’affaires occidentaux souhaitent voir l’expérience du télétravail « se poursuivre au-delà de la pandémie », comme le souhaitent 89 % des 300 entreprises sondées dans une enquête du géant du conseil immobilier Cushman&Wakefield, réalisée en avril dernier, aussi du point de vue de la réalisation de considérables économies sur la location de locaux tertiaires (loyers, énergie, communications, assurances) et leurs coûts annexes (santé au travail, restauration collective, locaux syndicaux). Leur idéal se ramène donc à « vider les tours », dont le taux d’occupation accuse d’ailleurs une baisse considérable de 60 à 40 % au cours des deux dernières décennies et dont l’avenir apparaît comme irrémédiablement hypothéqué, afin de réduire considérablement la voilure de leur capital fixe et d’abaisser leur charges salariales pour pouvoir regagner en compétitivité dans un environnement économique général particulièrement dégradé et défavorable.

Contrairement à ce qu’imaginent les conseillistes, la migration vers le télétravail n’est pas tant une « quatrième révolution industrielle », qui serait synonyme d’une nouvelle base scientifique et technique, qu’un moyen de favoriser la paupérisation absolue et la prolétarisation de masses exploitées longtemps privilégiées d’Occident ainsi que l’atomisation (à un degré sans précédent) de leur résistance. Cela, ils l’auraient compris s’ils avaient compris la signification réelle de la rivalité inter-impérialiste majeure opposant la Chine aux pays impérialistes occidentaux aujourd’hui en bien mauvaise posture… De leur côté, les cadres salariés des monopoles technologiques chinois ne sont pas encore prêts à abandonner les confortables bureaux et locaux dans lesquels ils sont récemment entrés, bien que la Chine soit désormais à la pointe de la technologie la plus moderne… Les grandes concentrations industrielles constituent en effet un facteur majeur de l’efficience d’une économie et la condition de l’utilisation des processus technologiques les plus gourmands en capital fixe. 

Cette nouvelle organisation du travail promet donc d’être à tous points de vue bénéfique au Capital financier occidental pour son économie fantôme dont il devient vital de réduire urgemment les dépenses en réalisant des économies considérables sur les investissements en capital fixe, en prolongeant la durée de travail, en atomisant la résistance des travailleurs, etc. Quant à ses malheureux esclaves hier encore privilégiés, ils n’auront bientôt pour seuls choix que d’accepter ces pénibles conditions d’esclavage contre les moyens de leur survie ou bien à suivre les chemins de la délinquance et du banditisme ou bien celui de la dépression et du suicide qui consistent à retourner la violence des rapports de production bourgeois contre soi (ou contre ses compagnons d’infortune) plutôt que contre les exploiteurs responsables de cette souffrance… 

Bien qu’il n’ait pas été confronté aux conséquences psychologiques dévastatrices des confinements occidentaux à répétition, le Japon a enregistré pour le seul mois d’octobre 2020 pas moins de 2 153 suicides, soit davantage que le nombre de morts du COVID-19 sur l’ensemble de l’année 2020, un chiffre record en hausse de près de 40 % en glissement annuel ! De son côté, la seule ville de New York a recensé pas moins de 1 667 homicides liés aux fusillades du 1er janvier au 15 novembre 2020, un chiffre en hausse de 101 % en glissement annuel ! Plus que jamais résonnent ces paroles d’Enver Hoxha qui déclarait en 1978 dans La démocratie prolétarienne est la démocratie véritable que :

« Les lois qui sont approuvées dans les parlements bourgeois et révisionnistes expriment la volonté de la classe dominante et elles défendent ses intérêts. Ces lois profitent aux partis du capital qui forment la majorité au parlement. Mais les partis prétendument à l’opposition et qui, souvent, représentent les intérêts de l’aristocratie ouvrière et des koulaks, ne manquent pas non plus d’en profiter. Ces partis « d’opposition », qui sont soi-disant en contradiction avec ceux qui ont obtenu la majorité des sièges et qui appuient le grand capital, mènent grand bruit, ils « critiquent », etc., mais leur bruit ne guérit ni le chômage, ni l’émigration, ni l’inflation. Quels que soient les cris et les critiques de l’opposition au parlement, les prix montent, la vie se corrompt et dégénère, les assassinats, les hold-ups et les enlèvements dans la rue, de jour et de nuit, deviennent toujours plus inquiétants. Ce chaos et cette confusion, cette liberté des malfaiteurs pour perpétrer leurs crimes, voilà ce que les capitalistes et les révisionnistes appellent « démocratie véritable » ! »

Mais aujourd’hui, ces petits criminels apparaissent presque comme des enfants de cœur à l’heure où les élites bourgeoises occidentales se sont engagées dans un crime de masse : celui de l’assassinat économique méthodique de la petite bourgeoisie ! En fermant les rayons des grandes surfaces des produits vendus par les petits commerces « non-essentiels » pour apparaître « juste » sans pour autant laisser ces derniers ouverts, la macronie a témoigné de sa détermination à s’en tenir à sa stratégie. De même pour les stations de ski qui pourront accueillir des touristes, mais dont les remontées mécaniques ne seront pas ouvertes aux skieurs… 

