Syrie: le dernier avertissement de la Turquie?

L'ultimatum lancé par Ankara à Damas expire dans deux jours

Analyses:

Les relations entre la Turquie et la Russie deviennent vraiment tendues ces derniers temps. Les forces gouvernementales syriennes soutenues par l’aviation russe ont remporté une victoire écrasante en 2020 contre l’Armée nationale syrienne alliée aux Turcs dans la zone de désescalade d’Idlib, en plaçant le président Recep Erdogan et ses partisans dans une position très difficile.

Depuis le début du conflit armé en Syrie en 2011, le dirigeant turc était hostile envers le président Bachar al-Assad et son gouvernement. Et sa position n’a pas changé à ce jour.

En menant des opérations à Afrin et au nord de la Syrie Recep Erdogan cherchait formellement à garantir la sécurité de la frontière sud de son pays contre les unités des forces d’autodéfense kurdes. Dans l’ensemble cette mission était assurée par les groupes armés de radicaux musulmans syriens et d’opposants de l’Armée syrienne libre contrôlés par les Turcs.

Ankara a réussi à rejoindre la coalition de Moscou et de Téhéran ayant pour objectif principal de neutraliser les groupes armés illégaux sur le territoire syrien. Conformément aux accords d’Astana, tous les groupes sans exception, l’opposition y compris, doivent être désarmés. Où qu’ils se trouvent.

En conformité avec les accords de Sotchi de 2018 conclus avec la Russie, la Turquie s’est engagée à séparer dans les plus brefs délais dans la zone de désescalade d’Idlib les forces antigouvernementales d’opposition modérées des groupes islamistes radicaux, à saisir tous les armements lourds et à ouvrir d’ici la fin de l’année deux autoroutes. Rien de cela n’a été fait.

Recep Erdogan comptait utiliser ces forces pour combattre le gouvernement syrien et garder le nord du pays sous contrôle turc. Mais en vain. D’abord parce que les Américains l’ont devancé et ont pris le contrôle de la plupart des champs pétroliers contestés par le dirigeant turc. Puis c’est la Russie qui a constitué un obstacle insurmontable, dont la présence militaire en Syrie est devenue un facteur déterminant du comportement de Recep Erdogan.

Dans peu de temps ce dernier devra prendre une décision: faire la guerre contre la Syrie ou non.

Cette guerre ne serait pas soutenue par les puissances d’Europe occidentales (la France et l’Allemagne). Malgré la menace turque d’ouvrir aux 2-3 millions de réfugiés accumulés en Turquie la porte du Vieux Continent. La direction de l’Otan a déclaré qu’elle était du côté de la Turquie et qu’elle prendrait sa défense en cas de guerre contre la Syrie. Cependant, il est peu probable que les alliés européens de l’Otan partent en guerre. Premièrement, ce n’est pas prévu par la charte: les Turcs combattraient sur un territoire étranger. Deuxièmement, la perspective d’être confrontée face à face à la Russie ne séduit pas tellement les Européens.

Dans ce cas il est possible que les pays y participent dans le cadre d’accords bilatéraux clos. Mais qui serait le sponsor des participants?

Washington s’est sincèrement réjoui des dures déclarations antisyriennes de Recep Erdogan et, par conséquent, d’une détérioration significative des relations avec la Russie. Le Pentagone a immédiatement réagi à la requête d’Ankara de déployer dans les régions au sud de la Turquie frontalières avec la Syrie deux batteries de systèmes antiaériens américains Patriot. Selon des informations non vérifiées, le déchargement d’avions de transport avec de tels systèmes a commencé à la base aérienne turque d’Incirlik.

Certes, Recep Erdogan est capable de prendre une autre décision irréfléchie et d’ouvrir un nouveau front de bataille contre Bachar al-Assad. Mais dans ce cas les forces turques feraient l’objet d’une riposte non seulement du côté de la Syrie, mais également de la Russie. Et cette frappe serait très douloureuse pour la Turquie.

Le calcul que la Russie dépend considérablement de la préservation de ses intérêts économiques et politiques de la position turque est complètement erroné. Après une action militaire intransigeante les Turcs devront quitter la Syrie, et les sanctions économiques russes qui suivront, comme après la destruction du Su-24 russe dans le ciel syrien en 2016, auraient un impact imprévisible sur l’économie turque.

C’est pourquoi les partisans du président turc doivent peser les conséquences éventuelles d’une nouvelle aventure et chercher des solutions indolores qui existent encore au problème, tout en comptant sur la bonne volonté des politiques de Moscou. Or ils connaissent le prix de la guerre et ne la souhaitent pas.



Articles Par : Observateur Continental

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