Tanya Reinhart, une combattante infatigable pour la dignité humaine et la justice
Tanya Reinhart, universitaire israélienne de renom, écrivain, et surtout militante de toujours contre le colonialisme israélien, nous a quittés le 17 mars. Hommage à « l’une des défenseurs des droits humains les plus courageux et les plus dignes » selon Chomski.
C’est vraiment un mois terrible ! Après Mai Ghousoub et Joseph Samaha morts brusquement alors qu’ils avaient encore tant à nous apporter, nous apprenons aujourd’hui la triste nouvelle de la mort inattendue de notre amie et camarade Tanya Reinhart.
Tanya Reinhart
J’ai rencontré Tanya sur le campus de l’université hébraïque de Jérusalem à Givat Ram, au début de l’année 1968. Elle distribuait des tracts qui dénonçaient la récente occupation de la Cisjordanie et de Gaza, et elle essayait d’empêcher son mari, Yossi, d’avoir de gros ennuis avec une bande de voyous fascistes qui attaquaient le petit groupe de militants de gauche. J’ai décidé d’intervenir dans la bagarre et au bout de deux minutes j’étais dans la piscine de l’université. Tanya m’a aidé à sortir de l’eau et m’a simplement dit « Je ne vous connais pas, il faut qu’on parle », et ce fut le départ de quatre riches décennies de partenariat politique.
Nous étudiions tous les deux la philosophie et la bibliothèque du département fut la salle de classe où j’ai fait les premiers pas de mon éducation politique auprès de Tanya, de Yossi et de Reuven Kaminer qui était leur dirigeant dans la section locale du Parti communiste, jusqu’au moment où ils ont tous quitté le parti pour une sorte d’idéologie « nouvelle gauche ».
Aujourd’hui beaucoup de militants y prétendent mais Tanya était l’une des très rares personnes qui pouvait honnêtement affirmer s’être opposée à l’occupation israélienne depuis le début. Jusqu’à ce qu’elle quitte Israël pour continuer ses études au MIT (l’Institut de Technologie du Massachusetts), Tanya s’est impliquée à fond dans le combat, marginal mais courageux, pour l’obtention des droits pleins et entiers du peuple palestinien.
Récemment, elle n’avait guère d’espoir que nous puissions changer la guerre d’agression d’Israël et des Etats-Unis au Proche-Orient : il y a un mois, je l’ai contactée pour qu’elle me donne son accord pour publier l’un de ses articles et elle m’a dit combien elle avait d’admiration pour ces militants qui continuaient la lutte en Israël – son admiration mais aussi son scepticisme.
Nous avons eu des désaccords. Surtout en ce qui concerne ce que j’avais l’habitude d’appeler la manière « chomskyenne » dont elle analysait la situation, à savoir que toute action de la direction israélienne s’inscrivait dans un plan et un cadre clairement préétablis. En tant qu’enseignante et en tant qu’amie, elle ne laissait passer aucune incohérence, aucun désordre , aucune contradiction inhérente. C’est pourquoi elle pariait toujours pour le pire scénario et elle était parfois surprise quand « le plan » s’effondrait en fiasco, comme lors de la dernière agression israélienne au Liban.
Mais malheureusement pour nous tous, elle faisait souvent le bon pari : au Proche-orient, c’est souvent le pire qui est le bon pari.
Aujourd’hui, nous avons perdu l’une des analystes les plus acérés du camp anticolonialiste en Israël, et une combattante infatigable pour la dignité humaine et la justice.
traduction et chapeau : C. Léostic, Association France Palestine Solidarité