Le 27 novembre dernier, les propos tenus par Frank Vandenbroucke, ministre fédéral de la Santé, provoquaient l’indignation des commerçants belges fermés plusieurs semaines durant car jugés « non-essentiels ». Selon Mr Vandenbroucke, « cette mesure était plus psychologique qu’autre chose : il fallait créer un électrochoc » : 

« Faire du shopping ne comporte pas de risques quand tout est bien contrôlé. [On a pris cette décision] parce qu’à un moment donné, on devait prendre une décision choc. Il fallait vraiment faire un électrochoc. Il fallait dire clairement « on bloque », a-t-il déclaré au micro de la VR».

La fermeture des commerces dits non-essentiels n’a donc, comme on s’en doutait et comme nous l’avions déjà souligné, aucune justification sanitaire, mais revêt par contre une dimension psychologique jugée essentielle par les larbins occidentaux du Capital financier. Mais pourquoi risquer la ruine d’une constellation de petits commerces avec les conséquences économiques et sociales apocalyptiques que l’on peut en attendre ?

Ces décisions ne sont en effet pas absurdes du point de vue de « nos » élites, même (pour ne pas dire surtout…) sur le plan économique. Si l’on prend l’exemple des stations de ski, une saison hivernale ruinée permettrait aux grandes banques de reprendre la main sur les indépendants du ski, les sociétés de remontées mécaniques et le tissu d’artisans et de commerçants gravitant autour. Ces derniers sont souvent de petites affaires familiales qui tournaient bien et qui n’avaient plus de prêts en cours. Après une telle débâcle, ils auront besoin « d’aides » asservissantes pour essayer de sauver « leur » affaire… Cette conclusion vaut également pour de nombreux petits commerces « non essentiels ». 

C’est pour le Capital financier une façon d’aller chercher l’argent où il en reste encore un peu et d’opérer la transition vers de nouveaux actifs pour compenser la dette publique en sursis dont il faut rapidement se désengager et à laquelle il faut trouver des investissements de substitution avant qu’elle n’implose. Cela permettrait au Capital financier de ne pas tout perdre en engraissant sur le dos de la petite bourgeoisie et donc de se « dédommager », au moins partiellement, des colossales pertes financières à venir dans des secteurs majeurs, hier encore porteurs comme l’automobile, l’aéronautique et le transport aérien… Acquérir des fonds de commerce et prolétariser leurs propriétaires, un bien vaste programme ! Plus que jamais, nos élites se servent du prétexte de la pandémie du COVID-19 qu’elles ont su prolonger par des confinements partiels aussi économiquement meurtriers que sanitairement inefficaces pour instaurer dans la durée une dictature sanitaro-sécuritaire et faire main-basse sur les actifs qui peuvent présenter un intérêt dans une économie ravagée, post-industrielle et post-société-de-consommation. Et pour cela, elles appliquent les recettes idéologiques éprouvées du fascisme, à l’instar de cette maxime d’Hermann Göring, fondateur de la Gestapo :

« Et si vous pouvez trouver quelque chose pour les effrayer, vous pouvez leur faire tout ce que vous voulez ». 

La conclusion est que nous sommes à l’évidence gouvernés par de froids psychopathes sociaux chargés de perpétrer un gigantesque « hold up » économique au service du Capital financier… Paupériser toujours davantage les simples travailleurs, sous-prolétariser les cadres et la petite bourgeoisie, c’est en ceci que consiste le « grand reset » dont nous vivons aujourd’hui la première phase !

Il faut bien comprendre que les attelages gouvernementaux ne sont plus conçus (comme dans les temps révolus de relative prospérité) pour durer et rechercher le compromis en contentant le plus grand nombre avec quelques os jetés en pâture, mais sont mis en place pour imposer énergiquement des mesures impopulaires à grande échelle. Ces hommes de paille du Capital financier sont donc amenés à être changés régulièrement… Pour aider à faire passer une pilule bien amère et continuer à gouverner leur « absurdistan autoritaire », ces attelages gouvernementaux ont en outre besoin d’une milice armée fidèle n’hésitant pas à cogner le peuple qui doit apprendre à la craindre. La macronie est plus que jamais un régime ploutocratique totalement corrompu qui tente de rendre « intouchable » la milice d’Etat qui la protège et forme son dernier rempart CONTRE les larges masses populaires dont le sacrifice économique et social a commencé… 

La « loi de sécurité globale » destinée à punir sévèrement ceux qui diffusent l’identification publique des policiers ripoux est en réalité une loi de l’impunité totale pour la milice des mercenaires de l’Etat bourgeois. C’est une loi légalisant la pire injustice et qui fait de toute personne victime de répression policière… un coupable, puisque faute de preuve, c’est la parole de ceux d’en face, « assermentés », qui prévaudra ! 

