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Talabani met la peine de mort en sursis
Par Bolenge Ngbanzo
Mondialisation.ca, 18 novembre 2010
Afrique actu 18 novembre 2010
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Alors que Tarek Aziz, l’ancien vice 1er ministre de Saddam Hussein croupit toujours en prison, dans le couloir de la mort, le président irakien, Jalal Talabani répond à la presse lors d’une internationale socialiste mardi dernier qu’il ne signera pas l’ordre d’exécution de Tarek Aziz. Agé de 74 ans, l’ancien vice-Premier ministre de Saddam Hussein a été condamné à mort par pendaison pour sa participation dans la persécution des chiites en 1999.

En 2009, M.Aziz avait été condamné à sept ans de prison par ses juges pour sa participation aux exactions contre les Kurdes en 1980. Mais, il était également accusé d’avoir fait exécuter 42 marchands coupables de la flambée des prix des denrées alimentaires au début des années 1990. C’était du temps de la crise due à l’embargo économique de l’Irak. L’infortuné collaborateur du dictateur irakien devrait donc s’attendre à plusieurs condamnations pour la longue liste de ses griefs. Toutefois, depuis cette condamnation à mort de Tarek Aziz, le président irakien Talabani a subi plusieurs pressions de la communauté internationale dont l’Italie et un grand nombre de pays européens qui sont contre la peine de mort. Le chef de la diplomatie italienne Franco Fratinni avait début novembre personnellement saisi par courrier le 1er ministre Nouri al- Maliki pour faire pression en annulation de cette condamnation. C’est d’ailleurs le courant actuel de nombreux pays démocrates hormis les Etats-Unis qui résistent encore pour des raisons particulières à supprimer de leur code cette peine barbare.

Le président irakien Jalal Talabani qui a été réélu le 12 novembre dernier, a en effet déclaré son opposition dans un élan de ‘’real politik’’ : « Non je ne signerai pas la condamnation à mort de Tarek Aziz, je ne signerai aucune condamnation à mort car en tant que socialiste-démocrate, je suis contre celle-ci, par principe ». Et pour rester logique avec sa position , il a avancé, en regard de la personnalité du condamné et par rapport aux derniers massacres des chrétiens irakiens, que « C’est un irakien chrétien et il ne doit pas être exécuté, et c’est un vieil homme dont l’âge a dépassé les 70 ans.’’

En tout état de cause, l’Irak a besoin d’une vision de réconciliation avec lui-même que principalement cette peine capitale, une condamnation qui ne résout absolument rien au regard des statistiques de criminalité, en Irak particulièrement. Il est un fait que la solution aux problèmes de crise identitaire des Irakiens ne se situe ni dans une corde de pendaison, et encore moins dans les prisons. Il faudrait bien une réconciliation avec l’identité irakienne qui se réfère à une conscience d’appartenir à une nation. Or cette homogénéité fait défaut à l’Irak. C’est ainsi que la haine se perpétue, que Saddam Hussein lui-même a dû se servir de cette division pour mieux asseoir son autorité sur les autres ethnies. Et le pouvoir illimité abusant, il s’est laissé obnubiler en fantasmant sur l’apparent soutien de ses alliés occidentaux qui lui fournissaient armes et autres attributs pour étaler sa puissance. C’est par cette politique affairiste que l’on fabrique des tyrans.

Fermant les yeux sur les scandales qui les enrichissaient en soubassement pendant la fameuse période de crise alimentaire due justement à l’embargo, les puissances occidentales soutiennent toujours ceux qui desservent leurs intérêts d’abord, en terme de profit. C’est ainsi que tout bain de sang dont le spectacle des pendaisons, loin de concourir à la pacification est tellement banalisé que le peuple en réclame encore comme si cela allait de soi de revenir à la loi du Talion alors que le monde évolue. L’Irak a donc fort à faire pour se débarrasser de cette vision surannée du droit. Cela ne fait que garder le statu quo mental de haine et faire tourner la planche de vengeance un peu comme de maffia italienne. Entre-temps aucune parade aux chocs traumatiques des enfants de la guerre qui risquent demain de devenir récurrents et provoquer des hostilités qui n’en finissent pas. C’est pour toutes ces raisons de se donner une chance de s’en sortir que le président Talabani a dit : ‘’… je ne signerai jamais sa condamnation à la peine capitale »

On doit se dire en effet qu’une peine devient inutile quand elle n’atteint plus son but social d’amener le condamné à s’amender et à accepter de se recaser . La raison du refus de signer cet ordre est en soi un acte de calcul politique et tactique pour ne pas donner le change aux accros du Baas, le parti de Saddam Hussein. Aussi, c’est un exemple pour tous les Irakiens responsables qui devraient dépasser leurs divisions pour arriver à déposer définitivement les armes et reprendre une vie normale. Il n’y a que par la paix que l’Irak pourrait retrouver vie. Un moyen d’y arriver définitivement plutôt que ce refus serait évidemment serait d’édicter une loi qui abroge une fois pour toutes la peine de mort en Irak. Mais l’on comprend que cela demande un certain temps. Talabani n’a fait que lancer courageusement cette machine.

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