Cette loi inique a été dénoncée comme telle par les policiers et gendarmes honnêtes comme Alexandre Langlois, policier, lanceur d’alerte et secrétaire général du syndicat de police VIGI. Celui-ci a récemment envoyé sa lettre de rupture conventionnelle au Ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, dans laquelle il rappelle en premier lieu « que la première cause de mortalité des policiers en fonction est le suicide » et que « depuis l’élection d’Emmanuel Macron, c’est quelque 150 vies sacrifiées ». 

Mr Langlois accuse ensuite « son » Ministre de défendre « bec et ongles par la propagande et le mensonge » « la Loi Sécurité Globale », une loi avec laquelle « cette victime [le producteur passé à tabac] aurait fini en prison et ses tortionnaires médaillés ou encore primés », accusant Mr Darmanin d’être laxiste à l’égard des « policiers qui tabassent, mutilent ou tuent des innocents » et de « réprimer durement » ceux qui, « au contraire, dénoncent ces dérives et dysfonctionnements » « au motif qu’ils ne respecteraient pas la loyauté envers leur hiérarchie ou porteraient atteinte au renom de la Police nationale ! »

« Je quitte un métier que j’aimais, car vous avez fini de dénaturer la noble mission pour laquelle je m’étais engagé. Je quitte la Police nationale pour les mêmes raisons que j’y suis entré : la défense des libertés individuelles et de l’intérêt général. (…) Je constate qu’il n’est plus question pour le peuple d’obéir aux lois auxquelles il a lui-même consenti et que le rôle de sa police n’est plus de protéger ses libertés, mais plutôt de toutes les annihiler, comme le ferait le plus vil des oppresseurs. (…) Peut-on encore parler d’une police républicaine ou ne s’agit-il plus que d’une milice au service de votre autoritarisme ? (…) Les policiers sont depuis lors au service d’un Président de la République qui les utilise pour réprimer avec violence tout mouvement social contestataire tels que les Gilets jaunes, mais également les infirmières, les pompiers, les médecins, les avocats au lieu de leur permettre de manifester leurs revendications de manière encadrée et sécurisée. (…) On nous détourne de nos vraies missions, qui sont de poursuivre les délinquants et les criminels, et d’assurer la paix et la sécurité de nos concitoyens. (…) Depuis la crise COVID-19, les policiers sont désormais exclusivement affectés au contrôle social et non plus au respect du Code pénal ». 

Un autre ex-policier ayant démissionné vingt ans auparavant déclarait pour sa part que déjà à l’époque le peuple était vu « comme un ennemi, une menace qu’il faut contrôler, asservir… » 

« Changer de gouvernement, de députés ne changera rien, c’est tout un système bureaucratique, de copinage, de service à la bourgeoisie qu’il faut détruire… Et comme je le dis régulièrement à propos des sois disant « bons flics qui existent », ceux-là ont déjà démissionné, ou se sont suicidés… La plupart de ceux qui restent ne sont là que pour la paie garantie à la fin du mois, la retraite anticipée, et certains même pour pouvoir user de violence en toute légalité… »

Les policiers de la trempe de Mr Langlois, qui a tenu bon deux années entières contres les crapules qui disent « gouverner au nom du peuple » ainsi que contre leurs relais régionaux (sa hiérarchie à laquelle il s’est opposé à de multiples reprises), sont donc à l’évidence une espèce en voie de disparition… Ce que veulent nos élites, ce sont des contingents de brutes dociles et écervelées rendues intouchables pour être capables de réprimer par la force sans états d’âmes les mouvements sociaux présents et à venir… Ceci témoigne du fait que, comme le soulignaient Marx et Lénine, cette machine qu’est l’Etat bourgeois et son organe de répression ne peuvent être réformés, et qu’ils doivent être brisés par le peuple !

Si depuis des années l’humoriste Dieudonné, livré à la vindicte des médias sionistes et atlantistes, était désespérément seul dans sa « traversée du désert », d’autres artistes semblent aujourd’hui commencer à sortir de leur apathie, à l’instar de l’humoriste Jean-Marie Bigard, qui est sorti de ses gonds dans une interview donnée à France Bleu le 30 novembre dernier. 

Après ses hésitations des deux dernières années, durant lesquelles il a affiché ses sympathies pour les gilets jaunes mais aussi sa volonté de dialoguer avec la macronie, on voit que les désillusions ont aidé l’humoriste à évoluer. Il refuse d’abord de céder à l’épouvantail « anti-complotiste » et démontre qu’on pouvait légitimement se poser des questions :

« Quand les scientifiques, nous disent  qu’il  »faut pas porter de masque, c’est dangereux », et que 3 semaines après ils nous disent  »il faut porter un masque c’est obligatoire » qu’est-ce qu’on peut penser ? Est ce qu’il y a quelque chose de complotiste là-dedans ? » 

Et à la journaliste qui voulait faire passer les scientifiques pour « peut-être paumés » afin de justifier la gestion de crise chaotique, il répond crûment que « les décideurs » « ne sont pas paumés » ni « des fous » mais « obéissent à des contraintes ». 

«  »Les décideurs !  » Ça te va  »les décideurs » ? J’en ai rien à branler qu’ils soient deux sur 100 millions mais ce sont eux qui décident ! Donc je te parle des décideurs ! Quand un homme politique vient te dire que le conseil scientifique a dit que. Tu dis : « putain c’est pas 3 personnes, c’est une majorité des gens qui décident ». Et quand cette majorité te dit le contraire 3 semaines après qu’est-ce que tu peux penser ? Eh bien tu penses tout simplement que ces gens-là sont aux ordres, ils sont aux ordres du pognon. (…) Oui. Je suis enragé. On nous prend pour des cons. On nous manipule. On organise une dictature chez nous. Comment je ne serais pas en colère ? On nous prend pour des cons. On nous manipule. On fait crever nos commerces. On détruit l’industrie mondiale. Pourquoi ? À qui profite le crime !? Est-ce que je peux me poser la question ? »

Si l’humoriste se montre aujourd’hui acerbe, c’est parce que dans l’impossibilité de se produire depuis le printemps, il se dit aujourd’hui être « dans une situation financière très compliquée » :

« Je suis étouffé, d’où ma colère, a-t-il expliqué sur RMC. Je suis comme un cheval dans un box à qui on interdit de sortir depuis 7 mois, sans avoir gagné un centime d’euros, en étant en train d’emprunter, de taper un pote pour finir le mois. Je dis : non, c’est pas possible ! »

Par la voix de Jean-Marie Bigard, c’est donc la petite bourgeoisie qui hurle contre le déclassement économique et social à grande échelle qui a débuté. Dans « les hautes sphères du pouvoir » de la macronie, les ministres de la ripouxblique les plus lucides s’inquiètent aujourd’hui de la grogne croissante du prolétariat et des larges couches petite-bourgeoises longtemps privilégiées. Selon le JDD du 22 novembre, « certains ministres sont conscients du mouvement de révolte qui anime le peuple depuis plusieurs semaines et le craignent ». Sous couvert d’anonymat, un ministre lâche : « La fronde des petits patrons menace.  Je suis très inquiet, les gens n’en peuvent plus. Lorsque les gens n’ont plus rien à perdre, c’est là que ça devient dangereux. ça va péter ».

Si dans l’Occident au bord du gouffre le fascisme « revient à la mode » afin de faire face au mécontentement croissant des masses populaires, au contraire, en Chine, le Capital financier tend à adopter les traits de la démocratie bourgeoise, une démocratie bourgeoise sinisée, mais une démocratie bourgeoise tout de même ! Les autorités chinoises ont ainsi « pour la première fois dans l’histoire de l’élaboration du plan quinquennal » « invité l’ensemble de la population à laisser son avis sur la formulation du 14e plan quinquennal en ligne », permettant pendant plusieurs mois à chaque chinois de faire des remarques et des suggestions : de toute évidence, « la voix du peuple a été prise en compte pour esquisser les grandes lignes du développement de la Chine ». Et a ceux qui seraient tentés de s’écrier qu’un pays où un Parti unique est au pouvoir depuis des décennies ne peut être qu’une « dictature », nous répondrons ceci : à quoi cela sert-il d’avoir, comme sous la « démocratie » occidentale, plusieurs partis politiques, si tous suivent docilement sans broncher les injonctions du grand Capital, même quand le peuple exprime massivement sa défiance ? Et si la dictature ouvertement anti-populaire n’était pas celle qu’on pourrait croire au premier abord… La conception vulgaire (c’est-à-dire occidentale) de la démocratie bourgeoise mesure celle-ci à l’aune du nombre de partis politiques. Le multipartisme serait soi-disant le gage éternel de la « démocratie » tandis que le monopartisme serait toujours la preuve d’une dictature… Mais si la multitude des Partis ne reflétait que les intérêts irréconciliables de classes sociales antagonistes ? Pourquoi la véritable démocratie populaire ne s’exprimerait-elle donc pas au sein d’un Parti unique qui défendrait réellement les intérêts communs et convergents des larges masses travailleuses ?… 

Alors que tous les indicateurs économiques majeurs restent insolemment au vert, que la croissance du PIB attendue pour 2020 est d’au moins 2,1 % et que les prévisions de croissance sont de 7,5 % pour 2021, la Chine proclame avoir achevé d’éradiquer l’extrême pauvreté. A l’inverse, l’Occident tout entier va enregistrer une récession historique record et entre dans une crise économique aussi structurelle que durable. Déjà aux USA, malgré près de 4 150 milliards de $ (fantômes) de nouvelle dette publique contractée au cours de l’année fiscale écoulée, le rythme de la « reprise économique » a « ralenti ces derniers mois » et le président de la FED jugeait cette semaine encore que « les perspectives économiques » « sont extraordinairement incertaines ». Mais en Chine, le front de la faim n’est pas le seul aspect de cette extrême pauvreté, désormais reléguée au passé chez elle et qui explose en Occident…

Après un siècle de domination mondiale, des millions d’américains pauvres n’ont toujours pas accès à un système de santé universel pour les soins de base. A l’inverse, la Chine a déjà construit « le plus grand système de sécurité sociale du monde, avec une assurance vieillesse de base couvrant près d’un milliard de personnes et une assurance médicale de base couvrant plus d’1,3 milliard de personnes ». Durant la période 2012-2019, les dépenses totales des diverses caisses d’assurance sociale sont passées de 2 330 à 6 720 milliards de yuans. 

« A la fin de 2018, presque toutes les personnes âgées bénéficiaient de l’assurance vieillesse, et presque tous les Chinois bénéficiaient de l’assurance médicale universelle ».

Dans la région autonome du Tibet, ce sont neuf millions de personnes  qui bénéficient pour leurs enfants d’une éducation gratuite, couvrant le matériel, l’hébergement et la nourriture, de la maternelle au lycée. Si en 1951, le taux de scolarisation des enfants d’âge scolaire était inférieur à 2 % avec une population analphabète à 95 %, ce sont désormais 86,6 % des jeunes tibétains qui sont allés jusqu’au lycée et 47,7 % qui font des études supérieures. Pour les autorités chinoises « le coût d’une bonne éducation est inestimable ». C’est en effet en définitive cette dernière qui assure la formation de contingents toujours plus vastes de main d’œuvre hautement qualifiée et de futurs scientifiques, si déterminants pour la montée en gamme de l’économie chinoise. A l’échelle de la Chine, le nombre d’enseignants à temps plein est passé de 15,4 à 17,3 millions durant la période 2015-2019. En 2019, les dépenses publiques consacrées à l’éducation se sont élevées à plus de 4 000 milliards de yuans, soit 609 milliards de dollars, augmentant de 8,3 % en glissement annuel et représentant plus de 4,0 % du PIB chinois. Une voie inverse à celle choisie par les pays impérialistes d’Occident en déclin qui ont préféré la voie low-cost (éprouvée de longue date par les USA) d’une éducation de masse indigène de bas niveau couplée au « brain drain » systématique des cerveaux importés depuis les pays dépendants. Ils ont ainsi préféré délocaliser les coûts de formation de la main d’œuvre hautement qualifiée (ingénieurs, médecins et scientifiques) en les faisant supporter par les économies les plus faibles et dépendantes, tout en privant ces dernières de leur bénéfice pour freiner leur développement scientifique et économique de leurs pays d’origine. Depuis plus de deux décennies, dans la quasi-totalité des métropoles impérialistes occidentales, les élites ont décidé de copier le modèle éducatif américain et c’est donc le « dégraissage du mammouth » qui est à l’ordre du jour, pour reprendre la formule lancée en 1997 par Claude Allègre, alors ministre de l’éducation nationale… 

Il nous apparaît essentiel d’ouvrir ici une parenthèse au sujet du siphonage systématique des cerveaux mis en place par les puissances impérialistes dominantes d’Occident. Des pays comme les USA, le Royaume-Uni et la France ont forgé et utilisé, des décennies durant, leur image de société cosmopolite à cette fin, afin d’attirer sur leur sol les haut-diplômés des pays dépendants si durement et chèrement formés, une manière pour eux de renforcer leur monopole d’innovation scientifique au détriment de leurs zones périphériques continûment vidées de leurs cerveaux. Comme nous l’avons déjà démontré il y a une décennie, la Chine a habilement retourné à son avantage le sens de fonctionnement de ce « pompage », en parvenant à faire revenir sur son sol la plus grande partie de ses haut-diplômés partis étudier à l’étranger. Mieux encore : de plus en plus de scientifiques nés en Occident partent désormais à la découverte de l’eldorado chinois. Si les USA ont trouvé naturel et moral de siphonner les autres pays de leur matière grise, ils voient d’un très mauvais œil le début de fuite des cerveaux de l’Occident vers la Chine. Un rapport du renseignement américain publié en 2018 s’inquiétait ainsi de « la fuite des chercheurs et chercheuses américaines vers la Chine ». Une tendance structurelle que la crise des subprimes avait renforcée et que la crise actuelle ne risque pas de démentir… A titre de parade, l’administration de Donald Trump a fait en sorte que « le ministère de la Justice des États-Unis tente de punir les scientifiques qui se tournent vers ce pays ». De l’aveu des médias occidentaux, dès 2018, les USA « se sont lancées dans ce qui ressemble à une chasse aux sorcières parmi ses scientifiques ». 

La Chine ayant retourné à son avantage les sacro-saints principes de la libre-circulation des marchandises, des capitaux et des hommes, l’impérialisme américain en est réduit à devoir les renier pour adopter une stratégie protectionniste agressive. Mais même cette dernière s’avérera en définitive contre-productive : en se laissant aller à l’hystérie d’un néo-maccarthysme anti-chinois, l’administration Trump a contribué à créer une atmosphère raciste délétère et nauséabonde qui encourage le départ des scientifiques de la communauté chinoise résidant sur le sol américain qui se trouve aujourd’hui ouvertement stigmatisée. Pour risquer d’être condamné et jeté en prison, nul besoin de « preuves de vol de propriété intellectuelle » : il suffit qu’un scientifique entretienne des liens avec une université chinoise ! Or dans le domaine de la recherche scientifique universitaire, la coopération internationale est souvent la règle… Bien malgré elle, l’administration Trump contribue ainsi à hâter le « brain drain » qu’elle voulait combattre. En effet, d’après le directeur de la division de la sécurité nationale au sein du département américain de la Justice, « plus de 1 000 chercheurs chinois ont quitté les Etats-Unis dans le cadre d’une répression des vols présumés de technologies ». Ils « ont fui les Etats-Unis après que le FBI a mené des interrogatoires dans plus de 20 villes du pays et que le département d’Etat a fermé le consulat chinois à Houston en juillet dernier ». Ce millier de départs « volontaires » est à ajouter à la révocation du visa « de plus de 1 000 ressortissants chinois dans le cadre de restrictions sur l’accueil d’étudiants et de chercheurs pour des raisons de sécurité nationale » annoncée en septembre dernier… Nul doute cette répression aussi grossière et hystérique que contre-productive doive faire rire jusqu’aux larmes au sein des cercles dirigeants à Pékin ! Quelle terrible punition que d’être forcés de devoir accueillir ces milliers de cerveaux… 

Plus sérieusement, la Chine n’a pas besoin de voler leurs technologies aux USA : de plus en plus la Chine innove sur la base de ses propres droits de propriété intellectuelle, et ce que l’impérialisme américain refuse désormais, c’est de laisser un libre-accès (fût-il payant) aux technologies américaines pour que les chinois puissent prendre appui dessus pour accélérer leur rattrapage technologique. En effet, cela fait bien longtemps que la Chine compte davantage de scientifiques que les USA ou l’Europe. 

Notons au passage que l’on ne saurait comparer les seuls effectifs (d’ailleurs supérieurs) de l’enseignement supérieur de la Chine et des USA pour en déduire le rapport de forces réel. En effet, les pays occidentaux ont eu tendance à entretenir leur parc de consommateurs indigènes et à orienter leur enseignement supérieur vers la formation d’armées de commerciaux et d’employés du secteur des services dévolus aux loisirs et caprices des classes sociales occidentales privilégiées. Comme nous l’avions déjà souligné il y a une décennie, en Occident « un élève brillant de terminale serait plus poussé vers HEC que vers Polytechnique »… 

A l’inverse, l’enseignement supérieur chinois est prioritairement axé sur le développement accéléré des sciences et techniques et est donc directement orienté vers l’effort de montée en gamme technologique tous azimuts du pays ! Pour la jeunesse chinoise fraîchement diplômée, l’incertitude du lendemain est aujourd’hui un sentiment inconnu. Quant aux étudiants et aux jeunes diplômés occidentaux, leur perspective générale se résume aujourd’hui en ces quelques mots : précarité et chômage croissants !

A gauche : Des élèves suivent un cours dans la ville de Qamdo de la région autonome du Tibet, le 14 septembre 2020. A droite : Un enseignant du Hubei et un enseignant local dirigent des élèves dans une expérience de chimie au lycée n° 1 de Shannan, dans la région autonome du Tibet, le 7 mai 2019.

Alors que Pékin continue d’améliorer un système éducatif de masse déjà très performant classé comme le plus productif au monde dans le domaine des sciences et techniques, le « rêve chinois » poursuit sa marche en avant d’un pas aussi rapide qu’assuré, avec l’exploration habitée des profondeurs océaniques extrêmes comme les missions spatiales les plus ambitieuses : depuis Fendouzhe encaissant sans broncher des pressions de 1,09 tonne au centimètre carré dans la fosse des Mariannes à la sonde chinoise Chang’e-5 forant la surface lunaire en vue de ramener de précieux échantillons de roche, une première mondiale depuis 1976 !

De même, les derniers jours ont vu le premier réacteur nucléaire chinois Hualong-1 de troisième génération de conception nationale être connecté au réseau électrique. Enfin, le 4 décembre 2020, une équipe de recherche incluant Jian-Wei Pan a annoncé avoir posé le premier jalon sur la voie du calcul quantique à grande échelle.

A gauche : Chargement de combustible à la centrale nucléaire n° 5 de Fuqing, la première centrale nucléaire chinoise utilisant la technologie Hualong-1, le 4 septembre 2020. A droite : Le laboratoire de simulation quantique de l’Académie chinoise des sciences, à Shanghai. 

Il y a peu, nous avions souligné que la bourgeoisie chinoise était dotée d’une « intelligence sociale très aiguisée » et n’hésitait pas à « rendre hommage à [Karl Marx,] celui qui lui a donné des outils analytiques si utiles à sa stratégie de développement long-termiste ». Le Capital financier chinois a récemment de nouveau illustré cette réalité en célébrant le bicentenaire de la naissance de Friedrich Engels à travers un long article et le définissant comme « un « second violon » toujours pertinent ». Friedrich Engels n’avait pas seulement été l’ami indéfectible de Karl Marx avec lequel il avait collaboré à l’écriture de plusieurs ouvrages d’anthologie comme La Sainte Famille (1844-1845), L’Idéologie allemande (1845-1846) et le Manifeste du parti communiste (1848). Friedrich Engels était lui-même un remarquable théoricien communiste qui a laissé au mouvement communiste international des ouvrages classiques comme Socialisme utopique et socialisme scientifique (1880) et L’Origine de la famille, de la propriété privée et de l’État (1884). Friedrich Engels mena également à bien l’achèvement de la rédaction et la publication du livre 2 (1885) et du livre 3 (1894) du Capital laissés à l’état de brouillons par Karl Marx. Le 27 novembre dernier, les élites chinoises ont consacré à Friedrich Engels un long article. On peut notamment y lire qu’

« Explorant les vérités et les règles qui sous-tendent le système capitaliste, les deux hommes sont parvenus à la conclusion que le capital était principalement gouverné par la recherche du profit, sans aucun égard pour la vie humaine. Leurs théories révolutionnaires ont changé le cours de l’histoire au XIXe siècle. Deux cents ans après la naissance d’Engels, le monde traverse à nouveau des changements sans précédent. La plus grave pandémie survenue depuis un siècle, la pire récession économique mondiale depuis la Grande Dépression des années 1930 et une crise sociale qui ne fait que s’aggraver depuis la crise financière ont conduit à une profonde remise en question du rôle du capital et à une réévaluation complète de la notion de gouvernance. L’immense influence que les idées de Karl Marx et de Friedrich Engels ont exercée dans le monde entier ne se limite certainement pas à leur époque ; au contraire, ces idées pourraient bien indiquer la voie que le monde doit emprunter en cette époque de profonde incertitude ».

De même, pour les élites chinoises, « Engels a apporté des contributions substantielles pour nous aider à comprendre le marxisme, le socialisme ainsi que la gouvernance de la société moderne ». Si le PCC déclare qu’il « considère le marxisme comme sa théorie phare », c’est parce qu’ « une nation qui veut gravir les sommets de la science ne pourra pas y arriver sans réflexion théorique ». Or l’application du marxisme dans l’URSS de Lénine-Staline et dans l’Albanie d’Enver Hoxha ont démontré sa puissance pratique et sa capacité à bouleverser le Monde. Aussi, plutôt que de rejeter en bloc l’idéologie marxiste-léniniste, vue depuis plus d’un siècle par les élites occidentales comme une abomination absolue, le Capital financier chinois juge à l’évidence qu’il est plus avantageux d’en retenir les éléments qui peuvent être utilisés pour comprendre les mécanismes économiques et sociaux régissant la production marchande, et ainsi essayer de fonder un modèle « idéal » de capitalisme qui manifesterait un minimum d’égards vis-à-vis de ses esclaves et qui serait surtout plus résiliant que sa variante occidentale colonialiste, ploutocratique et ultra-dégénérée… 

Outre cet avantage stratégique sur ses concurrents, cette « sinisation » du marxisme a pour autre avantage de désarmer l’ennemi de classe (le prolétariat) en lui confisquant son idéologie libératrice, auquel les milliardaires chinois prétendent se référer… Leur représentant en chef actuel, Xi Xinping, lançait encore récemment un appel à « la classe ouvrière » et aux « travailleurs du pays » à « œuvrer pour des réalisations nouvelles et historiques dans la construction complète d’un pays moderne socialiste ».

Le Capital financier chinois privilégie ainsi la rentabilité globale à long terme, plutôt que la recherche du profit maximal à court terme. Il juge ainsi d’une importance stratégique l’édification d’un puissant Etat-providence et est ainsi disposé à faire de lui-même et de sa propre initiative de vraies concessions aux classes populaires (prolétariat inclus) en termes de hausses salariales comme d’extension des acquis sociaux, afin de tenter de reléguer au second plan la contradiction travail/capital sur le plan intérieur et de forger une solide unité nationale. Le Capital financier chinois ne vise donc pas à obtenir le maximum possible de profits à court terme (ce qu’il pourrait obtenir également en bradant son économie à ses concurrents), mais à conquérir une domination scientifique et technique capable d’assurer à l’économie et à la société chinoises dans leur ensemble un rôle directeur durable au sommet d’une nouvelle division internationale du travail. Il s’agit pour lui de garantir sur le long terme la rentabilité économique et la stabilité sociale. Dans ce processus, les outils de la philosophie matérialiste-dialectique et les enseignements fondamentaux de l’économie politique marxiste-léniniste permettent de comprendre par où il faut commencer pour s’affranchir de la dépendance au Capital étranger et comment résister à ses multiples pressions…

« Comme l’a dit un jour Phil Collins, l’artiste britannique qui fit transporter la statue d’Engels d’Ukraine à Manchester, Engels est un écrivain « avec lequel nous pouvons dialoguer aujourd’hui, avec les questions qu’il soulève. Il ne doit pas être confiné à son époque et oublié ». De l’Occident à l’Orient, cela s’est avéré plus que vrai ».

De son côté, toujours à l’occasion des célébrations du bicentenaire de la naissance de Friedrich Engels, le président chinois a lui-même souligné que « nous ne devons pas abandonner le marxisme-léninisme et la pensée de Mao Zedong ; sinon, nous serions privés de nos fondations ».

En organisant et en répartissant « rationnellement » la production sociale mondiale (c’est-à-dire sans l’intervention chaotique continuelle des élites occidentales dans les affaires du Monde), le Capital financier chinois serait en effet en mesure de créer une division internationale du travail dont le moteur aurait suffisamment de carburant aussi longtemps qu’il resterait suffisamment d’êtres humains à faire entrer dans la sphère d’action du capitalisme. Or ce sont aujourd’hui encore au moins trois milliards d’être humains qui vivent encore en dehors de la grande industrie, dans les zones périphériques misérables de la division internationale du travail mise en place et maintenue par la force depuis sept décennies par l’Occident. Ces milliards d’êtres humains vivant aux marges d’un capitalisme en fait très partiellement mondialisé sont en mesure de fournir du carburant à l’impérialisme chinois pour au moins un demi-siècle. Une fois ce réservoir épuisé, les contradictions internes inhérentes à la production marchande l’obligeront impérativement à mettre à l’ordre du jour la destruction des chaînes dorées de l’esclavage salarié et une aggravation des conditions de l’exploitation, que ce soit sur le plan intérieur ou extérieur. Son masque pseudo-marxiste tombera alors… 

Si la bourgeoisie la plus intelligente que le Monde ait connu au cours des deux derniers siècles trouve aujourd’hui un profond intérêt dans l’étude de la théorie marxiste-léniniste au point de la considérer publiquement comme son « guide », on nous accordera peut-être que le prolétariat international et les opprimés du Monde entier, auxquels elle est la première destinataire, pourraient également avoir un intérêt à se la réapproprier pour, non pas repousser la révolution sociale à l’échéance fatidique (lointaine) de l’implosion de la future division internationale de l’impérialisme chinois, mais à la concrétiser dès maintenant, durant la périlleuse et chaotique époque historique actuelle où l’impérialisme américain doit accepter, bon gré mal gré, de passer le relais de la croissance économique mondiale à son principal rival stratégique… Cela éviterait aux grandes masses opprimées de notre espèce, tantôt pacifiquement, tantôt violemment, mais toujours pour le profit d’une minorité d’exploiteurs, de subir une somme incalculable de nouvelles souffrances au cours du prochain siècle ! Notre espèce sortira-t-elle enfin bientôt des ténèbres de l’exploitation capitaliste que Karl Marx qualifiait de dernière étape de notre « préhistoire » ? Cela ne saurait se produire aussi longtemps que les larges masses exploitées demeureront soumises à l’idéologie de la classe dominante. 

« Les hommes ont toujours été et seront toujours en politique les dupes naïves des autres et d’eux-mêmes, tant qu’ils n’auront pas appris, derrière les phrases, les déclarations et les promesses morales, religieuses, politiques et sociales, à discerner les intérêts de telles ou telles classes. Les partisans des réformes et améliorations seront dupés par les défenseurs du vieil ordre de choses, aussi longtemps qu’ils n’auront pas compris que toute vieille institution, si barbare et pourrie qu’elle paraisse, est soutenue par les forces de telles ou telles classes dominantes. Et pour briser la résistance de ces classes, il n’y a qu’un moyen : trouver dans la société même qui nous entoure, puis éduquer et organiser pour la lutte, les forces qui peuvent  ̶  et doivent de par leur situation sociale  ̶  devenir la force capable de balayer le vieux et de créer le nouveau ». (Lénine)

Vincent Gouysse,

le 04/12/2020 pour www.marxisme.fr



Articles Par : Vincent Gouysse

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